« Mal gouvernance et impunité : deux plaies béantes qui laissent de marbre nos « Assisards » de la Mouvance présidentielle », Par Mody Niang


Rédigé le Vendredi 4 Décembre 2015 à 13:15 | Lu 59 fois | 3 commentaire(s)




« Mal gouvernance et impunité : deux plaies béantes qui laissent de marbre nos « Assisards » de la Mouvance présidentielle », Par Mody Niang

Lecteurs, chers compatriotes, dans ma précédente contribution, j’ai essayé de passer en revue avec vous quelques cas flagrants de mal gouvernance toujours restés impunis. Vous vous rappelez qu’en conclusion, je posais une question aux leaders de Bennoo Bokk yaakaar (BBY) et m’engageais à continuer l’exercice dans une ou deux contributions ultérieures.

Pour cette contribution, deux cas retiennent mon attention : l’Université du Futur africain (UFA) et le fameux Festival mondial des Arts nègres (FESMAN). Avant d’aller plus loin, je rappelle que je m’inspire toujours du Rapport 2014 de l’IGE. L’Université du Futur africain (UFA) est née de idée de l’ancien Président de la République (PR) de « doter l’Afrique d’une institution académique de classe internationale, ayant pour vocation de former des cadres africains de haut niveau, en partenariat avec des universités de renom comme Harward University, Massachussetts Institut of Technology, Columbia University de New York, l’Université de Paris-Dauphine, l’Université de la Sorbonne, Tokyo University, Beijing University, entre autres ».

D’un coût initial de vingt-quatre milliards cinquante et un millions trois cent quatre-vingt-sept mille neuf cent quatre-vingt-dix (24. 051. 387. 990) francs, CFA, le projet démarrera avec une enveloppe financière de quinze millions neuf cent dix mille trois cent soixante-six (15.910.366) dollars US tirés de Fonds taïwanais (nous en connaissons d’autres, à peu près du même montant, qui se sont volatilisés). C’est le Projet de Construction de Bâtiments administratifs et de Réhabilitation du Patrimoine de l’Etat (PCRPE) qui en était le Maître d’Ouvrage. Ce choix n’était certainement pas fortuit car le PCRPE était l’un des sièges de la mal gouvernance entre 2000 et 2010 ou 2011, année de sa suppression pour cacher les malversations gravissimes qui y étaient opérées au quotidien.

Les contrôleurs de l’IGE ont révélé, dans ce projet, des dysfonctionnements et des incohérences, notamment le défaut de textes législatifs et réglementaires portant création de cette fameuse université. Les règles de la commande publique étaient piétinées par de nombreuses opérations financières.

« Les études architecturales, de même que les travaux de construction ont été attribués par entente directe, sans concurrence, en dehors des procédures d’appel d’offre prévues en la matière ». On a aussi abusé des dispositions dérogatoires du Décret n° 97-632 du 18 juin 1997, portant réglementation des marchés du PCRPE. Ce décret a fait tellement mal pendant de longues années !

Les mêmes abus ont été constatés au niveau des avenants qui ne tenaient compte d’aucune règle. Ces manquements graves ont ainsi largement profité à des cabinets d’architecture, à des entreprises et à des bureaux de contrôle bien connus. Ainsi, un cabinet d’architecture a pratiquement exigé un avenant, remettant en cause et sans raison valable le montant des honoraires du contrat initial, qui les fixait à cinq cent vingt-neuf millions quatre mille cinq cents (529.004.500) francs CFA en novembre 2001. Six mois plus tard, en juin 2002, l’avenant monte en flèche pour être porté à un milliard quatre cents millions (1.400.000.000) de francs CFA. Soit 2,6 fois plus le montant du contrat initial et pour le même objet, précisent les contrôleurs de l’IGE.

L’UFA nous aura donc coûté des milliards pour presque rien car, quand l’ancien PR quittait le pouvoir, les chantiers étaient envahis par les herbes. Il y a surtout que, quand l’idée lui vint de créer cette université mondiale, celle de Dakar étouffait avec ses plus de 60 000 étudiants. Il illustrait ainsi admirablement le proverbe walaf selon lequel « ku sab sèr jotul, doo tala boot ay gámb ». Le second cas de mal gouvernance qui retient mon attention, c’est le Festival mondial des Arts nègres (FESMAN), qui a dépassé vraiment les bornes.

