’En vérité, les caisses de l’entreprise sont vides. C’est l’explication la plus simple. Il n’y a pas à chercher de midi à quatorze heures’’, peste cet agent, dégoûté par le niveau de prévarication de ce qui autrefois était un fleuron de l’économie nationale. Il y a quelques années, en intégrant l’entreprise via un concours très électif, ce contrôleur des postes était très enthousiaste, euphorique, à l’idée de mener une vie de fonctionnaire stable.
Aujourd’hui, il se plaint d’un état de précarité qui ne cesse d’aller de mal en pis. Avec des retards structurels dans le paiement des salaires, des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge médicale des agents, le reversement à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal et à la Caisse de sécurité sociale des retenues sur salaires….
Autrefois payés avant même la fin du mois comme tout fonctionnaire de l’Etat qui se respecte, les agents de La Poste sont aujourd’hui les derniers à se faire payer. Et à chaque fois, ils sont obligés de ruer dans les brancards, de crier et hurler pour se faire entendre, en vue d’entrer dans leurs fonds. Le pire a été évité de justesse avant-hier. La manifestation des postiers a été dispersée à coups de grenades lacrymogènes.
‘’Nous avons noté beaucoup de blessés, mais, cela ne va pas arrêter notre combat. Nous, nous n’avons rien fait pour mériter ce que nous sommes en train de vivre. Nous avons sué, galéré, réussi à un concours très sélectif pour être dans cette entreprise dans laquelle nous nous sommes donné corps et âmes. Il est hors de question de les laisser nous sacrifier, du fait de leurs propres bêtises. C’est notre avenir qui est en péril à cause de l’irresponsabilité de ces dirigeants, qui n’ont eu de cesse de s’illustrer dans les recrutements politiciens.’’
Selon certaines confidences, le DG avait annoncé dans une de ses sorties que le chiffre d’affaires de l’entreprise est estimé à 10 milliards. Au même moment, rien que la masse salariale (autour de 5 000 travailleurs) avoisine les 18 milliards.
D’ailleurs, à propos de cette masse salariale, le président de la République disait, lors de la cérémonie de remise des cahiers de doléances, que : ‘’La poste a près de 5 000 employés. Comment on peut sauver une telle entreprise ? 5000 emplois, pour quel travail ? Il y a des choses qui ne sont pas possibles. L’Etat ne peut pas payer comme ça des salaires chaque mois pour des gens qui ne travaillent même pas. Ce n’est pas possible. Nous avons fait tellement d’efforts. Pas plus tard que la semaine dernière, il y a un reliquat de 12,5 milliards FCFA qui a été soldé. C’est-à-dire, c’est une perfusion continue. La restructuration est donc inévitable, si nous voulons sauver l’essentiel.’’
Incohérences
Dans la même veine, Macky Sall dénonçait le mode de recrutement des DG et annonçait un plan de restructuration. Alors que, c’est le président de la République qui nomme les DG. Il disait : ‘’l’Etat est obligé d’être plus regardant sur les recrutements au niveau des entreprises publiques ; qu’il ne peut plus laisser chaque DG qui vient faire ce qu’il veut’’.
A entendre le secrétaire général du syndicat national des travailleurs des postes et télécommunications, Ibrahima Sarr, qui s’est exprimé à l’occasion du sit-in, tout ceci n’est que du dilatoire.
‘’Tout le monde sait ce que l’ancien DG (Ciré Dia) a fait ici ; comment il a utilisé La Poste pour combattre un adversaire politique qui leur donnait du fil à retordre et qui a fini par les rejoindre. Et il ne l’a pas fait tout seul. S’il a pu faire ça, c’est parce qu’il a été parrainé. C’est comme ça que La Poste a été pillée, à cause d’un combat qui ne regarde nullement les travailleurs. Aujourd’hui, on accuse La Poste et on veut jeter l’opprobre sur ses travailleurs pour masquer des scandales. C’est ce que nous refusons.’’
Selon le syndicaliste, en tant que ministre de tutelle à l’époque, Abdoulaye Bibi Baldé était au courant de ce qui se passait sous son prédécesseur, mais, ne pouvait rien contre lui, puisqu’il était couvert. ‘’Le ministre des Finances d’alors lui-même était impuissant devant le DG d’alors.
