Il y a certes quelques aspects positifs dans les réformes entreprises par la Coalition présidentielle, à savoir :
• la traque des biens mal acquis, une initiative à saluer, car correspondant à une exigence populaire et répondant à une nécessité d’ancrer la reddition des comptes dans les mœurs politiques de notre pays,
• la création de l’OFNAC également salutaire, car censée contribuer au contrôle de la gestion des tenants actuels du pouvoir,
• la déclaration de patrimoine qu’on peut considérer comme un pas dans la bonne direction,
Néanmoins, le peuple des Assises est resté sur sa faim sur beaucoup de questions.
Ainsi, sur le plan juridique, le principal reproche fait à la traque des biens mal acquis est qu’elle n’a en définitive ciblé que Karim Wade (et peut-être Tahibou Ndiaye) alors qu’au départ le procureur Ndao avait incriminé près de 25 personnalités de l’ancien régime. De plus, la cour de répression de l’enrichissement illicite a fait l’objet de beaucoup de critiques, notamment l’absence du double degré de juridiction avec impossibilité pour l’accusé de faire appel et le renversement de la charge de la preuve, qui est difficilement concevable avec l’évolution actuelle des droits humains dans le monde.
Le principal reproche qu’on peut faire à l’OFNAC est l’opacité de son fonctionnement illustrée par les difficultés rencontrées par sa directrice devant les réticences de plusieurs ministres et hauts fonctionnaires à se conformer à l’obligation de déclaration de patrimoine, sans oublier la grande nébuleuse du Port Autonome de Dakar, dont le Directeur est le grand financier de l’APR.
Par ailleurs, la persistance des longues détentions (particulièrement celles d’opposants au régime) jugées arbitraires par les organisations des droits de l’Homme illustre la non-prise en compte d’une des propositions des Assises Nationales, qui préconisait l’institution d’un Juge des Libertés, pour mettre fin aux abus. En effet, selon l’article 127 du code de procédure pénale, la cessation d'office de la détention provisoire en l'absence de certaines conditions qu’elle pose, a lieu dans les cinq jours qui suivent l'interrogatoire de première comparution. Elle est tout d'abord réservée selon l'article 127 du C.P.P. aux prévenus qui peuvent justifier de ces trois conditions : être régulièrement domicilié au Sénégal, n'encourir qu'une peine dont le maximum est inférieur ou égal à trois ans (alinéa 1er) et n'avoir pas encore été condamné pour crime ou à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun (alinéa 3).
De même, la réforme du parquet pour le soustraire de la tutelle du Ministère de la Justice afin de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’Exécutif n’a pu être matérialisée.
Sur le plan politique, les accusations de fraude électorale formulées par les partis de l’Opposition, ayant trait à la confection de cartes nationales d’identité, non pas dans des lieux publics, mais dans des lieux privés (permanences ou domiciles de militants de l’APR) ont été confirmées par la CENA. Cela est d’autant plus navrant que les Assises Nationales avaient préconisé la mise en place d’une Autorité de Régulation de la Démocratie censée prendre en charge l’ensemble du processus électoral –hormis le contentieux confié à une Cour Constitutionnelle qui devait remplacer l’actuel Conseil constitutionnel, qui perdure.
Les scandales récurrents au niveau de la diplomatie sénégalaise ne font que traduire le favoritisme dans les nominations des diplomates et plus généralement de tous les hauts fonctionnaires sénégalais, qui ne sont pas sous-tendues par des appels à candidatures reposant sur des critères clairement établis.
Les conflits répétitifs entre certaines ministres et leurs secrétaires d’Etat (Affaires étrangères, Education et Culture / Communication) de même que l’instabilité gouvernementale démontrent à souhait que par rapport au précédent régime libéral, la continuité est de mise. Notons, en passant, que l’article 53 définit clairement les fonctions de membres du gouvernement, parmi lesquelles, les secrétaires d’Etat ne sont pas cités.
La récente modification du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale est révélatrice de l’ambiguïté de la démarche du régime de l’APR. La réforme concernant la durée du mandat du Président de l’Assemblée nationale pertinente dans le principe, n’est pourtant intervenue qu’après la décision du Bureau politique de l’AFP de soutenir, sans condition, la candidature du patron de l’APR aux prochaines présidentielles prévues en 2017.
