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Ahmadou Bella Diallo dénonce une situation préoccupante qui touche à la justice et à l’État de droit au Sénégal


Rédigé le Lundi 17 Mars 2025 à 12:59 | Lu 76 fois | 1 commentaire(s)



L’annonce par le gouvernement d’une abrogation partielle de la loi d’amnistie adoptée le 6 mars 2024, soulève de nombreuses interrogations sur la sincérité des engagements pris devant le peuple sénégalais et sur les véritables intentions derrière cette démarche.


« Lors de la campagne électorale, les nouvelles autorités avaient promis d’abroger totalement cette loi d’amnistie, perçue comme une manœuvre pour effacer les responsabilités des violences politiques survenues entre les mois de février 2021 à mars 2024.

D’ailleurs, les députés du parti pastef avaient refusé de voter cette loi.

Or, aujourd’hui, ces mêmes députés qui déclaraient ne pas vouloir de cette loi d’amnistie, ont refusé de suivre l’honorable député Thierno Alassane Sall, qui a fait une proposition de loi allant dans le sens de l’abrogation totale de cette loi.

Voilà qu’ils nous proposent une abrogation partielle, à travers une loi interprétative qui, loin de rétablir une justice équitable, introduit une forme d’interprétation sélective du droit.

Le principe de l’amnistie est pourtant clair en droit.

Selon l’article 6 du Code pénal sénégalais, l’amnistie entraîne l’effacement de la condamnation et l’extinction de l’action publique.

Alors, en décidant de revenir seulement sur certains aspects de la loi, le gouvernement entretient un flou juridique qui risque d’affaiblir la crédibilité de notre système judiciaire.

L’abrogation partielle de la loi soulève une question fondamentale : Sur quels critères vont-ils décider aujourd’hui, qui doit être poursuivi et qui doit être protégé ?

L’égalité devant la loi est pourtant consacrée par l’article 7 de la Constitution sénégalaise, qui stipule que “Tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion”.

Alors, en modulant l’application de l’amnistie selon des critères encore flous voir subjectifs, le gouvernement prend le risque de transformer cette loi en un outil de règlement de comptes politiques.

Je rappelle également l’importance du principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, garanti par l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Sénégal le 13 février 1978

(Ce pacte, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966 puis entré en vigueur le 23 mars 1976, garantit des droits fondamentaux, notamment le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères (article 15), qui est un élément clé dans le débat sur l’abrogation partielle de la loi d’amnistie)

Or, une abrogation partielle appliquée de manière discriminatoire, pourrait créer une insécurité juridique, en remettant en cause des décisions déjà prises sous couvert d’amnistie.

Cette décision intervient sous la pression d’organisations internationales et d’une partie de l’opinion publique, qui réclamaient l’abrogation totale de la loi.

Toutefois, au lieu de s’engager dans un véritable processus de vérité et de réconciliation, le gouvernement semble privilégier une approche partielle, qui ne satisfait ni les victimes ni ceux qui demandaient justice ni ceux qui croyaient en la parole donnée.

Loin d’apaiser les tensions, cette décision pourrait aggraver la défiance des citoyens envers les institutions, car elle pose un précédent dangereux : celui d’une justice à géométrie variable, qui dépend plus du contexte politique que du respect strict des principes de droit.

Face à cette situation, il est souhaitable que le gouvernement joue :

* La transparence totale sur les critères utilisés pour cette abrogation partielle, afin que nul ne soit victime d’une justice arbitraire.
* ⁠L’abrogation complète de la loi d’amnistie, afin que la vérité judiciaire soit rétablie pour toutes les victimes des violences politiques entre 2021 et 2024.
* ⁠La mise en place d’une commission indépendante chargée d’étudier chaque cas avec impartialité, garantissant ainsi l’égalité de tous devant la justice.

Le Sénégal ne peut se permettre de fragiliser ses institutions et son État de droit. Toute réforme du cadre juridique doit être menée avec rigueur, équité et transparence, sans favoritisme ni manipulation politique.

J'appelle donc le gouvernement à tenir ses promesses et à faire preuve de cohérence et de responsabilité, car la justice ne saurait être un instrument au service des intérêts d’un groupe, mais bien le socle sur lequel repose la confiance du peuple sénégalais en ses institutions.

Nous avons vécu des précédents dangereux à travers les exemples suivants, en favorisant une loi interprétative en lieu et place d’une abrogation totale.

Quelques exemples

* L’amnistie partielle en Algérie (2005) – La Charte pour la paix et la réconciliation nationale

L’Algérie a adopté en 2005, une amnistie partielle dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, visant à mettre fin aux violences de la “décennie noire” (1991-2002). Toutefois, cette amnistie a exclu certains groupes, notamment ceux accusés de crimes graves comme les massacres de civils ou les viols.

* L’amnistie partielle au Chili (1978) – Loi d’amnistie de Pinochet

En pleine dictature d’Augusto Pinochet, une loi d’amnistie a été adoptée en 1978, pour les crimes politiques commis entre 1973 et 1978, après le coup d’État contre Salvador Allende.

* L’amnistie sélective en Côte d’Ivoire (2018) – La loi d’amnistie de Ouattara

En août 2018, le président Alassane Ouattara a annoncé une amnistie partielle visant à tourner la page des violences post-électorales de 2010-2011, qui avaient fait plus de 3 000 morts.

Ces exemples montrent que lorsqu’une amnistie est appliquée de manière sélective, elle risque :

• D’affaiblir la justice, en créant une impunité pour certains et des poursuites ciblées pour d’autres.

• D’aggraver les tensions politiques, car elle peut être perçue comme un outil au service du pouvoir en place.

• De créer un précédent dangereux, en montrant que des crimes graves peuvent être effacés selon les circonstances politiques.

C’est pourquoi je demande une abrogation totale de la loi d’amnistie, afin que tous les responsables de violences politiques puissent être jugés équitablement, sans distinction ni manipulation. »







Ahmadou Bella Diallo
Président mouvement And Bollo Defar Sunu Rew
Responsable politique Apr Saly
 
 



1.Posté par Laura le 17/03/2025 17:05
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