L’acquisition, dont le processus devra être finalisé en mars 2023, hisse désormais l’opérateur au rang de numéro un mondial du transport maritime et de leader du secteur sur le continent. Cette concentration de la quasi-totalité des réseaux portuaires du continent entre les mains d’un seul et unique opérateur, ne peut légitimement manquer de susciter bien des interrogations et inquiétudes au sein des milieux économiques et de l’opinion africains.
Dans un récent entretien avec "Jeune Afrique", le PDG Diego Aponte a tenté de rassurer en soutenant que « MSC entend s’inscrire dans la continuité de ce que la famille Bolloré a bâti en Afrique, tout en expliquant que nous ne venons pas pour exercer un monopole sur le continent ». Bien évidemment, cela reste à démontrer sur le terrain et au quotidien.
Il urge de rappeler avec force que l’expansion du groupe Bolloré en Afrique est indissociable d’un puissant réseau d’influence animé par des chefs d’Etat, des autorités gouvernementales et de hauts responsables d’administrations publiques comme privées. Corruption, position dominante, concurrence déloyale, entrave à la concurrence… tout y passe comme méthodes opératoires.
Vincent Bolloré n’avait-il d’ailleurs pas reconnu le 26 février 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris, sa culpabilité pour les faits de corruption active d’agent public étranger et complicité d’abus de confiance au Togo ?
Le groupe s’était échiné à la fin de la décennie 80, à bloquer l’entrée de la compagnie danoise de transport maritime Maersk Line au Sénégal. De guerre lasse, celle-ci s’était plaint auprès des instances de l’ancienne Communauté économique européenne (aujourd’hui Union Européenne), pour abus de position dominante.
Le 1er juin dernier, le PDG du groupe français Cyrille Bolloré a été reçu à Dakar par le chef de l’Etat Macky Sall, à qui il a, sans doute, détaillé les contours et perspectives impliquées par cette cession. Le patron de MSC Diego Aponte devra lui emboîter le pas dans la capitale sénégalaise et dans les autres capitales africaines, dans les prochaines semaines.
Dans l’intérêt supérieur de la nation, il incombe donc au chef de l’Etat de faire comprendre à ces derniers, et de façon sans équivoque, ce qui est attendu d’eux. A charge ensuite aux diverses autorités publiques (ministres de tutelle, autorités portuaires, organes de contrôle et de régulation), de veiller scrupuleusement à l’application stricte des règles du jeu.
Les interrogations liées aux risques de monopole, de position dominante sont d’autant plus fondées que MSC tente aujourd’hui, suivant une logique de déploiement d’une stratégie d’intégration verticale, de se positionner dans la logistique terrestre au Sénégal.
Quel sera le sort réservé aux PME locales déjà présentes sur ce segment ? Seront-elles suffisamment protégées par des lois robustes et transparentes garantissant une concurrence saine et loyale lors des mises en concession futures ? Toute la question est là.
Combien desdites PME locales jadis solidement implantées des décennies durant au sein de l’écosystème portuaire dakarois, ont aujourd’hui disparu ou été fragilisées, car n’ayant pu contenir le rouleau compresseur des mastodontes internationaux, parce qu’abandonnées par les pouvoirs publics ?
Aujourd’hui, l’essentiel des terminaux du port de Dakar sont entre les mains des multinationales qui disposent, il est vrai, de l’expertise technologique et de la puissance financière nécessaires pour opérer (DP World, Bolloré, Sea Invest…). Il faut toutefois s’empresser de marteler avec force, que cet avantage comparatif n’est absolument pas une raison de laisser démanteler insidieusement le réseau d’acteurs portuaires nationaux, patiemment construit au fil de décennies de labeur et de persévérance.
Véritable poumon économique du pays (plus de 90% des échanges internationaux), facteur essentiel de compétitivité, le contrôle et la modernisation du port de Dakar demeurent un enjeu économique crucial, mais également de souveraineté politique.
Ce n’est point faire preuve de ‘’xénophobie économique’’ comme sont prompts à répliquer certains esprits aveuglés par la mauvaise foi, que d’exiger de nos dirigeants un plus grand contrôle de nos économies. C’est tout simplement faire preuve de nationalisme économique. Mieux, de patriotisme économique. Est-ce un délit ? Une certitude demeure, une seule : hors de cet impératif de protection de nos champions, capitaines d’industries, entrepreneurs locaux et autres, bref, de nos économies, point de salut !
