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Portrait – Bougane Guèye Dani, patron de presse : Self média man


Rédigé le Dimanche 26 Janvier 2014 à 13:36 | Lu 624 fois | 0 commentaire(s)



Suite à la saisie de l’émetteur de Banlieue Tv (Btv), Bugane Guèye Dany, qui en a discuté avec le chef de l’Etat, a décidé de suspendre jusqu’à nouvel ordre la mise en œuvre de cBougane Guèye Dany, la quarantaine, est de la race d’hommes d’affaires à succès. Après une trajectoire improbable, de la radio Téranga Fm à Saint-Louis, en passant par Walfadjiri, jusqu’à la Rfm, il s’est taillé une place au soleil. Le Quotidien a passé à la loupe son sinueux parcours et mis les projecteurs sur sa personne.


Portrait – Bougane Guèye Dani, patron de presse : Self média man
«A Téranga Fm, il n’avait pas 50 000 francs Cfa de salaire» 

Une question volante. Bougane Guèye Dani, c’est qui déjà ? Le who’s who local est on ne peut plus concis et un chouia élogieux. Bougane Guèye Dani : ancien journaliste sorti des sentiers (com ?) battus, reconverti avec succès dans les affaires. Ces dernières très florissantes en ont fait un des nouveaux princes du business sénégalais. «Riche», colporte la voix publique. «Nouveau riche», précisent et raillent les plus chatouilleux. En fait, Bougane Guèye Dani a le vent dans le dos et se laisse porter par son irrésistible karma. Il est pépère et rivalise en prodigalités dans les lieux in et autres coins show de la capitale. Bougane Guèye Dani, nouvelle hype du business, flambe. En 2008 déjà, les rumeurs cafardaient sur son chiffre d’affaires et parlaient de sommes au dessus du milliard. Pourtant Malal Junior Diagne, journaliste à la Rfm, confie : «A ses débuts à Térange Fm, il n’avait pas 50 000 francs Cfa de salaire.» Sa réussite, il l’a bâtie en un temps record et dispute le gratin aux seigneurs du business. Bougane Guèye est-il bardé d’une popularité surfaite ? Ce n’est pas de l’hyperbole, mais c’est sa nouvelle pesée sur la bascule qui veut ça. 

Une question insidieuse. Mais qui donc se cache derrière lui ? Les certitudes de ses contempteurs en avaient fait un parfait numéro 2, un prête-nom pour maquiller la silhouette d’un magnat qui tire les ficelles du dehors et Bougane ne serait là que pour décorer la vitrine. Le nom de Pape Diop, ancien président du Sénat, revenait toujours. Bougane Guèye, excédé de s’entendre rebattre les oreilles par la rumeur avait carrément moufté, les yeux pissant l’ire : «Jamais ! Personne n’est derrière moi. Pape Diop encore moins.» Son ami Madiambal Diagne, administrateur général du Groupe Avenir Communication, corrobore : «Dans le cadre de nos discussions et relations d’affaires, il n’a jamais été question de Pape Diop. Il ne l’a jamais dit.» Pourtant un de ses amis, requérant l’anonymat, croit savoir qu’à un moment donné, feu Serigne Mbacké Sokhna Lô, marabout réputé pour sa science coranique et sa générosité, avait donné un coup de pouce à un Bougane entreprenant certes, mais alors encore poussif. Madiambal Diagne préfère louer le mérite de l’homme : «J’apprécie son caractère fonceur et combatif et j’ai du respect pour les réussites de self made men qui se sont hissés sans avoir compté sur un héritage quelconque. Malheureusement, ici, ce genre de personnes est mal perçu. Il suffit que ce soit un ancien camarade de classe, ou de jeux ou le fils du voisin pour qu’on l’accable de tous les maux et qu’on le traite de trafiquant, un blanchisseur d’argent ou un prête-nom.» Soit ! 

