Il est 9h. Le rond-point Liberté 6, lieu de regroupement de jeunes femmes à la recherche d’emploi de domestique refuse du monde. Les klaxons des voitures mêlés aux décibels distillés par la sono de camions en campagne de publicité par-ci, des vendeurs de chaussures et de vêtements qui chantent et crient pour attirer la clientèle par-là , polluent l’atmosphère. A quelques mètres, de jeunes femmes sont assises en petits groupes.
Agées entre 19 et 35 ans, elles sont à la recherche d’un emploi de domestique. « Cela fait une semaine que je cherche du travail, mais en vain », renseigne Yandé Ndiaye qui revient de son village où elle a séjourné pendant deux mois. Debout sur son 1,96 m, le regard foudroyant, cette fille au teint naturellement clair habite le village de Niakhar, dans le département de Fatick.
Après son échec au Bfem en 2011, Yandé décide de prendre en main son destin en venant s’installer à Dakar. Depuis lors, la belle liane au commerce facile se bat pour améliorer son quotidien.
« Une personne doit toujours croire en elle-même. En ce qui me concerne, je déteste la politique de la main tendue. C’est pourquoi je travaille dur pour gagner honnêtement ma vie », explique-t-elle. Non sans déplorer le traitement inhumain que leur infligent certaines « patronnes ». A l’en croire, ces maîtresses de maison pensent que les domestiques font les yeux doux à leurs maris.
« Ce n’est que de la jalousie », pense Awa Cheikh Lô, une habitante du Baol venue du village de Ndangalma. Physiquement, elle est aussi bien dotée par dame nature : longiligne, belle dentition, yeux de biche, longue chevelure et une belle chute de reins. Awa Cheikh n’a rien à envier aux top-modèles ou mannequins. Orpheline de mère à l’âge de 12 ans, elle s’est résolue à travailler comme domestique pour subvenir à ses besoins. Malheureusement, elle est souvent victime de... sa beauté.
« Enlève-moi cette tenue de... »
Awa Lô a déjà offert ses services à quatre ménages, mais elle a provoqué, sans le vouloir, la jalousie des épouses de ses employeurs. « Un jour, j’ai porté une jupe, ma patronne m’a enjoint d’aller mettre un pagne avant le retour de son mari parti au travail », raconte-t-elle. Des cas similaires, elle en a beaucoup vécu. La dernière en date remonte au mois de mai 2014. Engagée par un couple monogame, Awa s’occupait de l’entretien de la maison des « Fall ».
Courageuse et travailleuse, la jeune femme était loin de s’imaginer qu’un jour elle perdrait son travail pour une banale histoire de jalousie. Un vendredi, se rappelle-t-elle, sa patronne, piquée par une colère inexpliquée, lui ordonna de se changer. « Enlève-moi cette tenue de p.. », lui a-t-elle hurlé.
Comme si cela ne suffisait pas, la maîtresse de maison lui fit comprendre qu’une domestique ne doit pas s’habiller n’importe comment à son lieu de travail. Mieux, Madame Fall, sur un ton menaçant, ajouta : « Vous êtes toutes pareilles, vous les bonnes. Mais si jamais tu t’aventurais à flirter avec mon mari, tu verras de quoi je suis capable ».
Ainsi, fatiguée de subir les assauts de sa jalouse patronne, la demoiselle décida d’abandonner le boulot chez les Fall. Et depuis lors, Awa Cheikh cherche en vain du travail. Mais Awa continue de croire à sa bonne étoile et est convaincue qu’elle peut gagner dignement sa vie.
Jalousie débordante d’employeuses

Les domestiques déclarent, très souvent, être victimes de la jalousie débordante de certaines employeuses. C’est le cas de Rokhaya Ly. Âgée de 30 ans, celle qui fut épouse Diouf a travaillé chez le couple Baldé pendant quatre ans.
« Quand j’ai débuté mon travail, tout allait très bien avec ma patronne. Je m’occupais bien de ses enfants en plus des tâches ménagères que je faisais au quotidien. Il arrivait que Mme Baldé me demande de rester dans leur domicile plusieurs semaines. Son mari navigateur s’absentait pendant presqu’un mois. Mais, dès que ce dernier rentrait, elle changeait de comportement. Elle me demandait très souvent de porter des pagnes et de ne pas me maquiller », se souvient-elle.