D’emblée d’ailleurs, les contrôleurs de l’IGE constatent « de nombreuses irrégularités et des pratiques se situant aux antipodes des lois et règlements, ainsi que de la bonne gouvernance ». Outre la nature juridique de l’entité chargée de cette manifestation qui n’a jamais été précisée, « la direction du FESMAN n’a pas correctement exercé ses fonctions managériales et, à cet égard, n’a élaboré ni manuel de procédures, ni documents de planification de son action ». Et ce, malgré la présence en son sein d’un expert-comptable.

Le recrutement et la rémunération du personnel, dont aucun contrôle n’était exercé sur les actes posés, ont occasionné de nombreuses violations de la Loi n° 61-33 du 15 juin 1961 portant statut général des fonctionnaires (modifiée) et de la Loi n° 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail. Il a été aussi noté, relativement à l’exécution financière et comptable, que « des intervenants ont réalisé des recettes et des dépenses sans aucune habilité à cet effet » et que « (des) fonctions d’ordonnateur et de comptable ont été souvent cumulées, en violation des dispositions légales en vigueur ». Tout était confusion, dérive dans cette manifestation dont l’équipe managériale ne pensait peut-être pas devoir rendre compte un jour. Ainsi, on a abusé des décrets d’avance pour financer le FESMAN et gaspillé énormément de « ressources publiques engagées dans des opérations exécutées, au surplus, dans l’illégalité la plus manifeste ». Sans compter que, dans le cadre de cette manifestation, « toutes les transactions ont été marquées par une violation flagrante du Code des Marchés publics, aucune mise en concurrence n’ayant été organisée ». C’était vraiment du maa tey, la pratique à outrance du yaa ma neex. En d’autres termes, on faisait ce qu’on voulait et à la tête du client, du client bien choisi.

Ce qui soulève encore plus la surprise et l’indignation, c’est que le Ministère de l’Economie et des Finances était de la partie. « (Des) pratiques inédites et malsaines, perpétrées avec (son) aval, ont été relevées à l’occasion des opérations dites de clôture ». Oui, le Ministère l’Economie et des Finances.

Terrible ! Oui, terrible, bien terrible ! « Un simple particulier, constatent les contrôleurs de l’IGE, a été constitué comptable public de fait, et chargé de manipuler des deniers publics mis à disposition par une banque privée de la place, dans le cadre d’un prêt consenti au FESMAN, d’un montant de quinze milliards (15 000 000 000) de francs CFA ». Quinze milliards de francs CFA virés dans le compte de ce particulier (très ami à l’ancien PR et proche de Touba) ! Quinze milliards issus, semble-t-il, d’un prêt de la Banque islamique de Développement (Bid) au Trésor public et, que le pauvre contribuable va payer, sans en avoir seulement vu la couleur !

L’homme d’affaires sulfureux avait théoriquement pour rôle de désintéresser des tiers créanciers du FESMAN. Il semble qu’il ait eu toutes les peines du monde pour justifier la destination de ces 15 milliards devant les enquêteurs de l’IGE. Pour seule explication, il aurait soutenu que l’argent a été » utilisé (…) pour les frais de déménagement du village-Fesman » (c’est mon commentaire, pas celui de l’IGE). En tous les cas, « de nombreux paiements ont été effectués par remises directes d’espèces, pour des montants particulièrement élevés, en violation flagrante de l’article premier de l’arrêté n° 6055 MEF/DGCPT du 22 août 2003 », précisent les contrôleurs de l’IGE. Ils font ensuite état « de fortes présomptions de fraudes, de corruption et de blanchiment d’argent » découlant d’« une certaine opacité voulue et entretenue dans les transactions financières du FESMAN ».

L’ancien PR est apparu alors, aux yeux des contrôleurs, comme « un acteur principal du FESMAN, en choisissant des entreprises devant effectuer des travaux, tout comme en se constituant ordonnateur et exécutant de dépenses, même étrangères à cette manifestation, pour un montant de six milliards quatre cent vingt-cinq millions huit cent trois mille six cent quarante-six (6 425 803 646) francs CFA ». Terrible ! Encore terrible ! Trahison peut-elle être plus haute ?

