L'ancien Premier ministre, Aminata Touré, a présidé, ce lundi 29 novembre, le Symposium du Gorée Institute sur l'économie politique de la gouvernance démocratique et de la stabilité politique au Sahel. Une rencontre qui se tient en période de grands défis sanitaires, avec la présence d'un nouveau variant, mais qui a réuni des participants des pays du G5 Sahel.
"Il est bien de discuter des facteurs formels ou informels responsables de la situation que nous vivons actuellement dans la zone. La répercussion de la gouvernance approximative sur la stabilité politique, pour ne pas dire mauvaise gouvernance est significative. Il est incontestable que la bonne gouvernance a un impact sur la stabilité politique dans tous les pays. Il faut revenir sur le concept de bonne gouvernance qui est un partage et un renforcement mutuelle des bonnes pratiques", a notifié Aminata Touré.
A l'en croire, il faut se demander si la compréhension que l'Afrique a de la démocratie, c'est la définition du mécanisme du vainqueur prend tout ou est-ce qu'on doit faire de la place au perdant.
"Dans pratiquement tous les pays, il y a une place pour l'opposition. Je prends l'exemple du pays que je connais le mieux qui est le Sénégal".
En effet, dit-elle, chez nous, lorsque l'opposition a un certain nombre de députés, il a un groupe parlementaire et le président de ce groupe est automatiquement membre du bureau de l'Assemblée nationale. Elle ajoute que l'idée de chef de l'opposition avait été agitée pour permettre à l'opposition d'avoir de la place. Il s'agit de trouver là une place de dialogue et de reconnaissance.
Une remise en cause du continent
Le continent africain doit apprendre à se remettre en cause, selon l'ancien Premier ministre. On ne peut parler de démocratie, de bonne gouvernance et de stabilité politique en gardant toujours les vieilles idées, de l'avis d'Aminata Touré. Qui cite, entre autres, l'exclusion des femmes : "Il faut qu'on avance dans le sens d'une démarche inclusive. On ne peut pas avoir de l'exercice démocratique, alors que la moitié des populations est exclue. Il s'agit des femmes et des jeunes. Il y a ce challenge parce que je suis convaincu que les femmes incarnent cette autre manière d'exercer le pouvoir. C'est mon avis."
Et d'ajouter : "Lorsqu'elles sont impliquées et davantage représentées, elles peuvent apporter cette dynamique parce qu'elles savent partager, impliquer, reculer quand il faut, voire même céder."
Accaparement des ressources
L'accaparement des ressources est souvent source de ces manquements, selon Mme Touré. "Il n'y a jamais de conflits parce qu'on n'a pas les mêmes plans de développement pour les personnes vulnérables, mais c'est toujours la question à savoir qui va contrôler les ressources. Il faut qu'on aille jusqu'au bout de ce qui nous sépare pour pouvoir trouver les solutions. A la fin, ce qui doit nous importer, c'est d'arriver à une bonne gouvernance et une stabilité politique. Cela, il faut le dire, implique les minorités ethniques qui, parce qu'elles n'ont aucun intérêt sur le développement et le partage des ressources, pensent qu'il ne faut pas participer à l'État-nation", explique l'ancien Premier ministre.
Elle ajoute que cette inclusivité dans la gestion doit figurer dans les lois pour se répercuter dans la gestion des ressources, pour que ceux-là qui se sentent exclus puissent sentir le développement dans tous les domaines. "C'est le développement qui est la meilleure arme pour lutter contre l'insécurité, et ce développement implique la prise en charge du chômage des jeunes".
La gouvernance de la technologie numérique
Il faut bien éduquer ceux qui utilisent les technologies numériques pour une meilleure utilisation. Ces technologies peuvent être un facteur qui accompagne, mais aussi qui contribue à cette instabilité. "Lorsque vous avez une population jeune dont le niveau d'éducation n'est pas encore satisfaisant, il faut savoir peser le pour et le contre de l'utilisation des plateformes. Il ne s'agit pas d'arrêter de donner Internet, parce que l'accès est un droit", a dit Aminata Touré.
Selon elle, "même dans les pays développés le phénomène de radicalisation arrive en ligne. Il ne faut pas croire que nous échappons à cela. La question est sur la table et pour moi, la réponse, c'est l'éducation des utilisateurs", conclut-elle.