A son arrivée (Bibi Baldé), il a accéléré les mêmes pratiques. Jusqu’à maintenant, les marchés d’étude et de consultance continuent d’être attribués à des gens qui sont en collision direct avec lui, alors que l’exploitation même est à l’arrêt. Nous avons toujours alerté, appelé l’Etat à auditer l’entreprise, mais, rien n’a été fait. Ce qu’ils veulent aujourd’hui, c’est créer un sentiment de rejet des Sénégalais vis-à-vis de La Poste, précipiter l’entreprise dans le gouffre et venir jouer aux sapeurs-pompiers avec des mesures impopulaires. Les Sénégalais ne doivent pas tomber dans ce piège. En réalité, ils veulent juste enterrer tous ces scandales. Il faut un audit pour situer les responsabilités.’’
La mafia de la compense
Ce fut une vraie mafia qui a permis pendant très longtemps de vandaliser les ressources publiques. Comment ?
En fait, au niveau de la BCEAO, chaque semaine, les différents établissements financiers se réunissent pour faire les compenses, un système de dettes croisées, qui permet aux établissements de solder leurs comptes entre eux. Un agent de La Poste explique : ‘’Par exemple, la CBAO doit 500 francs à La poste. Et La poste lui doit 2000 francs. Ce mécanisme permet de faire la compensation et La poste va payer 1500 à la CBAO.
Avant, si La poste n’a pas assez de liquidités dans son compte à la BCEAO, c’est le trésor public qui payait à la place. Normalement, La poste devait rembourser après, mais l’argent n’était jamais remboursé. C’est ce qui fait que, du temps de Ciré Dia, La poste était hyper-liquide. Où est passé cet argent ? Il faudra auditer la boite pour nous dire comment cette manne a été utilisée.’’
Sous la pression du Fonds monétaire international, le gouvernement a été contraint de couper ce cordon ombilical. Ce qui est à l’origine de tous les problèmes et de la fuite de plusieurs de ses clients.
Notre interlocuteur renseigne : ‘’Par exemple, la Sococim peut être cliente de La Poste et en même temps de la CBAO. Quand ses clients grossistes doivent faire des commandes, elle peut leur demander de payer au niveau des services de La Poste. Elle peut venir retirer son argent en liquide ou bien faire un virement vers d’autres comptes qui sont dans les autres banques. Mais, pour que La poste puisse faire le virement, il faut qu’elle ait assez de liquidités au niveau de son compte à la BCEAO. Si le compte n’est pas approvisionné, elle ne peut faire le virement. Grâce au système de compense, il n’y avait pas de problème, mais avec la suppression de ce système, La poste ne peut plus honorer ses engagements. Résultat, la Sococim va demander à ses clients de payer via d’autres établissements. Et si personne n’a plus confiance en La poste, il n’y a plus de liquidités.’’
Autrement dit, pendant tout ce temps, c’est le trésor public qui était la vache à lait de La Poste. Et cela lui a couté plus de 140 milliards, d’après les travailleurs. Lors de la cérémonie de remise des cahiers au mois de mai, le président de la République avançait une dette de 189 milliards que l’entreprise doit à l’Etat. Pire, entre 2021 et 2022, l’Etat a injecté plus de 42 milliards dans l’entreprise, sous le règne d’Abdoulaye Bibi Baldé. Là également, les travailleurs se demandent où est passé l’argent.
Un Etat complice !
Selon les travailleurs, toutes les conditions sont tout de même disponibles pour que l’entreprise puisse être sauvée. Mais, alertent-ils, il faudra sortir la politique de la gestion de l’entreprise. ‘’Imaginez, cela fait des années que La poste n’organise plus le concours pour le recrutement de ses agents. Pourtant, dans la même période, le personnel a explosé. Comment on peut avoir une gestion efficace dans ces conditions ? Il faut faire la reddition des comptes et repartir sur de nouvelles bases pour éviter le pire’’, confie un interlocuteur.
Il faut rappeler que La poste a l’avantage d’avoir un très bon maillage du territoire, avec des agences disponibles partout sur le territoire national. Pendant longtemps, elle a été leader dans le transfert d’argent, en raison de ce réseau très important, relèvent d’ailleurs des agents. ‘’Tout le monde travaillait avec La poste. Que ça soit Western union, Ria… Mais avec les difficultés, tout le monde est en train de fuir, malheureusement. Il urge de prendre des mesures.’’
