Le coordonnateur du Magal de Mbacké Cajor, Serigne Cheikh Thioro Mbacké, est revenu sur l’histoire de cette contrée de piété, foyer religieux doublé d’un palais de Justice. Il souligne que cette cité a abrité une université islamique réputée d’où sont sortis de nombreux érudits. On peut citer, entre autres, Mame Abdou Cissé de Pire, son homonyme et ami de Diamal ou encore Mame Elimane Sakho. Mbacké Cajor, c’est aussi un centre de formation professionnelle où Mame Mor Anta Saly apprenait à ses nombreux disciples à cultiver la terre.
Serigne Cheikh Thioro Mbacké a précisé que la production des nombreux champs servait à la nourriture des pensionnaires de l’université de Mbacké Cajor. Il a ajouté que c’est après la disparition de Serigne Mame Mor Anta Saly que Cheikh Ahmadou Bamba, alors âgé de 29 ans, a commencé à poursuivre la noble œuvre de son père en enseignant le Coran et diverses autres branches théologiques aux disciples hérités de son père. Selon le coordonnateur du Magal de Mbacké Cajor, le fondateur du mouridisme n’a pas joué le rôle de Cadi comme son père.
Selon lui, Cheikh Ahmadou Bamba avait réuni ses disciples pour leur annoncer qu’il a reçu une recommandation du Prophète (Psl), qui lui était apparu, de mener les hommes vers Dieu, le Très Haut. Ceux qui veulent emprunter cette voie n’ont qu’à demeurer avec lui. Quant aux autres qui ne désirent que l’instruction, le pays dispose d’assez de lettrés (érudits) pouvant satisfaire leur ambition.
40e disciple de Serigne Touba
Serigne Cheikh Thioro Mbacké est revenu sur l’importance pour le musulman d’avoir un « wassila » (guide). Il a précisé que cette pratique est tirée des enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba qui le tient lui-même du Prophète (Psl) qui avait enseigné à ses compagnons que, tout bon croyant doit chercher à avoir un guide qui le mène vers le Créateur. Le marabout a indiqué que le guide peut être tout ce qui peut mener vers Dieu.
Mais la préférence reste tout homme croyant qui a une meilleure maîtrise du Coran. A partir de ce moment, beaucoup de fidèles ont commencé à accompagner Khadim Rassoul comme Serigne Adama Guèye, le premier, Serigne Massamba Diop Sam, Abdou Rahmane Lô, Cheikh Ibrahima Sarr, Cheikh Manoumbé Khabane, etc. C’est aussi à cette époque qu’est apparu à Mbacké Cajor, Mame Cheikh Ibra Fall qui prêta allégeance pour devenir le 40e disciple de Serigne Touba Khadimou Rassoul.
Serigne Cheikh Thioro Mbacké a insisté pour préciser que l’allégeance auprès d’un guide n’est pas une invention de Serigne Touba même si cela s’est fait à Mbacké Cajor. C’est une pratique tirée de la vie du Prophète Mohamet (Psl) qu’il n’a fait que reprendre et revivifier.
Le coordonnateur du Magal a aussi souligné que Serigne Touba n’a pas parlé de tarikha (confrérie) en évoquant le mouridisme. Selon lui, Serigne Touba parlait plutôt de la Souna et il a lui même défini le mouride comme le « croyant, pratiquant et vertueux ». « Parler de tarikha est une vision réductrice de la voie de Serigne Touba qui a pris naissance à Mbacké Cajor », a-t-il dit. Cette localité est également importante dans la mesure où des personnes qui lui sont chères comme sa fille aînée Sokhna Faty Dia ou encore un de ses frères Serigne Cheikh Absa qui y sont nés.
Cette place importante de Mbacké Cajor a justifié que lors que Serigne Touba devait entamer son périple dans le pays, « afin de poser les jalons de la haute et noble mission que Dieu lui avait destinée », il a fait appel à Serigne Mbacké Ibra, frère de son père, pour lui confier la garde, la gestion et la responsabilité de la cité.
Selon le témoignage de ce petit-fils, Khadimou Rassoul s’installera un certain temps à Mbacké Baol, son village natal, accompagné de Mame Cheikh Ibrahima Fall, avant de le quitter pour fonder un village qu’il appela Darou Salam à « la recherche de la terre de Félicité, Touba, lieu de prédilection et de bénédiction de la Mouridiyya ».
