Virilité, virginité, pesanteurs sociales…: La hantise de la nuit de noces


Rédigé le Jeudi 27 Mai 2021 à 15:30 | Lu 318 fois | 0 commentaire(s)



Occasion pour les mariés de se découvrir, d’unir leurs cœurs, leurs corps et peut-être bien plus…, la nuit de noces n’est pas qu’une entraînante lune de miel. Elle peut se transformer en lune de fiel à cause de la charge émotionnelle, des pesanteurs sociales et des appréhensions que peuvent éprouver les conjoints. Une hantise difficile à surmonter pour certains.


Virilité, virginité, pesanteurs sociales…: La hantise de la nuit de noces
« Cette nuit était vraiment éprouvante pour moi. Le stress et la peur m’étreignaient ». Cette confidence de Daba Sène, jeune femme de 21 ans mariée à l’âge de 17 ans en 2016, est assez éloquente. Cette mère d’une petite fille, a pu compter ce soir-là sur son époux. « J’étais vraiment paniquée car tout cela était nouveau pour moi. Mais il a su me rassurer et m’a aidée à franchir ce cap », affirme-t-elle, parlant de la nuit de noces.

Coumba Sow est, elle, âgée de 31 ans. Divorcée, la jeune femme n’a rien oublié de sa nuit de noces. Elle se rappelle d’une soirée riche en émotions, mais aussi d’appréhensions. « J’avais peur de la douleur et d’être une femme sans hymen. Je me posais énormément de questions avant de passer à l’acte », confie la bonne dame, « fière et soulagée d’avoir honoré » sa mère à l’issue de cette nuit fatidique. Car, considère-t-elle, « rien n’est plus estimable pour une femme que de se donner à son mari. C’est une façon de lui dire que je t’ai donné ma vie et à toi de la préserver ». Un moment de bonheur qui reste « inoubliable ».

Mariée depuis trois mois, Awa Faye Ndiaye n’a pas été moins prise de frissons. Les souvenirs de sa nuit de noces sont encore frais dans son esprit. « J’avais beaucoup d’appréhensions lors de ma nuit de noces. Je me demandais si j’allais saigner ou pas, si ça allait être douloureux. Il y avait énormément de questions qui se bousculaient dans mon esprit. J’en ai même perdu l’appétit », a avoué la trentenaire.

Elle est bien consciente de l’importance accordée à la virginité dans la société sénégalaise. « Il est clair que cela constitue une base solide pour le couple », affirme-t-elle. Cette dernière s’est préparée psychologiquement avant cette soirée par la lecture d’articles sur la question ; mais aussi par la prière. Awa a aussi souligné l’apport de son conjoint : « Mon partenaire a été d’un grand soutien dans le sens où il a su faire preuve de patience et de délicatesse ». Cette soirée est, pour la jeune femme, « sans l’ombre d’un doute, le plus beau jour » de sa vie.

Le stress des messieurs !

La nuit de noces est aussi source d’angoisses pour les hommes. La question de la virginité oppresse les femmes, celle de la virilité hante les mâles. « J’avais des craintes car c’était la première fois que je me retrouvais avec une femme seule, dans une parfaite intimité», a confié Pape Fall. Gérant d’un multiservices, le jeune homme de 27 ans est marié depuis deux ans. Cette nuit-là, le Diourbellois a su faire fi de ses appréhensions. « Je me devais de gérer la situation afin de rassurer ma femme », narre-t-il, heureux qu’il y ait eu « plus de peur que de mal ». Et à la fin, il était « fier de sa femme » ! Une allégorie d’usage au lendemain de la nuit de noces.

« J’étais stressé car je craignais de ne pas être à la hauteur en tant qu’homme », a déclaré, sans détour, Modou Fall. Le jeune bijoutier, âgé de 30 ans, avait beaucoup papoté avec des amis quelques jours avant le mariage. Et cela n’a pas dissipé ses vagues craintes. « Je voulais en savoir plus, mais cela n’a fait qu’augmenter mon stress », dit-il, sourire en coin. Néanmoins, sa nuit de noces s’est bien passée. « J’ai fait quelques invocations avant de passer à l’acte et cela m’a rassuré et a apaisé mon épouse ».

