Législatives anticipées du 17 novembre 2024 : Macky Sall, tête de liste opte-il pour la campagne à distance ?


Rédigé le Dimanche 13 Octobre 2024 à 20:36 | Lu 144 fois | 0 commentaire(s)



Le paysage politique sénégalais est en ébullition à l'approche des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. À la tête de la coalition de l'opposition Takku Wallu Sénégal, l'ancien président Macky Sall se retrouve à la croisée des chemins : doit-il revenir au Sénégal pour mener sa campagne ou rester à l'étranger pour éviter des risques judiciaires et politiques ? Selon plusieurs sources concordantes, Macky Sall aurait choisi de diriger sa campagne depuis le Maroc, à distance, par crainte d'éventuelles poursuites judiciaires une fois de retour sur le sol sénégalais.


Macky Sall, désigné tête de liste pour Takku Wallu Sénégal, ne semble pas pressé de rentrer au pays. D’après Jeune Afrique et d'autres sources proches de l’ancien président, Sall craint que le régime en place, dirigé par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, ne profite de son retour pour engager des procédures judiciaires contre lui. Les accusations portées contre Macky Sall incluent la falsification des chiffres relatifs à la dette publique, ainsi qu’un audit sur des contrats de marchés publics signés sous son mandat.

Récemment, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont initié un audit pour réexaminer un contrat signé sous le régime de Macky Sall en faveur de la gendarmerie sénégalaise. Cette initiative s'inscrit dans un contexte de dénonciation des "contrats léonins", souvent perçus comme désavantageux pour l'État et favorisant des intérêts privés au détriment du bien public.

Par ailleurs, il y a quatre jours, la ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration africaine, Yacine Fall, a publié un communiqué en réaction à une altercation impliquant l'ancien président Macky Sall et une citoyenne sénégalaise. Selon plusieurs observateurs, cette déclaration a été interprétée comme une prise de position explicite contre l'ex-président, accentuant les tensions politiques déjà vives.

Malgré tout, Yoro Dia, un proche conseiller de Macky Sall, réfute ces accusations et affirme que l’ancien président n’a pas peur de revenir. Pour Dia, la panique est du côté de Diomaye Faye et Sonko, qui redoutent l’influence que pourrait encore exercer Macky Sall s’il revenait en campagne sur le territoire national.

L’argument du « chevalier républicain »

Selon ses proches, Macky Sall ne revient pas seulement par crainte judiciaire, mais également par respect d'une tradition républicaine bien ancrée au Sénégal, qui veut que les anciens présidents s’installent à l’étranger après leur mandat pour ne pas gêner leurs successeurs. Ce fut le cas de Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, qui se sont retirés respectivement en France et sur la scène internationale. En bon républicain, Macky Sall respecterait donc cette coutume.

Yoro Dia va même plus loin en affirmant que Macky Sall se présente comme un « chevalier républicain » face à un pouvoir qui, selon lui, « n’a pas de code d’honneur républicain ». Cette rhétorique vise à présenter Macky Sall comme un ancien chef d’État respectueux des institutions et de la continuité démocratique, en opposition à ses successeurs, accusés de vouloir instrumentaliser la justice pour régler des comptes politiques.

Les critiques d’Amadou Ba et le collectif des victimes

Au-delà des risques judiciaires, le retour de Macky Sall au Sénégal pourrait exacerber d’autres tensions, notamment avec l'ancien Premier ministre Amadou Ba, dont les relations avec l'ex-président se sont détériorées à la veille des élections présidentielles. Bien que les raisons exactes de cette discorde demeurent floues, certains observateurs avancent que Ba aurait promis des accords à des entreprises françaises sans en informer Macky Sall, alimentant ainsi leur rupture.

Par ailleurs, le collectif des victimes des manifestations de mars 2021 et de juin 2023 appelle à la justice pour les pertes humaines survenues sous le régime de Macky Sall. Ce collectif a déjà saisi une instance des Nations Unies en juin dernier pour réclamer une enquête internationale sur ces événements. Pour ces militants, l’arrestation de Macky Sall serait une « demande sociale » nécessaire à la réconciliation nationale. Ce groupe pourrait donc intensifier ses actions, voire se radicaliser, en cas de retour de l’ancien président.

En effet, ce facteur de risque pour Macky Sall est la pression internationale exercée par le collectif des victimes des manifestations réprimées sous son régime. Ce groupe, dirigé par Boubacar Seye, a recueilli plus de 14 000 signatures pour une pétition demandant aux autorités sénégalaises d’émettre un mandat d’arrêt international contre Macky Sall. La plainte déposée auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme reflète la volonté du collectif de pousser la communauté internationale à intervenir et à exiger justice pour les victimes.

Macky Sall, figure de polarisation dans la campagne

Alors que le retour de Macky Sall est vu par certains comme une opportunité pour regagner la confiance des Sénégalais, d’autres, comme le journaliste Madiambal Diagne, s’opposent fermement à cette initiative. Diagne estime que le taux de désamour des Sénégalais à l'égard de Macky Sall n'a pas diminué et que sa candidature pour les législatives risque d’attiser la colère des électeurs.

Selon le chroniqueur et proche d’Amadou Ba, les Sénégalais n’ont pas pardonné à Macky Sall les erreurs de son dernier mandat, notamment l’échec de la candidature d’Amadou Ba à la présidentielle. Il souligne qu’il est rare, voire inédit, qu’un ancien président revienne sur la scène politique six mois après avoir quitté le pouvoir pour briguer un siège de député.

En parallèle de ces défis judiciaires, Macky Sall risque d’être au centre des débats électoraux, transformant la campagne en un référendum sur son héritage politique. L’actuel régime, dirigé par Diomaye Faye et Sonko, pourrait instrumentaliser le passé de Macky Sall pour discréditer son retour, tandis que les partisans de l’ancien président y voient une chance de redonner espoir aux Sénégalais.

Les critiques peuvent également fuser de partout. Le retour de Macky Sall pourrait ainsi cristalliser les tensions au sein de l’opposition elle-même, déjà fragmentée.

Le retour ou non de Macky Sall au Sénégal pour diriger la campagne de Takku Wallu reste une question ouverte. Si l’ancien président semble pencher pour une campagne à distance, les pressions, tant sur le plan judiciaire que politique, continuent de croître. D’un côté, ses partisans appellent à son retour triomphal pour mener la bataille électorale, convaincus que Macky Sall reste une figure centrale capable de rassembler. De l’autre, ses détracteurs et le régime actuel cherchent à le tenir à l’écart, craignant que son retour ne ravive les tensions politiques et ne bouleverse les équilibres actuels.

Au final, la décision de Macky Sall pourrait bien redéfinir les contours de la campagne législative de novembre 2024, marquée par des enjeux à la fois locaux et internationaux, dans un contexte où l’histoire récente du Sénégal pèse lourdement sur le présent politique.
Source enqueteplus.com


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