Serigne Mouhamadou Lamine Bara : un homme exceptionnel
Que retenir de Serigne Mouhamadou Lamine Bara, troisième fils de Serigne Touba, sinon qu’il a été homme d’une dimension exceptionnelle qui a eu une parfaite maîtrise du Coran sans avoir appris selon les canaux standards. Serigne Cheikh Thioro rapporte que « le jour de sa naissance, Serigne Touba avait convoqué tous ses 40 premiers fidèles et compagnons pour leur signifier que le nouveau-né qu’était Serigne Mouhamadou Lamine Bara est venu leur apporter ce qu’ils attendaient du Bon Dieu ». C’est pourquoi, le jour de sa naissance a été choisi par Serigne Saliou pour célébrer le Magal de Mbacké Cajor qui se célébrait auparavant le jour de sa disparition. Il a ajouté que Serigne Mouhamadou Lamine Bara était un homme d’une très grande personnalité comparable au Prophète Issa Ibn Mariama.
Selon lui, Serigne Bara n’a point eu besoin d’apprendre comme les autres enfants. Pour convaincre, il explique pour un enfant qui n’a pas commencé à parler jusqu’à l’âge de 7 ans, ce qu’il a reproduit comme exemplaires du Coran est sans commune mesure.
Serigne Mouhamadou Lamine, à son tour, a été un digne continuateur de l’implantation et de la visibilité des « Daara » coraniques hérités de ses prédécesseurs. Il s’est aussi illustré dans le culte du travail lorsqu’on sait qu’il a toujours préféré coudre de ses propres mains ses habits et ceux des ses disciples et invités. Toutes les clôtures de sa maison ont été faites par ses soins. L’enseignement qu’il a voulu prodiguer aux disciples, c’est qu’un bon musulman ne doit pas être paresseux ou fainéant mais dégourdi et travailleur.
Il ne s’est pas arrêté en si bon chemin, car c’est Serigne Mouhamadou Lamine Bara qui a entamé le développement à travers l’installation de commodités pour accueillir les disciples et visiteurs. Pendant 23 ans, Serigne Mouhamadou Lamine Bara a séjourné à Mbacké Cajor, en prenant part activement à la vie économique et sociale du village, tout en enseignant le Coran et les sciences religieuses à beaucoup de disciples venus des quatre pôles du pays avant de disparaître en 1936.
A sa disparition, c’est Serigne Modou Bara, son fils aîné qui l’a remplacé pour s’occuper de la famille. Serigne Abdoul Aziz Bara lui succéda et s’illustra à travers le lotissement de la cité, la construction de la mosquée, du marché, etc.
Serigne Cheikh Sidy Mocktar : le modernisateur
L’actuel Khalife général des mourides Sérigne Cheikh Sidy Moctar Mbacké a, lui aussi, joué un rôle capital dans le développement de la ville de Mbacké Cajor. Ayant succédé à Serigne Mohammadou Lamine Bara Fallilou Mbacké à la tête de la confrérie en 2011, il avait obtenu le statut de communauté rurale pour Mbacké Cajor en 2007. Pour cette orientation vers le développement de la cité, il a eu à œuvrer pour que la localité prenne de plus en plus d’envergure, bénéficie d’infrastructures modernes à caractère social. Pour l’épanouissement des populations, Serigne Sidy Mokhtar a fait faire des routes goudronnées à partir des quatre points qui quadrillent la ville, installer un forage à grande capacité.
Par la suite, avec l’aide de l’Etat, il s’est attaqué à l’électrification du village et des zones environnantes dont le lieu du « Ziar » (pèlerinage) « Guiguiss Bamba » où Cheikhoul Khadim avait édifié son premier centre d’éducation spirituelle. Le centre de santé moderne dont la dimension et le plateau technique médical constituent une fierté de la cité malgré les difficultés de fonctionnement.
A côté de ces réalisations, il y a la construction d’une résidence « Serigne Mohammadou Lamine Bara Mbacké » équipée de logements d’accueil, d’une salle de conférence et d’une logistique appropriée. Le tout dernier grand projet de la jeune commune de Mbacké Cajor porte sur les chantiers lancés par Serigne Sidy Mokhtar avec quatre complexes : l’Institut de formation Mame Mor Anta Sally Mbacké, le périmètre agro-écologique, la résidence Mame Cheikh Ibra Fall et le site de la Ziara
Mbaye Sarr DIAKHATE (Textes) et Pape SEYDI (Photos)
– lesoleil