EXCLUSIF Entretien avec... Jamel Debbouze, humoriste franco-marocain : «Je ne suis pas un homosexuel»


Rédigé le Mercredi 27 Mars 2013 à 13:46 | Lu 228 fois | 0 commentaire(s)



Avec le «personnage comique préféré des Français», ce n’est pas seulement le côté ludique. Il lui arrive aussi d’être sérieux. Avec ses mots propres à lui, Jamel Debbouze fait son One man show avec une incursion côté jardin, comme sur scène. Le Quotidien livre les pépites d’un entretien à l’arraché où le staff d’organisation de son spectacle tenu hier au Grand Théâ­tre de Dakar, vous presse le pas.


EXCLUSIF Entretien avec... Jamel Debbouze, humoriste franco-marocain : «Je ne suis pas un homosexuel»
En dehors de la scène, qui est Jamel Debbouze ?

Je suis plus mal placé pour en parler. Tout de même, je pense qu’en dehors de la scène j’essaye de rester le Jamel enfant. C’est cela qui m’intéresse le plus de rester un gosse et d’être toujours surpris par le monde qui m’entoure. Le Jamel Debbouze est complètement normal, il passe son temps avec sa famille. Il va voir le spectacle des collègues et s’intéresse au monde qui l’entoure. J’essaye d’être trop plus proche du gamin que j’étais.

Votre vie est un choc des paradoxes. Etant d’une famille musulmane et d’un pays à majorité musulmane le Maroc, vous avez vécu avec votre compagne une Catholique avant de vous marier en 2008. En juin 2011, vous avez soutenu la dépénalisation universelle de l’homosexualité en signant une charte avec de nombreuses personnalités.

Tout à fait, c’est paradoxal. Honnêtement, je suis en empathie avec toutes les choses qui existent. Je ne suis pas homosexuel. Et j’ai le sentiment que les gens qui le sont vivent très mal cette époque. Je ne peux pas être… A chacun ses choix, je respecte les choix de tout le monde. Donc, il faut respecter les miens. Il faut respecter mon espace vital. Et je respecte le tien. Si tu existes, je suis obligé de faire avec toi. Il faut que l’on vive en parfaite harmonie. Que l’on soit Musulman, Juif ou Catholique, Hindou, Bouddhiste, hétérosexuelle ou non, on n’a le devoir de bien vivre ensemble. C’est cela la politique. Les artistes doivent contribuer à cela… Ma femme est française. Cela a été un choc des Cultures dans ma propre famille. Dans ma famille à moi et à elle, cela a été nouveau. Alors qu’on est en 2013. C’est pourquoi j’ai voulu en faire un spectacle. Oui, je suis contradictoire. Mais en même temps, on vit dans un monde tellement contradictoire qu’on est obligé de faire avec.

Pouvez-vous revenir sur le coup de foudre avec votre femme ?

(Fou rire) Ça s’est passé très bizarrement. C’était en Espagne. J’étais sur l’avant dernier acte de la scène Astérix. Je devais faire un petit passage avec Zinedine Zidane (Ancien international footballeur français), alors que ma future femme était venue pour faire un reportage. C’était bizarre, on était pas du tout voué à se rencontrer. On s’est vu mais sur le coup on s’est rien dit. Par la suite, on s’est revu une deuxième fois. On a échangé. Elle est magnifique. C’est vrai que j’étais sous son charme. Au-delà de sa beauté, elle m’a touché par son intelligence. Et surtout ce que les gens ne savent pas, elle est très drôle.

C’est la raison pour laquelle, vous l’avez choisie pour votre film, «une actrice incroyable» ?

Pour la première fois, j’ai mis en scène un film. A ma disposition, une trentaine de comédiens, c’est absolument incroyable, dont ma femme qui est une actrice incroyable. Ce sont ses débuts au cinoche. Elle aura un premier rôle féminin. C’était exceptionnel. J’espère qu’on a fait quelque chose de bien.

