Le cérémonial est exécuté à la perfection. Mardi 12 novembre 2019. Sur le tarmac de l’aéroport Léopold Sédar Senghor (Lss), le ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, Mahammad Boun Abdallah Dionne, en costume de rigueur, conduit la forte délégation devant accompagner le chef de l’État Macky Sall, lauréat du prix «Medays» décerné par l’institut marocain Amadeus à Tanger, au pays de Sa Majesté le Roi Mouhamed VI. En présence des patrons de ministères de souveraineté tels que le ministre de l’Intérieur Aly Ngouile Ndiaye, le ministre de la Justice, Me Malick Sall et le ministre Directeur de cabinet du président de la République, c’est l’ancien Premier ministre (Pm) qui dirige le cérémonial, flanqué du Président Sall. Un quart d’heure après le ballet protocolaire, l’avion présidentiel s’envole en direction du Maroc. Mahammad Boun Abdallah Dionne et son escorte rebroussent chemin. Deux jours plus tard, dans la soirée du 14 nombre 2019, c’est encore l’ancien Premier ministre et sa suite qui sont allés accueillir le «Medays» 2019, Macky Sall, à son arrivée à l’aéroport Lss.
Le scénario n’est pas anodin. Il reflète une réalité d’État. Et la question qui taraude les esprits est de savoir si le ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République aurait-il les mêmes attributs d’un Pm ? Les experts sont unanimes sur la question. Dans la forme, l’architecture institutionnelle offre ce schéma : un poste de Premier ministre supprimé, avec en ligne de mire le resserrement et le recentrage des missions essentielles de l’État au sein de l’Exécutif. Pour aller dans ce quinquennat en mode «Fast track» dans la mise en œuvre de la phase 2 du Pse (Plan Sénégal émergent), avait expliqué le Président Sall, le 6 avril 2019, pour justifier la suppression du poste de Pm. Mais dans le fond, la suppression du poste de Premier ministre (Pm) de l’architecture institutionnelle du pays, votée le 4 mai 2019 par les députés à l’Assemblée nationale, sonne comme un saupoudrage. Puisque l’ancien chef du gouvernement Mahammad Boun Abdallah Dionne, nommé ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, continue de… coordonner l’action gouvernementale.
«Centre névralgique»
Du Palais présidentiel où il tient désormais ses locaux et ses services, le successeur de Maxime Jean Simon Ndiaye assurerait et assumerait toujours ses prérogatives d’ancien Pm. Mahammad Boun Abdallah Dionne a même été renforcé par deux Secrétaires généraux adjoints qui l’accompagnent dans sa lourde tâche, afin de diligenter son travail. Mouhamed Sall Sao, expert international en Administration publique : «C’est la charge de travail qui justifie la présence de deux Secrétaires généraux adjoints à la Présidence. En tout état de cause, dès lors qu’il n’y a plus de poste de Premier ministre, le poste de Secrétaire général de la Présidence de la République prend une dimension plus grande. Ce poste n’a plus les mêmes attributions et responsabilités que du temps de Jean Maxime Ndiaye (nommé Secrétaire général du gouvernement). Ce poste de Secrétaire général de la Présidence de la République est devenu plus important, parce que justement il n’y a pas de Premier ministre.»
Sur le plan protocolaire, l’ancien Premier ministre demeure toujours le numéro 2 de l’Exécutif sénégalais. De même que sur le plan logistique. Mahammad Boun Abdallah Dionne bénéficie encore des mille et un avantages qu’il avait lorsqu’il dirigeait la Primature. Un palier qui a certes disparu de l’architecture institutionnelle, mais dont la pertinence de son contenu demeure de facto. «La nature, comme la vie institutionnelle, a horreur du vide», souligne le journaliste Cheikh Yérim Seck. L’analyste politique, ancien journaliste au magazine panafricain «Jeune Afrique» de conforter ses propos : «Le travail gouvernemental a un besoin impératif de coordination. Mahammad Boun Abdallah Dionne s’en occupe d’autant plus naturellement qu’il a acquis des réflexes de collaboration avec le président de la République, au bout de plusieurs années de compagnonnage. Du haut de sa position de ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence, Dionne est une sorte d’interface entre le gouvernement et le président de la République. Ce qui fait de lui un entonnoir entre les deux entités. A défaut de diriger le gouvernement, il en centralise l’activité en l’absence d’un Premier ministre. Dans toutes les Républiques, toute action gouvernementale a besoin de planification, d’exécution, de coordination», explique-t-il.
