'Boulen mafi indil benen tremblement de terre financier (ne me causez pas un autre tremblement de terre financier’’, en wolof. C'est en ces termes que le maire de la ville de Rufisque, Oumar Cissé, avait interpellé le régime de Macky Sall qui avait porté la CEL/VA - une des deux déclinaisons de la contribution économique locale qui avait remplacé la patente - de 1 758 918 833 en 2020 à 83 .901 738 en 2023.
Dans une lettre adressée au ministre des Finances et du Budget le 29 mai dernier, l'édile de la ville de Rufisque alertait pourtant et invitait l'argentier de l'État à faire les corrections nécessaires pour rétablir la Rufisque dans ses droits.
Selon lui, ''le montant correct était en réalité celui de 2020 qui était arrêté à 1 758 918 833 F CFA''.
En fait, la CEL a remplacé depuis 2019 la patente qui, rappelle l'expert en décentralisation Amadou Sène Niang, était jugée antiéconomique par le patronat, car elle était assise non seulement sur la valeur ajoutée, mais aussi sur les investissements. La réforme, selon l'expert, avait profité à deux types d'acteurs : les entreprises qui y étaient assujetties, mais aussi les collectivités locales qui ne bénéficiaient pas de l'ancienne patente.
''La réforme de la patente a profité aux entreprises, parce que l'impôt ne repose plus sur les investissements, mais sur la valeur ajoutée créée par l'entreprise. L'autre catégorie d'acteurs qui en avait bénéficié ce sont les collectivités territoriales qui ne percevaient pas la patente. Car la patente ne bénéficiait qu'aux communes où les entreprises étaient implantées. Avec la Contribution économique locale, ce n'était plus le cas'', analyse le spécialiste.
La CEL/VA, qui est passée de 800 millions à 17 millions F CFA, représente 30 % du budget de Rufisque
L'État a donc pris l'impôt qui appartenait aux communes où sont implantées les entreprises, soi-disant pour en faire une répartition plus équitable. De l'avis de M. Niang, même si la volonté de renforcer certaines communes sur le plan financier était louable, l'autorité n'avait pas à aller chercher les ressources au niveau des collectivités locales qui souffraient déjà .
''Cette stratégie qui consistait à déshabiller Jean pour habiller Paul n'était pas une bonne stratégie. Si l'État veut donner des moyens aux communes qui sont pauvres, il n'a qu'à mettre la main dans sa propre poche. Il ne doit pas prendre l'argent des communes supposées riches pour le donner à celles qui sont supposées être pauvres. Je l'avais combattu ; je l'avais qualifié de fumisterie d'État, mais j'étais bien seul. Aujourd'hui, avec la fin de la période transitoire, certains mènent un débat qui est, à mon avis, dépassé''.
À propos du mode de fonctionnement de la CEL, le spécialiste explique que cela repose sur trois guichets dans un souci d'équité territoriale. D'abord, il y a le guichet d'allocation minimale - passé de 12 millions au début à 19 millions aujourd'hui - pour permettre à toutes les communes d'en bénéficier.
L'autre guichet est le guichet de stabilisation qui permettait aux communes qui avaient la patente d'voir un montant qui leur permettrait de survivre, de ne pas connaitre une chute brutale de leurs recettes.
Le troisième, c'est le guichet d'équité territoriale qui permet aux communes les plus pauvres d'en bénéficier.
''Le problème, aujourd'hui, c'est avec le guichet stabilisation qui est arrivé à terme. C'était une sorte de perfusion qui devait durer trois ans ; on a dépassé les trois ans parce que la CEL est entrée en vigueur en 2020. Il ne reste que le guichet d'allocation minimale qui ne bénéficie pas à certaines communes. Et le guichet d'équité territoriale qui profite aux communes les plus vulnérables et les plus pauvres'', a souligné le spécialiste, également ancien conseiller municipal à Rufisque.
Selon Amadou Sène Niang, cette stratégie qui a consisté à déshabiller les communes supposées riches pour habiller les supposées pauvres n'était pas une bonne stratégie
D'ailleurs, dans cette ville, on sonne la mobilisation de toutes les composantes pour voir comment gérer cette coupure qui, à coup sûr, risque de précipiter la ville vers une mort certaine.