Avec votre femme vous avez deux enfants et la dernière vous aviez émis le vœu de l’appeler Zizou avant de vous raviser…

Je ne pouvais pas… Ils n’ont pas accepté que je l’appelle Zizou. Mais moi je l’appelle ainsi en cachette.

Vous êtes l’aîné d’une famille de six enfants…

J’ai trois frères et deux sœurs dont Karim qui m’a accompagné tout le long de ma carrière. Et qui est aujourd’hui mon producteur.

Etant issu de la banlieue parisienne et d’origine marocaine, quelle enfance avez-vous vécue en France ?

(Rires). Il a commencé à Barbez là où je suis né à rue Boisière. On a passé là-bas huit années formidables. Après, on est arrivé à Trapes où mon père a eu la chance qu’on lui accorde un petit crédit. Il achète un petit pavillon classé Hlm (habitations à loyers modérés). J’étais en face de la famille Kébé, Andjim, Sy, Ballajou etc. On a grandi comme ça entre immigrés du continent africain, entre nous. A rire, à échanger les plats pendant l’Aïd El-fitr ou Kibr (fêtes musulmanes). A vivre tant bien que mal. On a aussi joué au foot.

Vous avez du souffrir du racisme dans votre chair…

Bien plus d’une fois. Je suis un des arabes les mieux lotis en France. Et parfois même. Encore aujourd’hui, je suis encore victime de racisme.

Quel est le mot raciste qu’on vous ait asséné et qui vous a le plus marqué ?

C’est le racisme ordinaire, quotidien qui marque le plus. Les propos du genre: «Tu es un sale arabe, noir» n’est pas méchant. Parce qu’il est visible. Par contre, l’invisible, la boulangère qui te laisse pas passer, c’est cela qui fait mal. Et j’en repense avec cet accueil chaleureux en Afrique noire. Imaginez, vous débarquez dans un pays où vous n’avez jamais mis les pieds. Et vous êtes le bienvenu, c’est incroyable. C’est nouveau pour nous d’être reçu comme ça. Jusqu’à présent, la famille… Au début, ce n’était pas superbe. Il a fallu qu’on s’adapte.

Le spectacle «J’ai (pas) mangé mon père», est-ce autobiographique ?

C’est moi qui l’ai mis en scène. C’est la chose la plus grande que j’ai faite. Il y a les spectacles, mais là c’est un film de haute facture à part la manière d’avatar. Je ne devais pas le mettre en scène au départ. Au fur et à mesure, je me suis laissé gagner comme une histoire d’amour. Là aujourd’hui, je l’ai mis en scène. C’est l’un des plus gros projets en Europe qui sortira en 2014. Je viendrai le présenter à Dakar.

L’histoire de ce film parle un peu de handicap. Et vous en souffrez avec votre main droite. Quelle est l’histoire qui se cache derrière ?

C’était un accident. J’ai traversé les rails un soir avec un ami. Il faisait nuit et je n’ai pas vu le train arriver. Comme le faisaient tous mes copains, il y a le bus qu’on ne voulait pas rater. On a traversé les rails et malheureusement je suis mal tombé.

Pourtant ce n’est pas ce que dit la mère de votre ami qui vous a accusé d’homicide ?

C’est malheureux. Je crois que c’est la tristesse qui a fait parler la mère de mon ami. Il y a un jugement et une ordonnance (de non lieu) qui a été rendue. Evidemment, j’étais le plus triste dans tout ça.

Pourquoi dites-vous que vous êtes le plus triste dans cette histoire ?

Parce que tous les jours, je me rappelle que j’ai perdu un bras et un ami. Je pense souvent à mon ami comme je pense à sa famille.

