Legislateur sénégalais n’a pas non plus motivé sérieusement les raisons pour lesquelles la surface corrigée est moins déterminante. Alors qu’il s’est justifié, dans l’exposé des motifs, à soutenir que « la méthode d’évaluation basée sur la surface corrigée est difficile à mettre en œuvre ». L’Assemblée nationale oublie qu’elle a été élue pour effectivement affronter, puis solutionner les difficultés du Peuple Sénégalais.
Mais en ce qu’on sache, les Sénégalais n’ont jamais dit qu’ils ne peuvent pas attendre et qu’ils sont trop pressés de voir arriver d’une mesure pertinente et pérenne devant baisser le loyer. A la lumière de ce qui précède, il découle sans doute de cette loi boiteuse une incohérence et une absence totale de rigueur. Après avoir procédé au dépouillement de cette loi dont le contenu est lamentable et ahurissant, pour ainsi dire, avec ses trois (3) articles, nous essayerons tant bien que mal à proposer un certain nombre de suggestions devant certainement inciter les élus du Peuple à apporter des correctifs.
Un texte de loi en lambeau
Le prétexte voire le fondement sur lequel s’appuie le législateur pour se justifier est l’article 572 du Code des obligations civiles et commerciales (COCC) qui dispose : « Que le bail à durée déterminée ou à durée indéterminée, le montant du loyer est fixé par rapport à l’évaluation faite de la valeur de l’immeuble. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».
On se demande pourquoi le Gouvernement SALL a préféré saisir l’Assemblée par un projet de loi alors que le COCC ordonne un décret d’application. N’a-t-il pas violé l’esprit de cet article ? Ceci traduit nettement la mauvaise application de l’ensemble du texte puisqu’une méthode d’évaluation n’a pas été littéralement mentionnée dans la loi portant baisse du loyer. Ainsi, il va sans dire que cette loi semble avoir un autre motif qui s’apparente à une mesure pompeuse, une mesure électoraliste. Or Me Doudou NDOYE précise dans son ouvrage Le Bail à usage d’habitation au Sénégal, 2° édition, sous le fondement du décret 81-609 du 17 janvier 1981 que « Les barèmes sont réexaminés par les Commissions régionales d’évaluation au 31 décembre de l’année suivant celle de leur établissement et transmis au ministre chargé des Domaines avant le 30 mars suivant… ».
Cela voudrait dire que chaque année, le prix des loyers doit être revu sur l’ensemble du territoire. Par voie de conséquence, le constat est que ce procédé n’a jamais fait l’objet de mise en œuvre. Qu’en est-il véritablement de l’étendue de la volonté de nos autorités ?
Dans la foulée, l’article 2 de la loi précitée dispose : « tous les baux à usage d’habitation en cours ». Avec ce terme « en cours » seuls les locataires en jouissance de locaux bénéficient de la baisse. Les nouveaux locataires sont exclus de la protection, par conséquent. Et pourtant, l’article 831 du Code de la famille dispose : « La loi nouvelle régit les actes et faits juridiques postérieurs et les conséquences que la loi tire des actes ou faits qui ont précédé sa mise en application ».
En effet, ce texte précise que toute nouvelle loi doit s’appliquer pour l’avenir. Ainsi elle ne peut faire l’objet d’une rétroactivité. Cependant, la nouvelle loi peut s’appliquer ou régir des faits qui découlent d’une situation juridique antérieure à sa naissance. D’ailleurs, c’est sur ce dernier aspect que le législateur s’est basé pour soit disant protéger la partie supposée être la plus faible dans la relation contractuelle. De plus, les élus du Peuple n’ont pas prévu des garanties de protection des nouveaux locataires en cas de conflit avec les bailleurs récalcitrants. Ces mesures auraient inéluctablement encadré la mise en œuvre de ladite loi. Ce qui devrait sans nul doute limiter l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location. Malheureusement, il faut déplorer l’insuffisance de cet encadrement. Que diront alors les bailleurs ?