« Un jour, je me trouvais sous la douche lorsque M. Baldé rentrait de son voyage. Le fait de vouloir regagner ma chambre avec la serviette l’a mise dans tous ses états. Elle pensait que son mari pouvait tomber sur le charme de mes jambes qu’elle trouvait belles », se rappelle-t-elle.
« Quelle est cette façon de s’habiller. Une bonne femme ne sort jamais de la douche à moitié nue », s’écria sa patronne. Et lorsque le mari a voulu la raisonner, Mme Baldé lui a crié dessus en ces termes : «De quoi je me mêle? J’oublie que tu es un adepte de la bonne chair qui tire sur tout ce qui bouge ». Le mari tenta de la calmer en vain, se souvient Rokhaya Ly.
« Pas d’une drianké chez moi »
Téning Diop, une femme d’une rondeur à couper le souffle, a vécu aussi une scène de jalousie à Sacré-Cœur. Un jour, un couple à la recherche d’une domestique la contacta. Mais, lorsque la dame jeta un regard sur elle, elle lança à son mari : « Je ne veux pas d’une drianké chez moi ».
Pour Téning, ce refus n’est rien d’autre que de la jalousie. Oumy Tamba, elle, a vécu le martyre à son ancien lieu de travail. «Au-delà de sa jalousie, ma patronne m’accusait de vol », se souvient-elle. «Ce n’est pas normal qu’une personne qui entretient la maison soit traitée de façon inhumaine. Nous méritons plus de respect», martèle Oumy.
Et elle ajoute que certaines « bonnes » ne mangent que des restes de repas de leurs employeuses. Ce qui fait croire à la demoiselle que les hommes sont plus généreux avec les domestiques que leurs épouses. C’est cette générosité qui, selon elle, pousse certaines maîtresses de maison à accuser à tort les domestiques de voleuses de maris.
Confidences de patronnes victimes de « voleuses de mari »
Alors que les domestiques accusent les patronnes de jalousie, ces dernières les assimilent à des « voleuses de mari ». Confidences de quelques victimes.
Des employeuses n’hésitent pas à casser du sucre sur le dos des domestiques. Elles accusent ces dernières de faire les yeux doux à leurs époux. Trouvée assise dans son atelier de couture, la dame Salimata Diagne garde de mauvais souvenirs d’une domestique. Elle la déteste.
Pire, Mme Diagne la qualifie de « voleuse de mari ». « C’était une jeune fille très audacieuse. Elle passait tout son temps à charmer mon mari en portant de courtes jupes, des pantalons serrés. Mon mari n’a pas pu résister à la tentation. Ainsi, ils attendaient que je m’absente de la maison pour entretenir des relations coupables. Je les ai surpris sur mon lit conjugal. C’est d’ailleurs la cause de mon divorce », a expliqué Salimata.
Bineta Mbaye est également formelle. Pour cette habitante de la cité Soprim, des domestiques sont bien parfois coupables. «En réalité, elles ne sont pas là pour travailler, mais pour charmer nos maris. En plus, elles instaurent un malaise au sein de la famille », explique Mme Mbaye. « Ma bonne a semé le désordre chez moi. A cause de sa relation coupable avec mon fils aîné, mon mari n’adresse plus la parole à mon garçon », déplore la jeune dame.
Mari surpris avec la domestique
Ces propos font écho à ceux de Khady Fall rencontrée aux Allées du Centenaire. « Ne me parlez plus de ces voleuses de mari qui se cachent derrière leur habit de domestique de maison », s’offusque-t-elle. Dorénavant, Khady écarte toute idée d’engager une domestique chez-elle.
A l’en croire, ces femmes de ménage passent tout leur temps à provoquer les chefs de famille. « Tout au début, ma bonne s’habillait correctement. Mais avec le temps, elle a commencé à porter des habits courts, à se maquiller de façon extravagante et, du coup, à me manquer de respect », raconte-t-elle.
Mme Fall justifie l’attitude de sa domestique par la mauvaise fréquentation. « La confiance et le respect qui constituaient le sceau de notre compagnonnage ont été bafoués par cette fille », se désole Khady qui précise que sa bonne a vécu chez elle pendant plus de quatre ans.