Aujourd’hui, il y a une constante : sa réussite évidente. Bougane se repaît au sommet de son empire. Sa première prouesse est Dak’cor, une agence de communication qui fait dans la régie publicitaire, le marketing et la communication. Aujourd’hui, elle se coltine à la crème du privé : Nokia, Western Union, Ecobank, Dhl, Elton, Sea Plaza, Nsia, Pridoux, Sbma, Colgate Palmolive. Cette agence qui, à ses balbutiements, squattait un appart croît aujourd’hui avec une frénésie galopante. Autre succès, le groupe de presse D-Média, qui est composé d’une radio (Zik Fm) née en 2008 des cendres de la 1ère Fm, un bébé du Groupe Avenir Communication de Madiambal Diagne, d’un quotidien (La Tribune) et d’une benjamine, une télévision (Sen Tv). Et très récemment d’un site. Dans le même temps, on le dit très fin en bonnes affaires. Il aurait même réussi à ressusciter une radio déjà condamnée. 



Passé difficile 

Madiambal Diagne explique le fin mot de l’histoire : «C’est vrai que nous sommes partenaires en affaires dans le cadre de la radio Zik Fm que nous partageons à hauteur de 50% chacun. Quand la radio 1ère Fm du Gac avait été fermée, il est spontanément venu me dire sa désolation par rapport à cette expérience et il pensait qu’on devait pouvoir se mettre ensemble pour relancer la radio. J’ai apprécié sa générosité et je n’ai pas hésité à m’engager dans un partenariat en lui laissant toute la latitude de gestion et les coudées franches. Je constate que très rapidement il a réussi à hisser la radio au peloton de tête de la bande Fm à coups de pugnacité, de créativité et de combattivité.» Ses amis vantent son sens du business affûté, sa gestion prudentielle et sa témérité. Son truc à lui, c’est s’entourer de compétences, viser le top du top et grappiller ce qui se fait de mieux sur le marché. Pour chasser les fantômes du passé ? 

Et si Bougane traînait les boulets d’un passé abrupt, vestiges d’une enfance marquée au fer rouge ? Plusieurs de ses anciens collègues à Walfadjiri sont unanimes : «Cet attachement qu’il a à vouloir rester collé au sommet trouve ses racines dans son enfance.» Et il suinte autour de lui, toute une atmosphère de mystères. Son background de «Dolli Ndar» (Saint-Louisien d’adoption) originaire de la Mauritanie est celui d’un jeune homme élevé et chouchouté par sa grand-mère, Alima Diakhaté, qui habitait à «Rokku Djinné» (Le coin du Diable) au quartier Nord à Saint-Louis. A «Rokku Djinné», un bout paumé du quartier de Balacoss, sur les ruelles sablonneuses, Bougane s’est taillé une solide réputation de footeux qui a fait ses armes dans l’effectif de l’Asc (Association sportive et culturelle) Croix-Rouge. Il a même fait les bancs de l’école primaire avec El Hadji Ousseynou Diouf. 

Comme pour beaucoup de ses camarades saint-louisiens, les contingences obstruaient obstinément l’avenir et les rares échappées étaient les bancs de l’école. Chez Bougane, ce n’était pas encore net dans sa tête et le jeune homme se cherche encore quand il taquine le ballon jusqu’à la catégorie Séniors, joue dans la troupe théâtrale du quartier, s’essaie dans l’animation. Le savoureux Malal Junior Diagne sourit quand il revisite le passé : «Je l’ai connu en 1997, à la rue Makhtar Diallo, un mardi soir. Il est venu à la radio Téranga Fm par l’intermédiaire de Ben Makhtar Diop. Il avait un jean noir et une chemise bleue. Moi j’étais à l’entrée parce que j’avais une émission à préparer et c’est là qu’on nous a présentés. Lui devait faire le journal Wolof.» A la radio Téranga où il fait ses gammes dans la bande Fm sous la houlette de Golbert Diagne, il y côtoie Ben Makhtar Diop, Alioune Fall, Kambel Dieng. Son mentor déclare : «Il fait partie des toutes premières promotions de journalistes que j’ai formés. Mes finances n’étaient pas aussi florissantes que cela, mais j’ai réussi à le former comme journaliste polyvalent. Je lui ai inculqué les méthodes de l’animation, des avis et communiqués, le reportage extérieur, le journal parlé, la prise de son, le câblage et un peu d’informatique.» Pour ceux qui l’ont connu à cette époque, il était clair que lui n’était pas du genre à se terrer dans la langueur de la ville de Ndar, à vivoter avec son maigre avoir et mégoter sur ses plaisirs. Bougane décide d’arrimer sa foi dans ses rêves d’ailleurs et pose ses baluchons à Dakar, à la Radio Energie Fm, à Khar Yalla, juste devant ce qui abritera les locaux de Walf… 

