Après mon service, j'enfile une robe
Pour moi, ce métier est une véritable vocation : petite, j’étais en admiration devant les gendarmes de mon village, qui étaient au service de la population. Je voulais être comme eux.
Je n’ai pu réaliser mon rêve qu’après mon divorce. Mariée à un homme qui m’empêchait de sortir et de travailler, je suis devenue très féminine après notre séparation, afin de m’émanciper.
Aujourd’hui, dès que je quitte mon uniforme de gendarme, j’enfile une robe et des chaussures à talons. C’est à cause de ma tenue vestimentaire que le harcèlement au travail a commencé.
"Regardez comment vous vous habillez !"
Un jour, mon colonel m’a convoquée pour m’annoncer que j’allais être radiée. Quand je lui ai demandé des explications, il m’a simplement répondu :
"Regardez comment vous vous habillez !"
Choquée par cette remarque, je lui ai expliqué que je mettais des vêtements féminins en dehors de mon lieu de travail et que cela ne le regardait pas. J’ai contacté ma hiérarchie et un colonel de la région m’a dit que je n’avais rien fait de mal et que je pouvais demander une mutation si je le souhaitais.
J’ai donc été mutée assez rapidement. Le commandant de ma nouvelle brigade était très gentil et j’avais de bonnes notations. Peu de temps après mon arrivée, il a été remplacé par un jeune lieutenant. Je ne me doutais pas de ce qui allait se passer.
Mon supérieur m'a posé des questions intimes
Un soir, mon lieutenant m’a demandé de l’accompagner lors d’une patrouille de nuit. Nous avons pris la route, puis il s’est garé près d’une résidence privée. Quand il a coupé le moteur et les phares de la voiture, je lui ai demandé ce que nous faisions. Il a prétexté que nous allions faire un flagrant délit de cambriolage, puis il a entamé la conversation :
"Comment se fait-il qu’une jolie fille comme vous soit toujours célibataire ?"
Ses questions intimes me gênaient et je voulais le lui faire comprendre, mais j’étais partagée entre la peur d’être sanctionnée si je me braquais et l’envie de ne pas entrer dans des considérations personnelles avec lui. Mais il est allé plus loin :
"Vous ne seriez pas intéressée par une histoire d’un soir avec un officier ?"
Choquée, je lui ai clairement dit que j’allais faire comme si je n’avais rien entendu et que je voulais rentrer chez moi. Nous avons donc quitté le parking et nous sommes rentrés chacun de notre côté.
On m'a traitée de prostituée


Dès le lendemain, j’ai compris que mon lieutenant voulait me faire payer mon refus. Surcharge de travail, moqueries, humiliations… Il semblait vouloir se venger. Mes collègues sont entrés dans son jeu.
Mon quotidien au travail est donc devenu invivable. Régulièrement, j’avais droit à une tape sur les fesses ou à une réflexion du type :
"Regardez, elle a sorti ses talons de pute."
Le lieutenant est allé jusqu’à me traiter de prostituée devant mes collègues parce que je roulais dans une belle voiture. Il affirmait que je n’avais pas pu me payer ce modèle avec mon salaire de gendarme et que j’avais forcément vendu mon corps pour le faire. Mes collègues surenchérissaient :
"Ça ne m’étonne pas vu comment elle s’habille."
Mon supérieur est entré chez moi pendant que je dormais
Très vite, j’ai pris rendez-vous avec le commandant pour lui raconter ce qu’il se passait. Il a convoqué mon lieutenant, mais ce dernier a tout nié. Leur entretien n’a rien donné et le harcèlement a continué.
Un matin, alors que je dormais dans mon logement de fonction, situé dans la gendarmerie, je me suis retrouvée nez à nez avec mon supérieur. J’ai eu peur, j’ai paniqué et il est parti. Il avait pris le double des clefs de chez moi et s’était introduit dans mon domicile, sans aucune raison.
Quand je l’ai dénoncé à l’Inspection générale de la gendarmerie (IGGN), il a expliqué qu’il avait pris mes clés pour pouvoir me déposer un petit meuble. Pourquoi mon supérieur viendrait m’offrir un meuble de bon matin ?
Malgré cet aveu, il a continué à nier le harcèlement dont je l’accusais. Mes collègues ont également été convoqués et eux aussi ont contesté mes affirmations. L’IGGN a alors conclu qu’il n’y avait pas de harcèlement.
