C’est un groupe que l’on ne présente plus sur la scène musicale sénégalaise et internationale tant des générations de mélomanes ont été bercés par leur morceaux. De leur premier album en 1997 « Daaraj » (où ils étaient au nombre de 3) à « Yaamatele », ce duo a pu traverser le temps en conservant son identité musicale le tout en proposant une variété de styles qui part du hip-hop, au reggae en passant par la soul. Mettant leur art au service de la cause citoyenne, ils participent, également, à plusieurs projets de sensibilisation. Le dernier en date est la « Voix du fleuve, voix de la paix », qui est en partie un album qu’ils partagent aux côtés de six artistes dont Baaba Maal, Noura Mint Seymali pour ne citer que ceux-là. L’initiative vise à fédérer les peuples riverains du fleuve Sénégal. Dans cette interview accordée à Seneweb, Ndongo D et Faada Freddy abordent leurs engagements et des sujets de l’actualité brûlante.
Q : Vous êtes ici (à Diamniadio) dans le cadre du forum mondial de l’eau. Quelle est votre partition dans ce rendez-vous ?
Ndongo D : Je crois que notre rôle d’artiste est de conscientiser les gens. Et je pense que lorsqu’on parle de sécurité et d’eau, ça concerne directement les populations et nous avec. Et à mon avis, nous sommes les mieux placés, à mon sens, pour porter le plaidoyer de la sécurité de la paix et de l’eau.
Q : A ce sujet, vous avez participé à l’élaboration d’un album commun avec des artistes riverains au fleuve Sénégal. Qu’est-ce qui vous à poussé à prendre part à ce projet ?
Faada Freddy : Nous avons voulu inciter les populations à se pencher sur les questions autour de l’eau. Car, cette problématique est d’actualité et elle est d’une urgence capitale. Vu que la culture n’est pas qu’une simple distraction, elle est aussi engagement et militantisme auprès des populations, nous avons voulu les amener à, davantage, prendre conscience que l’eau, c’est la vie mais elle est aussi une question de survie pour l’humanité. Nous nous sommes coalisés pour dire que l’on vienne du Mali, de la Guinée, de la Mauritanie ou du Sénégal, nous sommes un seul peuple avec un patrimoine commun : le fleuve Sénégal.
“En Casamance, les hommes politiques doivent avoir une approche beaucoup plus inclusive”
Q : En parlant de paix, le sud du Sénégal est confronté, depuis 40 ans, à un conflit armé. Quelles sont les solutions que vous préconisez pour mettre un terme à cette situation d’instabilité ?
Ndongo D : Je pense que les hommes politiques doivent être à l’écoute des populations. Ils doivent avoir une approche beaucoup plus inclusive. Aussi, j’étais récemment en Casamance et j’ai été frappé par la convivialité de ce peuple et ébloui par tout le potentiel que regorge cette zone, me faisant même oublier le conflit présent sur place. Tout ça pour dire que les aspects positifs de cette région doivent aussi être mis en avant afin que les gens sachent que la Casamance, ce n’est pas que la guerre.
Q : Sur la scène politique sénégalaise aussi, on remarque quelques tensions. Quel est votre regard sur cette situation ?
Faada Freddy : Ils doivent, selon moi, aller au-delà des intérêts personnels et cette capacité nécessite d’eux qu’ils fassent preuve de grandeur. C’est une pique que je lance à nos politiciens qui ne pensent qu’à prendre le pouvoir et une fois qu’ils l’ont, ils s’évertuent à le conserver comme s’il s’agissait d’un legs. Je pense que s’ils dépassent ce stade, on pourrait retrouver une Afrique équilibrée. Le problème de notre continent n’est pas ses habitants mais nos dirigeants. Et l’éthique doit être cultivée là où la médiocrité fleurit.
Q : Revenons à la musique. Votre dernier album date du 31 janvier 2020. Et depuis lors, vous vous êtes faits un peu discret. Pourquoi ?
Ndongo D : On n’est pas discret, on est sur plein de projets et dans des spectacles aussi. D’ailleurs, en fin d’année 2021, on a sorti le single « Baal Ma ». Il y a pas mal de projets qui arrivent et tout le monde sait que lorsqu’on est sur scène, on prend le temps de bien préparer les choses.
