Fatou Blondin Diop cogne fort: "L'emprisonnement de Karim Wade et de Khalifa Sall, c'est le fait du Prince"


Rédigé le Mercredi 11 Octobre 2017 à 19:18 | Lu 95 fois | 0 commentaire(s)



Ancien ministre des Télécommunication sous Wade puis présidente du collège de l'Artp, Ndèye Fatou Ndiaye Diop n'avait jamais répondu aux sirènes de la politique. Mais l'envie de changer la manière de voir et de faire la politique et le désir de mettre un terme à l'immobilisme qui caractérise nos Etats, l'amènent à plonger dans la mare politique avec la Plateforme Sénégal Bugnu Beug. Consciente qu'il faut un leadership collégial, elle fonde la plateforme en compagnie d'une constellation de grands leaders de la société civile pour convoiter le suffrage des Sénégalais. Dans cet entretien, Fatou Diop Blondin flétrit le régime et se propose en alternative pour sauver le Sénégal.


Fatou Blondin Diop cogne fort: "L'emprisonnement de Karim Wade et de Khalifa Sall, c'est le fait du Prince"
Vous avez été ministre dans le Gouvernement de Wade. Pourquoi avoir attendu maintenant pour vous engager dans la politique ? 

Je suis ancienne ministre des Télécommunications et je suis ingénieur en télécommunications. J'ai travaillé dans le privé jusqu'en 2010. J'ai eu l'opportunité de rencontrer le Président Wade sur un projet que j'ai dirigé dans un autre pays africain et c'est comme cela que je suis devenu ministre des Télécommunications au Sénégal. 

Par la suite, j'ai travaillé à l'Artp, mais j'avais toujours un rôle technique de régulation. Ce qui m'a amenée dans le champ politique ? Je suis une militante depuis longtemps. Je suis dans le social. J'ai vécu très longtemps à l'étranger. Je suis rentrée au Sénégal depuis 2010. Je ne militais pas dans les mouvements politiques au Sénégal. Quand je me suis retrouvée à discuter avec des amis et à donner des avis, j'ai rejoins le cercle des gens qui pensent la même chose. Il n'y a pas de grande différence: Il faut dire aussi qu'en faveur du temps, j'ai plus de temps, mes enfants sont grands. J'ai l'opportunité au point de vue de vie personnel et idéologique. 

Avez-vous demandé à quitter le gouvernement ? 

Je n'ai pas demandé à partir. Mais j'ai fait la proposition pour montrer l'incohérence du découpage. J'étais devenue une idéaliste. Si on veut faire quelque chose, il faut d'abord régler la question institutionnelle, sachant que je suis rentrée au Sénégal, le Président voulait que j'occupe une autre fonction. C'est dans ce cadre que je suis devenue présidente du Conseil de l'Artp, devenu un Collège. Nous avons fait la loi des télécommunications en 2011, et nous avons réformé le collège. 

Justement il y a eu un bras de fer lorsque le gouvernement de Macky Sall vous a demandé de partir. Qu'en est-il réellement ? 

Je n'ai pas refusé, mais j'ai dit le droit. J'ai introduit une lettre pour dénoncer, je n'ai pas eu de réponse. J'ai interpellé l'avocat de l'Artp et j'ai saisi les conseillers de la Présidence, ils m'ont dit que j'avais raison. Quand le mandat est terminé, la loi dit que le collège se renouvelle aux 2/3. Chemin faisant, un décret est venu changer la loi. J'ai écrit pour parler de cela et suis passée à autre chose. je n'irai pas me battre contre nos Etats au niveau de l'Uemoa. Dans un Etat de droit, une loi ne peut pas être modifiée par un décret. Maintenant, le décret est signé par le Président du moment. C'est la force du moment qui décide de ce qu'elle veut. Par un décret même, on modifie le statut de l'Artp et cela a une incidence sur le personnel et le collège. 

Pourquoi ne vous êtes-vous pas engagée en politique à l'époque ? 

Je suis arrivé à la politique par la plateforme "Senegal Bugnu Beug". Je n'ai pas voulu aller dans des partis politiques pour plusieurs raisons. J'avais surtout envie d’être dans un cadre où on peut faire avancer les choses. Je n'avais même pas pour option d'aller à des élections. C'est pour cela que je suis allée dans cette plateforme, qui regroupe des personnes ou des spécialistes en administration publique, en finances et dans le développement local. Nous nous sommes tous retrouvés. Et nous avons commencé à discuter sur comment se positionner. L'objectif n'était pas de conquérir le pouvoir. Chemin faisant, cela fait partie des options sérieuses sur lesquelles nous travaillons. 