N’y a-t-il pas risque de léser les propriétaires ? La négative semble s’imposer. Les observateurs sont unanimes que les bailleurs comme tout investisseur, visent toujours un retour immédiat sur investissement en des délais record. La conséquence : « une poussée inflationniste » qui grève négativement les revenus des ménages, à cause de la caution très élevée. La preuve : 3 mois de caution est demandée à tout locataire avant d’espérer obtenir les clés d’un local. Cette caution est souvent source de problème lorsque le locataire exprime sa volonté de quitter pour des raisons personnelles. Une extorsion de fonds qui ne dit pas son nom.
Pour mieux comprendre la nécessité de la loi, il suffit d’entendre l’opinion des étrangers résidant au Sénégal en train d’extérioriser amèrement leur sentiment. A titre comparatif, au Mali, l’alinéa 3 de l’article 5 du décret 146/PG-RM du 27 septembre 1967 recommande avec une force publique une mesure stricte qui réglemente le prix des loyers où il est difficile de se loger, et dispose notamment : « Le montant du cautionnement et des loyers à verser d’avance à titre de garantie ne peut excéder une somme correspondant à un mois de loyer ». Il résulte de ce dispositif, qu’à aucun moment, la valeur d’une avance ne peut dépasser le prix du loyer mensuel.
Nous conviendrons qu’il s’agit là d’un encadrement durable et conforme à l’un des principes de la théorie du droit des obligations qui précise : « Entre le fort et le faible, c’est la volonté qui opprime et c’est la loi qui libère ». Au demeurant, en promulguant cette loi, est-ce que le Gouvernement SALL a libéré, de l’emprise des bailleurs, la majorité des Sénégalais dépourvus de toit ?
De même, on constate une absence de sanctions efficaces contre les propriétaires. L’inefficacité des règles de sanction s’est présentée lorsque la Commission mise en place et le numéro vert n’ont servi à rien. La plupart des populations ignorent où trouver ladite Commission. Et lorsqu’un locataire émet un appel afin d’informer les supposés réceptionnistes de différend, ces derniers lui font savoir qu’ils ne disposent pas de carburant. N’iront-ils pas jusqu’à leur extorquer leurs modeste fonds ? Il est clair que des mécanismes de suivi, de contrôle et de sanction n’ont nullement été installés pour l’effectivité de cette norme visant à baisser le loyer. Une année après son entrée en vigueur, ce dispositif dont l’objet serait d’encadrer la location à Dakar semble rangé aux oubliettes. Les propriétaires ont usé de tous les astuces pour ne pas respecter la loi.
Une technique selon laquelle l’immeuble exige des réparations, des réfections est pratiquée à outrance. Ils délogent les locataires sans état d’âme parfois avec des disputes sans précédent. On aurait compris qu’après les travaux entrepris par le bailleur, les locataires devraient retrouver la jouissance des locaux. Mais malheureusement ce n’est pas le cas. Le loyer est ainsi maintenu parfois même plus élevé qu’avant l’entrée en vigueur de l’un des plus contestés textes du Gouvernement SALL. On attendait un protectionnisme pour ainsi dire à l’image du bail commercial qui est plus efficace que celui à usage d’habitation.
A titre d’exemple, dans le bail commercial, lorsque le propriétaire veut mettre fin au contrat de location, en passant par des astuces, pas très subtiles, comme la réfection notamment pour ensuite le transférer à un tiers locataire, l’article 94 et suivant de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général le sanctionne sévèrement à payer une indemnité d’éviction qui peut s’élever à l’intégralité des versements acquittés depuis le premier jour. La doctrine se demande s’il ne s’agit pas d’une copropriété.
La régulation de certains prix est d’une importance particulière. Prenons le cas des produits de grande consommation, Nestlé ne peut s’aventurer à revendre le petit pot de Gloria à 2000F. Certes, elle est libre mais il s’avère nécessaire d’encadrer les libertés pour éviter l’anarchie ou ce qu’on pourrait appeler « le développement de la loi du talion juridique ». Les propriétaires se fondent sur ce que disait Jean Paul Sartre : « L’homme est fondamentalement libre ». Cette liberté leur octroie beaucoup plus d’attitudes à déterminer le prix de ce qu’ils offrent. Mais en bonne logique, les bailleurs doivent éviter l’excès de liberté qui serait une sérieuse menace pour la liberté elle-même, puisqu’ils vivent ensemble avec leurs locataires.
