Selon nos investigations, l’opération de prise de contrôle du business Wari par Kabirou Mbodj commence par Interactive, qui gère en fait tout le réseau de distribution de la société de transfert d’argent. Les montages se complexifient à ce stade de l’évolution rapide du produit. On ne sait pas encore pour quelle motivation et selon quelle logique, mais Kabirou Mbodj propose à ses associés de créer une autre société, la Cellular system international data system (CDC), qui devient une filiale de CSI.SA. Rentre alors en scène un cinquième acteur, en la personne de Kimintang Willane, nommé Directeur général de la CDC. Aujourd’hui, ce dernier est en contentieux avec M. Mbodj.
Ensuite, il propose aux actionnaires de lâcher chacun en ce qui le concerne 5% d’Interactive pour constituer les 20% de CDC. A la fin du processus, il se retrouve avec 35% des parts, contre 15% pour chacun des actionnaires qui vont accuser Kabirou Mbodj, d’avoir racheté en catimini les actions du français Bernard Tissot, qui était dans Interactive. Autant d’opérations assimilées à des manœuvres frauduleuses par Seyni Camara, Cheikh Tagué et Malick Fall.
Cette étape franchie, la machine pour le contrôle de Wari va continuer à se déployer de façon implacable. On ne sait pas trop comment, mais Kabirou Mbodj parvient à faire rétrocéder 50% du chiffre d’affaires d’Interactive (qui contrôle 60% des activités de Wari) à SCI. Seyni Camara est dans la même veine écarté de ses fonctions de gérant. La manœuvre se parachève avec la mise en place de Interlinq Suarl dont il est l’unique actionnaire, un artifice accompagné par une augmentation de capital pour larguer tous ses compagnons. Kabirou Mbodj peut à partir de ce moment s’installer sur le trône. Il est le seul patron à bord. Nous sommes en début 2013, il s’autoproclame seul concepteur de Wari et se taille immédiatement un demi-milliard qui se met dans la poche. Précisément 510 millions de francs Cfa représentant 8% de toute l’activité de la société.
Parfum de détournements
Dans les différentes plaintes déposées au niveau de la Justice, ces manœuvres pour écarter les actionnaires de Wari sont dénoncées en même temps que les opérations financières qui les accompagnent. Aussi, nous signale-t-on que entre juillet 2013 et Juillet 2014, Kabirou Mbodj a réussi à détourner tout le portefeuille cible d’Interactive au profit de la nouvelle société. ‘’Ces transactions représentent plus de 75 milliards Cfa de flux financiers, soit des commissions avoisinant le milliard Cfa’’, lit-on dans un document d’enquête de Police.
Et entre juillet 2014 et octobre 2014, 1,3 millions de transactions Wari, soit 25 milliards Cfa de flux financiers, représentant 400 millions de francs Cfa en commissions sont répertoriées.Les plaignants relèvent aussi que sur un échantillon de 307 millions de francs Cfa retirés dans les comptes de la CSI, seuls 13 millions sont justifiés. Ce qui leur fait dire que le montant de 293 millions de francs Cfa demeure injustifié et ne présente aucun lien avec l’objet social.
D’autres griefs, relevés dans la gestion courante de la société, sont disséminés dans le rapport que l’expert-comptable, Me Ngor Diouf, membre de l’Ordre national des Experts et évaluateurs agréés du Sénégal (ONEEAS) a confectionné par le compte de la Justice (voir ailleurs).
Une affaire, plusieurs procédures
La bataille que se mènent les actionnaires (ou ex) de la CSI et Interactive a été engagée sur plusieurs fronts au niveau judiciaire. Une procédure a en effet été engagée au niveau du Parquet. Cette plainte est déposée par Malick Fall et Seyni Camara, le 18 décembre 2014. Les plaignants évoquent des sommes exorbitantes de 100 milliards de flux financiers pour 2,5 milliards de commissions et parlent de ‘’crime’’ pour qualifier les agissements de M.Mbodj. Aussi demandent-ils des ‘’mesures conservatoires énergiques’’, notamment ‘’une interdiction de sortie du territoire à Monsieur Mbodj qui a un passeport étranger, un gel de tout transfert de sommes d’argent qui ne sont pas liées aux opérations Wari, relativement aux sociétés C.S.I SA, Interactive Sarl, Interlink et Interlinq Suarl. C’est cette procédure qui a atterri chez le juge du premier cabinet avec un réquisitoire supplétif du Procureur demandant une inculpation de Kabirou Mbodj. La balle est donc dans cette procédure particulière, dans le camp du Doyen des juges.
