La figure de la belle-mère nourrit les appréhensions de beaucoup de jeunes couples. Elle serait l’empêcheuse de tourner en rond sans qui les plaisirs du mariage auraient été mieux savourés. Les belles-mères, elles, émettent un autre son de cloche et sonnent la charge contre ces « petites égoïstes mal élevées ».
Serge Gainsbourg aurait sans doute fredonné à nouveau son fameux « Je t’aime,… Moi non plus » pour relever les ambiguïtés des relations humaines. Celles que charrie la cohabitation entre la belle-mère et la belle-fille sont souvent complexes et tendues. Capricieuse, haineuse, fouineuse, possessive…, la légende de la belle-mère acariâtre s’est répandue au fil des âges. Anta Faye, la trentaine, vit avec son époux et ses deux enfants dans la banlieue dakaroise. Elle ne semble pas trop apprécier cette figure un peu trop présente à son goût : « Les belles-mères devraient arrêter de s’immiscer dans les ménages de leurs enfants car la fille qui quitte les siens pour rejoindre le domicile conjugal devrait être bien traitée. Elle ne devrait pas subir le mépris de sa famille d’accueil ». Malheureusement, se plaint-elle, si ce n’est pas la belle-mère, ce sont les belles-sœurs divorcées ou celles peinant à trouver un mari qui mènent la vie dure à la bru. Elle confie qu’elle ne s’est jamais laissé faire car ayant grandi dans une famille polygame « où tous les coups sont permis ». Anta Faye, « bien préparée », assure que sa belle-mère lui en a fait voir de toutes les couleurs, mais son tact et le soutien de son « peul bu rafet » (son bel époux peul) lui a permis de « repousser les assauts de la vieille ».
À Keur Mbaye Fall, le ciel est nuageux. Il est aussi sombre que la mine de Fanta, seule dans sa maison, confortablement assise dans sa chambre joliment décorée avec ses photos, celles de son mari et de sa belle-mère même si cette dernière ne la blaire point depuis qu’elle a rejoint le domicile conjugal. « Après un an de mariage, je ne pouvais plus vivre dans la maison de mes beaux-parents. Ma belle-mère ne m’aime pas. Son souhait, c’était d’unir sa nièce et son fils, mon époux. Malheureusement pour elle, son rêve ne s’est pas réalisé », confie-elle. «Je suis obligée, tous les jours, de supporter ses propos désobligeants et discourtois. Elle soutient que j’ai marabouté son fils. Je lui réponds par le mépris. Car cela ne vaut pas la peine. Je refuse de me laisser distraire par de fausses accusations », argue Fanta, les larmes ruisselantes.
Les souvenirs de ses déboires avec sa belle-mère refluent. Si sa relation avec cette dernière est exécrable, tel n’est pas le cas avec ses belles-sœurs. « Celles-ci sont mes meilleures amies. Elles compatissent à ma souffrance. Mais elles ne peuvent pas interférer parce que leur mère brandit la menace du reniement si elles persistent à m’adresser la parole », pleurniche Fanta. Pour entrer dans les bonnes grâces de sa belle-mère, elle dit l’avoir comblée de toutes les prévenances, mais en vain. « J’ai l’impression que plus je m’obstine à être une belle-fille irréprochable, davantage j’attise sa haine qu’elle ne dissimule même plus. Il m’arrive de rester dans ma chambre toute une journée à pleurer en essayant de cacher mon chagrin à mon époux. Mais il me connaît très bien. Il sait quand je suis peinée. Je ne veux pas le mettre mal à l’aise », souligne-t-elle, confuse et résignée. Aujourd’hui, elle dit comprendre pourquoi beaucoup de femmes préfèrent les appartements aux maisons familiales. « C’est la parade trouvée par les jeunes couples en quête de quiétude », renchérit Fanta, le regard perçant.
Manque de savoir-vivre
Toilette et allure élégantes, Aïssatou Diop, sexagénaire bien sur ses pieds, entretient de meilleurs rapports avec ses belles-filles. Pour en donner la preuve, elle nous invite à faire connaissance avec sa famille, plus particulièrement ses deux brus assises dans la grande cour de la maison avec leurs enfants. « Mes belles-filles sont aimables et généreuses, d’une touchante courtoisie. Elles me comblent de bonheur car je n’ai pas eu la chance d’avoir une fille. Par la grâce de Dieu, depuis qu’elles ont rejoint le domicile conjugal, elles y apportent une ambiance conviviale, de la bonne humeur. En plus d’être soumises et responsables, elles sont toutes deux d’une grande discrétion », se réjouit Aïssatou Diop, heureuse de sa bonne fortune, tout en priant que la légende de la belle-mère empêcheuse de tourner en rond ne s’y écrive. « Je suis consciente de la chance que j’ai. Les belles-filles d’aujourd’hui manquent de savoir-vivre et sont souvent égoïstes. Leur mari, c’est juste pour elles, à elles seules ».