Esquisse de solutions
Baignant dans un environnement au sein d’une communauté d’hommes, nous ne pouvons totalement ignorer l’existence. C’est pourquoi nous nous résumons à un processus de socialisation. Et c’est précisément, ce qu’Albert CAMUS, Prix Nobel de Littérature, réaffirme en obligeant l’intellectuel de s’exprimer quand la société manifeste le besoin de se faire entendre. Il rend l’engagement de tout un chacun obligatoire en ces termes : « L’écrivain, qu’il le veuille ou non, est embarqué dans la galère de son temps ». La situation actuelle appelle une prise de conscience qui nous amène indubitablement à soulever des questions, à poser des problèmes que rencontre notre société, tout en essayant autant que peu d’apporter des réponses adéquates. Comment le loyer devrait-il être fixé ? Il conviendra de souligner la technique de la zone d’accessibilité avant d’évoquer le système de contrôle sans reproche.
Le législateur doit procéder à appliquer la baisse du loyer par zone d’accessibilité, c’est-à -dire par secteur d’agglomération. Il s’agit d’une mesure qui doit réglementer le loyer à Dakar et dans les grandes villes où se loger relève d’un parcours d’obstacles. Cette norme aura un caractère général puisqu’elle s’appliquera à tous les logements. Ce qui va sans nul doute améliorer le pouvoir d’achat des Sénégalais et la capacité à se procurer des biens nouveaux, mais aussi à épargner en vue de financer l’éducation de leurs enfants.
En quoi consiste véritablement le loyer par zone d’accessibilité ? Au lieu d’appliquer un pourcentage généralisé, il est encore mieux de procéder par zone puis d’indiquer le prix plafond pour chaque catégorie d’offres. En fait, il s’agit de cadrer, de découper Dakar en zones puisque tous les endroits n’ont pas la même architecture et n’ont plus la même proximité par rapport au centre Ville, où sont concentrées l’essentiel des activités économiques. Identifier et définir d’abord chaque zone d’agglomération afin d’éviter des malentendus entre locataires et propriétaires. Répertorier ensuite l’ensemble des différentes offres qui existent. Voici quelques exemples :
Zone d’accessibilité par rapport au centre Ville : Parcelles assainies unité 1 à 26 ; Fass et Médina ; Mamelles et Almadies ; Grand Dakar, Niarry Tally et Ben Tally ; Les sacré-cœur et Liberté…
Types d’offres : chambre 3m/4 généralement ; chambre avec toilette interne ; studio ; appartements ; villa …
Maintenant, c’est au législateur d’appliquer et d’indiquer de façon irréfutable le prix du loyer plafond pour chaque zone et pour chaque type d’offre.
A titre d’exemple : pour la zone d’accessibilité Boune, Yeumbeul et Ben Barack, une chambre ne peut dépasser 10000F quelle qu’elle soit ; une chambre avec toilette incorporée 13000F ; un studio n’excédant pas 20000F ; un appartement ne dépassant pas 25000F.
Bien évidemment ces prix plafonnés doivent être révisés tous les deux ans. Ils peuvent être revus à la hausse comme à la baisse. En tout état de cause, se rapprocher du centre Ville, de l’Université, ainsi que la valeur de l’offre proposée seront les critères déterminants devant permettre d’évaluer les prix plafonnés. Dès lors, aucun locataire ne peut être évincé ni faire l’objet de menace, ou d’intimidation. Car chaque fois qu’il quitte une zone d’habitation en souhaitant s’installer dans un secteur, le locataire est bien informé à l’avance de la réalité des prix en vigueur. Ainsi, étant avisé, le locataire ne peut être lésé, quelle que soit sa mobilité ou sa préférence sur une offre.