Q : Daara J a 28 ans en 2022, un peu plus si on compte depuis la création du groupe. Comment faites-vous pour maintenir cette insatiabilité sur la scène musicale ?
Faada Freddy : Je pense qu’il est important de toujours se remettre en question et de se renouveler sans cesse. Être artiste signifie qu’il ne faut jamais dormir sur ses acquis. Par exemple, Alpha Blondy et Baaba Maal qui continuent toujours à évoluer. C’est le rôle de l’artiste, il est intemporel. Il ne doit pas se cacher derrière son statut d’ancien dans le rap, par exemple, pour dire qu’il ne s'adapte pas à l'évolution dans le domaine. Donc, nous aimons nous réinventer, nous aimons créer et cette création est permanente. C’est ce qui nous permet de pouvoir encore sillonner le monde et d’apporter un sang neuf à la musique et à la culture dans le monde.
Q : Vous êtes un groupe qui affectionne les prestations scéniques. Comment s’est passée la vie de Daaraj Family pendant ce coups d’arrêt causé par la Covid 19 ?
Faada Freddy : Ce n’était pas facile mais on a essayé, grâce à la technologie, de faire des shows digitaux. Moi qui ne suis pas fan de nouvelles technologies telles que les portables et autres (rires), je me suis rendu compte qu’il était nécessaire de m’orienter vers ces alternatives pour rester en contact avec notre public qui était confiné. Et pour beaucoup d’artistes, c’était un arrêt définitif parce qu’ils n’avaient plus de revenus vu qu’au niveau de l’organisation, nous ne sommes pas intermittents de spectacle. Et les subventions allouées à la culture sont assez hasardeuses.
“Il y a moins de créativité dans la scène hip-hop…”
Q : Vous êtes l’un des pionniers du mouvement hip-hop sénégalais et même en Afrique francophone. Que pensez-vous de son évolution au Sénégal ?
Ndongo D : Quand j’écoute un peu tout ce qui se fait, je me rends compte qu’il y a moins de créativité, il y a moins d’âme. Les artistes sont désormais beaucoup plus dans les calculs, la recherche des vues. Mais en tant qu’artiste, je me dis que l’on doit toujours rester créatif même si on est régi par les marchés. Néanmoins, c’est une belle évolution, il y a beaucoup plus d’artistes et la demande est de plus en plus grande.
Q : Pour vous, l’esprit du hip-hop se meurt ?
Ndongo D : Oui, avant, on parlait des bases du hip-hop, de la culture, d’unité, on parlait de la conscience politique. Même s’il existe encore des artistes qui appliquent ces principes mais ils le sont de moins en moins. Un exemple, de plus en plus de morceaux durent moins de 3 minutes, les gens font des formats qui sont adaptés aux réseaux sociaux. Une pratique qui donne l’impression que les gens ont moins à dire et veulent vendre plus.
Faada Freddy : Autrement dit, les artistes ne créent plus le marché mais ils subissent sa loi.
Q : Ils s’adaptent aux réalités du moment…
Faada Freddy : Non, c’est pire que ça. Ils se déshumanisent et ne vont plus dans le fond de leurs pensées car, ils sont contraints par des limites de temps.
Q : Quels conseils donnez-vous à la nouvelle génération de rappeurs sénégalais ?
Faada Freddy : Je pense que la nouvelle scène a quelque chose de puissant qu’ils doivent développer et ils ne doivent pas tomber dans le piège de la suffisance. Ils ont encore du pain sur la planche, parce que nous, quand on part en tournée, on voit beaucoup de sonorités maliennes et autres et moins d’artistes sénégalais. C’est une frustration pour nous. Je les encourage à faire de la recherche musicale et surtout à apprendre. Comme je l’ai dit tantôt, le Sénégal a besoin d’artistes créatifs et pas que d’artistes qui subissent l’industrie.
Q : Que pensez-vous des artistes tels que Ash the best et Obree Daman ?
Faada Freddy : Nous les avons déjà invités sur scène et nous avons fait une belle prestation. Je pense qu’on peut leur faire confiance et nous leur souhaitons d’avoir tout ce que nous avons eu dans la musique et même au-delà. Mais il faut qu’ils continuent à travailler et à se dire que rien n’est acquis.