En fin 2023, insatisfait des réductions successives de son enveloppe qui est passée de plus d'un milliard 700 millions en 2020 à moins de 500 millions en 2022, le maire Cissé dénonçait : ''La ville de Rufisque a une particularité. La CEL/VA représente 30 % de notre budget. Pour 2020, on avait reçu 1,750 milliard au titre de la CEL/VA. Pour 2021, il y a eu un effondrement et on a eu 1,200 milliard, soit moins de 600 millions. C'était déjà un tremblement de terre financier'', lançait-il avant d'apostropher le ministre : ''Ne nous menez donc pas vers un autre tremblement. Ce n'est pas parce qu'on est dans l'opposition que nous devons subir ça. Nous sommes dans une mort lente, mais une mort sûre.''
Finalement, il a eu plus de 800 millions de francs CFA, soit près du double par rapport à 2022, quand la ville payait son choix pour un maire opposant en ne récoltant qu'un peu plus de 427 millions.
Dakar, Pikine, Guédiawaye et Thiès également concernées
Si le régime du président Macky Sall n'avait pu passer à l'acte en supprimant le guichet stabilisation qui a permis jusque-là de maintenir certaines villes en vie, celui de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n'a pas tergiversé. Il a coupé purement et simplement ladite rubrique et risque ainsi de plonger les collectivités qui en bénéficiaient dans une sorte de marasme budgétaire. À ce rythme, ils vont à coup sûr matérialiser la volonté prêtée à Macky Sall à l'époque de vouloir supprimer les villes.
La mesure risque en tout cas de semer la crise dans les cinq villes que compte le Sénégal, à savoir Dakar, Pikine, Guédiawaye et Thiès, en sus de Rufisque qui a eu l'enveloppe la plus faible, loin derrière Dakar qui se retrouve avec plus de 89 millions, Pikine plus de 53 millions, Guédiawaye plus de 27 millions et Thiès plus de 22 millions.
Pour rappel, Rufisque n'a eu pour sa part que 17 millions. À en croire Amadou Sène Niang, à l'entrée en vigueur de la CEL qui avait remplacé la patente, environ 37 communes victimes ont été recensées. Outre les villes susnommées, il y avait des collectivités locales riches comme Taiba Ndiaye, Richard Toll, entre autres, toutes celles qui abritent des industries importantes sur leur sol.
Le bureau municipal de Rufisque est convoqué d'urgence demain et on annonce déjà une réunion imminente du conseil municipal. ''Nous allons vers une année budgétaire noire, pour ne pas dire vers la disparition de la ville. Nous avons été très surpris et il va de soi que nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour amener l'État à réviser cette répartition'', commente cette source proche de la mairie de Rufisque. Nous avons essayé de joindre la ville de Dakar pour avoir sa réaction, mais en vain.
EnQuete
Dans une lettre adressée au ministre des Finances et du Budget le 29 mai dernier, l'édile de la ville de Rufisque alertait pourtant et invitait l'argentier de l'État à faire les corrections nécessaires pour rétablir la Rufisque dans ses droits.
Selon lui, ''le montant correct était en réalité celui de 2020 qui était arrêté à 1 758 918 833 F CFA''.
En fait, la CEL a remplacé depuis 2019 la patente qui, rappelle l'expert en décentralisation Amadou Sène Niang, était jugée antiéconomique par le patronat, car elle était assise non seulement sur la valeur ajoutée, mais aussi sur les investissements. La réforme, selon l'expert, avait profité à deux types d'acteurs : les entreprises qui y étaient assujetties, mais aussi les collectivités locales qui ne bénéficiaient pas de l'ancienne patente.
''La réforme de la patente a profité aux entreprises, parce que l'impôt ne repose plus sur les investissements, mais sur la valeur ajoutée créée par l'entreprise. L'autre catégorie d'acteurs qui en avait bénéficié ce sont les collectivités territoriales qui ne percevaient pas la patente. Car la patente ne bénéficiait qu'aux communes où les entreprises étaient implantées. Avec la Contribution économique locale, ce n'était plus le cas'', analyse le spécialiste.
La CEL/VA, qui est passée de 800 millions à 17 millions F CFA, représente 30 % du budget de Rufisque
L'État a donc pris l'impôt qui appartenait aux communes où sont implantées les entreprises, soi-disant pour en faire une répartition plus équitable. De l'avis de M. Niang, même si la volonté de renforcer certaines communes sur le plan financier était louable, l'autorité n'avait pas à aller chercher les ressources au niveau des collectivités locales qui souffraient déjà .
''Cette stratégie qui consistait à déshabiller Jean pour habiller Paul n'était pas une bonne stratégie. Si l'État veut donner des moyens aux communes qui sont pauvres, il n'a qu'à mettre la main dans sa propre poche. Il ne doit pas prendre l'argent des communes supposées riches pour le donner à celles qui sont supposées être pauvres. Je l'avais combattu ; je l'avais qualifié de fumisterie d'État, mais j'étais bien seul. Aujourd'hui, avec la fin de la période transitoire, certains mènent un débat qui est, à mon avis, dépassé''.