Ce n’est pas tout. Les contrôleurs signalent la contribution d’un pays ami du Sénégal d’un montant d’un milliard (1 000 000 000) de francs CFA qui lui a été remise par un plénipotentiaire de ce pays. Aucune trace, nulle part, de l’encaissement de cette somme qui s’est pratiquement volatilisée, comme de nombreux autres milliards d’ailleurs. Peut-être, a-t-elle servi à l’achat, par l’ancien PR et à titre personnel, d’un terrain sis à Ngor d’une superficie de cinq mille quatre cent trente-cinq (5435) mètres carrés, pour justement un montant d’un peu plus d’un milliard (1 000 000 000) de francs CFA. Ce terrain devait servir, justifiait-il, à réaliser deux sites pour héberger les festivaliers.

Naturellement, cette transaction frauduleuse (c’est moi qui la qualifie ainsi et elle l’est) est marquée par des « irrégularités fiscales, les droits d’enregistrement, la taxe sur la plus-value immobilière et les pénalités pour objet tardif n’ayant pas été acquittés, pour des montants respectifs de cent soixante-dix-sept millions trois cent sept mille quatre cent quarante-neuf (177 372 549) francs CFA et quatre-vingt-quatorze millions six cent vingt et un mille sept cent vingt et un (94 621 721) francs CFA »1. Terrible, encore terrible !

Ah ! S’il s’agissait d’un citoyen lambda, une lourde sanction ne tarderait pas à s’abattre sur lui. 1 Certaines sources avancent qu’il s’est acquitté de ces taxes. J’en douterai, jusqu’à preuve du contraire. Les contrôleurs de l’IGE soupçonnent aussi de grosses surfacturations dans la réalisation des sites d’hébergement des festivaliers. Les experts les estiment à cinq milliards quatre cent soixante millions neuf cent trente-trois mille quatre-vingt-neuf (5 460 933 089) francs CFA. Ils terminent par pointer du doigt les grosses failles qui ont entaché l’organisation du FESMAN tout au long du processus : absence de démarche planifiée et improvisations à chaque étape du déroulement des procédures et opérations, le tout conduisant directement à « un constant pilotage à vue qui a érigé en règle la mal gouvernance ».

Rien de vraiment étonnant donc que la participation du Sénégal à l’organisation du FESMAN qui était prévue au départ pour coûter cinq milliards (5 000 000 000) de francs CFA, nous a coûté finalement quatre-vingts milliards (80 000 000 000) de francs CFA. Sans compter des sommes importantes encore « dues » à de nombreux créanciers qui continuent de réclamer le paiement de leurs « prestations ». En attendant une ou deux autres contributions pour continuer l’exercice, essayons de tirer des leçons des deux cas de mal gouvernance que je viens de passer en revue. Le lecteur doit s’interroger avec moi sur le calme, le silence lourd que s’imposent nos gouvernants, malgré l’extrême gravité des actes de mal gouvernance que les contrôleurs de l’IGE ont mis en évidence.

Comment un Ministre de l’Economie et des Finances, qui doit être la sentinelle vigilante de nos maigres deniers publics, peut-il avaliser sans état d’âme certains actes défiant tous les textes de loi et de règlement qui sont à la base d’une ouvernance publique de qualité? C’est le contraire qui eût étonné, si on considère son compagnonnage de onze (11) ans avec l’ancien PR. On le présente d’ailleurs comme au moins aussi riche que Crésus. Il se la coule douce dans un grand et beau pays du Nord, depuis la défaite de son acolyte. Quant à l’ancien PR, il est responsable de tout. C’est lui qui orchestrait tous les mauvais coups.

Pour que son mauvais exemple ne prospère pas, la haute trahison devrait être clairement définie. Son départ du pouvoir n’a en tout cas pas fondamentalement changé le mode de gouvernance. Au contraire, sûrs de l’impunité, les nouveaux tenants du pouvoir se signalent par des actes qui sont aux antipodes de la bonne gouvernance. Le dernier rapport de l’ARMP l’illustre parfaitement. Ils continueront sûrement le massacre, puisque personne ne dit pratiquement plus rien : ni le Président de la République, ni nos « Assisards » de la mouvance présidentielle, ni certains rescapés de la Société civile qui sont de moins en moins audibles.

Mody Niang
Source : Think tank ipode




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