«Il est inadmissible qu’on barricade la maison d’un citoyen sénégalais qui prétend à la magistrature suprême comme si c’était un état de siège.»
Se prononçant sur la situation d’Ousmane Sonko, quasiment assigné à résidence, Alioune Ndao est formel. Pour lui, il est inadmissible qu’on barricade la maison d’un citoyen sénégalais qui prétend à la magistrature suprême comme si c’était un état de siège.
Plaidant pour que les gens aient le droit de s’exprimer librement, il invite les juges à agir en leur âme et conscience et à ne pas suivre le plan d’un Macky Sall qui, à ses yeux, ne tolère pas l’adversité.
Évoquant l’affaire mettant aux prises Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang, Alioune Ndao est formel : «Un procès en diffamation est une affaire banale, il ne faut pas en faire une affaire d’État». Selon lui, les tribunaux évacuent régulièrement des procès en diffamation, mais il faut juste que la justice tranche en toute quiétude, en tenant compte d’éléments objectifs
«Ousmane Sonko doit respecter la justice et cesser ses attaques contre les magistrats»
Par ailleurs, Alioune Ndao ne manque pas de rappeler à l’ordre le chef de file de Pastef. Pour lui, Ousmane Sonko doit cesser d’attaquer les magistrats ouvertement. «Je n’approuve pas les propos de Sonko à l’endroit de la justice. C’est un justiciable comme les autres. Il doit respecter la justice et ne pas faire un procès à l’avance. Je désapprouve ses attaques contre les magistrats. Qu’il aille se défendre avec ses avocats et préparer sa ligne de défense pour ce procès-là et probablement pour le procès qui suivra (contre Adji Sarr, Ndrl)», laisse-t-il entendre.
D’un autre côté, Alioune Ndao estime que la justice n’est pas indépendante. De son point de vue, il y a des juges debout qui tranchent en leur âme et conscience, mais la justice, globalement, n’est pas indépendante par rapport à l’exécutif. Car le pouvoir a mis une épée de Damoclés sur les juges, à tel point que ceux qui revendiquent leur indépendance, sont relevés automatiquement.
Assurant que les juges ne doivent pas accepter de recevoir des directives contraires à la loi pour faire plaisir au pouvoir, il indique que le fond du problème réside dans le pouvoir de proposition de nomination que le ministre de la Justice a sur les magistrats, le pouvoir qu’il a sur la gestion de la carrière des magistrats.
Pour Alioune Ndao, les chamboulements dans la magistrature ne sont pas anodins. «Il y a de bonnes mesures parce que les gens aspirent à des postes de responsabilité. Mais derrière ces mesures-là, il y a toujours des mesures comme des affectations-sanction. Certains ont été promus, c’est normal. D’autres ont été relevés de leur poste de manière indue, car ils ont refusé de se coucher devant l’exécutif», relève-t-il.
«J’avais des milliers d’indices contre Karim Wade»
Refusant de personnaliser le débat pour ne pas frustrer certains, il prend l’exemple de Khalifa Sall. «Si on prend l’exemple du dossier Khalifa Sall, c’est comme ça que ça s’est passé. Tous les juges qui ont pris le dossier, ont eu des attitudes plus ou moins favorables au régime, et la preuve, c’est que tous ceux qui ont pris des décisions, ont eu des promotions».
Par ailleurs, Alioune Ndao dit assumer entièrement son passage à la Cour de répression de l’enrichissement illicite. «J’assume à 100% tout ce que je fais en tant que procureur spécial dans le dossier Karim Wade. Aujourd’hui, si on me donnait le même dossier, je n’aurais pas changé une virgule à ma démarche (…). Pendant l’enquête et la poursuite, on ne demande pas à un procureur des preuves, on lui demande des indices simplement.
D’ailleurs, la formule légale c’est "indices graves et concordants de nature à entraîner l’inculpation" d’un tel. Et avec Karim Wade, j’avais des milliers d’indices contre lui, et donc, c’est à bon droit que je l’ai poursuivi et demandé son arrestation. Certains disent que c’est Mimi Touré qui l’a emprisonné, mais ce n’est pas vrai. C’est moi Alioune Ndao qui ai ordonné l’arrestation de Karim Wade. C’est moi qui ai écrit l’ordre d’arrestation sur la base des éléments que j’avais. Et je l’assume sans aucun regret.»
