
L’élection des membres du comité directeur de la FIFA a livré son verdict, et notre compatriote Augustin Senghor, président de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF), a été recalé avec seulement 13 voix. Un résultat décevant qui pose la question du poids diplomatique du Sénégal dans les instances du football africaines et mondiales. Comment expliquer cet échec ? Que révèle-t-il sur la place du Sénégal dans la gouvernance du football ? Et quelles sont les pistes pour renforcer son influence ?
Un échec électoral qui interroge
Augustin Senghor se présentait à cette élection avec l’ambition de représenter l’Afrique au sein de la plus haute instance du football mondial. Mais avec 13 voix seulement, il finit loin derrière des figures influentes comme le Marocain Fouzi Lekjaa (49 voix) ou encore l’Égyptien Hani Aboo Ridha (35 voix). Ce résultat témoigne d’une faible assise diplomatique du Sénégal à l’échelle continentale et mondiale.
Ce n’est pas la première fois que Senghor échoue dans une grande élection du football. En 2021, il s’était retiré de la course à la présidence de la CAF au profit du Sud-Africain Patrice Motsepe. Ce double revers traduit un manque d’alliances solides et une influence limitée dans les cercles de pouvoir du football africain.
Un football sénégalais performant, mais peu représenté
Sur le terrain, le Sénégal est l’un des pays les plus performants du football africain. Champion d’Afrique en 2022, finaliste en 2019, qualifié régulièrement pour la Coupe du Monde et fournisseur de talents internationaux (Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, Édouard Mendy…), le pays rayonne sportivement. Pourtant, ce succès ne se traduit pas par une présence significative dans les instances dirigeantes du football.
En comparaison, le Maroc, l’Égypte et même la Mauritanie ont su mieux manœuvrer sur l’échiquier diplomatique. Le Maroc, notamment sous l’impulsion de Fouzi Lekjaa, a su tisser des alliances solides avec la FIFA et la CAF, bénéficiant d’une influence croissante dans les décisions stratégiques du football africain.
Un manque de stratégie diplomatique sportive
Pourquoi le Sénégal peine-t-il à imposer ses dirigeants ? Plusieurs raisons peuvent être avancées.
Contrairement au Maroc qui investit massivement dans la diplomatie sportive, le Sénégal ne semble pas avoir développé une véritable feuille de route pour peser sur les décisions du football international.
On note une insuffisance notoire d’alliances politiques. Dans ces élections, le soutien des fédérations influentes est clé.
Or, Maitre Senghor semble avoir manqué d’appuis solides, notamment en Afrique de l’Est et du Nord.Son leadership peine à s’imposer. Si Senghor est reconnu pour sa gestion de la FSF, il n’a pas le même charisme et réseau que des figures comme Lekjaa ou Aboo Ridha.
Comment renforcer le poids du Sénégal dans le football mondial ?
Pour éviter que de tels échecs ne se répètent, le Sénégal doit repenser son approche de la gouvernance du football et renforcer sa présence dans les cercles de pouvoir avec des pistes comme: développer une stratégie diplomatique sportive en créant un véritable lobbying sénégalais au sein de la CAF et de la FIFA, en multipliant les échanges et alliances avec d’autres fédérations africaines, en intégrant des Sénégalais dans des postes clés de la CAF avant de viser la FIFA.
Cela renforcerait le positionnement du Sénégal sur le plan organisationnel, qui, logiquement, devrait avoir des arguments pour candidater pour accueillir des compétitions majeures (CAN, CHAN, compétitions jeunes…). Mais, hélas!
Le développement d’infrastructures sportives modernes pour asseoir la crédibilité du pays est, également, un impératif non négligeable. Cela donne de la crédibilité à nos dirigeants sportifs.
Il faut, aussi, mettre en avant de nouveaux leaders.
Si Augustin Senghor n’a pas su s’imposer, d’autres profils sénégalais peuvent émerger. Des figures comme Me Babacar Ndiaye (président de la Ligue sénégalaise de football professionnel) ou Saër Seck pourraient incarner une nouvelle dynamique.
Transformer l’échec en opportunité
L’échec d’Augustin Senghor à la FIFA est un signal d’alarme pour le football sénégalais. Malgré des succès sur le terrain, le Sénégal reste en retrait dans les instances de gouvernance du football mondial. Cet échec doit être l’occasion de repenser la stratégie diplomatique sportive du pays et de mieux préparer les prochaines batailles électorales.
Avec une vision plus ambitieuse et une meilleure structuration, le Sénégal peut espérer, dans les années à venir, peser davantage sur la scène internationale. L’avenir du football sénégalais ne doit pas seulement se jouer sur le terrain, mais aussi dans les bureaux où se prennent les décisions stratégiques.
Dans le cas contraire les dirigeants de notre football et du sport, en général, seront toujours les dindons de la farce sur le plan continental et mondial.
Me Senghor tourne le dos à la CAF
La démission de Me Augustin Senghor de son poste de Premier Vice-Président de la CAF semble être une conséquence logique de son revers. Son échec à accéder à la présidence de la CAF en 2021 et cette démission interrogent sur l’influence réelle du Sénégal au sein des instances du football africain.
A vrai dire, le sport sénégalais rencontre, souvent, des difficultés à s’imposer sur la scène continentale et mondiale, non pas en termes de performances sur le terrain, mais, dans la gestion institutionnelle et diplomatique.
Le cas de Senghor illustre un manque de soutien à l’échelle africaine ou une stratégie d’alliances moins efficace face à des figures influentes comme Fouzi Lekjaa du Maroc, qui a su tisser un réseau solide au sein de la CAF et de la FIFA.
Maitre Augustin Senghor a, pourtant, un bon profil et une grande expérience dans la gestion du football. Mais, il semble que la politique du football continental ne soit pas seulement une question de compétence, mais, aussi de réseaux et d’influence.
Peut-être est-il temps pour le Sénégal de repenser sa stratégie diplomatique sportive pour mieux peser dans ces instances et de comprendre, une bonne fois pour toutes que, ceux qui représentent le Sénégal au niveau continental et mondial , ne sont pas labas pour leurs propres noms ou pour leurs propres gloires.
Babou Biram Faye