La vidéo tourne en boucle, depuis la fameuse nuit de la Nuit du destin, le mercredi 21 juin 2017. Presque tout le monde applaudit, et s’en félicite. Chacun tente de voir la poutre dans l’œil de l’autre. Afrikipresse a retranscrit les propos d’El Hadj Ousmane Diakité (Imam de la Mosquée de la Riviera Bonoumin, Secrétaire Exécutif du Cosim), pour ceux qui n’ont le temps de suivre le rythme de l’écoute, et qui souhaitent lire le texte. Afin de mieux commenter et décrypter loin des tumultes et des débats enflammés, les propos de l’homme de Dieu, adressés aussi bien aux citoyens qu’aux gouvernants.
« Par la grâce de Allah Le Miséricordieux, nous nous retrouvons en cette nuit bénie du Al Kadir, pour prier, pour que Allah mette sa protection sur notre pays et sur chacun de nous. Qu’il en soit ainsi Inch Allah. Le sujet choisi par le Cosim comme sujet de prêche cette nuit, dans toutes les mosquées de Côte d’Ivoire, c’est la contribution de l’Islam dans la lutte contre le fléau de l’enrichissement illicite ».
C’est un sujet vaste, mais nous n’aurons que 30 petites minutes pour en parler. Nous demandons à Allah de nous accorder son assistance et son aide. Vous voyez qu’il y a des mots forts dans ce thème. Ce sont : la lutte, le fléau et l’enrichissement illicite. C’est effectivement un fléau, vu les conséquences. En termes de définition simple, l’enrichissement illicite est l’augmentation du patrimoine ou de la richesse, par des moyens contraires à la loi et à la morale. J’allais dire, c’est la définition profane. Mais, l’Islam aussi a une définition. “Tout bien ou richesse dont Allah a proscrit la possession et/ou la jouissance“.
Cette définition des oulémas musulmans nous donne l’opportunité de faire quatre précisions importantes. D’abord, le croyant musulman considère que la possession des biens pour lesquels nous faisons beaucoup de courses, appartient à Allah. C’est ce que le Coran nous dit dans la Sourate 63-Al Munafiqoon, : « Les trésors des cieux et de la terre appartiennent exclusivement à Allah. Sur terre, l’homme n’est que le gérant, par la permission de Allah ». C’est ce que le Coran nous dit également dans la Soute 57 : « Dépensez des biens dont je vous ai confié la gestion », dit Allah. Alors, en sa qualité de propriétaire exclusif de tout bien, Allah intervient ici pour définir le cahier de charges. Et beaucoup de versets du Saint Coran nous parlent de cette question de gestion des biens.
Le plus long verset du Saint Coran, qui est à la fin du Sourate 2, ne parle ni de prière, de jeûne de ramadan, ni de rien d’autre que la gestion des affaires. Allah, le propriétaire intervient donc pour fixer les règles, afin que l’homme ne devienne pas un loup pour son semblable. Et il nous dit dans la Sourate 2, verset 188 : « Ne consommez pas vos biens entre vous, injustement. Ne corrompez pas ceux qui jugent, afin de vous approprier les biens d’autrui ».
C’est une interdiction formelle de l’enrichissement illicite. Plusieurs autres versets nous parlent justement de ce cahier de charges de Allah. Mais, quel est l’objectif de cette intervention de Dieu dans la gestion de ses biens par les hommes ? Allah connaît la nature de l’homme qui a un amour très prononcé des biens. Et il le dit dans la Sourate 100 : « L’homme a un amour très fort pour les biens matériels». Il le dit encore dans la Sourate 64 : « Que quiconque a été protégé contre sa propre avidité, contre le mal qui est en lui, est un gagnant ».
Dieu intervient donc pour que chacun entre en possession des biens auxquels il a droit, qu’il ne s’accapare pas de ceux d’autrui. Dieu ne veut pas que l’homme devienne un loup pour son prochain, à cause de ses propres biens.
