SENENEWS.COM – Ainsi donc, il va falloir encore proclamer l’intention du gouvernement sénégalais de s’acheminer vers « l’interdiction totale de la mendicité des enfants dans les rues ». Alors q’une loi a été adopté depuis 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées comme l’exploitation de la mendicité d’autrui. La situation qui sévit est telle que malgré l’existence de ce dispositif juridique, le constat est qu’au Sénégal, beaucoup d’enfants subissent diverses formes d’exploitation qui portent atteinte à leurs droits.
Alors semblant prendre conscience de la gravité de la situation humanitaire qui pèse sur les milliers d’enfants qui arpentent les ruelles de Dakar, le Gouvernement sénégalais montre les muscles en affirmant sa détermination à lutter contre la mendicité et à encadrer les écoles coraniques. Déclenchant une bronca de certaines autorités religieuses qui ont aussitôt agité la menace de manifestations si le gouvernement se hasardait à toucher à leur pré-carré maraboutique.
Il est une lecture simple de l’incendie de la Daara de Médina qui a coûté la vie à plusieurs enfants. Une lecture si simple qu’elle en est dangereuse.
Résumons là : les Daaras, dira t-on, ces écoles coraniques, sont un frein au développement. Exploités et asservis, des milliers de jeunes enfants sont à la merci de marabouts cupides. Entassés dans des logements insalubres par des maîtres coraniques irresponsables, ces enfants sont exposés aux pires dangers de la promiscuité.
Cette lecture simpliste ne correspond pas, hélas, à la réalité. Profitant de l’irresponsabilité de parents démunis, d’une politique nationale éducative déséquilibrée, d’une gestion informelle de la question sociale et d’une interprétation religieuse biaisée, de nombreuses écoles coraniques ont joué et jouent un rôle social et politique d’encadrement d’une jeunesse dont on n’ose imaginer les voies périlleuses qui l’auraient accueilli n’eussent existés ces Daaras.
Cela étant dit, l’on ne saurait accepter l’inacceptable. Concevoir l’inconcevable. Aucun Etat au monde ne peut admettre et accepter une telle pratique. Elle heurte la dignité et freine l’espoir. Elle est l’échec de la société.
Cette masse silencieuse qui de l’aube au crépuscule mendie sa pitance est une honte pour un pays développé. Ces enfants, dont nous n’osons croiser le regard, à qui nous jetons une piécette pour nous déculpabiliser et recueillir une éventuelle bénédiction divine, sont l’aveu de notre impuissance et de notre échec.
La mendicité au Sénégal est omniprésente, mendicité discrète, entre sénégalais, parfois agressive à l’égard des touristes. C’est sans doute la plainte principale des touristes, cette sensation d’être poursuivi, agressé, essentiellement par des troupes d’enfants, mais aussi par des adultes, qui se proposent par exemple avec insistance de vous guider, et réclament ensuite pour cela un salaire.
Sur l’affaire des Daaras, la seule chose qu’on peut reprocher au gouvernement sénégalais c’est d’abord son incapacité à appliquer et à faire respecter la loi interdisant la mendicité. Ensuite le non encadrement depuis des décennies du système des écoles coraniques. Jouant un rôle social et éducatif indéniable, les Daaras, comme les marabouts, ont poussé comme des champignons devenant de véritables voies de reconversion professionnelle pour tous ceux qui sans le comprendre savaient réciter le Coran.
A ce niveau de prise en charge d’un phénomène qui a de tout temps miné la société, il est attendu du Gouvernement des solutions d’une grande portée à défaut de son éradication pure et simple. Il est vrai que dans un pays où le pouvoir d’achat est insignifiant et le chômage galopant et où le pouvoir maraboutique est aussi puissant qu’impuni, il n’est pas aisé de distinguer le vrai guide religieux de l’escroc abusant de la foi et du dénuement de familles démunies.
Le mérite d’une approche pragmatique et officielle sera alors d’établir un cadre précis d’accréditation, de recensement, d’évaluation et de contrôle des Daaras sur les plans pédagogique, social et sanitaire de façon à pouvoir mettre en place une aide organisée des pouvoirs publics acheminée à travers des canaux officiels garantissant le respect de la dignité humaine.
Les retombées d’une telle politique seront aussi multiples qu’inestimables. Elle mettra fin à l’abominable exploitation des enfants et des malades par ces pseudo marabouts véreux, mus par le gain rapide et facile ainsi que tous les réseaux qui les dirigent dans l’ombre. Si la menace d’emprisonnement est brandie contre tous ceux qui font de l’innocence et de la détresse des enfants un moyen pour s’enrichir, il y a lieu aussi d’impliquer et de responsabiliser le mouvement associatif qui gravite autour de l’enfance. Ce dernier doit remplir sa mission de défense et de protection de cette frange fragile de la population. Car pour l’heure, force est de constater une totale inertie de la part de ces associations, mis à part une certaine effervescence qui s’empare de leurs membres à l’occasion de catastrophes comme celle de la Médina.
