Ouestafnews – Des rapports de contrôle ou d’audit, en série. A chaque fois solennellement remis au président du Sénégal (« premier magistrat » du pays, dit-on). A chaque fois, la presse qui en fait ses choux gras. Chez les citoyens, ceux qui en ont encore la capacité et l’énergie, s’indignent à mort dans les salons et lieux publics. Puis… Rien ! Silence ! On oublie le tout, et l’année prochaine on recommence.
Pendant ce temps les fraudeurs et prédateurs bien identifiés et nommément cités se pavanent dans les lieux huppés. Snobent le petit peuple. Friment avec l’argent mal acquis. Roulent en 4X4 sur le dos du contribuable. Accumulent les milliards et construisent des immeubles dont ils ne savent plus que faire. Et va la bamboula. Le tout sous les yeux d’une autorité étatique qui ne l’est plus que de nom.
Le « cru » 2015 ne fait guère exception. Encouragés par l’impunité de leurs prédécesseurs dans la liste des prédateurs du trésor public, les hauts fonctionnaires sénégalais ne se gênent plus à se remplir les poches. Etre cité dans un rapport d’audit est même devenu, semble-t-il, synonyme de gain de popularité pour certains, dans un pays où les incessantes coupures d’électricité alternent quotidiennement avec d’interminables coupures d’eau.
Des sommes faramineuses.
Ces rapports, le « premier magistrat du pays » en a encore reçu un, le 20 juin 2015. De l’Inspection générale d’Etat (IGE). Les quelques révélations relayées par la presse et les sommes faramineuses en jeu sont renversantes, dans un pays où les étudiants sont tous les deux mois dans les rues en train de réclamer des arrières de bourses, d’un montant dérisoire.
« Ce rapport fera l’objet d’un examen attentif de ma part pour en déduire toutes les mesures idoines », a promis le président Macky Sall, en recevant le rapport. Mais n’avait-il pas déjà depuis son premier discours promis de ne protéger « personne » et de sévir contre tous les fautifs ?
« C’est pour moi une exigence de premier ordre [parce que] je ne souhaite pas que les anomalies, même commises de bonne foi, se répètent », ajoute le président Sall. Ce dernier a été élu en 2012 avec la promesse d’apporter la « rupture » et une « gouvernance sobre et vertueuse ». Trois ans après, on en est encore très loin, et presque rien ne distingue son pouvoir de celui de son prédécesseur (et mentor pendant de longues années), Abdoulaye Wade.
Depuis l’arrivée du Président Macky Sall, il s’agissait de la 3ème fois que le fameux document « secret et soumis à l’appréciation exclusive » du président de la république, lu était transmis. Trois ans, et le même rituel. Le texte reste dans les tiroirs. Sans suite. Pourtant, avec ce rapport c’est un condensé de tous les dysfonctionnements, abus, actes de gabegie, dans la gestion des finances publiques qui est remis aux mains du chef de l’Etat.
Changer de mains ?
L’inaction est tel que pour la société civile, il faut rompre avec la tradition et faire du procureur de la République le destinataire final du rapport de l’IGE. Une vieille doléance jusque là insatisfaite.
Pour l’avocat Mame Adama Guèye, ancien responsable du Forum civil (qui lutte pour la transparence et contre la corruption), ce n’est qu’en franchissant ce rubicond que Macky Sall pourra convaincre les Sénégalais à faire de son mandant celui de la « rupture » et de « la gouvernance vertueuse ».
En attendant ce jour qu’espèrent des millions de Sénégalais désabusés par l’inconscience et la cupidité des hauts cadres de l’administration, les interrogations ne manquent pas.
A quoi sert-il de perdre du temps à réaliser ces rapports si les incriminés ne sont jamais attraits devant la justice ? Craint-on véritablement les avertissements, pas loin du chantage, de certains incriminés qui n’hésitent pas à dire qu’une fois au tribunal, ils sont prêts à faire des déballages ?
Promesses, rapports et institutions à la pelle
Interpellé sur la question lors d’un face à face avec les députés, le Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne a encore promis que des «poursuites» seront engagées.
Au total, «87 rapports et sous-rapports ont été remis et publiés. Ils sont en train de faire l’objet d’une exploitation sous forme de directives gouvernementales. Nous sommes en train d’envoyer des lettre donnant instructions au département de la Justice d’engager des poursuites», a-t-il promis.
Pour les populations de plus en plus impatientes, la rupture, promise par le Président peine à se traduire dans les actes.