La disposition ayant trait à l'augmentation du nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe parlementaire pose problème d’abord parce qu’elle ne milite pas en faveur de la diversité au sein de l’hémicycle. Ensuite, parce qu’elle empêche aux députés alliés – élus ou non sur la liste de Benno Bokk Yakaar - déçus par la politique présidentielle d’avoir les coudées franches pour élaborer des stratégies alternatives d’éviction d’une majorité présidentielle qui, poursuivant des objectifs étroitement partisans, se sera mise en porte-à -faux avec les aspirations populaires.
Enfin, l’impossibilité pour des députés démissionnaires d’un groupe parlementaire d’en créer un autre, supposée combattre la transhumance des parlementaires n’a de sens que si la propension du Chef de l’Etat, chef du parti majoritaire à débaucher et à promouvoir (comme ministres conseillers le plus souvent) des politiciens mal famés issus des formations politiques de l’Opposition est annihilée. Autant dire que ces réformes censées symboliser la rupture n’ont de sens que si elles d’intègrent dans une dynamique d’ensemble d’où le clientélisme, le népotisme et le clanisme sont bannis.
Les conclusions des Assises Nationales consolidées par celles de la CNRI ont eu l’assentiment de l’écrasante majorité du peuple sénégalais, car étant le fruit de consultations citoyennes tenues dans tous les départements de notre pays et de l’éclairage de porteurs d’enjeux. Même au sein de l’Opposition politique, certains segments se complaisent dans le jeu des consultations citoyennes avec les syndicats de travailleurs, pendant que les autres subissant de plein fouet les affres de la machine répressive de l’Etat découvrent les vertus de la défense des libertés individuelles et collectives.
Après les atermoiements du président de l’APR, mal conseillé par des consultants-mercenaires, il n’est peut-être pas trop tard pour sauvegarder l’esprit de la deuxième Alternance sénégalaise !
Pour les forces impliquées dans la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme, il s’agit de différencier le principal de l’accessoire dans le cas probable où le président Macky Sall – suivant en cela l’exemple de son prédécesseur Senghor lors du référendum de 1970 – soumettrait au peuple souverain l’adoption d’une nouvelle Constitution, d'autant que la Commission Nationale de Réforme des Institutions (C.N.R.I) a proposé un nouveau projet de Constitution, avec de substantielles modifications.
Le package, objet du prochain référendum devra faire l’objet de larges concertations et de profondes convergences entre alliés d’égale dignité, pour la survie politique de la deuxième Alternance.
NIOXOR TINE & CHE SARR
• la traque des biens mal acquis, une initiative à saluer, car correspondant à une exigence populaire et répondant à une nécessité d’ancrer la reddition des comptes dans les mœurs politiques de notre pays,
• la création de l’OFNAC également salutaire, car censée contribuer au contrôle de la gestion des tenants actuels du pouvoir,
• la déclaration de patrimoine qu’on peut considérer comme un pas dans la bonne direction,
Néanmoins, le peuple des Assises est resté sur sa faim sur beaucoup de questions.
Ainsi, sur le plan juridique, le principal reproche fait à la traque des biens mal acquis est qu’elle n’a en définitive ciblé que Karim Wade (et peut-être Tahibou Ndiaye) alors qu’au départ le procureur Ndao avait incriminé près de 25 personnalités de l’ancien régime. De plus, la cour de répression de l’enrichissement illicite a fait l’objet de beaucoup de critiques, notamment l’absence du double degré de juridiction avec impossibilité pour l’accusé de faire appel et le renversement de la charge de la preuve, qui est difficilement concevable avec l’évolution actuelle des droits humains dans le monde.
Le principal reproche qu’on peut faire à l’OFNAC est l’opacité de son fonctionnement illustrée par les difficultés rencontrées par sa directrice devant les réticences de plusieurs ministres et hauts fonctionnaires à se conformer à l’obligation de déclaration de patrimoine, sans oublier la grande nébuleuse du Port Autonome de Dakar, dont le Directeur est le grand financier de l’APR.
Par ailleurs, la persistance des longues détentions (particulièrement celles d’opposants au régime) jugées arbitraires par les organisations des droits de l’Homme illustre la non-prise en compte d’une des propositions des Assises Nationales, qui préconisait l’institution d’un Juge des Libertés, pour mettre fin aux abus. En effet, selon l’article 127 du code de procédure pénale, la cessation d'office de la détention provisoire en l'absence de certaines conditions qu’elle pose, a lieu dans les cinq jours qui suivent l'interrogatoire de première comparution. Elle est tout d'abord réservée selon l'article 127 du C.P.P. aux prévenus qui peuvent justifier de ces trois conditions : être régulièrement domicilié au Sénégal, n'encourir qu'une peine dont le maximum est inférieur ou égal à trois ans (alinéa 1er) et n'avoir pas encore été condamné pour crime ou à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun (alinéa 3).