On retrouve dans ce dossier des citations directes au Tribunal régional hors classe de Dakar avec les mêmes griefs d’abus de biens sociaux. Mais Kabirou Mbodj n’est pas resté sans réagir dans toutes ces affaires. Nos sources nous renseignent, qu’il a réussi notamment en juridictions d’appels, à faire casser les décisions prises en première instance.
Nous détenons par ailleurs des correspondances entre l’expert-comptable désigné par le juge pour fouiner dans les comptes de Wari. Des échanges qui renseignent sur les enjeux de cette affaire. Les conclusions du rapport d’expertise sont plus que sévères. Elles révèlent des indices de détournements massifs, des frais de missions exorbitants, des chèques émis sans être libellé au nom de quelqu’un, des payements sans pièces justificatives. Réponse de Kabirou Mbodj : ‘’Nous marquons notre étonnement par rapport à la précipitation avec laquelle vous avez produit ce rapport, deux jours ouvrables seulement après l’entrevue avec notre mandataire qui, comme il vous l’a précisé, était disposé à vous transmettre en tant que de besoin, n’eut été l’arrêté de la cour d’Appel, toutes les pièces justificatives de charges d’exploitation liées aux décaissements notés dans le compte bancaire que vous avez expertisé’’. Et d’enfoncer : ‘’votre façon de procéder, déplorable il faut le dire, dénote de votre part un manque d’objectivité, doublé d’un déficit de rigueur totalement inacceptable eu égard aux risques encourus par le justiciable’’. Ces extraits d’une lettre en date du 8 septembre 2014, trouvent réponse dans la réponse de l’expert-comptable, le 19 septembre suivant : ‘’Nous accusons réception de votre courrier et avons beaucoup de regret de vous causer tant de lamentations (…). Nous vous avions remis notre rapport provisoire depuis le 8 août pour appréciation (…) Et nous vous avions donné un délai de 20 jours pour vérifier nos arguments. C’est à vous de combler tous les manquements que nous avons soulignés avant la séance d’évaluation du rapport et de mettre à notre disposition les éléments qui remettent en cause nos arguments (…). Ici, il n y a aucun empressement et nous n’avons rien contre vous monsieur’’. Et ce clin d’œil : ‘’si vous avez un arrêt qui infirme l’ordonnance nous désignant avant le dépôt de notre rapport provisoire, nous vous prions de nous le communiquer avant que le juge taxateur de nous remette nos honoraires qui sont en votre charge’’.
Mais ce bras de fer est sans doute loin derrière, l’axe du contentieux entre les actionnaires de Wari étant circonscrit dans le périmètre du juge du premier cabinet. Nous avons essayé de joindre M.Kabirou Mbodj sur son portable. Nous lui avons laissé un message écrit pour le faire réagir sur ce dossier. Il nous a communiqué un numéro du Nigéria sur lequel nous avons tenté de le joindre. En vain.
lignedirecte.sn – En pointant la loupe sur les affaires de la plus célèbre société de transfert d’argent du Sénégal, Wari, nous ne pensions pas trouver autant de cafards. Plusieurs procédures sont en réalité enclenchées contre celui qui est considéré comme le grand Manitou de Wari. Lignedirecte.sn, dernier né des sites d’informations, (toujours copiée, jamais citée), peut assurer dans cette affaire, que le Procureur de la République a demandé dans son réquisitoire supplétif transmis au doyen des juges d’instruction, juge du Premier cabinet, l’inculpation de Kabirou Mbodj, Directeur général de la C.S.I (Wari).
