Grandir dans une famille pauvred'une banlieue de Dakar apprend vite la réalité de la vie. «Comme j'ai eu la chance d'aller à l'école, je me suis mise à aider les adultes de mon quartier à écrire leur courrier», se souvient Madjiguène Cissé.Lycéenne à Dakar en 1968 dans «un lycée très politisé», elle se passionnepour les événements de mai en France et pour la guerre du Vietnam,qui la poussent à devenir militante. Arrivée à Paris à 45 ans pour aider sa fille aînée qui entre à la fac,Madjiguène apprend le 18 mars 1996 que des centaines
de sans-papiers africains (sénégalaiset maliens pour la plupart) occupent une église parisienne. Dès lelendemain,elle leur rend visite, se joint à leur occupation et devient leur porte
parole. Elle qui ne devait rester que quelques jours à Paris va prolonger son séjour jusqu'à la fin de cette lutte, quatre ans plus tard!
Une longue période, pleine de rebondissements, dont elle se souvient encore, quatorze ans après, de toutes les dates.Les sans-papiers seront chassés par la police de différents lieux, du gymnase Japy à l'église Saint-Bernard. Certaines célébrités (de l'actrice Emmanuelle Béart au professeur Albert Jacquard) sont à leurs côtés et viennent même dormir avec eux! «Le courage de ne pas abandonner a permis aux sans-papiers de se faire entendre par les Français et de montrer qu'ils n'étaient pas des touristes ou des voleurs comme on les qualifiait», explique-t-elle. Au lendemain de leur dernière expulsion, tous seront régularisés...sauf certains leaders comme Madjiguène elle-même. En 2000, elle choisit de revenir au pays. Aujourd'hui, la vaillante Sénégalaisecontinue à militer au sein du REFDAF,
le Réseau des femmes pour le développement durable en Afrique. Son grand projet actuel,c'est la création d'une cité des femmes à Dakar.Objectif : accompagner les femmes par la formation et la sensibilisation, sur la question de leurs droits, la santé, la politique... jusqu'à ce que certaines deviennent même chefs d'entreprise. Car il y a un lien direct entre son combat d'hier, en France, et celui d'aujourd'hui, au Sénégal : «Ce sont souvent les mères qui poussent leurs enfants à émigrer. Si elles contribuent au développement économique du pays, leurs fils ne partiront plus dans des pirogues de fortune.» Très impliquée dans l'organisation du Forum social mondial de Dakar, en février 2011,Madjiguène croit que les initiatives de solidarité internationale peuvent construire un vrai contrepouvoir : «Les peuples n'ont pas assez conscience de leur force.Pourtant les dirigeantspolitiques en ont peur».
Amédée Anglade – Reporter Citoyen – Projet « Jeunes reporters migrants »