Au-dessus du cabinet
Ancien Directeur de cabinet et Premier ministre du Président Abdoulaye Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye maîtrise les arcanes de la République du Sénégal. Il en connaît les rouages pour avoir longtemps cheminé dans ses coursives, seul à seul avec l’ex-chef de l’Exécutif sénégalais. Il dit : «Dans un régime où il n’y a pas de poste de Premier ministre, le président de la République peut parfaitement confier au Secrétaire général de la Présidence de la République les attributions qui étaient initialement dévolues au Premier ministre. Mais, le Secrétaire général de la Présidence de la République n’a pas toutes les attributions d’un Premier ministre. Par exemple, quand il va accueillir le Président de retour de voyage, il passe sur le tapis rouge et devant les militaires qui lui donnent le salut. Ce qui n’est pas le cas pour le Secrétaire général de la Présidence.» Et Souleymane Ndéné Ndiaye d’ajouter : «Le Premier ministre et le Secrétaire général de la Présidence n’ont pas les mêmes rôles. Moi, j’ai été ministre d’État, directeur de Cabinet du président de la République. Et si vous regardez le décret 2001 portant réorganisation du gouvernement, le Secrétaire général de la Présidence travaille sous l’autorité du ministre d’État, directeur de Cabinet du président de la République. Le Secrétaire général de la Présidence coordonne les services de la Présidence de la République, en dehors des services rattachés au Cabinet du président de la République. Évidemment le président de la République est le patron de son cabinet, mais il délègue à son directeur de Cabinet le soin de coordonner le cabinet.»
«Chambre forte du Pouvoir»
Ce qui n’est pas le cas pour Dionne qui, dans la pratique de tous les jours de l’Etat, est au-dessus du Cabinet présidentiel. Selon plusieurs spécialistes, le titre de ministre d’Etat avec portefeuille (Secrétaire général de la Présidence de la République) indique une prééminence protocolaire du Secrétaire général de la Présidence Mouhammad Boun Abdallah Dionne sur le (simple) ministre, directeur de Cabinet du président de la République, Augustin Tine. «Dans les normes, le Secrétariat général de la Présidence est un palier en-dessous du Cabinet présidentiel, mais sur ce cas d’espèce, c’est le Secrétariat général qui englobe même le cabinet présidentiel. De facto, avec la suppression du poste de Pm, le Secrétariat général de la Présidence est devenu le lieu des grandes décisions, la chambre forte du Pouvoir», explique-t-on.
Convoquant l’histoire récente, avec le cas Jean Collin, ancien ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, numéro 2 du pouvoir sous Diouf, où il n’y avait pas, non plus, de Premier ministre, l’expert en management de l’Administration publique, Mouhamed Sall Sao, en convient : «En principe, le Secrétariat général de la Présidence coiffe presque tous les services rattachés à la Présidence, à l’exception du Cabinet et de la Grande Chancellerie. C’est lui qui médiatise les relations entre les services rattachés à la Présidence et le Président lui-même. Le Bureau organisation et méthodes, le Contrôle financier et l’Inspection générale d’État (Ige), tous ces services sont sous la supervision du Secrétaire général de la Présidence. Même si par ailleurs, on dit que ce sont des services rattachés à la Présidence.»
Sur le site www.presidence.sn, même si le Secrétariat général vient, selon l’organigramme affiché, après le Cabinet présidentiel, il est clairement fait mention de la relation de travail direct entre Mouhammad Dionne et Macky Sall. Même si le texte ne couvre pas assez les immenses prérogatives de l’ancien Premier ministre. «Le Secrétariat général de la Présidence de la République est dirigé par un Secrétaire général, nommé par décret et placé sous l’autorité du président de République, dont il peut recevoir délégation de signature. Il assiste aux Conseils des ministres, aux Conseils présidentiels et aux Conseils interministériels. Il participe aux séances de travail dirigées par le président de la République et dispose d’un chef de Cabinet, d’un Secrétariat et de chargés de missions», explique l’article 11 portant décret 2019-769 portant répartition des services (…) de la Présidence de la République. Mouhammad Dionne a été renforcé, entre-temps, avec la nomination de deux autres ministres Secrétaires généraux adjoints pour assister et renforcer le pool du Secrétaire général de la Présidence. Une annonce qui a été faite par le président de la République, qui faisait face, le 31 décembre dernier, à un pool de journalistes triés au volet. Une déclaration qui renseigne sur le volume de travail au Secrétariat général de la Présidence, mais aussi sur le poids institutionnel qu’a pris Mouhammad Boun Abdallah Dionne, qui est devenu un super «Premier ministre». Sans le nom.
