Une semaine après le chavirement de la pirogue aux îles de la Madeleine, Aminata Gning est toujours sous le choc. Même si elle a réussi à échapper avec ses deux filles à la mort, elle a perdu sa fillette cadette, Anna Niang, âgée de 1 an 8 mois.
Interrogée par l’Obs, elle revient sur les moments du drame. Un récit glaçant. « (…) nous avons trouvé sur l’île d’autres personnes majoritairement des Blancs. Sur place, nous avons préféré aller à la piscine. C’est un endroit calme et c’est là -bas que nous avons campé. Les enfants s’amusaient dans la piscine et tout allait bien. Soudain, un gros nuage a enveloppé le ciel et le temps qu’on se prépare pour trouver un abri, un vent violent à commencer à souffler. Il est suivi d’une forte pluie et des grondements de tonnerre. Nous avons pris les enfants et sommes allées nous réfugier sous la grotte. Malheureusement, nous avons trouvé qu’elle était pleine. Ce qui fait que ma sœur et moi sommes restées sous la pluie. J’avais ma fille Anna dans les bras, je l’ai serrée sur ma poitrine pour la protéger de la pluie, mais elle pleurait sans cesse. Tout le monde avait peur et quelqu’un a demandé d’éteindre nos téléphones à cause des éclairs », confie-t-elle à l’Obs.
Elle poursuit : « Quand la pluie s’est arrêtée vers 18h, nous avons appelé au niveau de l’embarcadère pour demander d’être secourus. Ils nous ont dit qu’une équipe viendra nous prendre. Nous sommes restés plus de deux heures à attendre. Et entre temps, la pluie a recommencé. C’est vers 20h qu’une pirogue est venue nous chercher. Quand la pirogue est arrivée, les gens se sont précipités pour monter et prendre les gilets de sauvetage. J’étais parvenue à monter et trouver un gilet pour tous les enfants. Mais, comme ma sœur ne pouvait pas se précipiter à cause de sa grossesse, elle n’avait pas de gilet, de même que d’autres personnes. J’ai, donc, pris le gilet de ma fille Anna, pour le donner à ma sœur ».
Racontant toujours le récit du drame, elle dit : « Quand tout le monde est monté, ma sœur a dit au capitaine que la pirogue était surchargée et que c’était risqué d’embarquer tout le monde. Le monsieur lui a demandé de se taire et que la pirogue peut amener tout le monde. Mais à peine-a-t-on quitté que la pirogue a commencé à prendre de l’eau. C’est arrivé au niveau de la petite île que l’autre conducteur a demandé au capitaine de faire demi-tour et de retourner à la grande ile. Mais entre-temps, une grande vague a frappé la pirogue et le capitaine nous a demandé de sauter. La vague a englouti la pirogue et c’était le sauve-qui-peut.
Dans ce désordre, j’ai serré très fort ma fille Anna sur la poitrine, les deux autres avaient des gilets. Je ne sais pas nager mais c’est l’instinct de survie qui m’a guidé et je suis parvenue à retrouver mes deux filles. J’ai attaché mon pagne sur chacune d’elle et je leur ai demandé de faire la planche comme moi. Pendant tout ce temps, j’avais ma fille Anna sur ma poitrine. A un certain moment, je n’en pouvais plus mais par miracle nous sommes arrivés sur l’ile. Dès que j’ai posé mes pieds sur l’île, je me suis dirigée vers Anna, elle était allongée, les yeux grandement ouverts. Je l’ai prise mais elle était restée inerte. J’ai crié et demandé secours mais personne ne m’a répondu. J’ai fait le bouche-à -bouche et le massage cardiaque mais rien. Elle était déjà morte. »
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