Q : Quels sont vos projets futurs ?
Ndongo D : C’est déjà le futur (rires). Plus sérieusement, on a tellement de chantiers aujourd’hui, que l’on ne pourrait pas dire exactement ce que nous préparons. Mais, sachez que nous travaillons à maintenir un bon écosystème de la musique sénégalaise et de continuer à promouvoir la culture africaine au-delà de nos frontières.
Q : Vous êtes ici (à Diamniadio) dans le cadre du forum mondial de l’eau. Quelle est votre partition dans ce rendez-vous ?
Ndongo D : Je crois que notre rôle d’artiste est de conscientiser les gens. Et je pense que lorsqu’on parle de sécurité et d’eau, ça concerne directement les populations et nous avec. Et à mon avis, nous sommes les mieux placés, à mon sens, pour porter le plaidoyer de la sécurité de la paix et de l’eau.
Q : A ce sujet, vous avez participé à l’élaboration d’un album commun avec des artistes riverains au fleuve Sénégal. Qu’est-ce qui vous à poussé à prendre part à ce projet ?
Faada Freddy : Nous avons voulu inciter les populations à se pencher sur les questions autour de l’eau. Car, cette problématique est d’actualité et elle est d’une urgence capitale. Vu que la culture n’est pas qu’une simple distraction, elle est aussi engagement et militantisme auprès des populations, nous avons voulu les amener à, davantage, prendre conscience que l’eau, c’est la vie mais elle est aussi une question de survie pour l’humanité. Nous nous sommes coalisés pour dire que l’on vienne du Mali, de la Guinée, de la Mauritanie ou du Sénégal, nous sommes un seul peuple avec un patrimoine commun : le fleuve Sénégal.
“En Casamance, les hommes politiques doivent avoir une approche beaucoup plus inclusive”
Q : En parlant de paix, le sud du Sénégal est confronté, depuis 40 ans, à un conflit armé. Quelles sont les solutions que vous préconisez pour mettre un terme à cette situation d’instabilité ?
Ndongo D : Je pense que les hommes politiques doivent être à l’écoute des populations. Ils doivent avoir une approche beaucoup plus inclusive. Aussi, j’étais récemment en Casamance et j’ai été frappé par la convivialité de ce peuple et ébloui par tout le potentiel que regorge cette zone, me faisant même oublier le conflit présent sur place. Tout ça pour dire que les aspects positifs de cette région doivent aussi être mis en avant afin que les gens sachent que la Casamance, ce n’est pas que la guerre.
Q : Sur la scène politique sénégalaise aussi, on remarque quelques tensions. Quel est votre regard sur cette situation ?
Faada Freddy : Ils doivent, selon moi, aller au-delà des intérêts personnels et cette capacité nécessite d’eux qu’ils fassent preuve de grandeur. C’est une pique que je lance à nos politiciens qui ne pensent qu’à prendre le pouvoir et une fois qu’ils l’ont, ils s’évertuent à le conserver comme s’il s’agissait d’un legs. Je pense que s’ils dépassent ce stade, on pourrait retrouver une Afrique équilibrée. Le problème de notre continent n’est pas ses habitants mais nos dirigeants. Et l’éthique doit être cultivée là où la médiocrité fleurit.
Q : Revenons à la musique. Votre dernier album date du 31 janvier 2020. Et depuis lors, vous vous êtes faits un peu discret. Pourquoi ?
Ndongo D : On n’est pas discret, on est sur plein de projets et dans des spectacles aussi. D’ailleurs, en fin d’année 2021, on a sorti le single « Baal Ma ». Il y a pas mal de projets qui arrivent et tout le monde sait que lorsqu’on est sur scène, on prend le temps de bien préparer les choses.
Q : Daara J a 28 ans en 2022, un peu plus si on compte depuis la création du groupe. Comment faites-vous pour maintenir cette insatiabilité sur la scène musicale ?