Ibrahima Kandé TFM
Le scénario n’est pas anodin. Il reflète une réalité d’État. Et la question qui taraude les esprits est de savoir si le ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République aurait-il les mêmes attributs d’un Pm ? Les experts sont unanimes sur la question. Dans la forme, l’architecture institutionnelle offre ce schéma : un poste de Premier ministre supprimé, avec en ligne de mire le resserrement et le recentrage des missions essentielles de l’État au sein de l’Exécutif. Pour aller dans ce quinquennat en mode «Fast track» dans la mise en œuvre de la phase 2 du Pse (Plan Sénégal émergent), avait expliqué le Président Sall, le 6 avril 2019, pour justifier la suppression du poste de Pm. Mais dans le fond, la suppression du poste de Premier ministre (Pm) de l’architecture institutionnelle du pays, votée le 4 mai 2019 par les députés à l’Assemblée nationale, sonne comme un saupoudrage. Puisque l’ancien chef du gouvernement Mahammad Boun Abdallah Dionne, nommé ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, continue de… coordonner l’action gouvernementale.
«Centre névralgique»
Du Palais présidentiel où il tient désormais ses locaux et ses services, le successeur de Maxime Jean Simon Ndiaye assurerait et assumerait toujours ses prérogatives d’ancien Pm. Mahammad Boun Abdallah Dionne a même été renforcé par deux Secrétaires généraux adjoints qui l’accompagnent dans sa lourde tâche, afin de diligenter son travail. Mouhamed Sall Sao, expert international en Administration publique : «C’est la charge de travail qui justifie la présence de deux Secrétaires généraux adjoints à la Présidence. En tout état de cause, dès lors qu’il n’y a plus de poste de Premier ministre, le poste de Secrétaire général de la Présidence de la République prend une dimension plus grande. Ce poste n’a plus les mêmes attributions et responsabilités que du temps de Jean Maxime Ndiaye (nommé Secrétaire général du gouvernement). Ce poste de Secrétaire général de la Présidence de la République est devenu plus important, parce que justement il n’y a pas de Premier ministre.»
Sur le plan protocolaire, l’ancien Premier ministre demeure toujours le numéro 2 de l’Exécutif sénégalais. De même que sur le plan logistique. Mahammad Boun Abdallah Dionne bénéficie encore des mille et un avantages qu’il avait lorsqu’il dirigeait la Primature. Un palier qui a certes disparu de l’architecture institutionnelle, mais dont la pertinence de son contenu demeure de facto. «La nature, comme la vie institutionnelle, a horreur du vide», souligne le journaliste Cheikh Yérim Seck. L’analyste politique, ancien journaliste au magazine panafricain «Jeune Afrique» de conforter ses propos : «Le travail gouvernemental a un besoin impératif de coordination. Mahammad Boun Abdallah Dionne s’en occupe d’autant plus naturellement qu’il a acquis des réflexes de collaboration avec le président de la République, au bout de plusieurs années de compagnonnage. Du haut de sa position de ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence, Dionne est une sorte d’interface entre le gouvernement et le président de la République. Ce qui fait de lui un entonnoir entre les deux entités. A défaut de diriger le gouvernement, il en centralise l’activité en l’absence d’un Premier ministre. Dans toutes les Républiques, toute action gouvernementale a besoin de planification, d’exécution, de coordination», explique-t-il.
