Modou Saliou Niang, la trentaine révolue, est un entrepreneur et gérant de son propre magasin à Pikine rue 10. Sur ses étagères, des bouteilles d’eau de capacités et de marques différentes, sont posées. A priori, rien d’extraordinaire. Pour connaître la particularité de son magasin, il faut passer de l’autre côté du comptoir. Là , on y trouve une machine de 2 mètres de haut possédant 2 boutons de couleurs rouge et verte et un compartiment pour y insérer des bidons. Il s’agit d’un purificateur d’eau.
« Il y a un réservoir dans la machine qui filtre l’eau du robinet en quatre unités. Avant la distribution », énonce le gérant. Cette machine provient de Chine et coûte la bagatelle de 3 millions de francs CFA. Si Modou a pu s’en procurer c'est grâce à une organisation fondée par un homme d'affaires sénégalais vivant en Chine, Ababacar Niang, qui se dénomme : mouvement patriotique pour la révolution industrielle. Ce mouvement exerce dans plusieurs activités. Et depuis un an, il (Modou) a lancé sa propre marque d’eau : Eau pure.
Cette dernière s’intègre petit à petit dans les habitudes de consommation des Pikinois, de l’avis de Modou Saliou Niang : « dans mon secteur, plusieurs maisons consomment cette eau. Avant, ils achetaient des bouteilles de 10 litres à 1000 francs dans les boutiques. Mais nous, nous rechargeons ces bouteilles à 500 francs Cfa ». En effet, l’une des raisons de son adaptation éclair dans cette zone est en partie liée à ses tarifs. La bouteille de 19 litres est commercialisée à 3000 francs, la recharge est à 1000 francs. Celle de 11 litres est vendue à 2000 francs et la recharge à 500 francs. Et le bidon de 5 litres se vend à 500 et la recharge ne coûte que 250 francs.
L’un de ses fidèles clients se nomme Amadou, il témoigne : « Je la trouve légère par rapport à l’eau du robinet, la différence est énorme. Elle n’a rien à envier aux grandes marques, elle est peut être même meilleure ».
De l’eau de qualité pour tous et partout
Des sociétés comme celle-ci, il en existe plusieurs de nos jours. Rien que dans la zone de Scat Urbam-Liberté 6, deux distributeurs de marques différentes sont présents. A la différence de celui de Pikine, ceux-là sont exposés en pleine rue aux yeux et au su de tout le monde. C’est le cas à Liberté 6. Le distributeur d’un blanc dominateur ne passe pas inaperçu et attire le regard des badauds. Vêtu d’un t-shirt bleu et se tenant debout à côté de la machine, Ibrahim est le gérant de cette fontaine. Il oriente les personnes désireuses de s’approvisionner en eau.
« Il faut d’abord insérer une pièce puis ouvrir le compartiment et y mettre la bouteille. Une fois fait, vous appuyez sur ce bouton bleu pour désinfecter le récipient après sur la touche verte pour commencer à le remplir. Dès que le bidon est plein, appuyez sur le bouton rouge pour l’arrêter », explique-t-il à un client.
Autre point de différence par rapport à la marque présente à Pikine : les prix proposés. Ici, les 20 litres d’eau se vendent à 600 CFA, les 10 litres à 300 CA et le 1,5 litre à 50 francs. Des tarifs largement en deçà de la moyenne et qui semble ravir la clientèle en tout point de vue. « J’apprécie vraiment ce service. J’y viens souvent acheter de l’eau pour mes parents. Car, ils sont âgés et ils ne peuvent pas consommer l’eau du robinet. Et cette eau est bien plus économique que les autres marques d’eaux minérales. Par exemple, pour une bouteille d’un litre cinquante qui coûte 400 francs en supérette, ici, je l’ai pour 50 francs. Donc j’économise 350 francs. En plus c’est dans mon quartier donc pas besoin d’aller loin », soutient Tibo, client régulier.