En tout état de cause, l’habillement des domestiques n’enchante pas les femmes. Un accoutrement « osé » est perçu comme un clin d’œil au mari de la patronne. Raison pour laquelle il est fréquent de voir certaines patronnes résilier le contrat de leur employée à cause de son habillement. D’une manière générale, plusieurs patronnes ne font pas confiance aux employées domestiques. Une méfiance réciproque qui caractérise le plus souvent les relations entre l’employée et sa patronne.
« Elles ne veulent pas
 nous voir bien habillées »

La jeune demoiselle Mbéri Diaw rencontrée à Ouakam se fait l’avocate des domestiques. Debout sur son mètre 50m, très raffinée, d’une noirceur d’ébène avec une belle dentition, Mbéri estime que l’argument des employées ne tient pas la route. « Cela fait deux mois que je cherche du travail en vain », confie la Kaolackoise de 22 ans.
Non sans déplorer l’attitude des maîtresses de maison qui les « accusent à tort » de voleuses de mari. «C’est de la méchanceté. Elles ne veulent pas nous voir porter de beaux habits. Ces femmes pensent qu’une domestique est un moins que rien », peste-t-elle. Pour elle, l’attitude de certaines maîtresses de maison n’est rien d’autre que de la jalousie.
Yacine, domestique devenue l’épouse de son ex-patron veuf
De toutes ces expériences malheureuses de domestiques de maison, Yacine F., originaire de la région de Kaolack, est la seule à pouvoir se glorifier d’une issue heureuse. Trouvée dans son foyer à Ouest Foire, l’ancienne domestique nous raconte sa vie de « bonne ». Après son divorce, Mame Yacine, comme elle aime être appelée, a posé ses baluchons à Dakar.
Agée d’environ trente ans, la Kaolackoise qui, comme beaucoup de ces jeunes filles de sa région d’origine, était à la recherche d’un mieux-être. « J’étais loin de m’imaginer qu’une nouvelle chance pouvait me sourire. J’ai vécu l’enfer dans trois familles où j’ai eu à offrir mes services », se souvient-t-elle.
Ses patronnes l’obligeaient à travailler jusque tard dans la nuit. Non seulement elle gagnait peu d’argent, mais à la fin du mois, on l’accusait de vol et refusait de lui payer son salaire. Un jour, alors qu’elle venait d’être jetée comme une malpropre de la maison de sa dernière patronne, Mame Yacine a fini par rencontrer la voie du salut. Elle raconte qu’après deux semaines d’attente, son actuel mari accompagné de sa fille aînée, à l’époque âgée de dix-huit ans, l’a recrutée.
Belle avec un physique impressionnant, l’ex-domestique, d’un commerce facile, a toujours refusé d’être la « bonne à tout faire ». Néanmoins, elle a joué le rôle « d’épouse » dans tous les foyers où elle a eu à travailler. «Je m’occupais de l’entretien de la maison, de la cuisine et de la lessive de toute la famille», a-t-elle expliqué.
Aujourd’hui, Mame Yacine F. est épanouie car elle a finalement gagné le cœur de la demoiselle Sophie qui a persuadé son père veuf de l’épouser. L’homme finit par trouver l’âme sœur après un long veuvage.
Depuis lors, Yacine vit dans un bonheur total avec les enfants de son mari. Ces derniers la chérissent comme leur propre mère. Cette nouvelle vie matrimoniale lui a ouvert les portes d’une reconversion. L’ex-domestique est devenue une commerçante. Celle qui s’occupait de la progéniture des autres est aujourd’hui mère de deux enfants. Ce qui a apporté la joie de vivre dans son foyer, son ancien lieu de travail.
Justice et équité au travail
L’Ajs appelle au respect des textes
Bien qu’il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le marché de l’emploi demeure « informel » et échappe largement au règlement en vigueur. Pour plus de justice et d’équité, la chargée de programme à l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) appelle à la sensibilisation des domestiques et l’application des conventions internationales.
Des brimades, des humiliations, des conditions inhumaines et dégradantes de travail, inexistence d’une prise en charge médicale, précarité de l’emploi, entre autres. Telles sont les nombreuses violations de droits que subissent les domestiques de maison. En plus d’avoir à subir toutes ces injustices, ces employées de maison endurent, pour certaines d’entres elles, le harcèlement sexuel des hommes membres de la famille, les violences physiques et autres souffrances au quotidien tout comme le harcèlement moral de la patronne.