APHRODISIAQUES, LITANIES…

Les hommes ont leurs astuces

Durant son adolescence, Pape Demba a connu beaucoup de filles et s’est même permis de franchir certaines limites. Une habitude qui ne l’a pas empêché d’être stressé à l’approche de la nuit nuptiale. « Le fait de savoir que tout le monde savait déjà ce qui allait se passer cette nuit avec mon épouse, m’a mis très mal à l’aise. J’avais envie de sortir de la maison en attendant l’heure fatidique. Mais, en même temps, je ne voulais pas donner l’impression de quelqu’un qui ne se faisait pas confiance », se souvient-il. Conscient qu’il n’avait pas le choix, Pape Demba décide de se préparer. Clous de girofle, lauriers, miel, tout y passe. « C’était comme un défi dans ma tête. Je n’avais pas le droit de ne pas être performant », ironise-t-il.

Ousseynou redoutait également cette nuit, parce que dans son village, il existe des pratiques consistant pour certains à « rendre le mari impuissant » pendant la nuit de noces. Pour un homme, dit-il, c’est un affront qu’il sera difficile de laver. « J’ai été obligé, soutient-il, de solliciter les services d’un marabout. Mais tout s’est bien passé ».

ENLÈVEMENT SIMULÉ, ESCAPADE…

La parade des jeunes couples

Alors qu’elle venait de recevoir ses cadeaux, N. K. disparaît subitement. Ce n’est que deux jours plus tard qu’elle donnera de ses nouvelles. Elle était quelque part sur la Petite Côte avec son mari. Ils y passeront une semaine de rêve. C’est son mari qui explique les péripéties de « cet enlèvement simulé ». « Je savais qu’elle n’était pas vierge, mais puisque sa famille accordait une grande importance à la virginité, il fallait trouver une solution. C’est d’ailleurs une de ses cousines qui a tout planifié », se souvient-il.

« Nous savions que ça allait faire grincer des dents ; mais comparé au déshonneur que constituerait le fait de savoir qu’elle n’était pas vierge, ça en valait la peine », tente-t-il de justifier. Et pour camoufler le tout, après la semaine de noces, le mari offre beaucoup de cadeaux à sa dulcinée que sa cousine, pourtant au cœur de « l’enlèvement simulé », a livrés à sa belle-famille. « Certains l’ont mal pris, mais ce qui importait pour nous, c’est de sauver l’honneur d’une pauvre fille et nous l’avons réussi. C’était vital pour sa famille qui, malgré la modernité, reste attachée à certaines valeurs », souligne-t-il. La figure de la tante, qui disparaît de plus en plus du cercle familial, était d’un apport considérable dans la gestion de ces instants chargés d’émotions.

PRÉPARATION PSYCHOLOGIQUE

Une nuit de preuves et d’épreuves

Pour la psychologue clinicienne, Dr. Khadidiatou Konaré Dembélé, la nuit de noces est vécue de diverses manières selon les femmes. « Chez certaines, qui ont eu à subir des abus sexuels, le traumatisme peut resurgir car faisant revivre une expérience plus que douloureuse. Pour celles qui ont subi des mutilations génitales, cela peut réveiller une autre maltraitance car souvent il faut créer une ouverture à vif et demander des relations sexuelles sur le champ pour que cela ne se referme », explique-t-elle.

Mme Dembélé soutient que cette nuit n’est pas seulement celle de la novice. Elle est souvent le moyen de prouver à toute une communauté, qu’elle a su respecter les préceptes de sa famille et lui faire honneur. Ces pressions peuvent créer, d’après la spécialiste, une surcharge émotionnelle et peuvent contribuer à faire de la nuit de noces, un cauchemar pour la mariée. L’époux est aussi sous pression et doit faire ses preuves.

« Il peut tout aussi stresser car étant un homme. Il doit de facto réussir. Ce qui va créer une surcharge psychologique et le pousser à moins prendre son temps. Il sera préoccupé à s’acquitter de son devoir, car il ne lui est permis aucune erreur, encore moins une hésitation. D’autant plus que la fille s’attend souvent à ce qu’il mène la danse », a fait savoir la psychologue, qui préconise de chercher la bonne information.

« Il faut aller voir, si possible, des personnes ayant une expérience positive de ce moment. Ce qui donnera aux conjoints la bonne information et leur permettra surtout d’éviter les potins du village ». Aussi, recommande-t-elle aux conjoints, de toujours parler de ce moment et de le vivre, autant que possible, à leur rythme, avec moins de pression.






Soleil


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