Je n’ai pas compris cette décision alors j’ai insisté, en leur demandant s’il était normal que l’on me fasse des remarques sur ma tenue vestimentaire en dehors du travail. Leur réponse était sans appel :
"Vous sortez de la gendarmerie en mode allumeuse !"
Mes collègues veulent me faire craquer
J’ai décidé de porter plainte. Par peur de perdre ce travail que j’aime tant, je ne l’ai pas fait plus tôt, mais aujourd’hui, il est temps. Je ne veux plus être victime de harcèlement sexuel, moral et de violation de domicile.
En attendant, mes collègues me mènent la vie dure. Ils entrent chez moi pour utiliser mes toilettes, ils ont déposé des clous sur ma place de parking et ont rayé ma voiture. Ils agissent ainsi dans l’intention de me nuire et veulent me faire craquer, tout en ayant le soutien de mon supérieur et de ma hiérarchie.
D’ailleurs, la section de recherche de la gendarmerie a auditionné le patron d’une boîte de nuit dans laquelle je vais régulièrement pour savoir si je n’étais pas gogo danseuse au sein de l’établissement. Tous veulent trouver des raisons de me faire partir, mais ils n’y parviendront pas.
La loi est la même pour tout le monde
Aujourd’hui, je suis en arrêt maladie, car je ne supportais plus mon quotidien au travail. J’ai fait une demande de mutation et j’attends la réponse. J’espère qu’elle sera positive.
Si j’arrive à garder le moral, c’est grâce à tout le soutien que je reçois. Après avoir raconté mon histoire, de nombreuses femmes qui avaient subi le même type de harcèlement m’ont écrit, pour me remercier de les représenter. Nos histoires sont toutes différentes, mais on se retrouve sur un point : notre hiérarchie pense que tout est de notre faute.
Tout ce que je souhaite, c’est que ceux qui me gâchent la vie soient punis. Le problème, c’est que dans le secteur militaire, les harceleurs ne sont pratiquement jamais sanctionnés. Se sentant intouchables, ils se permettent tout, alors qu’ils sont censés représenter l’autorité.
Je voudrais simplement qu’on leur rappelle que la loi est la même pour tout le monde.
afriquefemme
Pour moi, ce métier est une véritable vocation : petite, j’étais en admiration devant les gendarmes de mon village, qui étaient au service de la population. Je voulais être comme eux.
Je n’ai pu réaliser mon rêve qu’après mon divorce. Mariée à un homme qui m’empêchait de sortir et de travailler, je suis devenue très féminine après notre séparation, afin de m’émanciper.
Aujourd’hui, dès que je quitte mon uniforme de gendarme, j’enfile une robe et des chaussures à talons. C’est à cause de ma tenue vestimentaire que le harcèlement au travail a commencé.
"Regardez comment vous vous habillez !"
Un jour, mon colonel m’a convoquée pour m’annoncer que j’allais être radiée. Quand je lui ai demandé des explications, il m’a simplement répondu :
"Regardez comment vous vous habillez !"
Choquée par cette remarque, je lui ai expliqué que je mettais des vêtements féminins en dehors de mon lieu de travail et que cela ne le regardait pas. J’ai contacté ma hiérarchie et un colonel de la région m’a dit que je n’avais rien fait de mal et que je pouvais demander une mutation si je le souhaitais.
J’ai donc été mutée assez rapidement. Le commandant de ma nouvelle brigade était très gentil et j’avais de bonnes notations. Peu de temps après mon arrivée, il a été remplacé par un jeune lieutenant. Je ne me doutais pas de ce qui allait se passer.
Mon supérieur m'a posé des questions intimes
Un soir, mon lieutenant m’a demandé de l’accompagner lors d’une patrouille de nuit. Nous avons pris la route, puis il s’est garé près d’une résidence privée. Quand il a coupé le moteur et les phares de la voiture, je lui ai demandé ce que nous faisions. Il a prétexté que nous allions faire un flagrant délit de cambriolage, puis il a entamé la conversation :
"Comment se fait-il qu’une jolie fille comme vous soit toujours célibataire ?"
Ses questions intimes me gênaient et je voulais le lui faire comprendre, mais j’étais partagée entre la peur d’être sanctionnée si je me braquais et l’envie de ne pas entrer dans des considérations personnelles avec lui. Mais il est allé plus loin :
"Vous ne seriez pas intéressée par une histoire d’un soir avec un officier ?"