Comme si leurs récriminations avaient été entendues, le président de la République a limogé, hier, en Conseil des ministres, le directeur général de l’entreprise Abdoulaye Bibi Baldé. Il a été remplacé par un autre politicien de l’APR du nom de Mouhamadou Diaté, inspecteur général des Impôts et des Domaines.
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Aujourd’hui, il se plaint d’un état de précarité qui ne cesse d’aller de mal en pis. Avec des retards structurels dans le paiement des salaires, des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge médicale des agents, le reversement à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal et à la Caisse de sécurité sociale des retenues sur salaires….
Autrefois payés avant même la fin du mois comme tout fonctionnaire de l’Etat qui se respecte, les agents de La Poste sont aujourd’hui les derniers à se faire payer. Et à chaque fois, ils sont obligés de ruer dans les brancards, de crier et hurler pour se faire entendre, en vue d’entrer dans leurs fonds. Le pire a été évité de justesse avant-hier. La manifestation des postiers a été dispersée à coups de grenades lacrymogènes.
‘’Nous avons noté beaucoup de blessés, mais, cela ne va pas arrêter notre combat. Nous, nous n’avons rien fait pour mériter ce que nous sommes en train de vivre. Nous avons sué, galéré, réussi à un concours très sélectif pour être dans cette entreprise dans laquelle nous nous sommes donné corps et âmes. Il est hors de question de les laisser nous sacrifier, du fait de leurs propres bêtises. C’est notre avenir qui est en péril à cause de l’irresponsabilité de ces dirigeants, qui n’ont eu de cesse de s’illustrer dans les recrutements politiciens.’’
Selon certaines confidences, le DG avait annoncé dans une de ses sorties que le chiffre d’affaires de l’entreprise est estimé à 10 milliards. Au même moment, rien que la masse salariale (autour de 5 000 travailleurs) avoisine les 18 milliards.
D’ailleurs, à propos de cette masse salariale, le président de la République disait, lors de la cérémonie de remise des cahiers de doléances, que : ‘’La poste a près de 5 000 employés. Comment on peut sauver une telle entreprise ? 5000 emplois, pour quel travail ? Il y a des choses qui ne sont pas possibles. L’Etat ne peut pas payer comme ça des salaires chaque mois pour des gens qui ne travaillent même pas. Ce n’est pas possible. Nous avons fait tellement d’efforts. Pas plus tard que la semaine dernière, il y a un reliquat de 12,5 milliards FCFA qui a été soldé. C’est-à-dire, c’est une perfusion continue. La restructuration est donc inévitable, si nous voulons sauver l’essentiel.’’
Incohérences
Dans la même veine, Macky Sall dénonçait le mode de recrutement des DG et annonçait un plan de restructuration. Alors que, c’est le président de la République qui nomme les DG. Il disait : ‘’l’Etat est obligé d’être plus regardant sur les recrutements au niveau des entreprises publiques ; qu’il ne peut plus laisser chaque DG qui vient faire ce qu’il veut’’.
A entendre le secrétaire général du syndicat national des travailleurs des postes et télécommunications, Ibrahima Sarr, qui s’est exprimé à l’occasion du sit-in, tout ceci n’est que du dilatoire.
‘’Tout le monde sait ce que l’ancien DG (Ciré Dia) a fait ici ; comment il a utilisé La Poste pour combattre un adversaire politique qui leur donnait du fil à retordre et qui a fini par les rejoindre. Et il ne l’a pas fait tout seul. S’il a pu faire ça, c’est parce qu’il a été parrainé. C’est comme ça que La Poste a été pillée, à cause d’un combat qui ne regarde nullement les travailleurs. Aujourd’hui, on accuse La Poste et on veut jeter l’opprobre sur ses travailleurs pour masquer des scandales. C’est ce que nous refusons.’’
Selon le syndicaliste, en tant que ministre de tutelle à l’époque, Abdoulaye Bibi Baldé était au courant de ce qui se passait sous son prédécesseur, mais, ne pouvait rien contre lui, puisqu’il était couvert. ‘’Le ministre des Finances d’alors lui-même était impuissant devant le DG d’alors.