Sans présenter un Cv balèze, il savait compter sur une bonne diction en wolof en sus d’un esprit vif, d’un sens de l’information affûté qui lui font grimper les échelons. Il passe de la présentation à la tenue d’antenne avant de coulisser vers les brèves en wolof et français et les émissions interactives. Un collègue souffle : «Il était sérieux, concerné et doué pour ce genre d’émissions parce qu’il avait l’expérience et savait canaliser son monde.» Ses prises de position dans la rédaction généraient souvent des débats heurtés avec ses collègues. «Ces derniers avaient de la répartie et cela faisait très souvent des étincelles parce que sa façon de participer était presque toujours agressive. Mais c’était tout bénéf pour la rédaction», poursuit-il. 

Le cauchemar de Walf 

Sans que rien ne le laisse prévoir, Bougane Guèye s’envole pour vivre le rêve américain. Ses occupations pendant son séjour aux Etats-Unis sont un vrai mystère. Il y aurait fait de la facilitation pour la communauté sénégalaise dans l’obtention de papiers. «C’est là-bas qu’il a abattu le gros de sa formation en radio parce qu’il voulait plus d’expérience», croit savoir Malal Junior. Un peu plus d’un an après, Bougane retrouve Walf. Mais c’était clair dans sa tête. Le journalisme ce n’est rien de plus qu’un tremplin, et ça transpirait de ses idées et actes qu’il ne se contenterait pas d’un poste de petit salarié d’organe de presse. 

Tout a commencé quand Bougane Guèye Dany, employé à mi-chemin entre la transgression et la subversion, décide de porter toutes les revendications de la boîte et de créer la section Synpics de Walf Fm. «Les revendications ont commencé et bonjour les tensions», rigole cet ancien de Walf. Sidy Lamine Niasse, remonté par autant d’audace, décide de sévir avec des affectations : Bougane et Alassane Samba Diop à Saint-Louis, Antoine Diouf à Kaolack, Elimane Lô à Thiès. Le secrétaire général de la section rue dans les brancards, les choses se compliquent et le contentieux atterrit devant l’inspecteur du travail. Bougane ne voulait pas partir avec des indemnités qu’il jugeait dérisoires et refuse de rejoindre le poste. Un entêtement qui avait même fini par indisposer ses collègues. Antoine Diouf, alors secrétaire administratif du syndicat, regimbe : «C’était un combat de principe et nous l’avons mené avec rigueur. Ces affectations étaient arbitraires. Cette section devait naître parce que nous étions dans un contexte difficile à Walfadjiri et Sidy Lamine faisait la pluie et le beau temps.» Bougane Guèye, dont la verve houspillait tout, cristallisait les déboires de ses partenaires et aimait défier l’autorité. Antoine rajoute à décharge : «Peu importe qui était à la tête, le syndicat était un tout et nous agissions de façon concertée et en accord avec les membres du syndicat. Bougane était juste le secrétaire général, c’est pourquoi il était devant.» Finalement, il quitte Walf à la fin de l’année 2002 et met le cap sur Sud Fm. Une page se ferme. Une autre s’ouvre très brièvement avant que Bougane ne rallie la Rfm en septembre 2003. 