Trouvée dans une boutique de produits cosmétiques, Néné Sarr ne vit pas cette même tranquillité d’esprit. « J’ai trois belles-filles. Mais les deux sont d’une impolitesse inouïe », déplore-t-elle, prise de rage. Elle confie avoir fait beaucoup d’efforts pour que sa maison soit harmonieuse. Sa troisième belle-fille, décrite comme une « dame douce et responsable », semble être sa préférée. Les deux autres supporteraient mal cette belle entente. « Elles auraient sans doute souhaité que cette femme bien élevée soient une mégère comme elles. On ne peut pas détester la femme choisie par son fils, mais si elle ne voue aucun respect à sa belle-mère, la cohabitation sera difficile », raisonne-t-elle. Et dans ce tourbillon de chamailleries, un mari et un fils tourmenté est pris en tenaille, ou peut-être bien inconséquemment indifférent !
Sokhna Faty Issa SAMB
SELY BA, SOCIOLOGUE : «C’est une relation très complexe»
La problématique de la relation entre la belle-mère et la belle-fille a, d’après la sociologue Sely Bâ, toujours existé. C’est un rapport complexe parce que, dit-elle, la relation entre une mère et son fils est telle que lorsque ce dernier s’unit à une femme, cela peut être mal vécu si on a affaire à une belle-mère envieuse, possessive, jalouse ou manipulatrice. «La personnalité de la belle-mère intervient à ce niveau parce qu’il y a beaucoup de rivalités entre femmes. Elle veut toujours une femme parfaite pour son fils ; ce qui n’est pas possible car nous avons tous nos défauts. Si la belle-fille néglige les égards dus à la belle-mère, celle-ci fera tout pour se faire respecter et reprendre sa place dans le cœur de son fils», soutient-elle, non sans déplorer que beaucoup de belles-familles pensent qu’une bru doit être la bonne à tout faire alors que de nos jours, les femmes sont émancipées, travaillent et essaient tant bien que mal d’être indépendantes. Elles n’ont pas forcément le temps de gérer les travaux ménagers. Il faut, suggère-t-elle, que chacun se limite à son champ de possibilités pour assurer la cohésion. «Quant au fils, il doit, estime Sely Ba, jouer le rôle de médiateur et ne pas prendre parti. Il ne faut pas qu’il s’érige en arbitre. Il doit rassurer sa femme et respecter sa mère. Certaines mères veulent toujours le meilleur pour leur fille alors qu’elles ne traitent pas bien leur belle-fille.»
Serge Gainsbourg aurait sans doute fredonné à nouveau son fameux « Je t’aime,… Moi non plus » pour relever les ambiguïtés des relations humaines. Celles que charrie la cohabitation entre la belle-mère et la belle-fille sont souvent complexes et tendues. Capricieuse, haineuse, fouineuse, possessive…, la légende de la belle-mère acariâtre s’est répandue au fil des âges. Anta Faye, la trentaine, vit avec son époux et ses deux enfants dans la banlieue dakaroise. Elle ne semble pas trop apprécier cette figure un peu trop présente à son goût : « Les belles-mères devraient arrêter de s’immiscer dans les ménages de leurs enfants car la fille qui quitte les siens pour rejoindre le domicile conjugal devrait être bien traitée. Elle ne devrait pas subir le mépris de sa famille d’accueil ». Malheureusement, se plaint-elle, si ce n’est pas la belle-mère, ce sont les belles-sœurs divorcées ou celles peinant à trouver un mari qui mènent la vie dure à la bru. Elle confie qu’elle ne s’est jamais laissé faire car ayant grandi dans une famille polygame « où tous les coups sont permis ». Anta Faye, « bien préparée », assure que sa belle-mère lui en a fait voir de toutes les couleurs, mais son tact et le soutien de son « peul bu rafet » (son bel époux peul) lui a permis de « repousser les assauts de la vieille ».
À Keur Mbaye Fall, le ciel est nuageux. Il est aussi sombre que la mine de Fanta, seule dans sa maison, confortablement assise dans sa chambre joliment décorée avec ses photos, celles de son mari et de sa belle-mère même si cette dernière ne la blaire point depuis qu’elle a rejoint le domicile conjugal. « Après un an de mariage, je ne pouvais plus vivre dans la maison de mes beaux-parents. Ma belle-mère ne m’aime pas. Son souhait, c’était d’unir sa nièce et son fils, mon époux. Malheureusement pour elle, son rêve ne s’est pas réalisé », confie-elle. «Je suis obligée, tous les jours, de supporter ses propos désobligeants et discourtois. Elle soutient que j’ai marabouté son fils. Je lui réponds par le mépris. Car cela ne vaut pas la peine. Je refuse de me laisser distraire par de fausses accusations », argue Fanta, les larmes ruisselantes.