Faada Freddy : Je pense qu’il est important de toujours se remettre en question et de se renouveler sans cesse. Être artiste signifie qu’il ne faut jamais dormir sur ses acquis. Par exemple, Alpha Blondy et Baaba Maal qui continuent toujours à évoluer. C’est le rôle de l’artiste, il est intemporel. Il ne doit pas se cacher derrière son statut d’ancien dans le rap, par exemple, pour dire qu’il ne s'adapte pas à l'évolution dans le domaine. Donc, nous aimons nous réinventer, nous aimons créer et cette création est permanente. C’est ce qui nous permet de pouvoir encore sillonner le monde et d’apporter un sang neuf à la musique et à la culture dans le monde.
Q : Vous êtes un groupe qui affectionne les prestations scéniques. Comment s’est passée la vie de Daaraj Family pendant ce coups d’arrêt causé par la Covid 19 ?
Faada Freddy : Ce n’était pas facile mais on a essayé, grâce à la technologie, de faire des shows digitaux. Moi qui ne suis pas fan de nouvelles technologies telles que les portables et autres (rires), je me suis rendu compte qu’il était nécessaire de m’orienter vers ces alternatives pour rester en contact avec notre public qui était confiné. Et pour beaucoup d’artistes, c’était un arrêt définitif parce qu’ils n’avaient plus de revenus vu qu’au niveau de l’organisation, nous ne sommes pas intermittents de spectacle. Et les subventions allouées à la culture sont assez hasardeuses.
“Il y a moins de créativité dans la scène hip-hop…”
Q : Vous êtes l’un des pionniers du mouvement hip-hop sénégalais et même en Afrique francophone. Que pensez-vous de son évolution au Sénégal ?
Ndongo D : Quand j’écoute un peu tout ce qui se fait, je me rends compte qu’il y a moins de créativité, il y a moins d’âme. Les artistes sont désormais beaucoup plus dans les calculs, la recherche des vues. Mais en tant qu’artiste, je me dis que l’on doit toujours rester créatif même si on est régi par les marchés. Néanmoins, c’est une belle évolution, il y a beaucoup plus d’artistes et la demande est de plus en plus grande.
Q : Pour vous, l’esprit du hip-hop se meurt ?
Ndongo D : Oui, avant, on parlait des bases du hip-hop, de la culture, d’unité, on parlait de la conscience politique. Même s’il existe encore des artistes qui appliquent ces principes mais ils le sont de moins en moins. Un exemple, de plus en plus de morceaux durent moins de 3 minutes, les gens font des formats qui sont adaptés aux réseaux sociaux. Une pratique qui donne l’impression que les gens ont moins à dire et veulent vendre plus.
Faada Freddy : Autrement dit, les artistes ne créent plus le marché mais ils subissent sa loi.
Q : Ils s’adaptent aux réalités du moment…
Faada Freddy : Non, c’est pire que ça. Ils se déshumanisent et ne vont plus dans le fond de leurs pensées car, ils sont contraints par des limites de temps.
Q : Quels conseils donnez-vous à la nouvelle génération de rappeurs sénégalais ?
Faada Freddy : Je pense que la nouvelle scène a quelque chose de puissant qu’ils doivent développer et ils ne doivent pas tomber dans le piège de la suffisance. Ils ont encore du pain sur la planche, parce que nous, quand on part en tournée, on voit beaucoup de sonorités maliennes et autres et moins d’artistes sénégalais. C’est une frustration pour nous. Je les encourage à faire de la recherche musicale et surtout à apprendre. Comme je l’ai dit tantôt, le Sénégal a besoin d’artistes créatifs et pas que d’artistes qui subissent l’industrie.
Q : Que pensez-vous des artistes tels que Ash the best et Obree Daman ?
Faada Freddy : Nous les avons déjà invités sur scène et nous avons fait une belle prestation. Je pense qu’on peut leur faire confiance et nous leur souhaitons d’avoir tout ce que nous avons eu dans la musique et même au-delà. Mais il faut qu’ils continuent à travailler et à se dire que rien n’est acquis.
Q : Quels sont vos projets futurs ?
Ndongo D : C’est déjà le futur (rires). Plus sérieusement, on a tellement de chantiers aujourd’hui, que l’on ne pourrait pas dire exactement ce que nous préparons. Mais, sachez que nous travaillons à maintenir un bon écosystème de la musique sénégalaise et de continuer à promouvoir la culture africaine au-delà de nos frontières.