Cas emblématique de l’impuissance ou du manque volonté des autorités à prendre cette question délicate à bras le corps et d’en finir une fois pour toutes : l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). Encore une structure mise en place par l'Etat pour en finir avec un mal qui continue de prendre le dessus.
Institué fin 2012, ce service avait au départ suscité de l’espoir au sein des populations. Défini comme une « unité administrative indépendante » dotée d’un pouvoir d’auto-saisine, l’Ofnac s’est jusque là plus illustré par son incapacité à mener à bien cette mission.
Pourtant habilité à engager des poursuites sur simples plaintes de citoyens, l’institution peine encore à trouver ses marques.
Par ailleurs, une autre de ses prérogatives lui enjoint de recueillir les « déclarations de patrimoine » des autorités comme les ministres, le président de l’Assemblée nationale, les comptables publics. Hélas, l’Ofnac n’arrive pas à faire respecter la loi et rallonge chaque jour un peu plus les délais, pour ceux qui traînent encore les pieds.
Après moult tâtonnements, l’Office a fini par faire plier les ministres. Mais ceux-ci ne représentent qu’une infime partie de la liste de 600 personnes concernées par l’obligation de déclarer leur patrimoine. Pourtant depuis le 24 juin 2015, le délai imparti à ceux qui sont soumis à cette loi est passée.
Laxisme et partialité
Pour certains, bien avant les autres démembrements de l’Etat, c’est l’Ofnac qui devait se saisir de tous les noms cités dans les rapports et porter chaque cas en justice. Birahim Seck, membre du Forum civil, est de ceux qui pensent comme cela. Selon lui, il est du ressort de l’Ofnac de saisir « immédiatement la justice ».
Dans une tribune publiée par les médias, et s’appuyant sur les dispositions de la loi portant création de l’Ofnac, M. Seck souligne que « …la voie présidentielle n’est pas la seule qui mène au Procureur de la République ».
Pour l’heure, seuls quelques opposants hostiles au régime de Macky Sall ont été envoyés devant les tribunaux. Ce qui offre une belle aubaine à ses adversaires et leurs avocats, qui profitent de cette faille. Ils affirment que leurs clients sont « victimes » de règlement de comptes politiques. C’est le cas par exemple des partisans de Karim Wade, fils de l’ancien président, condamné pour « enrichissement illicite ».
Demandez à nombre de Sénégalais et ils vous répondront, « oui Karim Wade s’est enrichi avec l’argent public et méritait d’être traduit en justice, mais il est très loin d'être le seul ». Or, les autres, tous les autres, bien connus de tous, se la coulent douce.
Ouestaf.Com
Pendant ce temps les fraudeurs et prédateurs bien identifiés et nommément cités se pavanent dans les lieux huppés. Snobent le petit peuple. Friment avec l’argent mal acquis. Roulent en 4X4 sur le dos du contribuable. Accumulent les milliards et construisent des immeubles dont ils ne savent plus que faire. Et va la bamboula. Le tout sous les yeux d’une autorité étatique qui ne l’est plus que de nom.
Le « cru » 2015 ne fait guère exception. Encouragés par l’impunité de leurs prédécesseurs dans la liste des prédateurs du trésor public, les hauts fonctionnaires sénégalais ne se gênent plus à se remplir les poches. Etre cité dans un rapport d’audit est même devenu, semble-t-il, synonyme de gain de popularité pour certains, dans un pays où les incessantes coupures d’électricité alternent quotidiennement avec d’interminables coupures d’eau.
Des sommes faramineuses.
Ces rapports, le « premier magistrat du pays » en a encore reçu un, le 20 juin 2015. De l’Inspection générale d’Etat (IGE). Les quelques révélations relayées par la presse et les sommes faramineuses en jeu sont renversantes, dans un pays où les étudiants sont tous les deux mois dans les rues en train de réclamer des arrières de bourses, d’un montant dérisoire.
« Ce rapport fera l’objet d’un examen attentif de ma part pour en déduire toutes les mesures idoines », a promis le président Macky Sall, en recevant le rapport. Mais n’avait-il pas déjà depuis son premier discours promis de ne protéger « personne » et de sévir contre tous les fautifs ?
« C’est pour moi une exigence de premier ordre [parce que] je ne souhaite pas que les anomalies, même commises de bonne foi, se répètent », ajoute le président Sall. Ce dernier a été élu en 2012 avec la promesse d’apporter la « rupture » et une « gouvernance sobre et vertueuse ». Trois ans après, on en est encore très loin, et presque rien ne distingue son pouvoir de celui de son prédécesseur (et mentor pendant de longues années), Abdoulaye Wade.