Pendant l’élection présidentielle française de 2012, vous aviez déclaré votre soutien à Martine Aubry «une meuf que vous aimez bien» avant de vous allier à François Hollande qui en est sorti vainqueur…

Parce qu’à un moment donné, on sentait que Martine Aubry n’avait plus la possibilité d’aller jusqu’au bout. Ce que François Hollande avait. Moi je voulais que la Gauche passe. Tout ce qui m’intéressait, c’est que la gauche passe. Martine Aubry ou François Hollande, ce sont deux bonnes personnes qui idéologiquement vont dans le même sens. Je trouve que Nicolas Sarkozy n’a pas fait du mauvais travail quand il était Président. Mais, il était très insultant vis-à-vis des immigrés. Et il a trop négligé et déconsidéré ces populations qui sont une des forces vives du pays. Par contre, la Gauche les prend en compte. C’est pourquoi j’ai voté pour eux.

Parlez-nous de vos débuts et de vos idoles ?

Ismaël m’a beaucoup marqué. Une fois que j’ai mieux compris ce que c’était l’humour, les gens qui m’ont vraiment influencés et à qui j’ai voulu ressembler, c’est Richard Preyor qui est pour moi le maximum de la référence. C’est quelqu’un qui a une profonde sensibilité qui est extrêmement drôle mais aussi extrêmement profond. Et il vient de la misère. Il l’a raconté mieux que personne. Quand Richard Preyor te raconte la condition des noirs aux États-Unis, t’as envie d’être noir. Il avait cette force de pouvoir communier. Après lui, il y a la génération de Edie Murphy, Georges Darling, etc. Ils étaient essentiellement anglo-saxons. Pour moi, la référence sur scène et ultime, c’est Richard Preyor. Et à l’extérieur, le plus grand comique de tous les temps reste Charlie Chaplin. Il n’a pas dit un mot mais il est rentré dans toutes les chaumières. Tout le monde le connaît : les Asiatiques, les Sénégalais, les Arabes ; Il a été partout dans le monde. Pourtant, sur scène, il n’a jamais ouvert la bouche.

D’où vous vient ce don de faire rire ?

Le premier comique que j’ai rencontré dans ma vie, c’était vraiment ma mère. Si je dois l’analyser, c’était pour dédramatiser je pense. On vivait des choses un peu dures. Enfant, je ne voyais pas. Et elle a fait en sorte qu’on ne le remarque jamais. Quand on vit dans la misère, le ramadan (jeûne musulman) surprise, c’est elle. Maman arrivait dans la maison : «Ramadan surprise». On trouvait cela génial d’autant que le ramadan n’était pas prévu. Il n’y avait rien dans le frigo. Il fallait être intelligent. C’est maintenant que je comprends. C’est elle qui m’a fait rire pour la première fois avec ces genres de choses en imitant mon oncle, mon grand-père.

Si vous nous parliez du spectacle de ce soir (hier mardi)…

Je ne vais pas réinventer un nouveau spectacle. Les Sénégalais ont envie de découvrir mon univers. Je vais essayer de présenter et de vous laisser une jolie trace. Je n’ai jamais mis les pieds en Afrique noire, mais j’ai failli venir avec le film Indigènes (2006). Malheureuse­ment, on se laisse trop déborder par des choses sur place à faire. On repousse, repousse. Ça a été toujours dans mes plans depuis toujours avant même d’être venu. Je n’ai jamais eu l’occasion jusqu’à ce que je rencontre Abdoulaye (un des promoteurs du spectacle) qui nous a donnés l’opportunité de venir ici. On ne nous a jamais invités. C’est la vérité. On ne nous sollicite pas pensant qu’on est inaccessible, soit qu’on ne voudra pas ou que l’on n’a pas le temps. Ce qui est vrai de manière générale. Mais en l’occurrence, on a trouvé le temps, la possibilité et surtout l’envie de le faire. Je ne vais pas mettre la pression à Dakar, mais Abidjan c’était vraiment extraordinaire.


Ajoca Art Culture


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