«L’amnistie est agitée pour diviser l’opposition»
Dans un autre registre, Alioune Ndao évoque des pistes de réflexion concernant le fonctionnement de la Crei. S’il assume le verdit porté contre Karim Wade, il reconnaît que la traque des biens mal acquis s’est faite de manière sélective.
«Il y a eu une injustice à l’endroit de Karim Wade, pas dans le procès, car je considère que c’est à juste raion qu’il a été jugé et condamné. Mais le problème est qu’il n’était pas le seul fautif. Il y a même plus de 25 personnalités. C’est moi qui ai rédigé la liste quand j’étais au parquet général dans une lettre adressée au procureur de Dakar, Ousmane Diagne, pour qu’il mène des enquêtes. Et par un concours de circonstances de l’histoire, je me suis retrouvé avec la même liste lorsque j’étais procureur spécial», dit-il. Il en veut pour preuve le cas Baldé.
«Quand j’ai arrêté Abdoulaye Baldé, le président de la République ne voulait pas et pourtant je l’ai arrêté. Il m’a appelé jusqu’au Palais pour me demander de ne pas toucher à Abdoulaye Baldé et j’ai refusé. Après, je n’avais plus de contact avec lui, mais je savais que mes jours étaient comptés à la tête du parquet spécial.»
Dans le même sillage, il estime que l’amnistie de Karim Wade et de Khalifa Sall est agitée pour brouiller les pistes. Il s’interroge sur l’opportunité d’une telle mesure à quelques mois de l’élection présidentielle.
«Ce n’est pas innocent. Pourquoi Macky Sall ne l’a-t-il pas fait au début ? Mon avis est qu’il cherche à diviser davantage l’opposition. C’est des calculs politiques», assure Alioune Ndao. Par ailleurs, il propose de faire de la Crei un tribunal chargé de réprimer l’enrichissement illicite et les infractions à caractère économique en général, où il y aura un procureur et un président.
Tribune
Se prononçant sur la situation d’Ousmane Sonko, quasiment assigné à résidence, Alioune Ndao est formel. Pour lui, il est inadmissible qu’on barricade la maison d’un citoyen sénégalais qui prétend à la magistrature suprême comme si c’était un état de siège.
Plaidant pour que les gens aient le droit de s’exprimer librement, il invite les juges à agir en leur âme et conscience et à ne pas suivre le plan d’un Macky Sall qui, à ses yeux, ne tolère pas l’adversité.
Évoquant l’affaire mettant aux prises Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang, Alioune Ndao est formel : «Un procès en diffamation est une affaire banale, il ne faut pas en faire une affaire d’État». Selon lui, les tribunaux évacuent régulièrement des procès en diffamation, mais il faut juste que la justice tranche en toute quiétude, en tenant compte d’éléments objectifs
«Ousmane Sonko doit respecter la justice et cesser ses attaques contre les magistrats»
Par ailleurs, Alioune Ndao ne manque pas de rappeler à l’ordre le chef de file de Pastef. Pour lui, Ousmane Sonko doit cesser d’attaquer les magistrats ouvertement. «Je n’approuve pas les propos de Sonko à l’endroit de la justice. C’est un justiciable comme les autres. Il doit respecter la justice et ne pas faire un procès à l’avance. Je désapprouve ses attaques contre les magistrats. Qu’il aille se défendre avec ses avocats et préparer sa ligne de défense pour ce procès-là et probablement pour le procès qui suivra (contre Adji Sarr, Ndrl)», laisse-t-il entendre.
D’un autre côté, Alioune Ndao estime que la justice n’est pas indépendante. De son point de vue, il y a des juges debout qui tranchent en leur âme et conscience, mais la justice, globalement, n’est pas indépendante par rapport à l’exécutif. Car le pouvoir a mis une épée de Damoclés sur les juges, à tel point que ceux qui revendiquent leur indépendance, sont relevés automatiquement.