Par Elimane Fall
Dans un récent entretien avec "Jeune Afrique", le PDG Diego Aponte a tenté de rassurer en soutenant que « MSC entend s’inscrire dans la continuité de ce que la famille Bolloré a bâti en Afrique, tout en expliquant que nous ne venons pas pour exercer un monopole sur le continent ». Bien évidemment, cela reste à démontrer sur le terrain et au quotidien.
Il urge de rappeler avec force que l’expansion du groupe Bolloré en Afrique est indissociable d’un puissant réseau d’influence animé par des chefs d’Etat, des autorités gouvernementales et de hauts responsables d’administrations publiques comme privées. Corruption, position dominante, concurrence déloyale, entrave à la concurrence… tout y passe comme méthodes opératoires.
Vincent Bolloré n’avait-il d’ailleurs pas reconnu le 26 février 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris, sa culpabilité pour les faits de corruption active d’agent public étranger et complicité d’abus de confiance au Togo ?
Le groupe s’était échiné à la fin de la décennie 80, à bloquer l’entrée de la compagnie danoise de transport maritime Maersk Line au Sénégal. De guerre lasse, celle-ci s’était plaint auprès des instances de l’ancienne Communauté économique européenne (aujourd’hui Union Européenne), pour abus de position dominante.
Le 1er juin dernier, le PDG du groupe français Cyrille Bolloré a été reçu à Dakar par le chef de l’Etat Macky Sall, à qui il a, sans doute, détaillé les contours et perspectives impliquées par cette cession. Le patron de MSC Diego Aponte devra lui emboîter le pas dans la capitale sénégalaise et dans les autres capitales africaines, dans les prochaines semaines.
Dans l’intérêt supérieur de la nation, il incombe donc au chef de l’Etat de faire comprendre à ces derniers, et de façon sans équivoque, ce qui est attendu d’eux. A charge ensuite aux diverses autorités publiques (ministres de tutelle, autorités portuaires, organes de contrôle et de régulation), de veiller scrupuleusement à l’application stricte des règles du jeu.
Les interrogations liées aux risques de monopole, de position dominante sont d’autant plus fondées que MSC tente aujourd’hui, suivant une logique de déploiement d’une stratégie d’intégration verticale, de se positionner dans la logistique terrestre au Sénégal.
Quel sera le sort réservé aux PME locales déjà présentes sur ce segment ? Seront-elles suffisamment protégées par des lois robustes et transparentes garantissant une concurrence saine et loyale lors des mises en concession futures ? Toute la question est là.
Combien desdites PME locales jadis solidement implantées des décennies durant au sein de l’écosystème portuaire dakarois, ont aujourd’hui disparu ou été fragilisées, car n’ayant pu contenir le rouleau compresseur des mastodontes internationaux, parce qu’abandonnées par les pouvoirs publics ?
Aujourd’hui, l’essentiel des terminaux du port de Dakar sont entre les mains des multinationales qui disposent, il est vrai, de l’expertise technologique et de la puissance financière nécessaires pour opérer (DP World, Bolloré, Sea Invest…). Il faut toutefois s’empresser de marteler avec force, que cet avantage comparatif n’est absolument pas une raison de laisser démanteler insidieusement le réseau d’acteurs portuaires nationaux, patiemment construit au fil de décennies de labeur et de persévérance.
Véritable poumon économique du pays (plus de 90% des échanges internationaux), facteur essentiel de compétitivité, le contrôle et la modernisation du port de Dakar demeurent un enjeu économique crucial, mais également de souveraineté politique.
Ce n’est point faire preuve de ‘’xénophobie économique’’ comme sont prompts à répliquer certains esprits aveuglés par la mauvaise foi, que d’exiger de nos dirigeants un plus grand contrôle de nos économies. C’est tout simplement faire preuve de nationalisme économique. Mieux, de patriotisme économique. Est-ce un délit ? Une certitude demeure, une seule : hors de cet impératif de protection de nos champions, capitaines d’industries, entrepreneurs locaux et autres, bref, de nos économies, point de salut !
Par Elimane Fall