DéCèS D’EL HADJ MéDOUNE THIAM, PHARMACIEN ET ISLAMOLOGUE
Un grand berger de l’islam s’en est allé !
Le mardi 07 novembre 2017, les habitants des quartiers de Dieuppeul, Castors, Derklé se sont réveillés dans la douleur et la consternation suite à la disparition soudaine d’El Hadj Médoune Thiam. Une disparition survenue à l’âge de 74 ans puisque le défunt était né le 30 janvier 1943 à Saint-Louis. Au delà de ces quartiers Dakarois, la triste nouvelle a envahi le Sénégal, et l’ensemble de la Oumma islamique internationale. Célèbre pharmacien, Dr El Hadj Médoune Thiam fait partie de la première génération de professionnels de la santé à s’être implantée dans le secteur des Sicap. En 1973, il a ouvert son officine à l’enseigne « Pharmacie Castors » ou « Pharmacie du Carrefour » devenue un point de repère géographique pour toute personne étrangère débarquant dans cette zone. En cette douloureuse circonstance, « Le Témoin » ne pouvait manquer d’user de son devoir de reconnaissance à l’endroit de celui qui fut son fidèle lecteur doublé d’un ami. Aux origines de cette constance dans la fidélité, notre dirpub Mamadou Oumar Ndiaye à qui El Hadj Médoune Thiam vouait une admiration et un respect sans limite depuis l’épopée des journaux « Takussan » et « Sopi ». Des souvenirs nostalgiques qu’aimait bien ré- veiller le doyen Médoune Thiam à chaque fois que je le rencontrais nuitamment devant sa maison abritant la pharmacie, sa pharmacie. Ces dernières années, ceux qui ont eu à l’approcher le savaient malade. Il ne sortait pratiquement plus pour avoir complètement tourné le dos aux affaires et cérémonies de ce bas monde. A ce sujet, Dr Thiam ne cessait jamais de me rappeler que le danger réside dans l’attachement à ce bas-monde et non pas dans la possession des biens de ce bas-monde. Pour le défunt islamologue, l’homme croyant peut effectivement posséder une part de ce bas-monde sans que celle-ci ne le possède, sans en faire son unique but dans la vie. « L’amour excessif des choses de ce bas- monde est la source des vices » me sermonnait-il, histoire de justifier son retrait des affaires éphémères. Pour tenter de le voir, je m’arrangeais pour être à la pharmacie aux environs de 2h du matin, heure à la quelle ferme l’officine gérée par ses propres enfants. C’était toujours à cette heure avancée de la nuit que le « bienfaiteur de l’Islam » revenait de ses promenades avant de s’as- seoir sur un banc de fortune. Au bas de l’immeuble. Il ne fallait surtout pas lui parler de médicaments ou de posologies si on voulait engager une causerie avec lui ! Pour le ferrer, je ne lui parlais donc que de l’Islam, Mohamed (Psl) qu’il Aimait et Vénérait avec un amour profond et inébranlable. Un exemple parmi d’autres, la marche religieuse du 24 janvier 2015 à Dakar contre « Charlie Hebdo ». Bien qu’ayant une santé fragile, ce jour-là El Hadj Médoune Thiam avait tenu à aller protester. Et dès le lendemain, il m’a fait appeler pour retourner à ses anciennes amours : les contributions religieuses « Par les idées, je vais répondre à ces monstres de la caricature. Il faut que tu viennes à la maison pour que je te dicte ma contribution » m’avait-il dit. Dicter une contribution ? Sans doute, une contribution qui allait être très longue vu la passion de l’islamologue qu’il était pour les questions islamiques. J’imaginais déjà qu’il al- lait me faire subir un exercice laborieux. Faute de temps, j’ai raté ce rendez-vous de la…dictée. Les jours passent, la fièvre « anti- Charlie » commence à se retomber petit à petit. Et jusqu’au jour où le doyen Médoune Thiam me coinça à Castors en ces termes : « Mais toi là , tu n’es pas venu l’autre jour pour ma contribution…Je dirai à Mamadou Oumar que tu es du camp de Charlie… » m’avait-il lancé d’un ton taquin. Juste pour dire ô combien El Hadj Médoune Thiam nourrissait son cœur de l’amour du Prophète Mohamed (Psl). De son vivant, ce grand conférencier de l’islam contemporain, tel un berger, ne faisait que conduire les troupeaux de l’enseignement prophétique vers le bon pâturage avant le crépuscule de la vie. « Damay sam diné dji (Je protège la religion islamique) » se glorifiait-il. De notre tendre jeunesse, on se sou- vient des nombreux « Gamou Médoune Thiam » et autres « conférences Médoune Thiam » qui faisaient partie de l’agenda religieux du Sénégal. Au niveau mondial, El Haj Médoune Thiam prenait part à de colloques et conférences où il se distinguait de par sa parfaite connaissance en sciences islamiques et son incarnation de la pensée soufie.