Pourquoi le Cosim a-t-il choisi d’aborder ce sujet important, quelques fois délicat, mais qu’il est important en ce moment d’aborder ? En effet, comme à ses habitudes, le Cosim a un regard critique, dans le sens positif du mot, mais très lucide sur la société ivoirienne.
Donc, chaque année, lorsque des difficultés sont décelées dans la société, les prêches sont formulés pour attirer l’attention de la communauté musulmane nationale, mais surtout celle de toute la communauté nationale pour dire attention, il y a tel danger. Pour dire attention, nous sommes en train d’oublier telles valeurs.
Et quand nous regardons la société aujourd’hui, c’est la course à l’enrichissement. Et Dieu nous met en garde. Car, la course à l’enrichissement fait que vous oubliez Dieu. Vous vous oubliez vous-même. Nous constatons aujourd’hui que des hommes sont capables de mettre en péril la sécurité de leur pays, de leurs familles, la sécurité des enfants, pour s’enrichir.
Vous êtes d’accord avec moi qu’aujourd’hui, la toxicomanie est en train d’envahir nos écoles. Simplement parce qu’il y en a qui viennent vendre de la drogue aux élevés de 13, 14, 15 ans. Des gens qui trompent nos enfants et qui vont les donner en pâture aux requins dans la Méditerranée. Des gens sont prêts à tout pour être riches. C’est pourquoi le Cosim parle de fléau. Ce phénomène de l’enrichissement illicite est un grand danger pour notre pays si nous n’y prenons garde.
Le prophète Mahomet nous a averti justement en disant “Chaque communauté qui vous a précédé, a eu ses épreuves. Mais, ma communauté à moi, son épreuve sera la richesse et ses dépenses“. Il a encore dit qu’un moment viendra où les hommes ne feront même plus attention de la manière dont ils s’enrichissent. Est-ce licite, c’est-à-dire conforme à la loi, ou illicite, c’est-à-dire, contraire à la loi, à la morale.
C’est aussi cela la mission des envoyés de Allah : mettre en garde contre les fléaux des temps nouveaux. Nous pouvons constater ensemble que nous sommes pleinement dans ces Fitna aujourd’hui. Quand vous dites à un Imam “Fitna“, c’est la même signification que lorsque vous parlez de récession à un économiste. Le temps du Fitna a besoin d’un traitement particulier sur le plan social, économique, etc. Aujourd’hui, le Cosim a constaté que nous sommes dans cette Fitna, voilà pourquoi il a fait le choix de ce thème.
Parlons à présent du type de biens interdits. Il existe trois types de biens qui sont interdits par Allah. Il y a les biens et richesses interdits à cause de leurs natures. Par exemple, tout ce qui provient de l’alcool, du porc, de la drogue et stupéfiants, les animaux morts sans être immolés, le sang versé, etc. Dieu le créateur qui connait la nature de tout, dit que ces choses-là sont mauvaises pour nous. Ne les consommons pas. C’est ce que nous dit le Coran.
Deuxième type de biens proscrits, ce sont ceux obtenus en violation de l’autre. Je veux parler du vol, du braquage, du recel, l’extorsion de fonds, l’appropriation abusive de biens d’orphelins. Quand vous obtenez vos biens par ces moyens, devant Dieu, ils ne sont pas à vous. Car, le droit de ceux à qui ils appartiennent réellement, y reste toujours attaché. Chers frères et sœurs, ceci est une grave offense à Dieu. Malheureusement, ces pratiques sont rependues aujourd’hui. Des gens qui viennent s’approprier les biens d’un membre de leur famille décédé.
Dieu nous averti : « Ceux qui mangent injustement les biens des orphelins, ne font que mettre du feu dans leurs ventres. Et ils vont brûler dans le feu de l’enfer ».
Chers frères et sœurs , faisons attention aux biens des orphelins. Faisons aussi attention aux biens d’héritage. Car, très souvent, lorsque quelqu’un meurt dans une famille et qu’il laisse des biens, le plus fort arrive et s’accapare de tout. A celui qui ose se plaindre, on brandit des menaces de mort. Dieu n’aime pas ça.
