Alors que le président Bassirou Diomaye Faye entame sa deuxième année au pouvoir, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités sénégalaises à intensifier les réformes pour garantir la soutenabilité économique des médias, un secteur vital pour la démocratie. Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, souligne les avancées positives de la première année, mais insiste sur les défis persistants, notamment économiques et sécuritaires, qui menacent la liberté de la presse.
Un an après l’élection de Faye, le 24 mars 2024, avec 54 % des voix, des mesures encourageantes ont été prises : l’enregistrement des organes de presse sur une plateforme dédiée pour plus de transparence et l’actualisation de la loi sur la publicité pour mieux réguler le secteur. Ces initiatives visent à protéger une presse libre et indépendante, en permettant au public de connaître les acteurs derrière les médias et en limitant les tentatives d’achat d’influence. Cependant, RSF déplore un manque de concertation avec les professionnels des médias, un point également critiqué par le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS). Ce dernier avait organisé une « journée sans presse » le 13 août 2024, massivement suivie, pour dénoncer une « tentative de museler la presse ».
Une crise économique qui fragilise les médias
Le principal défi reste la survie économique des médias. La suspension des contrats publicitaires publics sous la nouvelle mandature a entraîné des arriérés de salaires pour de nombreux journalistes, tandis que l’annulation de l’effacement de la dette fiscale décidé par Macky Sall a aggravé la situation. En juillet 2024, les quotidiens sportifs Stades et Sunu Lamb ont cessé leur parution après plus de 20 ans d’existence, invoquant des difficultés financières. De plus, la cartographie des médias conformes au Code de la presse, lancée en août 2024, a révélé que seuls 258 des 639 médias ayant soumis un dossier répondaient aux critères. Cela a conduit des médias comme Kolda News à suspendre leurs activités, faute de pouvoir recruter des journalistes expérimentés.
RSF recommande un dialogue sur les charges fiscales, une réforme des aides publiques – évaluées à 1,9 milliard de FCFA (environ 3 millions d’euros) – et l’adoption d’un nouveau Code de la publicité adapté aux réalités actuelles. L’organisation propose également de soutenir la professionnalisation des médias via des incitations fiscales et la certification Journalism Trust Initiative (JTI).
Des enjeux sécuritaires persistants
Malgré une baisse des violences physiques contre les journalistes par rapport à la période 2021-2024, où 60 d’entre eux avaient été arrêtés, agressés ou détenus, des convocations inquiétantes ont marqué la première année de Faye. En octobre 2024, Cheikh Yérim Seck a été placé en garde à vue pour avoir contesté des chiffres officiels, et en février 2025, Pape Sané a été auditionné pour révéler ses sources. De nouvelles menaces numériques ont également émergé, avec des attaques informatiques contre Seneweb, Dakaractu et PressAfrik Group en février et mars 2025, poussant les autorités à renforcer la cybersécurité.
RSF exhorte le gouvernement à agir rapidement pour éviter l’effondrement du secteur médiatique. Alors que Faye avait promis, lors de sa campagne, d’abolir les peines d’emprisonnement pour délits de presse et de protéger les journalistes, les attentes restent élevées. La soutenabilité économique des médias, essentielle pour une démocratie saine, doit devenir une priorité, au même titre que la sécurité des journalistes, dans un contexte où les tensions entre le pouvoir et la presse restent palpables.