« Le principe d’indépendance de la Justice est consacré par la constitution. Mais, ce ne sont que des écrits. Dans les réalités, la justice sénégalaise n’est pas indépendante. Oui. Il y a certes des magistrats qui veulent faire preuve d’indépendance dans leur travail, mais la justice elle-même, le système lui-même, n’est pas indépendant », déclare sans ambages le procureur sur les ondes de la Rfm, repris par Igfm.
Poursuivant sur la même question, Alioune Ndao signale : « on a proclamé dans la constitution que les trois pouvoirs sont indépendants l’un vis-à-vis des autres ». Mais dans la réalité, précise-t-il, « le pouvoir exécutif tient le pouvoir judiciaire, il le nourrit et lui fournit les moyens de son fonctionnement. Le pouvoir législatif a ses moyens propres. Il ne dépend pas de l’exécutif, alors que le budget des magistrats des tribunaux est inséré dans celui du ministère de la Justice. Donc comment peut-on parler d’indépendance dans ce cas? », s'intrroge-t-il.
Teliko, « c’est une affectation-sanction »
Sur l’affectation du juge rebelle et ex-président de l’Ums, Souleymane Teliko, Alioune Ndao ne passe pas par quatre chemin pour cracher ses vérités. «Tout le monde sait qu’entre M. Téliko et l’actuel ministre de la Justice, le torchon brûlait depuis longtemps. Le fait de l’avoir affecté à Tamba, pour moi, est une affectation sanction. Il était président de chambre à la Cour d’appel de Thiès. On l’a affecté à Tamba comme président de chambre à la Cour d’appel de Tamba qui n’est pas encore fonctionnelle. Pour moi c’est une sanction déguisée en affectation ».
Concédant que « l’Etat a le droit d’affecter son agent où il veut », l’ex-procureur de la Crei rappelle que sur ce cas précis, « tout le monde connait les rapports entre Téliko et le ministre de la Justice Me Malick Sall. Leurs rapports sont heurtés ».
« Il y a même des choses qu’on m’a dites que je ne pourrais révéler. Pour moi, c’est une affectation – sanction. Ce n’est pas une promotion. J’estime que c’est le conflit qui l'opposait au ministre de la Justice qui explique l’affectation. Il y a des règlements de comptes dans les affectations, ça, tous les juges le savent. c’est ce qui a engendré le dossier Ngor Diop », révèle-t-il.
« Le pouvoir conféré au ministre de la Justice doit être enlevé »
Pour régler les règlements de comptes qui sous-tendent certaines affectations, Alioune Ndao dévoile les revendications des magistrats à ce propos. « C’est le ministre de la Justice qui propose la nomination de tous les magistrats. Ce que les magistrats revendiquent, c’est que ce pouvoir de proposition conféré au ministre de la Justice soit enlevé et remplacé par une commission collégiale. Celle-ci va scruter les dossier des magistrats candidats à un poste pour proposer au Conseil supérieur de la magistrature les plus méritants », indique-t-il.
Selon lui, pour que le magistrate ait les coudées franches, il faut que sa nomination n’émane pas de la tutelle (le ministère de la Justice). « Tant qu’ils n’instaurent pas cela, le magistrat, à son poste, n’osera pas faire certaines choses car il se dira qu’il sera démis. Je vous parle d’expérience. Tout magistrat qui voudra incarner une certaine indépendance sera alors démis au prochain Conseil supérieur de la magistrature », insiste Alioune Ndao.