Toutefois, le métier de courtier ne va point disparaître. Pour alléger encore et donner du revenu aux locataires, selon la volonté du Gouvernement SALL, il est judicieux de mettre à la charge du propriétaire un certain nombre de frais notamment la course relative à la visite du local et à la rédaction du contrat de bail. Car il s’agit là également de protéger substantiellement les propriétaires et les locataires, mais dans des conditions qui relèvent de l’éthique puisque celle-ci est constituée d’attitudes, de comportements et d’un ensemble de valeurs traduites par un état mental et une action visible.
S’agissant par ailleurs du système de contrôle sans reproche, en France, la loi Alur 2014-366 du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové éclaire remarquablement avec l’instauration de 19 Observatoires des loyers sur l’ensemble du territoire dont un comité scientifique joue le rôle de direction, lequel composé de cinq (5) experts indépendants. Notre pays peut s’en inspirer pour une double raison : Sénégal, pays de tradition juridique française et l’importation de toute technique étrangère de gouvernance jugée bonne.
Ce système de contrôle vise à sanctionner. Et par sanction, on peut entendre la répression infligée à celui qui, par sa volonté manifeste, viole une norme d’ordre public. Or, la loi relative à la baisse du loyer n’a fait que renvoyer à un texte de référence. Ce qui traduit encore une fois cette pratique dite « de paresse dans l’élaboration » de minimum de règles imposées à tous. L’absence de sanction devant dissuader les propriétaires qui voudront tordre le dispositif de protection apparaît immanquablement dans le texte. Le législateur, certainement par omission, n’a pas prévu de règles de dissuasion qui devraient contribuer surtout à retenir le caractère abusif des propriétaires.
Le constat est amer : c’est la raison pour laquelle le peuple ne cesse de s’interroger en définitive sur « les chaudes et torrentielles larmes » du président Moustapha NIASSE, pour qui, la loi est passée sous les yeux avec toutes les lacunes. Pour dire vrai, une bonne protection équitable devrait limiter progressivement les conflits pouvant naître des relations contractuelles. Une telle réglementation installera définitivement un climat de paix et de bon voisinage entre les populations de notre cher Sénégal.
Aly SANE
Etudiant en Master à la Faculté des sciences
Juridiques et politiques de l’UCAD
alysane75@yahoo.fr
Mais en ce qu’on sache, les Sénégalais n’ont jamais dit qu’ils ne peuvent pas attendre et qu’ils sont trop pressés de voir arriver d’une mesure pertinente et pérenne devant baisser le loyer. A la lumière de ce qui précède, il découle sans doute de cette loi boiteuse une incohérence et une absence totale de rigueur. Après avoir procédé au dépouillement de cette loi dont le contenu est lamentable et ahurissant, pour ainsi dire, avec ses trois (3) articles, nous essayerons tant bien que mal à proposer un certain nombre de suggestions devant certainement inciter les élus du Peuple à apporter des correctifs.
Un texte de loi en lambeau
Le prétexte voire le fondement sur lequel s’appuie le législateur pour se justifier est l’article 572 du Code des obligations civiles et commerciales (COCC) qui dispose : « Que le bail à durée déterminée ou à durée indéterminée, le montant du loyer est fixé par rapport à l’évaluation faite de la valeur de l’immeuble. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».
On se demande pourquoi le Gouvernement SALL a préféré saisir l’Assemblée par un projet de loi alors que le COCC ordonne un décret d’application. N’a-t-il pas violé l’esprit de cet article ? Ceci traduit nettement la mauvaise application de l’ensemble du texte puisqu’une méthode d’évaluation n’a pas été littéralement mentionnée dans la loi portant baisse du loyer. Ainsi, il va sans dire que cette loi semble avoir un autre motif qui s’apparente à une mesure pompeuse, une mesure électoraliste. Or Me Doudou NDOYE précise dans son ouvrage Le Bail à usage d’habitation au Sénégal, 2° édition, sous le fondement du décret 81-609 du 17 janvier 1981 que « Les barèmes sont réexaminés par les Commissions régionales d’évaluation au 31 décembre de l’année suivant celle de leur établissement et transmis au ministre chargé des Domaines avant le 30 mars suivant… ».
