C'est un très bel exemple d'économie circulaire », se félicite Valérie Levkov, la directrice Afrique, Moyen-Orient et Méditerranée orientale d'EDF. « Toutes les conditions nécessaires pour faire aboutir le projet ont été acceptées par les différents partenaires. Cette signature est l'élément-clé du modèle économique de ce projet qui comprend la répartition des risques et des responsabilités et qui fixe le rôle de chaque acteurs, y compris celui du gouvernement, mais aussi le prix de l'électricité », explique-t-elle. Un prix qui a été fixé à 62 Fcfa le MW. « Tout se dénoue à partir de cette signature, car, sur cette base, nous finaliserons le montage financier et le contrat EPC [Engineering Procurement Construction, ndlr]. Nous sommes proches de l'aboutissement pour le closing du projet »,poursuit-elle.
EDF, en qualité de premier opérateur de centrales biomasses en France, avec ses 540 sites, a réalisé toutes les études de conception de la centrale, en s'appuyant sur sa filiale, Dalkia, pour les aspects technologiques. Le contrat de concession signé ce jour, a donc largement été porté par l'entreprise française. « Nous avons piloté l'appel d'offres et la sélection des entreprises qui assureront la construction de l'installation que nous superviserons. Nous formerons les équipes d'exploitation qui seront recrutées localement », détaille la directrice Afrique d'EDF. Les travaux de construction de la centrale devraient générer quelque 500 emplois locaux.
La centrale de biomasse s'inscrit dans le cadre du Plan d'action national des énergies renouvelables 2014-2030 (PANER), qui entend porter à 42% la part de son mix énergétique issu des énergies renouvelables à l'horizon 2030.
A ce jour, l'essentiel de l'électricité en Côte d'Ivoire est assuré par l'énergie thermique (à hauteur de 75 %) et par l'hydroélectricité (25 %). Le pays accuse donc un retard significatif en matière d'énergies renouvelables et la part de l'énergie solaire demeure quasi- inexistante.
Un démarrage des travaux prévu mi-2020
La Centrale biomasse située à 5 km d'Aboisso, produira 336 GWh par an, soit l'équivalent de la consommation annuelle de 1.7 million d'habitants en Côte d'Ivoire. Elle utilisera près de 480 000 tonnes de déchets de palmiers à huile, et sera dotée d'une capacité de 46 MW répartie entre deux unités de 23 MW chacune. A terme, elle deviendra la plus grande centrale biomasse d'Afrique de l'Ouest, utilisant des résidus de l'industrie agro-alimentaire.
Le projet est porté par la société de projet Biovéa Energie composée par trois acteurs-clés que sont EDF (40 %), Meridiam (36 %) et SIFCA via sa filiale Biokala SA (24 %). Biovéa est en charge de la conception, du financement, de la construction et de l'exploitation de la centrale pendant 25 ans, avant que le gouvernement ivoirien n'en devienne propriétaire.
Le coût total du projet avoisine les 200 millions d'euros, financé via un montage de type « project finance », dont les fonds sont essentiellement apportés par des institutions telles que Proparco (qui a octroyé un prêt de 90 millions d'euros à SIFCA en octobre 2018) et Emerging Africa Infrastructure Fund (EAIF).
SIFCA, le partenaire local, sera en charge de la mise en place et de la gestion de la filière d'approvisionnement de biomasse et la société d'investissements Meridiam « apportera son expertise sur la stabilité financière du projet » souligne Valérie Levkov.
« C'est une centrale qui doit faire référence, car elle sera de très loin, la première centrale biomasse raccordée au réseau et la plus grande centrale biomasse d'Afrique de l'Ouest », précise-t-elle. Le projet est né en 2014 et la construction devrait commencer mi-2020. La directrice Afrique d'EDF assure « qu'il vaut mieux prendre son temps pour réaliser un projet solide et bien compris, qu'un projet poussé trop fortement et qui, à terme, ne serait pas assez stable » d'autant qu'il implique plusieurs ministères (Economie et Finances, Agriculture, Environnement, Electricité et Primature). « Toute la difficulté reposait sur la transformation du gisement énergétique préexistant en une opportunité pour le pays. Cela a pris 5 ans. Il a fallu expliquer et accompagner les différents ministères et parties prenantes, pour que chacun dans son domaine de compétence, en comprenne les tenants et les aboutissants, et la valeur globale pour le pays », ajoute-elle.
Quels impacts sociaux et environnementaux pour la Côte d'Ivoire ?
« Le projet de centrale concerne 11 000 exploitants agricoles non-industriels qui verront leurs revenus augmenter de 10%. C'est un projet conçu dans un esprit d'économie circulaire (...) nous allons acheter les déchets issus de l'agriculture à des planteurs villageois qui vivent des revenus de leurs plantations de palmiers et de leur production vivrière. Parallèlement, nous améliorerons les rendements de culture de palmiers à l'huile, en produisant près de 13 500 tonnes de cendres riches en potassium, constituant un engrais qui sera redistribué aux planteurs. Enfin, nous développerons une nouvelle filière de biomasse, génératrice de centaines d'emplois. Dès la première année, nous comptons créer 1 000 emplois »; indique Valérie Levkov.
L'énergie « bas carbone » issue de la centrale biomasse devrait permettre d'éviter 4.5 millions de tonnes de CO2 pendant 15 ans, soit 180 000 tonnes par an. Par ailleurs, la centrale et les plantations ont été choisies dans un rayon de 30 km. « Il est hors de question de faire des centaines de km pour importer de la biomasse »; assure Valérie Levkov.
Quant à l'impact environnemental relatif à l'exploitation souvent controversée des palmiers à huile, la directrice Afrique, Moyen-Orient et Méditerranée orientale d'EDF explique que « la culture des palmiers en Côte d'Ivoire est endogène et sert essentiellement à l'alimentation. Elle ne sera pas exportée et il n'y aura aucune déforestation associée à cette culture qui n'est pas appelée à s'étendre ».
La culture du palmier est aujourd'hui, l'une des principales cultures au niveau national. Elle représente près de 200 000 emplois et fait vivre plus de 2 millions de personnes. « On ne peut pas faire l'amalgame avec ce qu'on voit dans d'autres pays, en particulier en Asie du Sud (...) Les troncs d'arbres en Côte d'Ivoire, sont coupés environ tous les 25 ans, et replantés 1 pour 1. Nous utiliserons ceux qui seront coupés après 25 ans »; précise-t-elle.
Biovéa est considéré comme un projet « pilote » q
ui devrait être répliqué dans d'autres régions d'Afrique de l'Ouest. « Nous avons d'ores et déjà quelques sites en vue », conclut Valérie Levkov.