Face à ce phénomène, il est important de fixer les règles du jeu en posant la question de savoir qui est domestique, ce qu’en dit la loi et comment faire respecter leurs droits. Citant la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail au Sénégal, et à la Convention 189 de l’Oit qui offre une protection spécifique aux travailleurs domestiques, la secrétaire générale adjointe de l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) a fait savoir que cette convention fixe les droits et principes fondamentaux, et impose aux Etats de prendre une série de mesures en vue de faire du travail décent une réalité pour les travailleurs domestiques.
Khady Bâ a précisé que la convention a été ratifiée par 13 pays. Il s’agit de l’Afrique du Sud, de l’Allemagne, de l’Argentine, de la Bolivie, du Costa Rica, de l’Equateur, de la Guyane, de l’Italie, de l’Ile Maurice, du Nicaragua, du Paraguay, de la Philippine et de l’Uruguay. Cependant, la Colombie et la République dominicaine sont en cours de ratification.
Invoquant l’Arrêté n° 0974 du 23 janvier 1968 qui a été modifié et complété par l’Arrêté ministériel n° 3006 du 20 mars 1972 qui détermine les conditions générales d’emploi des domestiques et gens de maison au Sénégal, la juriste définit le « gens de maison ou domestique » comme étant tout salarié embauché au service d’un foyer et occupé d’une façon continue aux travaux de la maison.
Toutefois, elle précise que le personnel à temps partiel embauché pour une durée inférieure à 20 heures de présence par semaine ne relève pas du présent arrêté et demeure régi par les seules stipulations des parties. En cas de litige dans l’exécution ou l’interprétation des conditions de travail, la chargée de programme à l’Ajs a indiqué que l’Inspection régionale du travail est compétente en la matière. Et d’ajouter que « même si sa saisine n’est pas obligatoire, le tribunal peut être saisi directement de même que le Tribunal du travail ».
Par contre, lorsqu’il s’agit de violence, harcèlement, coups et blessures dont l’employée de maison est victime, il peut porter plainte ou saisir le tribunal départemental en vue d’une réparation. «Pour plus de justice et d’équité, il convient d’appliquer les textes pour le respect d’un Etat de droit, de sensibiliser le personnel domestique, les employeurs au respect des devoirs et obligations de chaque partie, et surtout de faire un plaidoyer pour la ratification de la Convention 189 de l’Oit ».
Le Soleil
Agées entre 19 et 35 ans, elles sont à la recherche d’un emploi de domestique. « Cela fait une semaine que je cherche du travail, mais en vain », renseigne Yandé Ndiaye qui revient de son village où elle a séjourné pendant deux mois. Debout sur son 1,96 m, le regard foudroyant, cette fille au teint naturellement clair habite le village de Niakhar, dans le département de Fatick.
Après son échec au Bfem en 2011, Yandé décide de prendre en main son destin en venant s’installer à Dakar. Depuis lors, la belle liane au commerce facile se bat pour améliorer son quotidien.
« Une personne doit toujours croire en elle-même. En ce qui me concerne, je déteste la politique de la main tendue. C’est pourquoi je travaille dur pour gagner honnêtement ma vie », explique-t-elle. Non sans déplorer le traitement inhumain que leur infligent certaines « patronnes ». A l’en croire, ces maîtresses de maison pensent que les domestiques font les yeux doux à leurs maris.
« Ce n’est que de la jalousie », pense Awa Cheikh Lô, une habitante du Baol venue du village de Ndangalma. Physiquement, elle est aussi bien dotée par dame nature : longiligne, belle dentition, yeux de biche, longue chevelure et une belle chute de reins. Awa Cheikh n’a rien à envier aux top-modèles ou mannequins. Orpheline de mère à l’âge de 12 ans, elle s’est résolue à travailler comme domestique pour subvenir à ses besoins. Malheureusement, elle est souvent victime de... sa beauté.
« Enlève-moi cette tenue de... »
Awa Lô a déjà offert ses services à quatre ménages, mais elle a provoqué, sans le vouloir, la jalousie des épouses de ses employeurs. « Un jour, j’ai porté une jupe, ma patronne m’a enjoint d’aller mettre un pagne avant le retour de son mari parti au travail », raconte-t-elle. Des cas similaires, elle en a beaucoup vécu. La dernière en date remonte au mois de mai 2014. Engagée par un couple monogame, Awa s’occupait de l’entretien de la maison des « Fall ».
