Macky Sall veut un pouvoir autocratique au Sénégal ; il faut l’arrêter - Par Mamadou Diop Decroix


Rédigé le Mercredi 30 Décembre 2015 à 03:07 | Lu 66 fois | 1 commentaire(s)



Que seraient devenus les journalistes français du « monde » s’ils officiaient en terre Sénégalaise ? Envoyés croupir au fond des lugubres cellules de la prison de Rebeuss. Mais puisqu’il s’agit du ‘Monde’, on fait profil bas et surtout pas de saisine de la justice. A preuve, ceux qui, ici au Sénégal, hommes politiques ou journalistes, se sont fait remarqués en interpellant le Président Sall sur l’argent russe supposé avoir été distribué à l’Opposition dont il était, en son temps, un membre éminent, ont été cueillis nuitamment, manu militari comme de vulgaires bandits.


Macky Sall veut un pouvoir autocratique au Sénégal ; il faut l’arrêter - Par Mamadou Diop Decroix
Pour les journalistes, leur incarcération étant pour l’instant exclue au vu des dégâts que cela est supposé avoir sur l’image de la gouvernance Sall déjà très mal en point hors des frontières, on les relâche. Mais on prend soin, comme c’est devenu la règle, de faire planer l’épée Damoclès sur leur tête : « Soyez à l’écoute du procureur de la République pour des convocations ultérieures ». Donc menaces et intimidations en bonne et due forme. Par contre, s’agissant du Ministre d’Etat Oumar Sarr, député, maire et coordonnateur de la principale formation de l’Opposition, c’est du pain bénit ; il est vite embastillé à Rebeuss où il rejoint Karim Wade son candidat à la prochaine élection présidentielle, pour des motifs aussi fallacieux les uns que les autres. Toute la différence entre un pays – la France - où l’on s’efforce, pour l’essentiel, de respecter la loi, et un autre – le Sénégal - qui glisse inexorablement vers la république bananière. En effet, au Sénégal, les désirs du Président de la République supplantent la loi et le règlement. 

Ainsi, il peut engager le pays dans une guerre sans l’aval du parlement en violation de la constitution : ‘La déclaration de guerre est autorisée par l'Assemblée nationale’ (art 70 dans la constitution de 2008). Il l’a fait dans le cas du Mali. Plus tard, dans le cas du Yémen, Macky Sall a annoncé en personne qu’il allait envoyer les troupes guerroyer au Yémen ajoutant qu’il en informerait l’Assemblée nationale « par courtoisie » (je souligne). A ceux qui exprimaient leur désaccord, il ordonne le silence : « Le Chef suprême des armées a décidé, un point un trait. Pas de discussion là-dessus. Cela doit être entendu par tout le monde ! » CQFD. 

· Aujourd’hui, c’est une dépêche d’agence étrangère qui nous apprend que notre pays le Sénégal, est partie à une coalition qui va se battre contre Daech (Etat ‘Islamique’). Et, dans ce cas-ci, l’Assemblée nationale n’est même pas informée « par courtoisie » encore moins saisie pour validation. Le Nigéria est si proche et nos sœurs et nos frères y meurent par centaines et par milliers dans une guerre de lâches imposée par Bokko Haram, mais l’on préfère détourner le regard parce qu’on n’est pas noté sur le Nigéria mais sur le théâtre des opérations qui retiennent l’attention des « partenaires ». 

· Comme du temps de la lettre de cachet*, le Président peut mettre en prison qui il veut notamment un adversaire politique, quand bien même celui-ci serait couvert par l’immunité parlementaire, sans l’aval du bureau de l’Assemblée nationale tel que stipulé par notre constitution. 

· Quand la cour suprême annule un arrêté du ministre de l’éducation et que ce dernier refuse publiquement de s’exécuter, le Président de la République trouve le moyen de s’en mêler. Non pas pour intimer l’ordre à son ministre de se plier à la décision du juge comme cela est naturel dans toute démocratie qui se respecte, mais pour clamer haut et fort son soutien à ce dernier. Pourtant, aux termes de l’Article 42 de la Constitution, « le Président de la République est le gardien de la Constitution » donc du respect du principe sacro saint de la séparation des pouvoirs. Il ne doit même pas commenter les décisions de justice à plus forte raison proclamer publiquement son soutien à une personne (physique ou morale) condamnée. 

· Lorsque la presse annonce qu’un membre du gouvernement a congédié des magistrats de la Cour des comptes venus faire leur travail, le sujet est traité comme un fait divers par l’autorité et classé sans suite. 

