Massata Diack:"J’ai assez pour vivre sans avoir besoin de me retrouver dans une situation compromettante vis-à-vis d’un athlète"


Rédigé le Lundi 20 Février 2017 à 13:04 | Lu 116 fois | 0 commentaire(s)



Il est bavard, limite intarissable, dès qu’il s’agit de se défendre. Dans le salon de sa vaste villa dakaroise, Papa Massata Diack est offensif, percutant, et crie au complot contre lui et surtout son père, Lamine Diack, 83 ans, l’ex-président de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF). Accusé d’avoir couvert des cas de dopage, en particulier chez des athlètes russes, en échange de pots-de-vin, ce dernier a été mis en examen pour « corruption » et « blanchiment aggravé » par la justice française, qui s’est saisie du dossier fin 2015. Il est depuis interdit de quitter la France. Selon Massata Diack, dès le début, l’objectif était de nuire à Lamine Diack.


Son fils, businessman florissant qui a fait carrière dans le marketing sportif, est lui accusé d’avoir été l’acteur principal de ce vaste système de corruption présumée au sein de l'IAAF. Recherché par Interpol, il a été entendu par la justice sénégalaise fin août dernier à Dakar. Se disant serein malgré la procédure en cours, qui l’empêche notamment de voyager, « PMD Â» assure aujourd’hui, êre prêt à témoigner devant les magistrats français, à condition qu’ils effectuent le déplacement au Sénégal. Assumant tout ce qu’il a fait, il affirme avoir tous les moyens de prouver son innocence et continue de dénoncer une cabale montée par les adversaires de son père. 

Jeune Afrique : Où en est rocédure judiciaire ouverte à votre encontre au Sénégal ? 

Papa Massata Diack : J’ai été entendu par la police et par le juge d’instruction à Dakar. Nous attendons toujours les juges français pour voir où en est leur enquête, car depuis quinze mois, ils tardent à venir m’interroger officiellement. Tout ce que je vois, ce sont des fuites dans la presse. 

Vous êtes donc prêt à vous expliquer devant les juges français ? 

Oui, s’ils viennent au Sénégal dans le cadre de l’entraide judiciaire entre les deux pays. C’est ce qu’il devraient faire s’ils veulent que l’enquête aboutisse. 

Vous faites l’objet d’un avis de recherche international émis par Interpol. Quelles en sont les conséquences sur vos activités ? 

L’instruction judiciaire au Sénégal m’impose un contrôle judiciaire. Mon passeport est actuellement détenu par le juge d’instruction. Je suis donc bloqué au Sénégal. 

Continuez-vous à nier tous les faits qui vous sont reprochés dans le rapport de l’Agence mondiale antidopage (AMA) ? 

Ce rapport est tout à fait mensonger. Il a été fait à charge. Il est motivé par une vendetta personnelle de Richard William Pound (le président de la Commission d’enquête de l’AMA, NDLR) et de Craig Reedie (le président de l’AMA, NDLR) vis-à-vis de Lamine Diack. J’en conteste les conclusions avec la plus forte énergie 

 Vous évoquez une sorte de complot britannique contre votre père. Qu’entendez-vous par là ? 

Richard William Pound a sollicité le soutien de Lamine Diack à plusieurs reprises pour la présidence du CIO ou son entrée à la Commission exécutive mais mon père a refusé de le soutenir. Il ne lui a jamais pardonné ça. Quant à Craig Reedie, il voulait assurer la succession de Lamine Diack par Sebastian Coe. Il était en campagne ouverte pour Coe. Je l’ai vu personnellement. Dès le début, l’objectif était de nuire à Lamine Diack. 

  

Sylvain Cherkaoui / Jeune Afrique

  

Comment réagissez-vous auxpropos tenus par votre père devant les juges français, rapportés par le journal français Le Monde, vous mettant en cause dans le versement de pots-de-vin russes à l’opposition sénégalaise lors de la dernière présidentielle ? 

Je les ai niés et je continue à les nier. J’ai dit que je les mettais sur le compte de l’âge. Ce qu’il a déclaré – s’il l’a déclaré, parce que moi je n’ai jamais vu de procès-verbal -, ce sont juste des interprétations d’un article du Monde. À aucun moment, nous n’avons participé au financement de la campagne présidentielle sénégalaise par le versement d’un virement d’1,5 million d’euros. Cela n’existe que dans l’imagination des gens qui ont écrit cet article. 

Quid des deux versements effectués par le fond d'investissement qatari QSI sur le compte de votre société Pamodzi, en octobre et novembre 2011, quelques semaines après l’annonce de la candidature de Doha à l’organisation des Mondiaux d’athlétisme de 2017 ? 

En dehors de mes activités avec l’IAAF, j’ai ma société de consultance. Je travaille pour d’autres clients, qui n’ont rien à voir avec l’IAAF. En l’occurrence, concernant QSI, je suis en relation d’affaires avec le Qatar depuis 1995. J’y ai négocié des contrats de sponsoring pour le tennis, j’y ai organisé des événements pour la Fifa, j’ai aussi beaucoup travaillé avec la société Bein Sports, que je connais bien depuis plus de sept ans. 