A son arrivée (Bibi Baldé), il a accéléré les mêmes pratiques. Jusqu’à maintenant, les marchés d’étude et de consultance continuent d’être attribués à des gens qui sont en collision direct avec lui, alors que l’exploitation même est à l’arrêt. Nous avons toujours alerté, appelé l’Etat à auditer l’entreprise, mais, rien n’a été fait. Ce qu’ils veulent aujourd’hui, c’est créer un sentiment de rejet des Sénégalais vis-à-vis de La Poste, précipiter l’entreprise dans le gouffre et venir jouer aux sapeurs-pompiers avec des mesures impopulaires. Les Sénégalais ne doivent pas tomber dans ce piège. En réalité, ils veulent juste enterrer tous ces scandales. Il faut un audit pour situer les responsabilités.’’
La mafia de la compense
Ce fut une vraie mafia qui a permis pendant très longtemps de vandaliser les ressources publiques. Comment ?
En fait, au niveau de la BCEAO, chaque semaine, les différents établissements financiers se réunissent pour faire les compenses, un système de dettes croisées, qui permet aux établissements de solder leurs comptes entre eux. Un agent de La Poste explique : ‘’Par exemple, la CBAO doit 500 francs à La poste. Et La poste lui doit 2000 francs. Ce mécanisme permet de faire la compensation et La poste va payer 1500 à la CBAO.
Avant, si La poste n’a pas assez de liquidités dans son compte à la BCEAO, c’est le trésor public qui payait à la place. Normalement, La poste devait rembourser après, mais l’argent n’était jamais remboursé. C’est ce qui fait que, du temps de Ciré Dia, La poste était hyper-liquide. Où est passé cet argent ? Il faudra auditer la boite pour nous dire comment cette manne a été utilisée.’’
Sous la pression du Fonds monétaire international, le gouvernement a été contraint de couper ce cordon ombilical. Ce qui est à l’origine de tous les problèmes et de la fuite de plusieurs de ses clients.
Notre interlocuteur renseigne : ‘’Par exemple, la Sococim peut être cliente de La Poste et en même temps de la CBAO. Quand ses clients grossistes doivent faire des commandes, elle peut leur demander de payer au niveau des services de La Poste. Elle peut venir retirer son argent en liquide ou bien faire un virement vers d’autres comptes qui sont dans les autres banques. Mais, pour que La poste puisse faire le virement, il faut qu’elle ait assez de liquidités au niveau de son compte à la BCEAO. Si le compte n’est pas approvisionné, elle ne peut faire le virement. Grâce au système de compense, il n’y avait pas de problème, mais avec la suppression de ce système, La poste ne peut plus honorer ses engagements. Résultat, la Sococim va demander à ses clients de payer via d’autres établissements. Et si personne n’a plus confiance en La poste, il n’y a plus de liquidités.’’
Autrement dit, pendant tout ce temps, c’est le trésor public qui était la vache à lait de La Poste. Et cela lui a couté plus de 140 milliards, d’après les travailleurs. Lors de la cérémonie de remise des cahiers au mois de mai, le président de la République avançait une dette de 189 milliards que l’entreprise doit à l’Etat. Pire, entre 2021 et 2022, l’Etat a injecté plus de 42 milliards dans l’entreprise, sous le règne d’Abdoulaye Bibi Baldé. Là également, les travailleurs se demandent où est passé l’argent.
Un Etat complice !
Selon les travailleurs, toutes les conditions sont tout de même disponibles pour que l’entreprise puisse être sauvée. Mais, alertent-ils, il faudra sortir la politique de la gestion de l’entreprise. ‘’Imaginez, cela fait des années que La poste n’organise plus le concours pour le recrutement de ses agents. Pourtant, dans la même période, le personnel a explosé. Comment on peut avoir une gestion efficace dans ces conditions ? Il faut faire la reddition des comptes et repartir sur de nouvelles bases pour éviter le pire’’, confie un interlocuteur.
Il faut rappeler que La poste a l’avantage d’avoir un très bon maillage du territoire, avec des agences disponibles partout sur le territoire national. Pendant longtemps, elle a été leader dans le transfert d’argent, en raison de ce réseau très important, relèvent d’ailleurs des agents. ‘’Tout le monde travaillait avec La poste. Que ça soit Western union, Ria… Mais avec les difficultés, tout le monde est en train de fuir, malheureusement. Il urge de prendre des mesures.’’
Comme si leurs récriminations avaient été entendues, le président de la République a limogé, hier, en Conseil des ministres, le directeur général de l’entreprise Abdoulaye Bibi Baldé. Il a été remplacé par un autre politicien de l’APR du nom de Mouhamadou Diaté, inspecteur général des Impôts et des Domaines.
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