Des rangées de 202 sépultures anonymes sont séparées par une allée en terre-plein dans ce cimetière militaire français, à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, où sont «inhumés les tirailleurs sénégalais» tués dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 1944, selon une version officielle.
Le corps des tirailleurs, formé de soldats de colonies françaises d’Afrique, comprenait notamment des Sénégalais, des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd’hui Burkinabè), des Ivoiriens.
Le 4 novembre 1944, quelque 1.300 d’entre eux, d’ex-prisonniers de guerre des Allemands, embarquent en France pour leur pays, affirme Cheikh Faty Faye, historien à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Après leur arrivée au camp militaire de Thiaroye plus de deux semaines plus tard, ils se révoltent contre le retard du paiement de leurs arriérés de soldes, plusieurs refusant de rentrer dans leurs pays sans être payés.
Le 28 novembre 1944, ils séquestrent pendant plusieurs heures un haut responsable militaire français. Ils font fi des sommations des autorités coloniales qui ordonnent alors d’ouvrir le feu sur ces «mutins» le 1er décembre 1944, selon des archives coloniales.
«La plupart des historiens s’accordent sur le chiffre total de soixante-dix» morts, indique le service historique du ministère français de la Défense sur une banderole d’une exposition, dans le musée dédié aux tirailleurs dans le cimetière de Thiaroye.
Un bilan officiel que Cheikh Faty Faye juge inférieur au chiffre réel. Et l’historienne française Armelle Mabon, qui parle de «massacre», estime que «le nombre de morts reste une zone d’ombre qu’il faut relier au doute sur le nombre d’ex-prisonniers» ramenés à Thiaroye situé à 1.200, 1.280 ou 1.300.
Des élus d’outre-mer, comme le député à l’Assemblée nationale française et avocat sénégalais Lamine Guèye, avaient vainement demandé une enquête parlementaire sur ces évènements, affirme-t-elle dans une étude.
Le lieu d’inhumation des soldats tués, dans des tombes individuelles ou des fosses communes, à Thiaroye ou ailleurs, fait également débat.
Plusieurs historiens estiment que des tirailleurs pourraient avoir été enterrés dans la caserne de Thiaroye, à quelques kilomètres du cimetière.
«Les tombes sont anonymes parce que symboliques», affirme un observateur du dossier selon lequel les sépultures de Thiaroye ne contiennent aucun reste humain.
- Part d’ombre de l’histoire de France -
Le président français François Hollande doit visiter le cimetière de Thiaroye dimanche et remettre aux autorités sénégalaises des archives numérisées sur cet épisode.
«La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante» de Thiaroye contre des soldats africains «qui s’étaient battus pour la France», avait-il déclaré, lors d’une visite à Dakar en octobre 2012, avant de promettre un don d’archives de la France sur «ce drame».
Mais pour Cheikh Faty Faye, «la France n’a aucun intérêt à dire la vérité sur les évènements de Thiaroye 1944, au même titre que d’autres «massacres coloniaux». La tuerie de Thiaroye est «un acte barbare sur lequel l’administration coloniale aura tout fait pour garder le secret», dit-il.
L’Etat sénégalais s’est tardivement saisi du dossier.
Le cimetière n’a été réhabilité qu’en 2010 durant la présidence (2000-2012) d’Abdoulaye Wade, qui avait instauré en 2004 une «journée du tirailleur» pour rendre hommage à ces soldats coloniaux.
Auparavant, «c’était un repaire de voyous, un dépotoir où il n’y avait que des broussailles», confie le gardien Sidy Diop.
Une association française, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a annoncé jeudi avoir intenté deux actions en justice contre l’Etat français pour obtenir «révision» du procès d’un des tirailleurs condamnés en mars 1945, et «réparation» 70 ans après le drame de Thiaroye.
De son côté, la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) a demandé à la France «de reconnaître les faits et d’assumer ses responsabilités» dans cette affaire.
«Pour le devoir de mémoire, la France va équiper le musée (dans le cimetière). Une stèle est également prévue au camp de Thiaroye» , confie Mame Gallo Sow, chargé de la gestion des huit cimetières militaires français du Sénégal dont Thiaroye.
Les évènements de décembre 1944 ont inspiré un film, «Camp de Thiaroye», réalisé par le Sénégalais Ousmane Sembène et son compatriote Thierno Faty Sow.