La troisième catégorie de biens interdits par Dieu, ce sont les biens illicites en raison de l’illégalité de la procédure d’acquisition. Vous avez utilisé un chemin illégal pour avoir ce bien. Cela fait que ce bien n’est pas licite pour vous. Je parle de la fraude et ses diverses formes. Dieu a dédié une sourate du Saint Coran à cet effet. Il s’agit de la Sourate 83- Al Mutaffifin (Les fraudeurs, en Français. Ndlr). « Malheur dans le monde ici-bas et dans l’au-delà, aux fraudeurs. Lorsqu’ils achètent, ils veulent que la mesure soit pleine, et lorsqu’ils vendent, ils trichent ».
“Malheur“, c’est l’un des mots les plus durs du Saint Coran. Et le prophète Mahomet nous a averti en disant que quiconque triche dans notre communauté, ne fait partie de notre communauté. Donc, le tricheur est menacé d’excommunication de la communauté musulmane. Ce sont des propos très graves auxquels les musulmans doivent faire attention. Cela dit, si vous obtenez de l’argent par des pratiques frauduleuses, cet argent ne vous appartient pas devant Dieu.
Nous allons citer quelques pratiques frauduleuses pour éclairer la lanterne de tous. Il y a les détournements de fonds publics ou privés. Si vous faites cela, vous encourez la colère de Allah. Il y a le faux monnayage. Il s’agit de ceux qui fabriquent les faux billets pour les injecter dans la circulation. Vous déstabilisez l’économie nationale et provoquez la colère de Allah.
Il y aussi ceux qui manipulent les marchés publics et privés. Il s’agit de tous ceux qui ont le pouvoir de dire oui ou non dans l’attribution d’un marché. Lorsque vous intervenez pour intervenez dans l’attribution pour vous attribuer, injustement, des parts, des pourcentages, sachez que vous avez désobéi, non seulement à la loi de la République, mais également gravement aux instructions de Allah.
Il y a l’abus de fonction. Vous qui avez de hautes fonctions et qui siégez aux grandes instances de décision, lorsque vous en abusez, pour avoir un intérêt particulier, vous tombez dans la fraude. On n’oublie pas le trafic d’influence, le refus de dénonciation contre rémunération, notamment en ce concerne les actes terroristes. Si l’on vous donne de l’argent ou autre forme de biens pour fermer l’œil et la bouche sur des actes terroristes, ce bien est illégal.
La République vous condamnera, mais, Dieu vous condamnera plus. Vous avez aussi les transactions et les contrats ayant pour objet des activités ou actes interdits par l’Islam. Par exemple, vous construisez votre maison à la sueur de votre front. Mais, vous faites signer un contrat pour qu’elle devienne une maison close. C’est-à-dire, une maison dans laquelle le locataire organise la prostitution.
Malgré le fait que la maison soit licite, l’argent que vous aurez de ce contrat est illicite. Il en a qui louent leurs véhicules, à des trafiquants de drogue pour qu’ils transportent leur produits. Vous louez vos véhicules à des braqueurs que vous connaissez pour qu’ils opèrent. Et en retour, ils vous versent de l’argent. Cet argent est illicite. Les exemples sont légion.
Dans la préparation de cette conférence, j’ai fait quelques lectures dans la législation ivoirienne. J’ai jeté un coup d’œil sur quelques lois du code pénal ivoirien, organisent aussi la lutte contre la corruption, la fraude et autres. Notamment les lois numéro 660 du 20 septembre 2013, 661 du 20 septembre 2013, la loi 337 du 17 juin 2014, etc.