Assurant que les juges ne doivent pas accepter de recevoir des directives contraires à la loi pour faire plaisir au pouvoir, il indique que le fond du problème réside dans le pouvoir de proposition de nomination que le ministre de la Justice a sur les magistrats, le pouvoir qu’il a sur la gestion de la carrière des magistrats.
Pour Alioune Ndao, les chamboulements dans la magistrature ne sont pas anodins. «Il y a de bonnes mesures parce que les gens aspirent à des postes de responsabilité. Mais derrière ces mesures-là, il y a toujours des mesures comme des affectations-sanction. Certains ont été promus, c’est normal. D’autres ont été relevés de leur poste de manière indue, car ils ont refusé de se coucher devant l’exécutif», relève-t-il.
«J’avais des milliers d’indices contre Karim Wade»
Refusant de personnaliser le débat pour ne pas frustrer certains, il prend l’exemple de Khalifa Sall. «Si on prend l’exemple du dossier Khalifa Sall, c’est comme ça que ça s’est passé. Tous les juges qui ont pris le dossier, ont eu des attitudes plus ou moins favorables au régime, et la preuve, c’est que tous ceux qui ont pris des décisions, ont eu des promotions».
Par ailleurs, Alioune Ndao dit assumer entièrement son passage à la Cour de répression de l’enrichissement illicite. «J’assume à 100% tout ce que je fais en tant que procureur spécial dans le dossier Karim Wade. Aujourd’hui, si on me donnait le même dossier, je n’aurais pas changé une virgule à ma démarche (…). Pendant l’enquête et la poursuite, on ne demande pas à un procureur des preuves, on lui demande des indices simplement.
D’ailleurs, la formule légale c’est "indices graves et concordants de nature à entraîner l’inculpation" d’un tel. Et avec Karim Wade, j’avais des milliers d’indices contre lui, et donc, c’est à bon droit que je l’ai poursuivi et demandé son arrestation. Certains disent que c’est Mimi Touré qui l’a emprisonné, mais ce n’est pas vrai. C’est moi Alioune Ndao qui ai ordonné l’arrestation de Karim Wade. C’est moi qui ai écrit l’ordre d’arrestation sur la base des éléments que j’avais. Et je l’assume sans aucun regret.»
«L’amnistie est agitée pour diviser l’opposition»
Dans un autre registre, Alioune Ndao évoque des pistes de réflexion concernant le fonctionnement de la Crei. S’il assume le verdit porté contre Karim Wade, il reconnaît que la traque des biens mal acquis s’est faite de manière sélective.
«Il y a eu une injustice à l’endroit de Karim Wade, pas dans le procès, car je considère que c’est à juste raion qu’il a été jugé et condamné. Mais le problème est qu’il n’était pas le seul fautif. Il y a même plus de 25 personnalités. C’est moi qui ai rédigé la liste quand j’étais au parquet général dans une lettre adressée au procureur de Dakar, Ousmane Diagne, pour qu’il mène des enquêtes. Et par un concours de circonstances de l’histoire, je me suis retrouvé avec la même liste lorsque j’étais procureur spécial», dit-il. Il en veut pour preuve le cas Baldé.
«Quand j’ai arrêté Abdoulaye Baldé, le président de la République ne voulait pas et pourtant je l’ai arrêté. Il m’a appelé jusqu’au Palais pour me demander de ne pas toucher à Abdoulaye Baldé et j’ai refusé. Après, je n’avais plus de contact avec lui, mais je savais que mes jours étaient comptés à la tête du parquet spécial.»
Dans le même sillage, il estime que l’amnistie de Karim Wade et de Khalifa Sall est agitée pour brouiller les pistes. Il s’interroge sur l’opportunité d’une telle mesure à quelques mois de l’élection présidentielle.
«Ce n’est pas innocent. Pourquoi Macky Sall ne l’a-t-il pas fait au début ? Mon avis est qu’il cherche à diviser davantage l’opposition. C’est des calculs politiques», assure Alioune Ndao. Par ailleurs, il propose de faire de la Crei un tribunal chargé de réprimer l’enrichissement illicite et les infractions à caractère économique en général, où il y aura un procureur et un président.
Tribune