À propos du mode de fonctionnement de la CEL, le spécialiste explique que cela repose sur trois guichets dans un souci d'équité territoriale. D'abord, il y a le guichet d'allocation minimale - passé de 12 millions au début à 19 millions aujourd'hui - pour permettre à toutes les communes d'en bénéficier.
L'autre guichet est le guichet de stabilisation qui permettait aux communes qui avaient la patente d'voir un montant qui leur permettrait de survivre, de ne pas connaitre une chute brutale de leurs recettes.
Le troisième, c'est le guichet d'équité territoriale qui permet aux communes les plus pauvres d'en bénéficier.
''Le problème, aujourd'hui, c'est avec le guichet stabilisation qui est arrivé à terme. C'était une sorte de perfusion qui devait durer trois ans ; on a dépassé les trois ans parce que la CEL est entrée en vigueur en 2020. Il ne reste que le guichet d'allocation minimale qui ne bénéficie pas à certaines communes. Et le guichet d'équité territoriale qui profite aux communes les plus vulnérables et les plus pauvres'', a souligné le spécialiste, également ancien conseiller municipal à Rufisque.
Selon Amadou Sène Niang, cette stratégie qui a consisté à déshabiller les communes supposées riches pour habiller les supposées pauvres n'était pas une bonne stratégie
D'ailleurs, dans cette ville, on sonne la mobilisation de toutes les composantes pour voir comment gérer cette coupure qui, à coup sûr, risque de précipiter la ville vers une mort certaine.
En fin 2023, insatisfait des réductions successives de son enveloppe qui est passée de plus d'un milliard 700 millions en 2020 à moins de 500 millions en 2022, le maire Cissé dénonçait : ''La ville de Rufisque a une particularité. La CEL/VA représente 30 % de notre budget. Pour 2020, on avait reçu 1,750 milliard au titre de la CEL/VA. Pour 2021, il y a eu un effondrement et on a eu 1,200 milliard, soit moins de 600 millions. C'était déjà un tremblement de terre financier'', lançait-il avant d'apostropher le ministre : ''Ne nous menez donc pas vers un autre tremblement. Ce n'est pas parce qu'on est dans l'opposition que nous devons subir ça. Nous sommes dans une mort lente, mais une mort sûre.''
Finalement, il a eu plus de 800 millions de francs CFA, soit près du double par rapport à 2022, quand la ville payait son choix pour un maire opposant en ne récoltant qu'un peu plus de 427 millions.
Dakar, Pikine, Guédiawaye et Thiès également concernées
Si le régime du président Macky Sall n'avait pu passer à l'acte en supprimant le guichet stabilisation qui a permis jusque-là de maintenir certaines villes en vie, celui de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n'a pas tergiversé. Il a coupé purement et simplement ladite rubrique et risque ainsi de plonger les collectivités qui en bénéficiaient dans une sorte de marasme budgétaire. À ce rythme, ils vont à coup sûr matérialiser la volonté prêtée à Macky Sall à l'époque de vouloir supprimer les villes.
La mesure risque en tout cas de semer la crise dans les cinq villes que compte le Sénégal, à savoir Dakar, Pikine, Guédiawaye et Thiès, en sus de Rufisque qui a eu l'enveloppe la plus faible, loin derrière Dakar qui se retrouve avec plus de 89 millions, Pikine plus de 53 millions, Guédiawaye plus de 27 millions et Thiès plus de 22 millions.
Pour rappel, Rufisque n'a eu pour sa part que 17 millions. À en croire Amadou Sène Niang, à l'entrée en vigueur de la CEL qui avait remplacé la patente, environ 37 communes victimes ont été recensées. Outre les villes susnommées, il y avait des collectivités locales riches comme Taiba Ndiaye, Richard Toll, entre autres, toutes celles qui abritent des industries importantes sur leur sol.
Le bureau municipal de Rufisque est convoqué d'urgence demain et on annonce déjà une réunion imminente du conseil municipal. ''Nous allons vers une année budgétaire noire, pour ne pas dire vers la disparition de la ville. Nous avons été très surpris et il va de soi que nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour amener l'État à réviser cette répartition'', commente cette source proche de la mairie de Rufisque. Nous avons essayé de joindre la ville de Dakar pour avoir sa réaction, mais en vain.
EnQuete