Cette procédure fait suite à la plainte déposée auprès du Procureur de la République près le tribunal régional hors classe de Dakar, par deux actionnaires de Wari, Malick Fall et Seyni Camara. Tous les deux se présentent comme des actionnaires de Cellular system international (C.S.I.SA) et Interactive Sarl. Ils poursuivent Kabirou Mbodj, Directeur général de C.S.I.SA, la société qui endossait le business Wari, d’abus de biens sociaux et d’infraction à la modification du capital des sociétés anonymes. Dans cette plainte dont nous n’avons pas copie, mais dont nos sources ont de façon certaine, pris connaissance, la genèse du business est bien relatée.
L’histoire jamais racontée de Wari…
C’est en 2006 que le projet commence à germer et que Kabirou Mbodj se rapproche de Seyni Camara, cadre de banque spécialisé dans les transferts d’argent. Ce dernier qui a un expertise avérée pour avoir travaillé dans les plus grandes banques, contacte à son tour Malick Fall en 2007, et lui propose de prendre part à l’aventure. Ce dernier a aussi une expertise confirmée dans la mise en place des plateformes informatiques pour servir de base techniques aux opérations de transfert d’argent. Dans la plainte déposée chez le Procureur de la République, il est bien précisé que Kabirou Mbodj n’a aucune expertise dans le domaine des transferts d’argent. C’est du reste lui qui semble avoir déclenché le processus pour avoir contacté Seyni Camara qui va se charger de mettre en place l’équipe. Le quatrième actionnaire de la boîte arrive donc par la ‘’baraka’’ de Malick Fall qui fait venir un expert du nom de Cheikh Tague. Ce sont ces quatre actionnaires de la CSI qui va lancer Wari.
L’expérience démarre d’ailleurs très mal et les débuts sont plus que difficiles. Car, c’est avec un concurrent, précisément PostFinance que le business commence ses activités. La plateforme s’appelle ‘’Call Money’’ et c’est Seyni Camara qui le baptise ainsi. Malick Fall met en place les systèmes d’informations financiers et de services de transfert d’argent. La Poste glisse des peaux de bananes à la petite entreprise logée dans des bureaux exigus à la place de l’Indépendance. La CSI.SA finit par jeter l’éponge et cherche un nouveau partenaire financier. Seyni Camara engage les négociations avec la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (CNCAS). Il faut trouver un autre nom, tout neuf. C’est ainsi que Wari est né. Selon de sources proches de la Police judiciaire sénégalaise, c’est Wari Wassa qui avait été proposé comme nom, mais Seyni Camara pensera que Wari sonne ‘’plus court, plus choc’’. Kabirou Mbodj suit tout ce processus avec attention. Il écoute beaucoup en laissant les experts faire le travail nécessaire.
Le virage…Interactive
Même avec ce changement de cap, Wari ne prend pas immédiatement son envol. La croissance n’est pas encore au rendez-vous et les actionnaires décident non seulement de créer une nouvelle société dénommée Interactive pour accélérer le déploiement du réseau de Wari. Un nouvel actionnaire arrive en la personne de Bernard Tissot et la nouvelle société qui vient renforcer la CSI dans l’activité, est composé de cinq actionnaires, avec chacun 20% du capital social. Seyni Camara est nommé gérant d’Interactive. La CSI se focalise sur le produit et le public alors qu’Interactive gère les réseaux et les points de vente. ‘’C’est le tournant’’, lâche un de nos interlocuteurs. La séparation de l’activité de gestion du réseau des autres tâches dope la machine. A partir de ce moment, Wari commence à connaître la croissance. De façon très rapide. ‘’Si rapide que cela donne le tournis à certains’’, raconte d’ailleurs, avec un brin d’ironie, une de nos sources.
Kabirou Mbodj, qui est sans doute ‘’le plus téméraire’’ du groupe, selon les termes d’un cadre de la boîte, décide de prendre le contrôle de la maison et d’écarter ses ‘’compagnons de galère’’ qui n’auront même pas à goûter aux premiers fruits de leur labeur… A suivre dans quelques instants.