Choquée, je lui ai clairement dit que j’allais faire comme si je n’avais rien entendu et que je voulais rentrer chez moi. Nous avons donc quitté le parking et nous sommes rentrés chacun de notre côté.
On m'a traitée de prostituée


Dès le lendemain, j’ai compris que mon lieutenant voulait me faire payer mon refus. Surcharge de travail, moqueries, humiliations… Il semblait vouloir se venger. Mes collègues sont entrés dans son jeu.
Mon quotidien au travail est donc devenu invivable. Régulièrement, j’avais droit à une tape sur les fesses ou à une réflexion du type :
"Regardez, elle a sorti ses talons de pute."
Le lieutenant est allé jusqu’à me traiter de prostituée devant mes collègues parce que je roulais dans une belle voiture. Il affirmait que je n’avais pas pu me payer ce modèle avec mon salaire de gendarme et que j’avais forcément vendu mon corps pour le faire. Mes collègues surenchérissaient :
"Ça ne m’étonne pas vu comment elle s’habille."
Mon supérieur est entré chez moi pendant que je dormais
Très vite, j’ai pris rendez-vous avec le commandant pour lui raconter ce qu’il se passait. Il a convoqué mon lieutenant, mais ce dernier a tout nié. Leur entretien n’a rien donné et le harcèlement a continué.
Un matin, alors que je dormais dans mon logement de fonction, situé dans la gendarmerie, je me suis retrouvée nez à nez avec mon supérieur. J’ai eu peur, j’ai paniqué et il est parti. Il avait pris le double des clefs de chez moi et s’était introduit dans mon domicile, sans aucune raison.
Quand je l’ai dénoncé à l’Inspection générale de la gendarmerie (IGGN), il a expliqué qu’il avait pris mes clés pour pouvoir me déposer un petit meuble. Pourquoi mon supérieur viendrait m’offrir un meuble de bon matin ?
Malgré cet aveu, il a continué à nier le harcèlement dont je l’accusais. Mes collègues ont également été convoqués et eux aussi ont contesté mes affirmations. L’IGGN a alors conclu qu’il n’y avait pas de harcèlement.
Je n’ai pas compris cette décision alors j’ai insisté, en leur demandant s’il était normal que l’on me fasse des remarques sur ma tenue vestimentaire en dehors du travail. Leur réponse était sans appel :
"Vous sortez de la gendarmerie en mode allumeuse !"
Mes collègues veulent me faire craquer
J’ai décidé de porter plainte. Par peur de perdre ce travail que j’aime tant, je ne l’ai pas fait plus tôt, mais aujourd’hui, il est temps. Je ne veux plus être victime de harcèlement sexuel, moral et de violation de domicile.
En attendant, mes collègues me mènent la vie dure. Ils entrent chez moi pour utiliser mes toilettes, ils ont déposé des clous sur ma place de parking et ont rayé ma voiture. Ils agissent ainsi dans l’intention de me nuire et veulent me faire craquer, tout en ayant le soutien de mon supérieur et de ma hiérarchie.
D’ailleurs, la section de recherche de la gendarmerie a auditionné le patron d’une boîte de nuit dans laquelle je vais régulièrement pour savoir si je n’étais pas gogo danseuse au sein de l’établissement. Tous veulent trouver des raisons de me faire partir, mais ils n’y parviendront pas.
La loi est la même pour tout le monde
Aujourd’hui, je suis en arrêt maladie, car je ne supportais plus mon quotidien au travail. J’ai fait une demande de mutation et j’attends la réponse. J’espère qu’elle sera positive.
Si j’arrive à garder le moral, c’est grâce à tout le soutien que je reçois. Après avoir raconté mon histoire, de nombreuses femmes qui avaient subi le même type de harcèlement m’ont écrit, pour me remercier de les représenter. Nos histoires sont toutes différentes, mais on se retrouve sur un point : notre hiérarchie pense que tout est de notre faute.
Tout ce que je souhaite, c’est que ceux qui me gâchent la vie soient punis. Le problème, c’est que dans le secteur militaire, les harceleurs ne sont pratiquement jamais sanctionnés. Se sentant intouchables, ils se permettent tout, alors qu’ils sont censés représenter l’autorité.
Je voudrais simplement qu’on leur rappelle que la loi est la même pour tout le monde.
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