Quatre années après les premières négociations pour la mise en place d'un bloc commercial, 53 pays sur les 55 ont signé l'accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), la plus grande du genre depuis la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1994. Le lancement a été effectif lors du sommet l'UA, ce dimanche 7 juillet à Niamey, la capitale du Niger. Une rencontre historique marquée par l'entrée officielle de la ZLECA dans sa phase opérationnelle, mais aussi l'adhésion des derniers récalcitrants à savoir le Bénin et le Nigeria ainsi que l'établissement du siège et du Secrétariat de l'organisation à Accra au Ghana.
La ZLEC devrait contribuer à libérer le potentiel économique de l'Afrique en stimulant le commerce intra-régional, en renforçant les chaînes d'approvisionnement et en diffusant le savoir-faire. Selon le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi, actuel président en exercice de l'Union africaine, qui s'est exprimé lors de la cérémonie d'ouverture du sommet extraordinaire de Niamey, «Les yeux du monde sont tournés vers l'Afrique». Il a estimé que l'accord va renforcer la position de négociation africaine sur la scène internationale. Une opportunité très attendue, sachant que le commerce intra-africain a représenté 17% des exportations en 2017, contre 59% en Asie et 69% en Europe, à cause d'une faible intégration économique des blocs régionaux.
Préalables au succès de la ZLECA
Pour rendre effective et opérationnelle la ZLECA, les Etats devraient cependant se pencher davantage sur les bénéfices et les coûts de sa mise en œuvre sur les entreprises et l'économie africaine de manière générale. Aussi, la création de la ZLECA a été faite dans un contexte d'absence de monnaie unique et de véritables zones de libre-échange au sein des blocs régionaux que les Etats doivent favoriser.
Le Continent comporte déjà plusieurs zones commerciales concurrentes qui se chevauchent -CEDEAO à l'ouest, EAC à l'est, SADC au sud et COMESA à l'est et au sud. Des blocs régionaux caractérisés par de faibles échanges ainsi que de nombreuses et diverses monnaies.
Autres facteurs défavorables à la réussite de la ZLECA, la faiblesse de l'industrialisation, le manque d'infrastructures et de diversification des produits commercialisés sur le Continent. Ce qui rendra inévitable une rude concurrence. Les économistes affirment que d'importants défis subsistent, notamment des liaisons routières et ferroviaires médiocres, de vastes zones de troubles, une bureaucratie excessive aux frontières et la petite corruption qui ont freiné la croissance et l'intégration.
Une Afrique à plusieurs vitesses
Par ailleurs, quelques études préalables soulignent que l'accord pourrait désavantager des pays à hauts potentiels comme le Nigeria dont l'économie dépendante des recettes pétrolières est peu diversifiée. Une crainte que devraient partager d'autres économies similaires -peu industrialisées et qui cherchent à développer et à protéger leurs secteurs clés comme l'agriculture, l'élevage et l'aviculture. C'est le cas de la plupart des pays d'Afrique subsaharienne dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, la Guinée Conakry, le Niger ou encore le Gabon, le Cameroun, la RDC, la Tanzanie, l'Angola, le Ghana, le Bénin.
L'accord serait plus profitable à des économies mieux structurées, notamment l'Afrique du Sud et les pays d'Afrique du Nord dont l'Egypte, la Tunisie, le Maroc et dans une certaine mesure l'Ethiopie. L'accord devrait également prendre en compte les diversités économiques au sein du Continent. Le Nigeria, l'Égypte et l'Afrique du Sud représentent plus de 50% du PIB cumulé de l'Afrique, contre 1% de PIB pour six autres Etats insulaires par exemple.