Etes-vous déçue par le Président Macky Sall... Qu'attendiez vous de lui....? 

Il n'a aucun mal à faire autre chose que ce qu'il avait promis au départ. C'est complètement égoïste de le voir faire l'apologie de la transhumance, c'est complètement ubuesque de le voir sur des dossiers comme celui de Barthélémy Dias. Les revirements entre 2012 et 2017 sont énormes. On a aujourd'hui un problème de confiance et de fiabilité. On a l'impression par moment, que quelle que soit la loi, ça n'a aucune espèce de valeur. Ce qui compte, le bon vouloir du prince. Si ça va avec la loi, c'est tant mieux, mais si ça ne va pas avec la loi, ça peut passer, il n'y a aucun problème. 

On entend rarement la Plateforme sur l'affaire Khalifa Sall.. 

Nous considérons que c'est le fait du prince. Dans le fond, ce qu'on reproche à Khalifa Sall, on peut accepter que ce ne soit pas normal de disposer d'un fonds, qu'on distribue à une clientèle politique. Nous, nous sommes absolument contre. Si on est dans le principe, c'est interdit, mais ce n'est pas interdit pour tout le monde. 

On a entendu même son prédécesseur mais, personne ne l'a poursuivi. Même si dans le fond, il n'y a de quoi quand même le condamner d'une manière ou d'une autre, le fait que cela soit autant personnalisé, enlève toute la substance et tout ce qui pouvait être même l'objet d'un message vis-à-vis de la classe politique, en leur disant dorénavant, les fonds politiques sont utilisés de telle et de telle façon. 

Et c'est pareil pour tout le monde. Mais quand on est président, on a des fonds politiques de huit milliards. je pense que nous avons entendu son directeur de cabinet faire le décompte au mois d'avril. Même si dans le dossier de Khalifa Sall, il y a de quoi juridiquement mener une action et prendre des décisions qui s'imposent, on n'a qu'à l'appliquer à tout le monde. Ce serait juste, sinon, c'est une cabale personnalisée, c'est le fait du prince. 

Quid du cas Karim Wade? 

De toute façon, la CREI, on nous a entendu sur son fonctionnement. Je fais partie de ceux qui sont favorables à la réddition des comptes. J'étais absolument d'accord, mais à l'arrivée, c'est une seule personne qui est arrêtée sur les 26 citées. Ca pose problème. C'est même machiavélique et pervers. 

Aucun de ces dossiers n'est fermé. Donc, il y a des épées de Damoclès qui planent. Quand on voit la fin du dossier Karim Wade, il a toutes les nationalités du monde, sauf celle du Qatar. il ne peut pas quitter le Qatar. C'est quoi cet arrangement ? C'est sur le dos de qui ? Au nom de quoi ? Ce n'est pas une justice neutre. 

Les décisions se prennent nuitamment maintenant au Sénégal. Les résultats des élections sont prononcés à 2H du matin, avec toute la République debout. On en est là aujourd'hui . Ce n'est pas pour ça que nous avions souhaité un changement en 2012. Ce n'était pas ce qu'on attendait. Donc, rien n'a changé. Il reste quand même un projet alternatif crédible qui pourrait se dire pour le challenge, le travail c'est ça. 

La Plateforme va-t-elle participer au dialogue politique ? 

On est obligé. On est une plateforme, on n'est pas un parti politique. On ne peut pas refuser un dialogue, dans un pays qui veut asseoir la stabilité. Cette année 2017 est très compliquée. Le dialogue national qui avait eu lieu en 2016, n'avait pour raison d’être que le cas Karim Wade et des petits arrangements entre copains, qui sont aujourd'hui dans l'opposition, demain dans le pouvoir. Rien de sérieux. Si on boude, c'est comme si on refuse, alors qu'on énumère des problèmes. Pour avoir des solutions, on est obligé de discuter. Mais on attend absolument rien, tant qu'on n'aura pas vu des actes allant dans le sens d'une démocratie vertueuse dans ce Sénégal. Ce n'est pas seulement le dialogue. 



L'As


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