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LETTRE OUVERTE AU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE.


Rédigé le Lundi 17 Mars 2025 à 14:00 | Lu 71 fois | 0 commentaire(s)




Entre Répression et Récupération : Quel Cap pour la Justice Économique ?"

Monsieur le Ministre,

C’est avec une attention soutenue et un grand respect que nous avons pris connaissance de vos récentes déclarations, prononcées lors de votre audition devant les députés le 21 février 2025. Ces propos, empreints de vision, révèlent une volonté manifeste de réformer et d’adapter la justice économique aux impératifs contemporains.


LETTRE OUVERTE AU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE.
À ce titre, votre proposition d'introduire la médiation pénale comme mécanisme de recouvrement des fonds publics détournés mérite une attention particulière, tant elle marque une avancée vers une justice plus efficace et pragmatique, capable de répondre aux enjeux de la transparence et de la gouvernance publique.
 
Nous saluons cette démarche novatrice qui témoigne d’un engagement clair en faveur d’une gestion plus transparente des finances publiques et d’une volonté de concilier impératif répressif et récupération des deniers publics. Il est indéniable que la mise en œuvre d’une telle initiative pourrait non seulement contribuer à restaurer la confiance des citoyens envers leurs institutions, mais également à désengorger un système judiciaire surchargé, en privilégiant des mécanismes alternatifs moins coûteux et plus rapides.
 
Etant l’un de ces Icones des cénacles judiciaires, vous vous positionnez désormais comme ce catalyseur de changement, en proposant une solution alternative audacieuse qui se veut à la fois pragmatique et respectueuse des principes de justice. Votre capacité à percevoir la réalité socio-économique du pays, tout en insufflant une dynamique réformatrice à la lutte contre la corruption et la délinquance économique, revêt une importance capitale pour le renforcement de la gouvernance publique et l’optimisation de l’utilisation des ressources publiques.
 
 Justice Sans Frontière, acteurs juridiques engagés, nous soutenons fermement cette approche et vous adressons nos encouragements les plus sincères pour sa mise en Å“uvre. Nous croyons que cette réforme incarne une véritable opportunité de transformer notre système judiciaire, en le rendant plus efficace et plus proche des réalités économiques du Sénégal. Nous espérons que votre vision se traduira par des résultats tangibles, afin de rétablir les équilibres financiers et économiques de notre pays. Cela accréditerait l’adage selon lequel « Un mauvais arrangement vaut mieux un bon Procès » 
 
Votre analyse, lors de cette audition, témoigne d’une compréhension approfondie des enjeux juridiques, économiques et sociaux sous-jacents à la question des détournements de fonds publics. Elle repose sur des principes solides, notamment :
1. Le pragmatisme, en optant pour une approche qui privilégie la restitution effective des fonds publics détournés, plutôt que de se limiter à une approche exclusivement punitive, qui pourrait se révéler contre-productive ;
2. Le bilan matériel tangible, qui permettra de démontrer de manière concrète l’efficacité de la lutte contre la corruption et la délinquance économique, en obtenant des résultats mesurables en matière de récupération des fonds publics ;
3. L’évitement d’un procès politico-médiatique excessif, qui, par le passé, a dénaturé et fourvoyé des procédures judiciaires, comme en témoigne l’expérience de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), et qui a causé des préjudices tant pour l’État que pour l’image de certaines juridictions d’ici et d’ailleurs sur des décisions de justice les plus controversées.
 
Cette approche s'inscrit dans un cadre juridique clair, qui s’appuie sur plusieurs instruments législatifs, notamment le Code de Procédure Pénale, où la médiation pénale et la transaction pénale trouvent déjà leur place. Ces dispositifs sont pleinement reconnus dans notre droit positif, et leur mise en œuvre efficace pourrait constituer un levier important dans la gestion des affaires économiques et financières.
 
Toutefois, plusieurs questions demeurent quant à l’équilibre entre la répression et la médiation pénale :
• Une réponse purement répressive est-elle toujours la plus adaptée pour restaurer les équilibres économiques et financiers ?
• Peut-on envisager une société dans laquelle les dirigeants sont systématiquement poursuivis pour la moindre infraction, ce qui pourrait nuire à l’attractivité économique et à la confiance des investisseurs ?
• Dans le cadre de la médiation pénale, quel rôle jouerait la validation judiciaire pour garantir transparence et impartialité, et comment assurer la protection des droits fondamentaux des parties concernées ?
 Le Code de Procédure Pénale, prévoit déjà des mécanismes similaires à la médiation, notamment l’article 451 qui autorise la médiation en phase de jugement, et l’article 32 qui l’autorise au stade des poursuites. La question du recouvrement des fonds, dans le cadre de la médiation pénale, pourrait ainsi être envisagée comme une transaction avant jugement, sous réserve de respecter les principes d’équité et de transparence. 
 
Par analogie, le recouvrement pourrait prendre les allures d’une forme de médiation au cours des poursuites. À défaut, ne serait-ce qu’une appellation atténuée d’un remboursement ou d’un cautionnement intervenant en phase d’instruction, en application de l’article 140 du Code de procédure pénale ? À moins qu’il ne s’agisse plutôt d’une confiscation au sens de l’article 30 du Code pénal ? 
Dans tous les cas, cette tentative de déterminer le véritable sens et le fondement juridique du « recouvrement ante-jugement » démontre qu'il serait préférable que tout mode alternatif de règlement soit supervisé par un juge ou, à tout le moins, par le parquet.
 
Il est intéressant de noter que ce processus trouve une référence dans le droit français, par la Loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, où la médiation pénale est consacrée en droit positif (article 41-1 du Code de Procédure Pénale). Cette loi a permis d’instaurer un cadre juridique formel pour la médiation pénale.
 
Cependant, la mise en œuvre du recouvrement des fonds avant jugement soulève des préoccupations majeures, notamment en matière de transparence. Un processus de recouvrement qui se déroulerait en dehors du contrôle judiciaire ou de celui du parquet risquerait d’être perçu comme un compromis à l’intégrité du processus. La transparence doit être assurée, conformément à la Loi n° 2012-22 du 27 décembre 2012, portant Code de Transparence dans la gestion des finances publiques , qui impose un droit d’information au public et une supervision stricte des opérations financières.
 
La discrétion, dans certaines situations, pourrait contribuer à préserver l'intégrité du processus judiciaire et à éviter des préjudices collatéraux. Les tribunaux, en particulier dans les affaires sensibles, sont parfois perçus comme des arènes médiatiques où l’honneur des mis en cause est mis à mal, ce qui nuit à l’objectif ultime de la récupération des fonds et de la stabilité économique.
 
Monsieur le Ministre, en optant pour une stratégie inclusive qui combine sanction et médiation, vous ouvrez une voie pertinente pour une politique pénale plus en phase avec les réalités économiques et sociales du Sénégal. Nous vous encourageons à veiller à ce que ces dispositifs soient mis en œuvre de manière transparente, garantissant ainsi à la fois l’efficacité de la justice et le respect des principes d’intégrité publique.
Enfin, il est évident que la lutte contre la délinquance économique et financière ne pourra atteindre ses objectifs qu’en conciliant répression et prévention, en instaurant une synergie qui permettra de traiter les causes profondes des détournements tout en permettant une récupération efficace des fonds publics.
 
Dans l’attente de voir ces réformes mises en œuvre, Monsieur le Ministre, recevez l’expression de notre plus haute considération, tout en vous renouvelant nos vœux de succès dans cette initiative décisive pour une justice économique plus équitable et plus performante.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
 
 EL AMATH THIAM 
Juriste-Consultant et Président de "Justice Sans Frontière


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