AFP
Le corps des tirailleurs, formé de soldats de colonies françaises d’Afrique, comprenait notamment des Sénégalais, des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd’hui Burkinabè), des Ivoiriens.
Le 4 novembre 1944, quelque 1.300 d’entre eux, d’ex-prisonniers de guerre des Allemands, embarquent en France pour leur pays, affirme Cheikh Faty Faye, historien à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Après leur arrivée au camp militaire de Thiaroye plus de deux semaines plus tard, ils se révoltent contre le retard du paiement de leurs arriérés de soldes, plusieurs refusant de rentrer dans leurs pays sans être payés.
Le 28 novembre 1944, ils séquestrent pendant plusieurs heures un haut responsable militaire français. Ils font fi des sommations des autorités coloniales qui ordonnent alors d’ouvrir le feu sur ces «mutins» le 1er décembre 1944, selon des archives coloniales.
«La plupart des historiens s’accordent sur le chiffre total de soixante-dix» morts, indique le service historique du ministère français de la Défense sur une banderole d’une exposition, dans le musée dédié aux tirailleurs dans le cimetière de Thiaroye.
Un bilan officiel que Cheikh Faty Faye juge inférieur au chiffre réel. Et l’historienne française Armelle Mabon, qui parle de «massacre», estime que «le nombre de morts reste une zone d’ombre qu’il faut relier au doute sur le nombre d’ex-prisonniers» ramenés à Thiaroye situé à 1.200, 1.280 ou 1.300.
Des élus d’outre-mer, comme le député à l’Assemblée nationale française et avocat sénégalais Lamine Guèye, avaient vainement demandé une enquête parlementaire sur ces évènements, affirme-t-elle dans une étude.
Le lieu d’inhumation des soldats tués, dans des tombes individuelles ou des fosses communes, à Thiaroye ou ailleurs, fait également débat.
Plusieurs historiens estiment que des tirailleurs pourraient avoir été enterrés dans la caserne de Thiaroye, à quelques kilomètres du cimetière.
«Les tombes sont anonymes parce que symboliques», affirme un observateur du dossier selon lequel les sépultures de Thiaroye ne contiennent aucun reste humain.
- Part d’ombre de l’histoire de France -
Le président français François Hollande doit visiter le cimetière de Thiaroye dimanche et remettre aux autorités sénégalaises des archives numérisées sur cet épisode.
«La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante» de Thiaroye contre des soldats africains «qui s’étaient battus pour la France», avait-il déclaré, lors d’une visite à Dakar en octobre 2012, avant de promettre un don d’archives de la France sur «ce drame».
Mais pour Cheikh Faty Faye, «la France n’a aucun intérêt à dire la vérité sur les évènements de Thiaroye 1944, au même titre que d’autres «massacres coloniaux». La tuerie de Thiaroye est «un acte barbare sur lequel l’administration coloniale aura tout fait pour garder le secret», dit-il.
L’Etat sénégalais s’est tardivement saisi du dossier.
Le cimetière n’a été réhabilité qu’en 2010 durant la présidence (2000-2012) d’Abdoulaye Wade, qui avait instauré en 2004 une «journée du tirailleur» pour rendre hommage à ces soldats coloniaux.
Auparavant, «c’était un repaire de voyous, un dépotoir où il n’y avait que des broussailles», confie le gardien Sidy Diop.
Une association française, le Conseil représentatif des associations noires (Cran), a annoncé jeudi avoir intenté deux actions en justice contre l’Etat français pour obtenir «révision» du procès d’un des tirailleurs condamnés en mars 1945, et «réparation» 70 ans après le drame de Thiaroye.
De son côté, la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) a demandé à la France «de reconnaître les faits et d’assumer ses responsabilités» dans cette affaire.
«Pour le devoir de mémoire, la France va équiper le musée (dans le cimetière). Une stèle est également prévue au camp de Thiaroye» , confie Mame Gallo Sow, chargé de la gestion des huit cimetières militaires français du Sénégal dont Thiaroye.
Les évènements de décembre 1944 ont inspiré un film, «Camp de Thiaroye», réalisé par le Sénégalais Ousmane Sembène et son compatriote Thierno Faty Sow.
AFP