Cela voudrait dire que chaque année, le prix des loyers doit être revu sur l’ensemble du territoire. Par voie de conséquence, le constat est que ce procédé n’a jamais fait l’objet de mise en œuvre. Qu’en est-il véritablement de l’étendue de la volonté de nos autorités ?
Dans la foulée, l’article 2 de la loi précitée dispose : « tous les baux à usage d’habitation en cours ». Avec ce terme « en cours » seuls les locataires en jouissance de locaux bénéficient de la baisse. Les nouveaux locataires sont exclus de la protection, par conséquent. Et pourtant, l’article 831 du Code de la famille dispose : « La loi nouvelle régit les actes et faits juridiques postérieurs et les conséquences que la loi tire des actes ou faits qui ont précédé sa mise en application ».
En effet, ce texte précise que toute nouvelle loi doit s’appliquer pour l’avenir. Ainsi elle ne peut faire l’objet d’une rétroactivité. Cependant, la nouvelle loi peut s’appliquer ou régir des faits qui découlent d’une situation juridique antérieure à sa naissance. D’ailleurs, c’est sur ce dernier aspect que le législateur s’est basé pour soit disant protéger la partie supposée être la plus faible dans la relation contractuelle. De plus, les élus du Peuple n’ont pas prévu des garanties de protection des nouveaux locataires en cas de conflit avec les bailleurs récalcitrants. Ces mesures auraient inéluctablement encadré la mise en œuvre de ladite loi. Ce qui devrait sans nul doute limiter l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location. Malheureusement, il faut déplorer l’insuffisance de cet encadrement. Que diront alors les bailleurs ?
N’y a-t-il pas risque de léser les propriétaires ? La négative semble s’imposer. Les observateurs sont unanimes que les bailleurs comme tout investisseur, visent toujours un retour immédiat sur investissement en des délais record. La conséquence : « une poussée inflationniste » qui grève négativement les revenus des ménages, à cause de la caution très élevée. La preuve : 3 mois de caution est demandée à tout locataire avant d’espérer obtenir les clés d’un local. Cette caution est souvent source de problème lorsque le locataire exprime sa volonté de quitter pour des raisons personnelles. Une extorsion de fonds qui ne dit pas son nom.
Pour mieux comprendre la nécessité de la loi, il suffit d’entendre l’opinion des étrangers résidant au Sénégal en train d’extérioriser amèrement leur sentiment. A titre comparatif, au Mali, l’alinéa 3 de l’article 5 du décret 146/PG-RM du 27 septembre 1967 recommande avec une force publique une mesure stricte qui réglemente le prix des loyers où il est difficile de se loger, et dispose notamment : « Le montant du cautionnement et des loyers à verser d’avance à titre de garantie ne peut excéder une somme correspondant à un mois de loyer ». Il résulte de ce dispositif, qu’à aucun moment, la valeur d’une avance ne peut dépasser le prix du loyer mensuel.
Nous conviendrons qu’il s’agit là d’un encadrement durable et conforme à l’un des principes de la théorie du droit des obligations qui précise : « Entre le fort et le faible, c’est la volonté qui opprime et c’est la loi qui libère ». Au demeurant, en promulguant cette loi, est-ce que le Gouvernement SALL a libéré, de l’emprise des bailleurs, la majorité des Sénégalais dépourvus de toit ?
De même, on constate une absence de sanctions efficaces contre les propriétaires. L’inefficacité des règles de sanction s’est présentée lorsque la Commission mise en place et le numéro vert n’ont servi à rien. La plupart des populations ignorent où trouver ladite Commission. Et lorsqu’un locataire émet un appel afin d’informer les supposés réceptionnistes de différend, ces derniers lui font savoir qu’ils ne disposent pas de carburant. N’iront-ils pas jusqu’à leur extorquer leurs modeste fonds ? Il est clair que des mécanismes de suivi, de contrôle et de sanction n’ont nullement été installés pour l’effectivité de cette norme visant à baisser le loyer. Une année après son entrée en vigueur, ce dispositif dont l’objet serait d’encadrer la location à Dakar semble rangé aux oubliettes. Les propriétaires ont usé de tous les astuces pour ne pas respecter la loi.