Courageuse et travailleuse, la jeune femme était loin de s’imaginer qu’un jour elle perdrait son travail pour une banale histoire de jalousie. Un vendredi, se rappelle-t-elle, sa patronne, piquée par une colère inexpliquée, lui ordonna de se changer. « Enlève-moi cette tenue de p.. », lui a-t-elle hurlé.
Comme si cela ne suffisait pas, la maîtresse de maison lui fit comprendre qu’une domestique ne doit pas s’habiller n’importe comment à son lieu de travail. Mieux, Madame Fall, sur un ton menaçant, ajouta : « Vous êtes toutes pareilles, vous les bonnes. Mais si jamais tu t’aventurais à flirter avec mon mari, tu verras de quoi je suis capable ».
Ainsi, fatiguée de subir les assauts de sa jalouse patronne, la demoiselle décida d’abandonner le boulot chez les Fall. Et depuis lors, Awa Cheikh cherche en vain du travail. Mais Awa continue de croire à sa bonne étoile et est convaincue qu’elle peut gagner dignement sa vie.
Jalousie débordante d’employeuses

Les domestiques déclarent, très souvent, être victimes de la jalousie débordante de certaines employeuses. C’est le cas de Rokhaya Ly. Âgée de 30 ans, celle qui fut épouse Diouf a travaillé chez le couple Baldé pendant quatre ans.
« Quand j’ai débuté mon travail, tout allait très bien avec ma patronne. Je m’occupais bien de ses enfants en plus des tâches ménagères que je faisais au quotidien. Il arrivait que Mme Baldé me demande de rester dans leur domicile plusieurs semaines. Son mari navigateur s’absentait pendant presqu’un mois. Mais, dès que ce dernier rentrait, elle changeait de comportement. Elle me demandait très souvent de porter des pagnes et de ne pas me maquiller », se souvient-elle.
« Un jour, je me trouvais sous la douche lorsque M. Baldé rentrait de son voyage. Le fait de vouloir regagner ma chambre avec la serviette l’a mise dans tous ses états. Elle pensait que son mari pouvait tomber sur le charme de mes jambes qu’elle trouvait belles », se rappelle-t-elle.
« Quelle est cette façon de s’habiller. Une bonne femme ne sort jamais de la douche à moitié nue », s’écria sa patronne. Et lorsque le mari a voulu la raisonner, Mme Baldé lui a crié dessus en ces termes : «De quoi je me mêle? J’oublie que tu es un adepte de la bonne chair qui tire sur tout ce qui bouge ». Le mari tenta de la calmer en vain, se souvient Rokhaya Ly.
« Pas d’une drianké chez moi »
Téning Diop, une femme d’une rondeur à couper le souffle, a vécu aussi une scène de jalousie à Sacré-Cœur. Un jour, un couple à la recherche d’une domestique la contacta. Mais, lorsque la dame jeta un regard sur elle, elle lança à son mari : « Je ne veux pas d’une drianké chez moi ».
Pour Téning, ce refus n’est rien d’autre que de la jalousie. Oumy Tamba, elle, a vécu le martyre à son ancien lieu de travail. «Au-delà de sa jalousie, ma patronne m’accusait de vol », se souvient-elle. «Ce n’est pas normal qu’une personne qui entretient la maison soit traitée de façon inhumaine. Nous méritons plus de respect», martèle Oumy.
Et elle ajoute que certaines « bonnes » ne mangent que des restes de repas de leurs employeuses. Ce qui fait croire à la demoiselle que les hommes sont plus généreux avec les domestiques que leurs épouses. C’est cette générosité qui, selon elle, pousse certaines maîtresses de maison à accuser à tort les domestiques de voleuses de maris.
Confidences de patronnes victimes de « voleuses de mari »
Alors que les domestiques accusent les patronnes de jalousie, ces dernières les assimilent à des « voleuses de mari ». Confidences de quelques victimes.
Des employeuses n’hésitent pas à casser du sucre sur le dos des domestiques. Elles accusent ces dernières de faire les yeux doux à leurs époux. Trouvée assise dans son atelier de couture, la dame Salimata Diagne garde de mauvais souvenirs d’une domestique. Elle la déteste.