Un redoutable concurrent pour les marques d’eau minérale
Séduit par la qualité de ce liquide précieux, l’homme a décidé d’acheter une carte magnétique de 5000 francs proposée par la marque. « C’est plus économique pour moi, que de venir et de mettre des pièces tout le temps », dit-il. Question proximité, cette marque russe a implanté 10 distributeurs automatiques d’eau purifiée dans les quartiers de Dakar. Juste dans la zone de Liberté 6, trois robots sont présents à 30 mètres de distance les uns des autres.
« On se rend compte que ça a la même texture que les autres eaux minérales commercialisées dans les grandes surfaces. Et le responsable m’avait expliqué que cette eau subissait le même système de purification. Donc, je ne sens pas vraiment la différence », précise un autre client.
Le responsable en question est El Hadj. Il est chargé de faire la ronde entre les différents distributeurs placés dans Dakar. Il détaille les phases de la purification de l’eau dans sa machine : « L’eau provient d’une alimentation courante et passe par 10 étapes avant d’entrer dans le bidon. Elle passe par le polypropylène et le charbon actif. Puis par un système d’osmose inverse avant d’être minéralisée et passée dans un filtre à charbon et post-charbon. Les dernières étapes sont la désinfection de l’eau grâce à la lampe UV et à l’ozonation ». Un processus long et technique qui semble avoir des inconvénients sur les propriétés de l’eau.
« Le filtrage par osmose inverse enlève les minéraux contenus dans l’eau »
Si les consommateurs interrogés jusque-là sont assez satisfaits de cette nouvelle offre, les associations de consommateurs semblent émettre quelques réserves. « Il y a deux types de purificateur d’eau. Il y a des filtres normaux, ceux qui sont suffisamment performant pour enlever un certain nombre de corps étrangers. Il y a aussi des filtres par osmose inverse », détaille Momar Ndao, président de l’Association des Consommateurs du Sénégal (ASCOSEN).
Poursuivant son analyse, Ndao ajoute : « ce qu’il faut savoir avec cette méthode (osmose inverse), c’est qu’il peut y avoir quelques déficiences en minéraux. Donc, cette eau qui est filtrée de cette manière doit être aussitôt reminéralisée. Donc il ne faut pas uniquement boire ce type d’eau si c’est fait par osmose inverse. Parfois, ça peut vous faire perdre des minéraux ». Selon lui, tout dépend des méthodes de filtration utilisées. « Un système de filtrage qui enlève les matières en suspension sans enlever les sels minéraux, est un bon système. Au cas contraire, ça devient dangereux pour la santé », avertit-il.
A la suite de cette préoccupation, Vipeoples est entré en contact avec le frère du propriétaire de la première marque évoquée. Mohamed Lamine Niang est le gérant principal de la marque, il apporte des précisions à ce propos : « nos machines possèdent des cartouches intégrées qui réduisent le chlore, le mauvais goût, les contaminants organiques… et par-dessus tout, elles préservent les sels minéraux et les oligo-éléments naturels de l’eau », précise-t-il. Il ajoute : « notre eau passe par 4 filtres à la différence des autres où l’eau ne passe que par un seul filtre ».
Le consommateur sénégalais plus exigeant qu’auparavant ?
En dehors des avantages tarifaires, la bonne qualité de l’eau est devenue un enjeu de taille au sein de la société sénégalaise. Pour ces nombreuses personnes aux revenus faibles qui ne peuvent pas acheter régulièrement des bidons d’eau de 10 litres, l’eau du robinet est la seule alternative. Mais la forte teneur en calcaire rend sa consommation difficile car désagréable au goût.
« D’essence, l’eau est biologiquement potable. Maintenant les consommateurs sont en train de passer à un niveau plus élevé d’acceptabilité de l’eau. C’est-à -dire qu’une eau peut être transparente, limpide et ne pas être potable. Tout comme une eau peut avoir des matières en suspension et être potable. Les consommateurs veulent avoir, non seulement de l’eau potable sur le plan du respect des normes mais en même temps, une eau beaucoup plus claire exempte de coloration », pense Momar Ndao, président de l'ASCOSEN.