Escroc particulièrement persuasif qui a inspiré le film,"Je compte sur vous", réalisé par Pascal Elbé, avec Vincent Elbaz dans le rôle principal, Gilbert Chikli, escroc français condamné par la justice pour ses arnaques «au faux président», a été arrêté vendredi en Ukraine.
Une audience devait se tenir hier dimanche, en Ukraine devant la juridiction en charge des demandes d'extradition, a indiqué Me David-Olivier Kaminski, dont le client espère être renvoyé en Israël.
Le 20 mai 2015, il avait été condamné en son absence, par le tribunal correctionnel de Paris, à sept ans de prison et un million d'euros d'amende pour avoir arnaqué des entreprises telles que Accenture, Alstom, HSBC, la Banque postale, le Crédit lyonnais, Thomson Technicolor.
Sa spécialité : contacter de grandes entreprises en se faisant passer pour le Président de la société puis pour un agent des services secrets. Il se faisait remettre des sommes importantes, en invoquant notamment la lutte contre le blanchiment ou le terrorisme.
Il y a quelque chose de fascinant dans le pouvoir de manipulation de cet homme qui, avec un simple téléphone portable, a berné au seul son de sa voix, des patrons de succursales de banques et des hauts cadres d'entreprises du CAC40....
Entre 2005 et 2006, en à peine dix-huit mois, Gilbert Chikli a convaincu La Poste, les Galeries Lafayette, Disneyland Paris ou encore la Caisse d'épargne et les Pages jaunes, de lui remettre des millions d'euros, en liquide ou par virement.
Depuis, la technique dite «du Président» - se faire passer pour le PDG d'une entreprise pour demander à un salarié d'organiser un versement - a fait des émules.
Près de 400 millions d'euros auraient été dérobés à des centaines d'entreprises, en utilisant des techniques analogues. En mai 2015, Gilbert Chikli a été condamné à sept ans de prison en France... par contumace. Mais il s'était déjà enfui en Israël, un pays qui n'extrade pas ses ressortissants.
Son truc à lui, c'est la «déballe», l'argumentaire fictif qui sous-tend tout le système.
Tout commence dans la foulée des attentats de Madrid et de Londres, au milieu des années 2000. L'ancien élève du cours Florent, imagine un rôle à sa mesure: agent des services secrets français. Gilbert Chikli se choisit un nom de scène, Paul Ricard: «C'est mon nom d'artiste, mais j'en ai plusieurs. Ricard, ça sonne bien, les gens aiment bien boire ».
Avec un culot monstre, il va reproduire toujours le même scénario: le (faux) président (de la banque, de la société, du groupe, etc.) appelle un de ses cadres pour lui dire qu'un agent de la DGSE va lui téléphoner, il faudra lui verser de l'argent. L'objectif final, fait-il croire, est de repérer les éventuels terroristes qui vont se servir des sommes ainsi détournées «pour la bonne cause».
Et ça marche !
«L'idée du Président est venue toute seule», raconte-t-il, avant de reconnaître avoir quand même «fait beaucoup, énormément de tentatives avant de tomber sur La Poste». La Poste, c'est son premier et son plus beau coup. Le 25 juillet 2005, Gilbert Chikli contacte Madame G., directrice d'une agence postale à Paris.
Dans le procès-verbal, les policiers racontent: «Lors de la conversation, il évoquait des rencontres passées et mettait en confiance son interlocutrice, qui n'avait alors aucun doute sur l'identité de l'appelant. Il informait ensuite Mme G. qu'elle allait être contactée sur son téléphone portable personnel par « Paul «, un agent des services secrets, avec qui, elle devrait coopérer...»
En quarante-huit heures, Paul va appeler la directrice de l'agence 43 fois! D'abord la culpabilisation - «Vous avez ouvert un compte à une personne douteuse» -, puis la valorisation, le fameux «Je compte sur vous», qui sert de titre au film.
Gilbert Chikli laisse à peine dormir sa proie pour l'inciter à faire une provision de fonds exceptionnelle de 358.000 euros. Cette somme, l'employée modèle doit la réunir dans un sac, prendre un taxi et descendre aux toilettes pour femmes du restaurant Au Canon de la Nation, à Paris.
Les billets remis à un complice devaient, dans la fable, être «scannés par Paul puis restitués à Madame G. à la terrasse d'un bistrot de la rue de la Paix». Il n'en sera rien, bien sûr.
Par la suite, Chikli va constamment affiner sa technique. Il parvient à faire virer par le CCF (aujourd'hui HSBC) près de 4 millions d'euros vers un compte hongkongais. Au final, combien a-t-il ainsi soustrait? 6, 10, 50 millions d'euros? Personne, n'a réussi faire le calcul exact, pas même les juges.
Et l'argent récolté? «J'ai beaucoup travaillé avec la Chine.» Aujourd'hui, les enquêteurs ont, en effet, les yeux rivés vers ce pays, plaque tournante du blanchiment d'argent sale. «Ce n'est pas un secret. Le monde entier sait que c'est en Chine que l'on va aujourd'hui pour faire de la «décaisse», explique Gilbert Chikli. L'homme est un paradoxe ambulant: intelligence instinctive et propos de marlou. Constamment sur ses gardes.
L'arnaque, c'est sa drogue, son «kif». Pourtant, il s'insurge quand on le traite d'escroc. Il a fait à peu près tout ce qui existe dans le «métier», mais il a toujours refusé «les ventes d'armes car tout ce qui se rapporte au sang, je refuse».
Il est dans le déni de l'illégalité de ses activités. Pour lui, la «déballe» est une activité comme une autre.