De même, la réforme du parquet pour le soustraire de la tutelle du Ministère de la Justice afin de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’Exécutif n’a pu être matérialisée.
Sur le plan politique, les accusations de fraude électorale formulées par les partis de l’Opposition, ayant trait à la confection de cartes nationales d’identité, non pas dans des lieux publics, mais dans des lieux privés (permanences ou domiciles de militants de l’APR) ont été confirmées par la CENA. Cela est d’autant plus navrant que les Assises Nationales avaient préconisé la mise en place d’une Autorité de Régulation de la Démocratie censée prendre en charge l’ensemble du processus électoral –hormis le contentieux confié à une Cour Constitutionnelle qui devait remplacer l’actuel Conseil constitutionnel, qui perdure.
Les scandales récurrents au niveau de la diplomatie sénégalaise ne font que traduire le favoritisme dans les nominations des diplomates et plus généralement de tous les hauts fonctionnaires sénégalais, qui ne sont pas sous-tendues par des appels à candidatures reposant sur des critères clairement établis.
Les conflits répétitifs entre certaines ministres et leurs secrétaires d’Etat (Affaires étrangères, Education et Culture / Communication) de même que l’instabilité gouvernementale démontrent à souhait que par rapport au précédent régime libéral, la continuité est de mise. Notons, en passant, que l’article 53 définit clairement les fonctions de membres du gouvernement, parmi lesquelles, les secrétaires d’Etat ne sont pas cités.
La récente modification du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale est révélatrice de l’ambiguïté de la démarche du régime de l’APR. La réforme concernant la durée du mandat du Président de l’Assemblée nationale pertinente dans le principe, n’est pourtant intervenue qu’après la décision du Bureau politique de l’AFP de soutenir, sans condition, la candidature du patron de l’APR aux prochaines présidentielles prévues en 2017.
La disposition ayant trait à l'augmentation du nombre de députés nécessaires pour constituer un groupe parlementaire pose problème d’abord parce qu’elle ne milite pas en faveur de la diversité au sein de l’hémicycle. Ensuite, parce qu’elle empêche aux députés alliés – élus ou non sur la liste de Benno Bokk Yakaar - déçus par la politique présidentielle d’avoir les coudées franches pour élaborer des stratégies alternatives d’éviction d’une majorité présidentielle qui, poursuivant des objectifs étroitement partisans, se sera mise en porte-à -faux avec les aspirations populaires.
Enfin, l’impossibilité pour des députés démissionnaires d’un groupe parlementaire d’en créer un autre, supposée combattre la transhumance des parlementaires n’a de sens que si la propension du Chef de l’Etat, chef du parti majoritaire à débaucher et à promouvoir (comme ministres conseillers le plus souvent) des politiciens mal famés issus des formations politiques de l’Opposition est annihilée. Autant dire que ces réformes censées symboliser la rupture n’ont de sens que si elles d’intègrent dans une dynamique d’ensemble d’où le clientélisme, le népotisme et le clanisme sont bannis.
Les conclusions des Assises Nationales consolidées par celles de la CNRI ont eu l’assentiment de l’écrasante majorité du peuple sénégalais, car étant le fruit de consultations citoyennes tenues dans tous les départements de notre pays et de l’éclairage de porteurs d’enjeux. Même au sein de l’Opposition politique, certains segments se complaisent dans le jeu des consultations citoyennes avec les syndicats de travailleurs, pendant que les autres subissant de plein fouet les affres de la machine répressive de l’Etat découvrent les vertus de la défense des libertés individuelles et collectives.
Après les atermoiements du président de l’APR, mal conseillé par des consultants-mercenaires, il n’est peut-être pas trop tard pour sauvegarder l’esprit de la deuxième Alternance sénégalaise !
Pour les forces impliquées dans la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme, il s’agit de différencier le principal de l’accessoire dans le cas probable où le président Macky Sall – suivant en cela l’exemple de son prédécesseur Senghor lors du référendum de 1970 – soumettrait au peuple souverain l’adoption d’une nouvelle Constitution, d'autant que la Commission Nationale de Réforme des Institutions (C.N.R.I) a proposé un nouveau projet de Constitution, avec de substantielles modifications.
Le package, objet du prochain référendum devra faire l’objet de larges concertations et de profondes convergences entre alliés d’égale dignité, pour la survie politique de la deuxième Alternance.
NIOXOR TINE & CHE SARR