L’implication effective dans la lutte contre la mendicité ne doit évidemment pas se limiter qu’aux autres et à la simple répression des effets visibles qui indisposent le regard des dirigeants du pays et qui témoignent de leur responsabilité. Il doit être surtout question de s’attaquer aux origines de la paupérisation des couches sociales qui fait le lit de la mendicité et un terrain propice pour des imposteurs de tout acabit.
Karfa Sira Diallo
Alors semblant prendre conscience de la gravité de la situation humanitaire qui pèse sur les milliers d’enfants qui arpentent les ruelles de Dakar, le Gouvernement sénégalais montre les muscles en affirmant sa détermination à lutter contre la mendicité et à encadrer les écoles coraniques. Déclenchant une bronca de certaines autorités religieuses qui ont aussitôt agité la menace de manifestations si le gouvernement se hasardait à toucher à leur pré-carré maraboutique.
Il est une lecture simple de l’incendie de la Daara de Médina qui a coûté la vie à plusieurs enfants. Une lecture si simple qu’elle en est dangereuse.
Résumons là : les Daaras, dira t-on, ces écoles coraniques, sont un frein au développement. Exploités et asservis, des milliers de jeunes enfants sont à la merci de marabouts cupides. Entassés dans des logements insalubres par des maîtres coraniques irresponsables, ces enfants sont exposés aux pires dangers de la promiscuité.
Cette lecture simpliste ne correspond pas, hélas, à la réalité. Profitant de l’irresponsabilité de parents démunis, d’une politique nationale éducative déséquilibrée, d’une gestion informelle de la question sociale et d’une interprétation religieuse biaisée, de nombreuses écoles coraniques ont joué et jouent un rôle social et politique d’encadrement d’une jeunesse dont on n’ose imaginer les voies périlleuses qui l’auraient accueilli n’eussent existés ces Daaras.
Cela étant dit, l’on ne saurait accepter l’inacceptable. Concevoir l’inconcevable. Aucun Etat au monde ne peut admettre et accepter une telle pratique. Elle heurte la dignité et freine l’espoir. Elle est l’échec de la société.
Cette masse silencieuse qui de l’aube au crépuscule mendie sa pitance est une honte pour un pays développé. Ces enfants, dont nous n’osons croiser le regard, à qui nous jetons une piécette pour nous déculpabiliser et recueillir une éventuelle bénédiction divine, sont l’aveu de notre impuissance et de notre échec.
La mendicité au Sénégal est omniprésente, mendicité discrète, entre sénégalais, parfois agressive à l’égard des touristes. C’est sans doute la plainte principale des touristes, cette sensation d’être poursuivi, agressé, essentiellement par des troupes d’enfants, mais aussi par des adultes, qui se proposent par exemple avec insistance de vous guider, et réclament ensuite pour cela un salaire.
Sur l’affaire des Daaras, la seule chose qu’on peut reprocher au gouvernement sénégalais c’est d’abord son incapacité à appliquer et à faire respecter la loi interdisant la mendicité. Ensuite le non encadrement depuis des décennies du système des écoles coraniques. Jouant un rôle social et éducatif indéniable, les Daaras, comme les marabouts, ont poussé comme des champignons devenant de véritables voies de reconversion professionnelle pour tous ceux qui sans le comprendre savaient réciter le Coran.
A ce niveau de prise en charge d’un phénomène qui a de tout temps miné la société, il est attendu du Gouvernement des solutions d’une grande portée à défaut de son éradication pure et simple. Il est vrai que dans un pays où le pouvoir d’achat est insignifiant et le chômage galopant et où le pouvoir maraboutique est aussi puissant qu’impuni, il n’est pas aisé de distinguer le vrai guide religieux de l’escroc abusant de la foi et du dénuement de familles démunies.
Le mérite d’une approche pragmatique et officielle sera alors d’établir un cadre précis d’accréditation, de recensement, d’évaluation et de contrôle des Daaras sur les plans pédagogique, social et sanitaire de façon à pouvoir mettre en place une aide organisée des pouvoirs publics acheminée à travers des canaux officiels garantissant le respect de la dignité humaine.
Les retombées d’une telle politique seront aussi multiples qu’inestimables. Elle mettra fin à l’abominable exploitation des enfants et des malades par ces pseudo marabouts véreux, mus par le gain rapide et facile ainsi que tous les réseaux qui les dirigent dans l’ombre. Si la menace d’emprisonnement est brandie contre tous ceux qui font de l’innocence et de la détresse des enfants un moyen pour s’enrichir, il y a lieu aussi d’impliquer et de responsabiliser le mouvement associatif qui gravite autour de l’enfance. Ce dernier doit remplir sa mission de défense et de protection de cette frange fragile de la population. Car pour l’heure, force est de constater une totale inertie de la part de ces associations, mis à part une certaine effervescence qui s’empare de leurs membres à l’occasion de catastrophes comme celle de la Médina.
L’implication effective dans la lutte contre la mendicité ne doit évidemment pas se limiter qu’aux autres et à la simple répression des effets visibles qui indisposent le regard des dirigeants du pays et qui témoignent de leur responsabilité. Il doit être surtout question de s’attaquer aux origines de la paupérisation des couches sociales qui fait le lit de la mendicité et un terrain propice pour des imposteurs de tout acabit.
Karfa Sira Diallo