Un conférencier de renommée internationale
Le profil de ce conférencier de renommée internationale me rappelle la grande conférence sur le soufisme organisée en 1999 à Marrakech (Maroc) où je faisais partie des rares journalistes invités par le royaume chérifien. La délégation sénégalaise composée de chefs religieux, de maitres coraniques, de talibés et de prêcheurs était dirigée par feu Abdou Aziz Sy Al Amine alors porte-parole du Khalife général des Tidianes. Dès notre descente d’avion, le ministre des Habous et des Affaires islamiques du Maroc, après multiples salamalecs, nous a demandé si El Hadj Médoune Thiam était parmi nous. Effectivement, il était bien présent dans la délégation. Le ministre était ainsi rassuré du fait que notre El Hadj Médoune Thiam national faisait partie des rares conférenciers de l’Afrique subsaharienne qui devaient animer la conférence de Marrakech. Inutile de vous dire qu’il avait survolé son sujet. La disparition d’El Hadj Médoune Thiam constitue une grande perte, non seulement pour les communautés religieuses du Sénégal, mais pour l’ensemble de la Oumma islamique. Une grosse perte humanitaire aussi, si on peut dire, pour le monde des pauvres et nécessiteux. Car en dehors des nombreuses mosquées qu’il a construites, El Haj Médoune Thiam aidait les personnes défavorisées et assistait les ma- lades. Bienfaiteur hors pair, il a permis à plusieurs musulmans d’effectuer le pèlerinage à La Mecque. Et ceux qui n’ont pas eu la chance, il les consolait avec des moutons de Tabaski tout en leur promettant un billet pour les Lieux saints de l’Islam. El Hadj Médoune Thiam était un homme multidimensionnel au point qu’on ne se retrouvait plus dans ses multiples statuts: le prêcheur, le bienfaiteur, le conférencier, le pharmacien, l’islamologue, l’imam, l’érudit etc. « Doyen Thiam, le pharmacien ou l’islamologue ? » lui demandais-je à chaque télescopage joyeux. La réponse tombait toujours du tac au tac : « C’est Médoune Thiam l’islamologue ! Je le répète, suis à la fois un serviteur et un commis de l’Islam…» disait-il avec un large sourire.
Aujourd’hui, El Hadj Médoune Thiam repose pour l’éternité au cimetière de Pikine aux cotés de ses parents. Il était pour beaucoup un serviteur modèle, un fidèle musulman, généreux et sincère pour la cause islamique du juste milieu. Nous prions ardemment pour que l’œuvre qu’il a bâtie dans ce bas monde lui soit rétribuée auprès de Dieu. Son enseignement inspirera pour longtemps les nouvelles générations. A sa veuve Adja Rokhaya Mbaye ainsi qu’à ses enfants Masseck, Aicha, Khady et Mame Fatou, à son ami et parent Me Ousmane Ngom auquel il était très attaché, Le Groupe Témoin leur présente ses sincères condoléances. Que la terre de Pikine lui soit légère et que Dieu l’accueille dans Son meilleur paradis. Adieu, bienfaiteur de l’Islam !
Pape NDIAYE (Le Temoin)