Les souvenirs de ses déboires avec sa belle-mère refluent. Si sa relation avec cette dernière est exécrable, tel n’est pas le cas avec ses belles-sœurs. « Celles-ci sont mes meilleures amies. Elles compatissent à ma souffrance. Mais elles ne peuvent pas interférer parce que leur mère brandit la menace du reniement si elles persistent à m’adresser la parole », pleurniche Fanta. Pour entrer dans les bonnes grâces de sa belle-mère, elle dit l’avoir comblée de toutes les prévenances, mais en vain. « J’ai l’impression que plus je m’obstine à être une belle-fille irréprochable, davantage j’attise sa haine qu’elle ne dissimule même plus. Il m’arrive de rester dans ma chambre toute une journée à pleurer en essayant de cacher mon chagrin à mon époux. Mais il me connaît très bien. Il sait quand je suis peinée. Je ne veux pas le mettre mal à l’aise », souligne-t-elle, confuse et résignée. Aujourd’hui, elle dit comprendre pourquoi beaucoup de femmes préfèrent les appartements aux maisons familiales. « C’est la parade trouvée par les jeunes couples en quête de quiétude », renchérit Fanta, le regard perçant.
Manque de savoir-vivre
Toilette et allure élégantes, Aïssatou Diop, sexagénaire bien sur ses pieds, entretient de meilleurs rapports avec ses belles-filles. Pour en donner la preuve, elle nous invite à faire connaissance avec sa famille, plus particulièrement ses deux brus assises dans la grande cour de la maison avec leurs enfants. « Mes belles-filles sont aimables et généreuses, d’une touchante courtoisie. Elles me comblent de bonheur car je n’ai pas eu la chance d’avoir une fille. Par la grâce de Dieu, depuis qu’elles ont rejoint le domicile conjugal, elles y apportent une ambiance conviviale, de la bonne humeur. En plus d’être soumises et responsables, elles sont toutes deux d’une grande discrétion », se réjouit Aïssatou Diop, heureuse de sa bonne fortune, tout en priant que la légende de la belle-mère empêcheuse de tourner en rond ne s’y écrive. « Je suis consciente de la chance que j’ai. Les belles-filles d’aujourd’hui manquent de savoir-vivre et sont souvent égoïstes. Leur mari, c’est juste pour elles, à elles seules ».
Trouvée dans une boutique de produits cosmétiques, Néné Sarr ne vit pas cette même tranquillité d’esprit. « J’ai trois belles-filles. Mais les deux sont d’une impolitesse inouïe », déplore-t-elle, prise de rage. Elle confie avoir fait beaucoup d’efforts pour que sa maison soit harmonieuse. Sa troisième belle-fille, décrite comme une « dame douce et responsable », semble être sa préférée. Les deux autres supporteraient mal cette belle entente. « Elles auraient sans doute souhaité que cette femme bien élevée soient une mégère comme elles. On ne peut pas détester la femme choisie par son fils, mais si elle ne voue aucun respect à sa belle-mère, la cohabitation sera difficile », raisonne-t-elle. Et dans ce tourbillon de chamailleries, un mari et un fils tourmenté est pris en tenaille, ou peut-être bien inconséquemment indifférent !
Sokhna Faty Issa SAMB
SELY BA, SOCIOLOGUE : «C’est une relation très complexe»
La problématique de la relation entre la belle-mère et la belle-fille a, d’après la sociologue Sely Bâ, toujours existé. C’est un rapport complexe parce que, dit-elle, la relation entre une mère et son fils est telle que lorsque ce dernier s’unit à une femme, cela peut être mal vécu si on a affaire à une belle-mère envieuse, possessive, jalouse ou manipulatrice. «La personnalité de la belle-mère intervient à ce niveau parce qu’il y a beaucoup de rivalités entre femmes. Elle veut toujours une femme parfaite pour son fils ; ce qui n’est pas possible car nous avons tous nos défauts. Si la belle-fille néglige les égards dus à la belle-mère, celle-ci fera tout pour se faire respecter et reprendre sa place dans le cœur de son fils», soutient-elle, non sans déplorer que beaucoup de belles-familles pensent qu’une bru doit être la bonne à tout faire alors que de nos jours, les femmes sont émancipées, travaillent et essaient tant bien que mal d’être indépendantes. Elles n’ont pas forcément le temps de gérer les travaux ménagers. Il faut, suggère-t-elle, que chacun se limite à son champ de possibilités pour assurer la cohésion. «Quant au fils, il doit, estime Sely Ba, jouer le rôle de médiateur et ne pas prendre parti. Il ne faut pas qu’il s’érige en arbitre. Il doit rassurer sa femme et respecter sa mère. Certaines mères veulent toujours le meilleur pour leur fille alors qu’elles ne traitent pas bien leur belle-fille.»