· On fait dresser une liste d’adversaires politiques à qui l’on interdit de sortie du territoire depuis des années sans aucune décision du tribunal. Lorsque la Cour de justice de la CEDEAO déclare la mesure illégale, on refuse de l’exécuter. 

Et puis, comme si de rien était, l’on en choisit un que l’on met dans son avion pour voyager. Et puis il y a cette disposition saugrenue de la loi sur « l’offense au chef de l’Etat » qui a permis d’interpeller les journalistes après avoir permis d’envoyer plusieurs opposants en prison. 

N’est-ce pas là un beau palmarès qui ferait pâlir tous les envieux, de la part d’un leader né après les indépendances. Qui dit mieux ? 

J’ai cherché qui pouvait dire mieux et j’ai trouvé Kim Il Sung : « Grand Leader suprême, Lumière qui guide le peuple, Soleil rouge des peuples opprimés, Génie de la création, Etoile polaire de l'humanité** » et j’en passe. 

Bien sûr, les adversaires de Kim Il Sun cherchent à ternir son image en rappelant qu’il a réduit le PNB de la Corée du Nord à 10% de celui de la Corée du Sud. Mais ici nous faisons de notre mieux. Dans le classement des pays pauvres, nous étions devant plus d’une soixantaine il y a cinq (5) ans. Aujourd’hui, nous avons réalisé une grande prouesse en rejoignant gaillardement le lot des 25 pays les plus pauvres de la planète. Et cerise sur le gâteau, le tout dernier rapport du PNUD indique que le Sénégal est passé du 118ème rang dans l’indice sur le développement humain (IDH) l’année dernière, à 170ème cette année ! En termes clairs nous avons perdu une cinquantaine de places. Du PSE s’il vous plaît ! 

Concluons : Macky Sall ne reculera pas d’un iota dans sa politique de répression et de mépris de la loi aussi longtemps qu’il ne rencontrera pas une résistance populaire plus forte que sa détermination à liquider les acquis politiques et sociaux de plusieurs décennies de combat de notre peuple. La pauvreté et la misère qui se répandent comme une traînée de poudre dans notre pays avec leur corollaire l’ignorance ne sont-elles pas le terreau propice du terrorisme ? 

Dès lors, le seul et unique combat qui vaille la peine d’être mené et sur lequel était attendu le jeune Président élu à 65% devrait porter sur l’éradication de la pauvreté et de l’ignorance et non l’éradication – impossible – de son opposition. Pour s’être trompé ( ?) de combat, Macky ne s’occupe que de ses adversaires depuis qu’il est à la tête du pays et ne dispose d’aucun temps pour travailler au respect des engagements qu’il avait pris devant les Sénégalais. 

Ce qui se passe sous nos yeux renseigne profondément sur notre véritable retard qui ne se mesure pas aux routes crevassées ou au déficit d’infrastructures scolaires ou sanitaires mais se mesure plutôt à l’incapacité des ‘élites’ dirigeantes à réformer leurs têtes en osant se débarrasser du « Parti de l’Etranger » pour reprendre l’excellente formulation de Babacar Justin Ndiaye. 

Pour sauver ce pays nous devons tous nous unir, par delà les barrières idéologiques, doctrinales ou partisanes puisque le danger est radiale. La seule cause qui vaille aujourd’hui est celle du salut public. 

Alors vivement un vaste front uni de salut public pour enrayer ce processus de descente aux enfers et restaurer la dignité et la fierté de ce peuple qui n’a jamais courbé l’échine en ce qui le concerne. 

Ce 26 décembre 2015 

*Une lettre de cachet est, sous l’Ancien Régime en France, une lettre servant à la transmission d’un ordre du roi, permettant l'incarcération sans jugement, l'exil ou encore l'internement de personnes jugées indésirables par le pouvoir. Elle présente les avantages de la discrétion et de la rapidité pour le monarque. Aussi est-elle parfois préférée au procès public lorsque l'importance de l'affaire risque d'éclabousser l’État (wikipedia). 

** Par Epstein Marc, dans l’Express du 14/07/1994 

Mamadou Diop « Decroix » 

Député, membre du Groupe parlementaire des libéraux et démocrates 
Secrétaire Général d’AJ/Pads 
Coordonnateur du Front patriotique pour la Défense de la République
 
 



1.Posté par amina la metisse et bijou le 30/12/2015 16:14
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