Et il ne regrette rien: «Regretter, ce serait me renier». Même s'il avoue dans un souffle: «Les gens comme nous, ça ne finit généralement pas bien, et on le sait. Ça ne me fait pas peur parce que c'est la vie que j'ai choisie et on ne peut pas faire autrement, c'est comme ça».
www.libe.ma
Une audience devait se tenir hier dimanche, en Ukraine devant la juridiction en charge des demandes d'extradition, a indiqué Me David-Olivier Kaminski, dont le client espère être renvoyé en Israël.
Le 20 mai 2015, il avait été condamné en son absence, par le tribunal correctionnel de Paris, à sept ans de prison et un million d'euros d'amende pour avoir arnaqué des entreprises telles que Accenture, Alstom, HSBC, la Banque postale, le Crédit lyonnais, Thomson Technicolor.
Sa spécialité : contacter de grandes entreprises en se faisant passer pour le Président de la société puis pour un agent des services secrets. Il se faisait remettre des sommes importantes, en invoquant notamment la lutte contre le blanchiment ou le terrorisme.
Il y a quelque chose de fascinant dans le pouvoir de manipulation de cet homme qui, avec un simple téléphone portable, a berné au seul son de sa voix, des patrons de succursales de banques et des hauts cadres d'entreprises du CAC40....
Entre 2005 et 2006, en à peine dix-huit mois, Gilbert Chikli a convaincu La Poste, les Galeries Lafayette, Disneyland Paris ou encore la Caisse d'épargne et les Pages jaunes, de lui remettre des millions d'euros, en liquide ou par virement.
Depuis, la technique dite «du Président» - se faire passer pour le PDG d'une entreprise pour demander à un salarié d'organiser un versement - a fait des émules.
Près de 400 millions d'euros auraient été dérobés à des centaines d'entreprises, en utilisant des techniques analogues. En mai 2015, Gilbert Chikli a été condamné à sept ans de prison en France... par contumace. Mais il s'était déjà enfui en Israël, un pays qui n'extrade pas ses ressortissants.
Son truc à lui, c'est la «déballe», l'argumentaire fictif qui sous-tend tout le système.
Tout commence dans la foulée des attentats de Madrid et de Londres, au milieu des années 2000. L'ancien élève du cours Florent, imagine un rôle à sa mesure: agent des services secrets français. Gilbert Chikli se choisit un nom de scène, Paul Ricard: «C'est mon nom d'artiste, mais j'en ai plusieurs. Ricard, ça sonne bien, les gens aiment bien boire ».
Avec un culot monstre, il va reproduire toujours le même scénario: le (faux) président (de la banque, de la société, du groupe, etc.) appelle un de ses cadres pour lui dire qu'un agent de la DGSE va lui téléphoner, il faudra lui verser de l'argent. L'objectif final, fait-il croire, est de repérer les éventuels terroristes qui vont se servir des sommes ainsi détournées «pour la bonne cause».
Et ça marche !
«L'idée du Président est venue toute seule», raconte-t-il, avant de reconnaître avoir quand même «fait beaucoup, énormément de tentatives avant de tomber sur La Poste». La Poste, c'est son premier et son plus beau coup. Le 25 juillet 2005, Gilbert Chikli contacte Madame G., directrice d'une agence postale à Paris.
Dans le procès-verbal, les policiers racontent: «Lors de la conversation, il évoquait des rencontres passées et mettait en confiance son interlocutrice, qui n'avait alors aucun doute sur l'identité de l'appelant. Il informait ensuite Mme G. qu'elle allait être contactée sur son téléphone portable personnel par « Paul «, un agent des services secrets, avec qui, elle devrait coopérer...»
En quarante-huit heures, Paul va appeler la directrice de l'agence 43 fois! D'abord la culpabilisation - «Vous avez ouvert un compte à une personne douteuse» -, puis la valorisation, le fameux «Je compte sur vous», qui sert de titre au film.
Gilbert Chikli laisse à peine dormir sa proie pour l'inciter à faire une provision de fonds exceptionnelle de 358.000 euros. Cette somme, l'employée modèle doit la réunir dans un sac, prendre un taxi et descendre aux toilettes pour femmes du restaurant Au Canon de la Nation, à Paris.
Les billets remis à un complice devaient, dans la fable, être «scannés par Paul puis restitués à Madame G. à la terrasse d'un bistrot de la rue de la Paix». Il n'en sera rien, bien sûr.
Par la suite, Chikli va constamment affiner sa technique. Il parvient à faire virer par le CCF (aujourd'hui HSBC) près de 4 millions d'euros vers un compte hongkongais. Au final, combien a-t-il ainsi soustrait? 6, 10, 50 millions d'euros? Personne, n'a réussi faire le calcul exact, pas même les juges.
Et l'argent récolté? «J'ai beaucoup travaillé avec la Chine.» Aujourd'hui, les enquêteurs ont, en effet, les yeux rivés vers ce pays, plaque tournante du blanchiment d'argent sale. «Ce n'est pas un secret. Le monde entier sait que c'est en Chine que l'on va aujourd'hui pour faire de la «décaisse», explique Gilbert Chikli. L'homme est un paradoxe ambulant: intelligence instinctive et propos de marlou. Constamment sur ses gardes.
L'arnaque, c'est sa drogue, son «kif». Pourtant, il s'insurge quand on le traite d'escroc. Il a fait à peu près tout ce qui existe dans le «métier», mais il a toujours refusé «les ventes d'armes car tout ce qui se rapporte au sang, je refuse».
Il est dans le déni de l'illégalité de ses activités. Pour lui, la «déballe» est une activité comme une autre.
Et il ne regrette rien: «Regretter, ce serait me renier». Même s'il avoue dans un souffle: «Les gens comme nous, ça ne finit généralement pas bien, et on le sait. Ça ne me fait pas peur parce que c'est la vie que j'ai choisie et on ne peut pas faire autrement, c'est comme ça».
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