Une technique selon laquelle l’immeuble exige des réparations, des réfections est pratiquée à outrance. Ils délogent les locataires sans état d’âme parfois avec des disputes sans précédent. On aurait compris qu’après les travaux entrepris par le bailleur, les locataires devraient retrouver la jouissance des locaux. Mais malheureusement ce n’est pas le cas. Le loyer est ainsi maintenu parfois même plus élevé qu’avant l’entrée en vigueur de l’un des plus contestés textes du Gouvernement SALL. On attendait un protectionnisme pour ainsi dire à l’image du bail commercial qui est plus efficace que celui à usage d’habitation.
A titre d’exemple, dans le bail commercial, lorsque le propriétaire veut mettre fin au contrat de location, en passant par des astuces, pas très subtiles, comme la réfection notamment pour ensuite le transférer à un tiers locataire, l’article 94 et suivant de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général le sanctionne sévèrement à payer une indemnité d’éviction qui peut s’élever à l’intégralité des versements acquittés depuis le premier jour. La doctrine se demande s’il ne s’agit pas d’une copropriété.
La régulation de certains prix est d’une importance particulière. Prenons le cas des produits de grande consommation, Nestlé ne peut s’aventurer à revendre le petit pot de Gloria à 2000F. Certes, elle est libre mais il s’avère nécessaire d’encadrer les libertés pour éviter l’anarchie ou ce qu’on pourrait appeler « le développement de la loi du talion juridique ». Les propriétaires se fondent sur ce que disait Jean Paul Sartre : « L’homme est fondamentalement libre ». Cette liberté leur octroie beaucoup plus d’attitudes à déterminer le prix de ce qu’ils offrent. Mais en bonne logique, les bailleurs doivent éviter l’excès de liberté qui serait une sérieuse menace pour la liberté elle-même, puisqu’ils vivent ensemble avec leurs locataires.
Esquisse de solutions
Baignant dans un environnement au sein d’une communauté d’hommes, nous ne pouvons totalement ignorer l’existence. C’est pourquoi nous nous résumons à un processus de socialisation. Et c’est précisément, ce qu’Albert CAMUS, Prix Nobel de Littérature, réaffirme en obligeant l’intellectuel de s’exprimer quand la société manifeste le besoin de se faire entendre. Il rend l’engagement de tout un chacun obligatoire en ces termes : « L’écrivain, qu’il le veuille ou non, est embarqué dans la galère de son temps ». La situation actuelle appelle une prise de conscience qui nous amène indubitablement à soulever des questions, à poser des problèmes que rencontre notre société, tout en essayant autant que peu d’apporter des réponses adéquates. Comment le loyer devrait-il être fixé ? Il conviendra de souligner la technique de la zone d’accessibilité avant d’évoquer le système de contrôle sans reproche.
Le législateur doit procéder à appliquer la baisse du loyer par zone d’accessibilité, c’est-à -dire par secteur d’agglomération. Il s’agit d’une mesure qui doit réglementer le loyer à Dakar et dans les grandes villes où se loger relève d’un parcours d’obstacles. Cette norme aura un caractère général puisqu’elle s’appliquera à tous les logements. Ce qui va sans nul doute améliorer le pouvoir d’achat des Sénégalais et la capacité à se procurer des biens nouveaux, mais aussi à épargner en vue de financer l’éducation de leurs enfants.