Pire, Mme Diagne la qualifie de « voleuse de mari ». « C’était une jeune fille très audacieuse. Elle passait tout son temps à charmer mon mari en portant de courtes jupes, des pantalons serrés. Mon mari n’a pas pu résister à la tentation. Ainsi, ils attendaient que je m’absente de la maison pour entretenir des relations coupables. Je les ai surpris sur mon lit conjugal. C’est d’ailleurs la cause de mon divorce », a expliqué Salimata.
Bineta Mbaye est également formelle. Pour cette habitante de la cité Soprim, des domestiques sont bien parfois coupables. «En réalité, elles ne sont pas là pour travailler, mais pour charmer nos maris. En plus, elles instaurent un malaise au sein de la famille », explique Mme Mbaye. « Ma bonne a semé le désordre chez moi. A cause de sa relation coupable avec mon fils aîné, mon mari n’adresse plus la parole à mon garçon », déplore la jeune dame.
Mari surpris avec la domestique
Ces propos font écho à ceux de Khady Fall rencontrée aux Allées du Centenaire. « Ne me parlez plus de ces voleuses de mari qui se cachent derrière leur habit de domestique de maison », s’offusque-t-elle. Dorénavant, Khady écarte toute idée d’engager une domestique chez-elle.
A l’en croire, ces femmes de ménage passent tout leur temps à provoquer les chefs de famille. « Tout au début, ma bonne s’habillait correctement. Mais avec le temps, elle a commencé à porter des habits courts, à se maquiller de façon extravagante et, du coup, à me manquer de respect », raconte-t-elle.
Mme Fall justifie l’attitude de sa domestique par la mauvaise fréquentation. « La confiance et le respect qui constituaient le sceau de notre compagnonnage ont été bafoués par cette fille », se désole Khady qui précise que sa bonne a vécu chez elle pendant plus de quatre ans.
En tout état de cause, l’habillement des domestiques n’enchante pas les femmes. Un accoutrement « osé » est perçu comme un clin d’œil au mari de la patronne. Raison pour laquelle il est fréquent de voir certaines patronnes résilier le contrat de leur employée à cause de son habillement. D’une manière générale, plusieurs patronnes ne font pas confiance aux employées domestiques. Une méfiance réciproque qui caractérise le plus souvent les relations entre l’employée et sa patronne.
« Elles ne veulent pas
 nous voir bien habillées »

La jeune demoiselle Mbéri Diaw rencontrée à Ouakam se fait l’avocate des domestiques. Debout sur son mètre 50m, très raffinée, d’une noirceur d’ébène avec une belle dentition, Mbéri estime que l’argument des employées ne tient pas la route. « Cela fait deux mois que je cherche du travail en vain », confie la Kaolackoise de 22 ans.
Non sans déplorer l’attitude des maîtresses de maison qui les « accusent à tort » de voleuses de mari. «C’est de la méchanceté. Elles ne veulent pas nous voir porter de beaux habits. Ces femmes pensent qu’une domestique est un moins que rien », peste-t-elle. Pour elle, l’attitude de certaines maîtresses de maison n’est rien d’autre que de la jalousie.
Yacine, domestique devenue l’épouse de son ex-patron veuf
De toutes ces expériences malheureuses de domestiques de maison, Yacine F., originaire de la région de Kaolack, est la seule à pouvoir se glorifier d’une issue heureuse. Trouvée dans son foyer à Ouest Foire, l’ancienne domestique nous raconte sa vie de « bonne ». Après son divorce, Mame Yacine, comme elle aime être appelée, a posé ses baluchons à Dakar.
Agée d’environ trente ans, la Kaolackoise qui, comme beaucoup de ces jeunes filles de sa région d’origine, était à la recherche d’un mieux-être. « J’étais loin de m’imaginer qu’une nouvelle chance pouvait me sourire. J’ai vécu l’enfer dans trois familles où j’ai eu à offrir mes services », se souvient-t-elle.
Ses patronnes l’obligeaient à travailler jusque tard dans la nuit. Non seulement elle gagnait peu d’argent, mais à la fin du mois, on l’accusait de vol et refusait de lui payer son salaire. Un jour, alors qu’elle venait d’être jetée comme une malpropre de la maison de sa dernière patronne, Mame Yacine a fini par rencontrer la voie du salut. Elle raconte qu’après deux semaines d’attente, son actuel mari accompagné de sa fille aînée, à l’époque âgée de dix-huit ans, l’a recrutée.