La lecture de ces lois m’a permis de constater une large convergence avec les principes de la Charia. Et cela me permet de lancer un appel aux musulmans de Côte d’Ivoire. À savoir : lorsque vous respectez le contenu de ces lois, vous avez une double obligation. Respectez-les aussi-bien en tant que citoyen, mais également en vos qualités de musulmans. Bien que ces lois pourraient évoluer vers un véritable code anti-corruption. Qu’Allah nous donne la bonne compréhension.
Quelles sont les causes de tout ce désordre qui poussent les gens à enfreindre aux différentes prescriptions de Allah et aux lois de leurs pays ? (…) D’abord, l’ignorance. Les gens ignorent les règles spirituelles, les règles morales et juridiques. Il y a aussi la perte des valeurs morales et des vertus. Ils ont perdu le sens du travail qui doit être l’élément principal de la réussite dans la société.
Il y a aussi le fait qu’on fait de plus en plus la promotion des gens qui n’ont jamais travaillé, mais qui sont devenus milliardaires et qu’on vénère dans la société. C’est la promotion des anti valeurs. Lorsqu’on fait cela, on encourage des autres à faire comme lui.
Il y a aussi l’impunité. Si vous ne punissez pas la corruption et ceux qui s’enrichissent illicitement, vous ne faites qu’encourager les autres. Mais, au-delà de tout ça, nous avons constaté que c’est l’absence de la confiance en Allah.
Les conséquences de l’enrichissement illicite sont nombreuses. D’abord, sur le plan spirituel, vos biens mal acquis constituent un blocage dans toutes les bonnes œuvres que vous poserez devant la face d’Allah. Si vous prenez, par exemple, votre argent volé pour aller à la Mecque, Dieu ne vous accueillera pas. Car, Il dira qu’il ne vous y a pas appelé, car l’argent que tu as pris pour venir ne t’appartient pas. Si vous faites un sacrifice avec l’argent mal acquis, c’est un blanchiment spirituel de l’argent sale. Même si vous construisez des mosquées et que vous faites partir des gens à la Mecque avec cet argent, il ne sera jamais propre devant Dieu. Car, Dieu est pur et n’accepte que les choses pures.
Au plan spirituel, il y a aussi la colère d’Allah. Il dit : « si vous n’arrêtez pas la course à l’enrichissement illicite, recevez alors une déclaration de guerre de la part de Allah et de son messager».
Qui connaît les soldats d’Allah, lorsqu’il vous déclare la guerre ? Ce peut être des maladies graves, des catastrophes naturelles, ça peut se manifester par la division au sein de la population. C’est une déclaration adressée aux hommes, individuellement et collectivement. Nous ne pourrons pas supporter de faire la guerre avec Allah. Mais, l’un des causes de cette guerre probable, c’est l’enrichissement illicite.
Au plan social, la conséquence est que, lorsque vous optez pour l’enrichissement illicite, Dieu enlève la baraka. Il arrive souvent qu’au cours d’un voyage, on vous présente la cour de quelqu’un qui était riche, craint, vénéré dans la cité. Mais, lorsque vous entrez dans la demeure, tout ce que vous pourrez dire, c’est Allahu Akbar. Parce qu’ayant acquis une richesse illicite, après sa mort, sa famille a été disloquée, complètement détruite. L’argent illicite ne dure pas dans le temps. Mais, lorsqu’il dure, c’est qu’il est en train de détruire tous ceux qui en bénéficient.
Pour ce qui est des solutions, l’Islam nous donne une clé. Lorsque vous avez une situation non désirée et que vous voulez changer, Dieu demande de commencer par la sensibilisation. Il faut commencer par parler à l’intelligence des hommes. Je termine par dire que, le croyant, quelles que soient les difficultés auxquelles il fait face, ne doit jamais désespérer du soutien d’Allah. « Quelles que soient les difficultés, ne désespérez pas », dit Allah.
Utilisons les règles que Dieu a mises à notre disposition pour changer nos situations sociales. Utilisez ces moyens et confiez-vous à Allah. C’est sur ces mots d’espoirs que voudrais vous dire, que Dieu la paix soit avec vous ».
source: malitribune.com