Déjà surpeuplées aujourd’hui, avec moins de 500 millions d’habitants, les villes africaines en hébergeront un milliard en 2040. Un Africain sur deux sera alors un urbain.
« Une telle croissance n’a jamais été vue dans le monde, et elle ne le sera probablement plus jamais », résume Somik Vinay Lall, principal expert en urbanisation à la Banque mondiale, un des invités d’un séminaire organisé récemment sur ce thème par le Forum de Bamako, un club de réflexion panafricain.
Avec 1,8 million d’habitants, la capitale malienne est loin des mégapoles africaines – Lagos, Le Caire, Kinshasa dépassent largement les 10 millions. Mais Bamako connaît la croissance urbaine la plus rapide du continent (5,5% par an), avec la perspective de devoir faire vivre 3,6 millions de personnes en 2030, selon les autorités municipales.
Où en sera alors la « colline de Lafiabougou » ? En plein centre de la capitale, c’est le surnom du dépôt d’ordures qui montait récemment à 20 mètres de haut, faute de carburant pour les camions-bennes censés transporter ensuite ces déchets en périphérie.
L’année dernière, pour obtenir le redémarrage du chantier d’évacuation, « on a manifesté, brûlé des pneus, coupé des routes, parce que ça joue sur la santé des populations riveraines », explique à l’AFP Djiri Nimaga, 38 ans, président du « Groupe d’action et de réflexion des Jeunes » de l’ACI 2000, quartier d’affaires de Bamako.
Le désordre urbain provoque même des accidents catastrophiques, à l’image de l’immense éboulement d’ordures dans la plus grande décharge d’Ethiopie, en périphérie d’Addis Abeba, qui a fait au moins 113 morts le 11 mars.
De tels dysfonctionnements sont légion dans les villes africaines, gonflées par l’exode rural, qui « se comportent souvent comme une suite de villages collés ensemble », quasi stériles économiquement, s’inquiète M. Lall.
Cercle vicieux
« Tant que les villes africaines n’auront pas mis en place des marchés fonciers et des réglementations efficaces et procédé à des investissements précoces et coordonnés dans les infrastructures, elles demeureront des villes locales, inaccessibles aux marchés régionaux et mondiaux, tributaires de la production de biens et services échangeables uniquement à l’échelle locale et limitées dans leur croissance économique », prévient la Banque mondiale dans un récent rapport.
Contrairement aux idées reçues, le prix du travail est relativement élevé en Afrique – trois fois plus à Djibouti qu’à Bombay – parce que la ville africaine est chère, en frais de transport, de logement et de nourriture, dissuadant les entrepreneurs et créant un cercle vicieux de non-compétitivité, souligne ce rapport (« Ouvrir les Villes Africaines au Monde »).
« 23% de la superficie d’Hô-Chi-Minh-ville est occupée par des activités industrielles et commerciales, contre 5,9% à Nairobi et 1,1% à Addis Abeba », relève M. Lall.
L’emprise des bidonvilles a certes reculé en Afrique du Nord (8% de la population urbaine en Tunisie), mais en Afrique subsaharienne, 60% de la population urbaine y vit toujours.
« Et seuls 12 des 54 Etats africains ont une esquisse de plan d’urbanisation », déplore Alioune Badiane, président du centre de réflexion Urban Thinktank Africa et infatigable pourfendeur de la misère urbaine.
Le Malien Ousmane Sow, de la municipalité de Bamako, est justement chargé de préfigurer une « agence d’urbanisation » de la capitale malienne. Encore faudrait-il que les arrêtés municipaux soient appliqués.
« Le voisin a une autorisation pour faire 1+1 (rez-chaussée + 1 étage), et il fera 1+4. Il y a beaucoup d’effondrements d’immeubles. Il ne faut pas s’improviser architecte, vous mettez en danger la vie des gens. Et derrière tout ça, il y a l’impunité, le vrai mal de ce pays », fustige-t-il.
Avec un m2 désormais à 1 million de CFA (1.500 EUR) à Abidjan ou Douala, le chaos urbain permet aussi de bâtir de belles fortunes.
Secrétaire général de l’association panafricaine de collectivités locales CGLU, le Camerounais Jean-Pierre Elong Mbassi dénonce ces acteurs publics ou privés « qui adorent le désordre urbain car c’est une spéculation foncière. Ils ne sont pas intéressés au bon fonctionnement de la ville tant qu’ils peuvent obtenir de si hauts rendements, précisément parce que la ville ne fonctionne pas ».
Devant la décharge de Lafiabougou, une dizaine de camions-bennes attendent de charger les ordures ménagères déversées par une noria de charrettes à ânes. « Dès que le ramassage s’interrompt, les ordures s’accumulent de nouveau. L’évacuation tarde à se terminer, c’est trop long », peste M. Nimaga.