Belle avec un physique impressionnant, l’ex-domestique, d’un commerce facile, a toujours refusé d’être la « bonne à tout faire ». Néanmoins, elle a joué le rôle « d’épouse » dans tous les foyers où elle a eu à travailler. «Je m’occupais de l’entretien de la maison, de la cuisine et de la lessive de toute la famille», a-t-elle expliqué.
Aujourd’hui, Mame Yacine F. est épanouie car elle a finalement gagné le cœur de la demoiselle Sophie qui a persuadé son père veuf de l’épouser. L’homme finit par trouver l’âme sœur après un long veuvage.
Depuis lors, Yacine vit dans un bonheur total avec les enfants de son mari. Ces derniers la chérissent comme leur propre mère. Cette nouvelle vie matrimoniale lui a ouvert les portes d’une reconversion. L’ex-domestique est devenue une commerçante. Celle qui s’occupait de la progéniture des autres est aujourd’hui mère de deux enfants. Ce qui a apporté la joie de vivre dans son foyer, son ancien lieu de travail.
Justice et équité au travail
L’Ajs appelle au respect des textes
Bien qu’il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le marché de l’emploi demeure « informel » et échappe largement au règlement en vigueur. Pour plus de justice et d’équité, la chargée de programme à l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) appelle à la sensibilisation des domestiques et l’application des conventions internationales.
Des brimades, des humiliations, des conditions inhumaines et dégradantes de travail, inexistence d’une prise en charge médicale, précarité de l’emploi, entre autres. Telles sont les nombreuses violations de droits que subissent les domestiques de maison. En plus d’avoir à subir toutes ces injustices, ces employées de maison endurent, pour certaines d’entres elles, le harcèlement sexuel des hommes membres de la famille, les violences physiques et autres souffrances au quotidien tout comme le harcèlement moral de la patronne.
Face à ce phénomène, il est important de fixer les règles du jeu en posant la question de savoir qui est domestique, ce qu’en dit la loi et comment faire respecter leurs droits. Citant la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail au Sénégal, et à la Convention 189 de l’Oit qui offre une protection spécifique aux travailleurs domestiques, la secrétaire générale adjointe de l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) a fait savoir que cette convention fixe les droits et principes fondamentaux, et impose aux Etats de prendre une série de mesures en vue de faire du travail décent une réalité pour les travailleurs domestiques.
Khady Bâ a précisé que la convention a été ratifiée par 13 pays. Il s’agit de l’Afrique du Sud, de l’Allemagne, de l’Argentine, de la Bolivie, du Costa Rica, de l’Equateur, de la Guyane, de l’Italie, de l’Ile Maurice, du Nicaragua, du Paraguay, de la Philippine et de l’Uruguay. Cependant, la Colombie et la République dominicaine sont en cours de ratification.
Invoquant l’Arrêté n° 0974 du 23 janvier 1968 qui a été modifié et complété par l’Arrêté ministériel n° 3006 du 20 mars 1972 qui détermine les conditions générales d’emploi des domestiques et gens de maison au Sénégal, la juriste définit le « gens de maison ou domestique » comme étant tout salarié embauché au service d’un foyer et occupé d’une façon continue aux travaux de la maison.
Toutefois, elle précise que le personnel à temps partiel embauché pour une durée inférieure à 20 heures de présence par semaine ne relève pas du présent arrêté et demeure régi par les seules stipulations des parties. En cas de litige dans l’exécution ou l’interprétation des conditions de travail, la chargée de programme à l’Ajs a indiqué que l’Inspection régionale du travail est compétente en la matière. Et d’ajouter que « même si sa saisine n’est pas obligatoire, le tribunal peut être saisi directement de même que le Tribunal du travail ».
Par contre, lorsqu’il s’agit de violence, harcèlement, coups et blessures dont l’employée de maison est victime, il peut porter plainte ou saisir le tribunal départemental en vue d’une réparation. «Pour plus de justice et d’équité, il convient d’appliquer les textes pour le respect d’un Etat de droit, de sensibiliser le personnel domestique, les employeurs au respect des devoirs et obligations de chaque partie, et surtout de faire un plaidoyer pour la ratification de la Convention 189 de l’Oit ».
Le Soleil