Depuis l’arrivée du Président Macky Sall, il s’agissait de la 3ème fois que le fameux document « secret et soumis à l’appréciation exclusive » du président de la république, lu était transmis. Trois ans, et le même rituel. Le texte reste dans les tiroirs. Sans suite. Pourtant, avec ce rapport c’est un condensé de tous les dysfonctionnements, abus, actes de gabegie, dans la gestion des finances publiques qui est remis aux mains du chef de l’Etat.
Changer de mains ?
L’inaction est tel que pour la société civile, il faut rompre avec la tradition et faire du procureur de la République le destinataire final du rapport de l’IGE. Une vieille doléance jusque là insatisfaite.
Pour l’avocat Mame Adama Guèye, ancien responsable du Forum civil (qui lutte pour la transparence et contre la corruption), ce n’est qu’en franchissant ce rubicond que Macky Sall pourra convaincre les Sénégalais à faire de son mandant celui de la « rupture » et de « la gouvernance vertueuse ».
En attendant ce jour qu’espèrent des millions de Sénégalais désabusés par l’inconscience et la cupidité des hauts cadres de l’administration, les interrogations ne manquent pas.
A quoi sert-il de perdre du temps à réaliser ces rapports si les incriminés ne sont jamais attraits devant la justice ? Craint-on véritablement les avertissements, pas loin du chantage, de certains incriminés qui n’hésitent pas à dire qu’une fois au tribunal, ils sont prêts à faire des déballages ?
Promesses, rapports et institutions à la pelle
Interpellé sur la question lors d’un face à face avec les députés, le Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne a encore promis que des «poursuites» seront engagées.
Au total, «87 rapports et sous-rapports ont été remis et publiés. Ils sont en train de faire l’objet d’une exploitation sous forme de directives gouvernementales. Nous sommes en train d’envoyer des lettre donnant instructions au département de la Justice d’engager des poursuites», a-t-il promis.
Pour les populations de plus en plus impatientes, la rupture, promise par le Président peine à se traduire dans les actes.
Cas emblématique de l’impuissance ou du manque volonté des autorités à prendre cette question délicate à bras le corps et d’en finir une fois pour toutes : l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). Encore une structure mise en place par l'Etat pour en finir avec un mal qui continue de prendre le dessus.
Institué fin 2012, ce service avait au départ suscité de l’espoir au sein des populations. Défini comme une « unité administrative indépendante » dotée d’un pouvoir d’auto-saisine, l’Ofnac s’est jusque là plus illustré par son incapacité à mener à bien cette mission.
Pourtant habilité à engager des poursuites sur simples plaintes de citoyens, l’institution peine encore à trouver ses marques.
Par ailleurs, une autre de ses prérogatives lui enjoint de recueillir les « déclarations de patrimoine » des autorités comme les ministres, le président de l’Assemblée nationale, les comptables publics. Hélas, l’Ofnac n’arrive pas à faire respecter la loi et rallonge chaque jour un peu plus les délais, pour ceux qui traînent encore les pieds.
Après moult tâtonnements, l’Office a fini par faire plier les ministres. Mais ceux-ci ne représentent qu’une infime partie de la liste de 600 personnes concernées par l’obligation de déclarer leur patrimoine. Pourtant depuis le 24 juin 2015, le délai imparti à ceux qui sont soumis à cette loi est passée.
Laxisme et partialité
Pour certains, bien avant les autres démembrements de l’Etat, c’est l’Ofnac qui devait se saisir de tous les noms cités dans les rapports et porter chaque cas en justice. Birahim Seck, membre du Forum civil, est de ceux qui pensent comme cela. Selon lui, il est du ressort de l’Ofnac de saisir « immédiatement la justice ».
Dans une tribune publiée par les médias, et s’appuyant sur les dispositions de la loi portant création de l’Ofnac, M. Seck souligne que « …la voie présidentielle n’est pas la seule qui mène au Procureur de la République ».
Pour l’heure, seuls quelques opposants hostiles au régime de Macky Sall ont été envoyés devant les tribunaux. Ce qui offre une belle aubaine à ses adversaires et leurs avocats, qui profitent de cette faille. Ils affirment que leurs clients sont « victimes » de règlement de comptes politiques. C’est le cas par exemple des partisans de Karim Wade, fils de l’ancien président, condamné pour « enrichissement illicite ».
Demandez à nombre de Sénégalais et ils vous répondront, « oui Karim Wade s’est enrichi avec l’argent public et méritait d’être traduit en justice, mais il est très loin d'être le seul ». Or, les autres, tous les autres, bien connus de tous, se la coulent douce.
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