Caractère trempé 

Côté psychologie, le spécimen est une curiosité. La critique le flingue dans le mille. Chez Bou­ga­ne, l’image caricaturale du Ndar-ndar nonchalant et flemmard, porté sur la frime, blanc-bec au cÅ“ur d’artichaut est réduite en papier. Le bonhomme est un amalgame bigarré de pétulances, de colères soudaines saturées d’une perpétuelle inclination à chercher noise. Au mieux, son tempérament lui fait paraître dynamique et entreprenant, dégourdi et franc. Au pire, ses bravades frénétiques reliefs d’une nature ardente, impérieuse font de lui un caractère marqué et abrupt capable de lui souffler de bien regrettables comportements. Sous ses meilleurs jours, il est jovial, un chouia gentil, un brin taquin et a l’air d’un mec sympa. Un de ses anciens collègues : «Il est fougueux et pas du genre à cacher ses sentiments.» Ses faits d’armes sont tout simplement renversants. Et à chaque étape, il aurait trimballé le feu de son tempérament. La rumeur raconte un Golbert Diagne excédé par les écarts de son poulain qui aurait décidé de le lâcher. L’intéressé jure : «Bougane était calme, sérieux et appliqué dans le travail et je n’ai jamais eu de reproches à lui faire. Il est milliardaire et je tire le diable par la queue, mais il a beaucoup d’affection pour moi et me présente toujours comme son bienfaiteur, celui qui lui a appris son métier.» A Walf, Sidi Lamine en a bavé. Ses bajoues frémissaient de colère devant les incartades de son employé et son teint fleuri avait subi un sacré coup. A la sortie de l’audience avec l’inspecteur du travail, il avait même envisagé de liquider la boîte, tant il était dégoûté. Au plus fort de la tourmente, Bougane lui aurait même adressé un langage très peu convenable. Un de ses anciens collègues le descend en règle : «De l’extérieur, Bougane avait l’étoffe d’un héros, mais il fallait travailler à Walf et voir comment il agissait pour savoir qu’il était excessif, voire même odieux par moments. Oui, Sidy en a vraiment bavé.» 

Sa plus féroce passe d’armes le découvre à la Rfm, impliqué dans une sale histoire qui accouche sur son licenciement en 2005 pour faute lourde. Il avait passé ses nerfs sur une collègue. Une claque. Même établi à son propre compte, ses vieux démons le talonnent de près et plusieurs de ses animateurs vedettes se sont barrés. Coco Jean, animateur aux doigts de fée, avait préféré se tailler avec ses disques, casques sans faire de vagues, plutôt que d’avoir encore à «essuyer les écarts de parole de son employeur». Un ancien employé de la Zik Fm sourit : «Dieu sait que Coco, même s’il est un minus, cogne sec parce qu’il a fait de la boxe aux Usa. Je me demande comment aurait fini tout ça…» Madiambal Diagne jure la main sur le cÅ“ur et absout son copain : «C’est délicat pour moi de parler de lui, parce que j’ai beaucoup d’affection et d’amitié pour lui et il me le rend bien. La preuve en est qu’il me parle de toutes ses préoccupations. Bougane est entier, certes impulsif mais très généreux. Il s’est assagi vu le poids des responsabilités et son statut social. Ce n’est plus le Bougane capable de donner un coup de tête à son interlocuteur, vous pouvez me croire…» Sidy Lamine appréciera… 

Le patron de D-Média, qui raffole de grosses cylindrées pimpantes, n’est pas du genre à se conter et à se la raconter, mais est capable de s’obliger juste pour les règles de la franche amitié et ne rechigne pas à mettre la main à la poche pour voler au secours. Mamadou Biaye, ancien dirpub du journal Le Quotidien, témoigne : «Il n’hésite pas à porter secours à un ami. Je me rappelle, une nuit, il a ramassé un collègue journaliste ivre mort et qui avait fait un accident avec sa copine. Il s’est garé avec sa voiture et malgré les insanités que lui lançait le blessé, il a tout pris en charge et l’a sauvé d’un scandale qui aurait fait du bruit dans la presse.» Bougane se mue volontiers en bon samaritain et vole régulièrement au secours d’amis, parents, anciens collègues ou encore de parfaits inconnus. Récemment, dans un élan de générosité, il a shooté ses animateurs vedettes à grandes salves de bagnoles neuves. Pour les victimes des inondations, il a collecté et lâché beaucoup de cash. 

Aujourd’hui, Bougane, marié à deux épouses, ne se contente pas de contempler béatement ses succès et d’épiloguer sur la longueur du chemin parcouru. Le bonhomme ne se laisse pas facilement lire et cadenasse sa vie privée à double tour. Son insatiable ambition le pique de son aiguillon. L’homme n’a pas de répit. Il court, il court… 

LEQUOTIDIEN
 
 


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