Jeune Afrique
« Une telle croissance n’a jamais été vue dans le monde, et elle ne le sera probablement plus jamais », résume Somik Vinay Lall, principal expert en urbanisation à la Banque mondiale, un des invités d’un séminaire organisé récemment sur ce thème par le Forum de Bamako, un club de réflexion panafricain.
Avec 1,8 million d’habitants, la capitale malienne est loin des mégapoles africaines – Lagos, Le Caire, Kinshasa dépassent largement les 10 millions. Mais Bamako connaît la croissance urbaine la plus rapide du continent (5,5% par an), avec la perspective de devoir faire vivre 3,6 millions de personnes en 2030, selon les autorités municipales.
Où en sera alors la « colline de Lafiabougou » ? En plein centre de la capitale, c’est le surnom du dépôt d’ordures qui montait récemment à 20 mètres de haut, faute de carburant pour les camions-bennes censés transporter ensuite ces déchets en périphérie.
L’année dernière, pour obtenir le redémarrage du chantier d’évacuation, « on a manifesté, brûlé des pneus, coupé des routes, parce que ça joue sur la santé des populations riveraines », explique à l’AFP Djiri Nimaga, 38 ans, président du « Groupe d’action et de réflexion des Jeunes » de l’ACI 2000, quartier d’affaires de Bamako.
Le désordre urbain provoque même des accidents catastrophiques, à l’image de l’immense éboulement d’ordures dans la plus grande décharge d’Ethiopie, en périphérie d’Addis Abeba, qui a fait au moins 113 morts le 11 mars.
De tels dysfonctionnements sont légion dans les villes africaines, gonflées par l’exode rural, qui « se comportent souvent comme une suite de villages collés ensemble », quasi stériles économiquement, s’inquiète M. Lall.
Cercle vicieux
« Tant que les villes africaines n’auront pas mis en place des marchés fonciers et des réglementations efficaces et procédé à des investissements précoces et coordonnés dans les infrastructures, elles demeureront des villes locales, inaccessibles aux marchés régionaux et mondiaux, tributaires de la production de biens et services échangeables uniquement à l’échelle locale et limitées dans leur croissance économique », prévient la Banque mondiale dans un récent rapport.
Contrairement aux idées reçues, le prix du travail est relativement élevé en Afrique – trois fois plus à Djibouti qu’à Bombay – parce que la ville africaine est chère, en frais de transport, de logement et de nourriture, dissuadant les entrepreneurs et créant un cercle vicieux de non-compétitivité, souligne ce rapport (« Ouvrir les Villes Africaines au Monde »).
« 23% de la superficie d’Hô-Chi-Minh-ville est occupée par des activités industrielles et commerciales, contre 5,9% à Nairobi et 1,1% à Addis Abeba », relève M. Lall.
L’emprise des bidonvilles a certes reculé en Afrique du Nord (8% de la population urbaine en Tunisie), mais en Afrique subsaharienne, 60% de la population urbaine y vit toujours.
« Et seuls 12 des 54 Etats africains ont une esquisse de plan d’urbanisation », déplore Alioune Badiane, président du centre de réflexion Urban Thinktank Africa et infatigable pourfendeur de la misère urbaine.
Le Malien Ousmane Sow, de la municipalité de Bamako, est justement chargé de préfigurer une « agence d’urbanisation » de la capitale malienne. Encore faudrait-il que les arrêtés municipaux soient appliqués.
« Le voisin a une autorisation pour faire 1+1 (rez-chaussée + 1 étage), et il fera 1+4. Il y a beaucoup d’effondrements d’immeubles. Il ne faut pas s’improviser architecte, vous mettez en danger la vie des gens. Et derrière tout ça, il y a l’impunité, le vrai mal de ce pays », fustige-t-il.
Avec un m2 désormais à 1 million de CFA (1.500 EUR) à Abidjan ou Douala, le chaos urbain permet aussi de bâtir de belles fortunes.
Secrétaire général de l’association panafricaine de collectivités locales CGLU, le Camerounais Jean-Pierre Elong Mbassi dénonce ces acteurs publics ou privés « qui adorent le désordre urbain car c’est une spéculation foncière. Ils ne sont pas intéressés au bon fonctionnement de la ville tant qu’ils peuvent obtenir de si hauts rendements, précisément parce que la ville ne fonctionne pas ».
Devant la décharge de Lafiabougou, une dizaine de camions-bennes attendent de charger les ordures ménagères déversées par une noria de charrettes à ânes. « Dès que le ramassage s’interrompt, les ordures s’accumulent de nouveau. L’évacuation tarde à se terminer, c’est trop long », peste M. Nimaga.
Jeune Afrique