Sur le principe, Donald Trump explique que son décret permet aux Etats-Unis de se protéger du terrorisme islamiste. Ainsi, il empêche la circulation d’immigrés provenant de sept pays vers et en dehors des Etats-Unis. Les ressortissants d’Irak, d’Iran, du Yémen, de Somalie, du Soudan et de Lybie sont interdits d’entrée aux Etats-Unis pour une durée de 90 jours, le temps de revoir les critères d’octroi de visas. Quant aux Syriens, ils sont tous interdits d’entrée jusqu’à nouvel ordre.
Ce qui effraie le monde, c’est que tous les gens provenant de ces pays sont interdits d’entrée, pas seulement ceux présentant un danger pour la nation. Ceux qui ont la double nationalité américaine sont « épargnés » alors que ceux détenteurs d’une carte verte et actuellement à l’étranger, doivent demander une autorisation spéciale pour rentrer chez eux.
Dès les premiers jours, des histoires complètement folles ont montré l’absurdité de ce décret. Des ingénieurs détenteurs d’une carte verte se sont retrouvés bloqués aux aéroports de départ alors que leurs familles vivent légalement aux Etats-Unis. Des diplomates issus de l’immigration mais travaillant pour le gouvernement se sont également vus refuser l’accès à un avion pour rentrer aux Etats-Unis. Des situations complètement folles qui inquiètent la Silicon Valley.
La Silicon Valley, c'est deux tiers d'émigrés
Si Google, Apple, Facebook, Netflix et les autres grandes entreprises de la Silicon Valley sont si inquiètes, c’est parce que ce microcosme du high-tech est constitué principalement de salariés issus de l’immigration.
Selon Bloomberg, deux tiers des salariés en informatique et mathématique, et 61% des ingénieurs dans la Silicon Valley sont issus de l’immigration. Pour résumer la situation, deux chiffres: les Etats-Unis ont besoin de plus de 30 000 ingénieurs par an, mais seulement 9 000 ingénieurs sortent des écoles et universités américaines.
Alors forcément, en Californie, le décret de Trump passe très mal. D’abord historiquement, puisque la Californie est le symbole de la liberté, de l’ouverture, du melting-pot si cher aux valeurs américaines.
Dans la grande histoire des Etats-Unis, la Californie est le symbole de la ruée vers l’or, du mélange des cultures provenant d’Asie, d’Amérique Latine, d’Europe ou d’Afrique. Le nombre d’ingénieurs français par exemple dans la Silicon Valley est à peine croyable. Alors oui, dans cet Etat d’ouverture, la décision de Trump passe mal.
Google, Apple, Facebook, Netflix et les autres montent au créneau
Suite à la mise en place de ce décret, la Silicon Valley est d’abord passée par un lourd sentiment d’inquiétude. Puis les grands patrons des plus grandes firmes ont décidé de monter au créneau.
Tim Cook a lancé les hostilités en publiant un document interne pour le moins clair, dans lequel il explique qu’« Apple n’existerait pas sans l’immigration ». Car oui, Steve Jobs était le fils d’un immigré syrien. Le PDG de Netflix, Reed Hastings a également déclaré : Les mesures de Trump affectent les employés de Netflix à travers le monde. Il est temps de joindre les mains pour protéger les valeurs américaines de liberté et d’opportunité.
Même son de cloche chez Google, qui emploie pas moins de 187 employés concernés par les restrictions imposées par le décret anti-immigration de Trump. Sundar Pichai, PDG de Google a ainsi déclaré :
Nous sommes inquiets de l’impact de ce décret et de toute proposition qui pourrait imposer des restrictions sur les employés de Google et de leurs familles et qui pourrait créer des barrières pour importer de grands talents aux Etats-unis.
D’ailleurs, Google a lié les actes aux paroles et a lancé un programme d'aide de 4 millions de dollars pour soutenir les associations d’aide à l’immigration. De son côté, Mark Zuckerberg, PDG de Facebook a aussi vivement réagi sur son réseau social en parlant d’abord de sa famille immigrée mais également des répercussions que pourrait avoir le décret sur l’avenir des américains et la sécurité du pays :
Mes grands grands-parents sont venus d’Allemagne, d’Autriche et les parents de Priscilla [l’épouse de Mark Zuckerberg] étaient des réfugiés de Chine et du Vietnam. Les États-Unis sont une nation d’immigrants, et nous devrions en être fiers. Comme beaucoup d’entre vous, je suis préoccupé par l’impact des récentes décisions prises par le président Trump. Nous devons garder ce pays en sécurité, mais nous devrions le faire en mettant l’accent sur les gens qui posent en réalité une menace. Étendre l’application de la loi au-delà des personnes qui sont des menaces réelles, va nuire à la sécurité des Américains en dispersant les moyens [des forces de l’ordre], tandis que des millions de personnes sans papiers qui ne posent pas de menace risquent de vivre dans la peur d’être expulsés.
Enfin, Satya Nadella, PDG de Microsoft, et par ailleurs d’origine indienne, a également expliqué son point de vue par rapport à cette situation :
En tant qu’immigré et PDG, j’ai conscience de l’impact positif que l’immigration a sur notre entreprise, sur le pays et sur le globe.
Le président de Microsoft ne croit pas si bien dire. Car si Trump persiste avec cette politique, la Silicon Valley pourrait bien perdre de sa superbe. Car sans l’immigration, elle n’est plus rien. Et si ce microcosme explose, ce serait une catastrophe non seulement pour les Etats-Unis mais pour l’innovation en général.
La Silicon Valley est riche, très riche
Rien que dans la Baie de San Francisco, on compte environ 250 000 musulmans selon le centre des relations américano-islamiques. Autant dire que le décret de Trump ferait grand mal à la région. Un constat que le président du lobby du secteur, Michael Beckerman, partage :
Les compagnies internet prospèrent aux Etats-Unis parce que les meilleurs et les plus brillants ont la possibilité d’y venir pour créer des produits et des services.
En empêchant ces talents de venir aux Etats-Unis, Donald Trump prend un grand risque: faire perdre de sa superbe à la Silicon Valley. Or, économiquement, ce serait une grave erreur. Car elle regroupe à elle seule trois des cinq plus grandes entreprises mondiales (Google, Apple et Facebook).
Si la Californie était un pays à part entière, ce serait la 6ème puissance économique mondiale. Les géants du high-tech ont donc un argument de poids face au climat politique délétère instauré par Donald Trump.
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