En quoi consiste véritablement le loyer par zone d’accessibilité ? Au lieu d’appliquer un pourcentage généralisé, il est encore mieux de procéder par zone puis d’indiquer le prix plafond pour chaque catégorie d’offres. En fait, il s’agit de cadrer, de découper Dakar en zones puisque tous les endroits n’ont pas la même architecture et n’ont plus la même proximité par rapport au centre Ville, où sont concentrées l’essentiel des activités économiques. Identifier et définir d’abord chaque zone d’agglomération afin d’éviter des malentendus entre locataires et propriétaires. Répertorier ensuite l’ensemble des différentes offres qui existent. Voici quelques exemples :
Zone d’accessibilité par rapport au centre Ville : Parcelles assainies unité 1 à 26 ; Fass et Médina ; Mamelles et Almadies ; Grand Dakar, Niarry Tally et Ben Tally ; Les sacré-cœur et Liberté…
Types d’offres : chambre 3m/4 généralement ; chambre avec toilette interne ; studio ; appartements ; villa …
Maintenant, c’est au législateur d’appliquer et d’indiquer de façon irréfutable le prix du loyer plafond pour chaque zone et pour chaque type d’offre.
A titre d’exemple : pour la zone d’accessibilité Boune, Yeumbeul et Ben Barack, une chambre ne peut dépasser 10000F quelle qu’elle soit ; une chambre avec toilette incorporée 13000F ; un studio n’excédant pas 20000F ; un appartement ne dépassant pas 25000F.
Bien évidemment ces prix plafonnés doivent être révisés tous les deux ans. Ils peuvent être revus à la hausse comme à la baisse. En tout état de cause, se rapprocher du centre Ville, de l’Université, ainsi que la valeur de l’offre proposée seront les critères déterminants devant permettre d’évaluer les prix plafonnés. Dès lors, aucun locataire ne peut être évincé ni faire l’objet de menace, ou d’intimidation. Car chaque fois qu’il quitte une zone d’habitation en souhaitant s’installer dans un secteur, le locataire est bien informé à l’avance de la réalité des prix en vigueur. Ainsi, étant avisé, le locataire ne peut être lésé, quelle que soit sa mobilité ou sa préférence sur une offre.
Toutefois, le métier de courtier ne va point disparaître. Pour alléger encore et donner du revenu aux locataires, selon la volonté du Gouvernement SALL, il est judicieux de mettre à la charge du propriétaire un certain nombre de frais notamment la course relative à la visite du local et à la rédaction du contrat de bail. Car il s’agit là également de protéger substantiellement les propriétaires et les locataires, mais dans des conditions qui relèvent de l’éthique puisque celle-ci est constituée d’attitudes, de comportements et d’un ensemble de valeurs traduites par un état mental et une action visible.
S’agissant par ailleurs du système de contrôle sans reproche, en France, la loi Alur 2014-366 du 24 mars 2014 relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové éclaire remarquablement avec l’instauration de 19 Observatoires des loyers sur l’ensemble du territoire dont un comité scientifique joue le rôle de direction, lequel composé de cinq (5) experts indépendants. Notre pays peut s’en inspirer pour une double raison : Sénégal, pays de tradition juridique française et l’importation de toute technique étrangère de gouvernance jugée bonne.
Ce système de contrôle vise à sanctionner. Et par sanction, on peut entendre la répression infligée à celui qui, par sa volonté manifeste, viole une norme d’ordre public. Or, la loi relative à la baisse du loyer n’a fait que renvoyer à un texte de référence. Ce qui traduit encore une fois cette pratique dite « de paresse dans l’élaboration » de minimum de règles imposées à tous. L’absence de sanction devant dissuader les propriétaires qui voudront tordre le dispositif de protection apparaît immanquablement dans le texte. Le législateur, certainement par omission, n’a pas prévu de règles de dissuasion qui devraient contribuer surtout à retenir le caractère abusif des propriétaires.
Le constat est amer : c’est la raison pour laquelle le peuple ne cesse de s’interroger en définitive sur « les chaudes et torrentielles larmes » du président Moustapha NIASSE, pour qui, la loi est passée sous les yeux avec toutes les lacunes. Pour dire vrai, une bonne protection équitable devrait limiter progressivement les conflits pouvant naître des relations contractuelles. Une telle réglementation installera définitivement un climat de paix et de bon voisinage entre les populations de notre cher Sénégal.
Aly SANE
Etudiant en Master à la Faculté des sciences
Juridiques et politiques de l’UCAD
alysane75@yahoo.fr