Alors à quoi correspondent ces deux virements ? 

Je peux les justifier sans problème, mais ils n’ont rien à voir avec l’IAAF. 

Avec votre père, vous avez toujours été proches des milieux politiques et sportifs russes. Rétrospectivement, était-ce une erreur ? 

Nous n’avons fait aucune erreur. Nous assumons entièrement notre amitié avec la Russie. Lamine Diack a été décoré de la Droujba russe, qui est l’ordre d’amitié de la Russie. Mais ce jour-là, il n’était pas seul, il y avait par exemple Jacques Rogge (l’ex-président du Comité international olympique, NDLR) et d’autres responsables du sport international. Lamine Diack a rendu des services à l’athlétisme russe, notamment en organisant des compétitions en Russie ou en favorisant son développement avec le fond mis en place par l’IAAF pour les pays d’Europe de l’Est. La Russie n’a fait que remercier Lamine Diack pour sa contribution au développement du sport russe. 

Et d’un point de vue plus personnel ? 

Les Russes ont soutenu le développement de l’athlétisme avec le sponsoring de la banque VTB, qui a été un des plus gros sponsors de l’IAAF, au même titre que Toyota, Canon, ou Samsung… La Russie a contribué, sous la présidence de Lamine Diack, à développer l’athlétisme. Donc nous ne pouvons que lui témoigner notre amitié. 

Même si ce pays est aujourd’hui accusé d’avoir mis en place un vaste système de dopage institutionnalisé ? 

Ceci reste à prouver. Au vu des mensonges que j’ai lus ans le premier rapport de l’AMA, rédigé par la commission Pound, je ne crois pas un mot du rapport MacLaren (publié en décembre 2016, celui-ci dénonce un système de dopage d’État en Russie). Il est biaisé. Les fédérations internationales vont toutes analyser ses conclusions et donner leur version des faits. Le CIO a créé deux commissions pour analyser ce rapport. À ce moment-là, je ferai une déclaration. Pour le moment, ce rapport à charge n’engage que l’AMA. Ses auteurs ont intérêt à faire très attention aux répercussions légales que les personnes accusées vont se faire un plaisir de déclencher. Personnellement, je me réserve le droit de poursuivre les responsables de l’AMA en justice, parce qu’ils n’ont fait que mentir. 

Vous niez donc avoir couvert des cas de dopage en échange de pots-de-vin ? 

Je n’en avais ni le pouvoir, ni les prérogatives. Je n’en avais surtout pas besoin, je gagne assez bien ma vie grâce au marketing. Je pourrais le prouver aux juges s’ils viennent, en leur montrant tous les contrats que j’ai négocié. Sur la période en cause, de 2011 à 2015, qui fait l’objet de l’enquête de l’AMA, j’ai fait rentrer dans les caisses de l’IAAF près de 216 millions de dollars. Depuis 2007, ce chiffre s’élève même à plus de 600 millions de dollars. J’ai donc assez pour vivre sans avoir besoin de me retrouver dans une situation compromettante vis-à-vis d’un athlète. Je pense surtout que l’AMA et Pound avaient besoin de donner une nature criminelle à leur enquête. 

 
 
Sylvain Cherkaoui / Jeune Afrique

Papa Massata Diack, dans sa maison à Dakar, le 7 février 2017. © Sylvain Cherkaoui / Jeune Afrique 

  

Qu’entendez-vous faire pour la suite ? 

Continuer mon travail dans le marketing sportif. Je vais me focaliser sur mon marché naturel, le continent africain, sur lequel j’ai une expertise avérée. Il y a beaucoup de chose à y faire et des chantiers très excitants à mener. 

Parvenez-vous à continuer vos activités en restant bloqué au Sénégal ? 

Je continue à travailler calmement avec mon équipe depuis Dakar. Je suis en contact avec mes clients habituels. Mais il est aussi vrai que cette affaire me pose un problème de crédibilité. Les gens qui m’ont connu depuis vingt-cinq ans dans le marketing sportif ne m’ont jamais vu tremper dans des histoires aussi louches. Je vais tout faire pour me laver de ces accusations et prouver que les gens qui sont à la base de toute cette cabale l’ont fait pour des raisons bien précises. 

Allez-vous engager des actions sur le plan judiciaire ? 

Je me réserve tous les droits. Pour le moment, le plus important est que Lamine Diack soit libéré de toutes ses contraintes judiciaires et qu’il rentre au Sénégal. C’est notre priorité. Le reste viendra après. 

Quelles nouvelles avez-vous de lui ? 

Il m’est interdit d’être en contact direct avec lui. Mais les gens qui rentrent de France me disent qu’il se porte très bien. 

Êtes-vous inquiet pour lui ? 

Oui, je suis inquiet et préoccupé. Tous les jours, nous prions pour qu’il sorte de tout ceci. Nous avons une croyance : nul n’échappe à son destin, mais la vérité finira un jour par éclater. 

Source J.A 

 
 
 


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