Au-dessus du cabinet
Ancien Directeur de cabinet et Premier ministre du Président Abdoulaye Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye maîtrise les arcanes de la République du Sénégal. Il en connaît les rouages pour avoir longtemps cheminé dans ses coursives, seul à seul avec l’ex-chef de l’Exécutif sénégalais. Il dit : «Dans un régime où il n’y a pas de poste de Premier ministre, le président de la République peut parfaitement confier au Secrétaire général de la Présidence de la République les attributions qui étaient initialement dévolues au Premier ministre. Mais, le Secrétaire général de la Présidence de la République n’a pas toutes les attributions d’un Premier ministre. Par exemple, quand il va accueillir le Président de retour de voyage, il passe sur le tapis rouge et devant les militaires qui lui donnent le salut. Ce qui n’est pas le cas pour le Secrétaire général de la Présidence.» Et Souleymane Ndéné Ndiaye d’ajouter : «Le Premier ministre et le Secrétaire général de la Présidence n’ont pas les mêmes rôles. Moi, j’ai été ministre d’État, directeur de Cabinet du président de la République. Et si vous regardez le décret 2001 portant réorganisation du gouvernement, le Secrétaire général de la Présidence travaille sous l’autorité du ministre d’État, directeur de Cabinet du président de la République. Le Secrétaire général de la Présidence coordonne les services de la Présidence de la République, en dehors des services rattachés au Cabinet du président de la République. Évidemment le président de la République est le patron de son cabinet, mais il délègue à son directeur de Cabinet le soin de coordonner le cabinet.»
«Chambre forte du Pouvoir»
Ce qui n’est pas le cas pour Dionne qui, dans la pratique de tous les jours de l’Etat, est au-dessus du Cabinet présidentiel. Selon plusieurs spécialistes, le titre de ministre d’Etat avec portefeuille (Secrétaire général de la Présidence de la République) indique une prééminence protocolaire du Secrétaire général de la Présidence Mouhammad Boun Abdallah Dionne sur le (simple) ministre, directeur de Cabinet du président de la République, Augustin Tine. «Dans les normes, le Secrétariat général de la Présidence est un palier en-dessous du Cabinet présidentiel, mais sur ce cas d’espèce, c’est le Secrétariat général qui englobe même le cabinet présidentiel. De facto, avec la suppression du poste de Pm, le Secrétariat général de la Présidence est devenu le lieu des grandes décisions, la chambre forte du Pouvoir», explique-t-on.
Convoquant l’histoire récente, avec le cas Jean Collin, ancien ministre d’État, Secrétaire général de la Présidence de la République, numéro 2 du pouvoir sous Diouf, où il n’y avait pas, non plus, de Premier ministre, l’expert en management de l’Administration publique, Mouhamed Sall Sao, en convient : «En principe, le Secrétariat général de la Présidence coiffe presque tous les services rattachés à la Présidence, à l’exception du Cabinet et de la Grande Chancellerie. C’est lui qui médiatise les relations entre les services rattachés à la Présidence et le Président lui-même. Le Bureau organisation et méthodes, le Contrôle financier et l’Inspection générale d’État (Ige), tous ces services sont sous la supervision du Secrétaire général de la Présidence. Même si par ailleurs, on dit que ce sont des services rattachés à la Présidence.»
Sur le site www.presidence.sn, même si le Secrétariat général vient, selon l’organigramme affiché, après le Cabinet présidentiel, il est clairement fait mention de la relation de travail direct entre Mouhammad Dionne et Macky Sall. Même si le texte ne couvre pas assez les immenses prérogatives de l’ancien Premier ministre. «Le Secrétariat général de la Présidence de la République est dirigé par un Secrétaire général, nommé par décret et placé sous l’autorité du président de République, dont il peut recevoir délégation de signature. Il assiste aux Conseils des ministres, aux Conseils présidentiels et aux Conseils interministériels. Il participe aux séances de travail dirigées par le président de la République et dispose d’un chef de Cabinet, d’un Secrétariat et de chargés de missions», explique l’article 11 portant décret 2019-769 portant répartition des services (…) de la Présidence de la République. Mouhammad Dionne a été renforcé, entre-temps, avec la nomination de deux autres ministres Secrétaires généraux adjoints pour assister et renforcer le pool du Secrétaire général de la Présidence. Une annonce qui a été faite par le président de la République, qui faisait face, le 31 décembre dernier, à un pool de journalistes triés au volet. Une déclaration qui renseigne sur le volume de travail au Secrétariat général de la Présidence, mais aussi sur le poids institutionnel qu’a pris Mouhammad Boun Abdallah Dionne, qui est devenu un super «Premier ministre». Sans le nom.
Ibrahima Kandé TFM