Loveth, Nigériane : « Une fois à Paris, j’ai découvert qu’il fallait que je me prostitue pour payer mes passeurs »
Loveth Aibangbee, 30 ans, a quitté le Nigeria dans l’espoir de trouver un meilleur avenir en Europe où « l’argent coule à flots », selon les promesses de ses passeurs. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’elle était aux prises d’un réseau de prostitution qui l’a forcé à travailler dans la rue, à Paris, pendant cinq ans. Elle livre son témoignage à InfoMigrants.
J’ai quitté le Nigeria car je n’avais pas d’avenir et que la situation y est très difficile. L’idée était de partir pour pouvoir envoyer de l’argent à ma famille restée sur place. J’ai rencontré une femme qui disait vouloir m’aider à venir en France contre la somme de 40 000 euros. On vous dit qu’en Europe vous aurez de l’argent facilement, mais on ne vous dit pas comment.
Je suis donc arrivée en France en 2010, mais pour payer ceux qui m’ont fait venir, j’ai découvert qu’il fallait que je travaille comme prostituée dans la rue, dans le quartier Château rouge à Paris avec toutes les autres Nigérianes. Cela a duré cinq ans. C’était horrible. Je me souviens que l’un de mes premiers clients m’a emmené dans un hôtel, m’a forcé à coucher avec lui puis il m’a battu. J’avais des blessures sur tout le corps. J’ai voulu prévenir la police mais on m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire car je n’avais pas de papiers.
Il faut savoir qu’avant même de partir du Nigeria, on vous raconte toutes sortes d’histoires, on vous bourre le crâne en vous faisant croire que les [proxénètes] sont là pour vous aider. Ils vous induisent en erreur en disant de ne surtout pas aller parler à la police ou à des associations, qu’on ne peut faire confiance à personne à part eux. J’étais vraiment seule à mon arrivée. Je n’avais personne à qui parler car vous suspectez tout le monde d’être de la police.
J’ai dû trouver des solutions pour me faire avorter plusieurs fois
Je suis tombée enceinte plusieurs fois à cause de mon travail, j’ai dû trouver des solutions pour me faire avorter. J’ai tellement souffert que j’ai fini par avoir un déclic lors de mon dernier avortement et à comprendre que je ne pouvais plus être une esclave. J’ai donc pris la décision de quitter la rue pour ma propre survie. C’est là que j’ai rencontré les gens de l’association le Bus de femmes et ils m’ont aidé à m’en sortir. J’ai même commencé à les aider pour sensibiliser les Nigérianes de Château rouge et désormais je travaille pour l’association.
Aujourd’hui je suis heureuse, j’ai une bonne vie, mais je suis une exception parmi les femmes nigérianes d’ici. Je sais que les gens souffrent au Nigeria, mais ils doivent croire en eux-mêmes pour réussir là-bas, ils n’auront pas plus de succès en partant. Il faut arrêter de croire qu’en Europe l’argent coule à flots. Mon conseil pour toutes les femmes nigérianes qui ont été désespérées comme moi c’est d’aller à l’école, de s’instruire et de mieux s’informer.
Pour celles qui sont déjà à Paris -et il y a de plus en plus de jeunes filles mineures depuis que la crise en Libye s’est intensifiée- une solution qui pourrait être efficace serait de mener un travail d’identification des victimes. Mais à l’heure actuelle, la police est aux abonnés absents, elle n’est pas active lorsqu’il s’agit des femmes nigérianes, pourtant elle connaît bien le problème.
Loveth Aibangbee, 30 ans, a quitté le Nigeria dans l’espoir de trouver un meilleur avenir en Europe où « l’argent coule à flots », selon les promesses de ses passeurs. Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’elle était aux prises d’un réseau de prostitution qui l’a forcé à travailler dans la rue, à Paris, pendant cinq ans. Elle livre son témoignage à InfoMigrants.
J’ai quitté le Nigeria car je n’avais pas d’avenir et que la situation y est très difficile. L’idée était de partir pour pouvoir envoyer de l’argent à ma famille restée sur place. J’ai rencontré une femme qui disait vouloir m’aider à venir en France contre la somme de 40 000 euros. On vous dit qu’en Europe vous aurez de l’argent facilement, mais on ne vous dit pas comment.
Je suis donc arrivée en France en 2010, mais pour payer ceux qui m’ont fait venir, j’ai découvert qu’il fallait que je travaille comme prostituée dans la rue, dans le quartier Château rouge à Paris avec toutes les autres Nigérianes. Cela a duré cinq ans. C’était horrible. Je me souviens que l’un de mes premiers clients m’a emmené dans un hôtel, m’a forcé à coucher avec lui puis il m’a battu. J’avais des blessures sur tout le corps. J’ai voulu prévenir la police mais on m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire car je n’avais pas de papiers.
Il faut savoir qu’avant même de partir du Nigeria, on vous raconte toutes sortes d’histoires, on vous bourre le crâne en vous faisant croire que les [proxénètes] sont là pour vous aider. Ils vous induisent en erreur en disant de ne surtout pas aller parler à la police ou à des associations, qu’on ne peut faire confiance à personne à part eux. J’étais vraiment seule à mon arrivée. Je n’avais personne à qui parler car vous suspectez tout le monde d’être de la police.
J’ai dû trouver des solutions pour me faire avorter plusieurs fois
Je suis tombée enceinte plusieurs fois à cause de mon travail, j’ai dû trouver des solutions pour me faire avorter. J’ai tellement souffert que j’ai fini par avoir un déclic lors de mon dernier avortement et à comprendre que je ne pouvais plus être une esclave. J’ai donc pris la décision de quitter la rue pour ma propre survie. C’est là que j’ai rencontré les gens de l’association le Bus de femmes et ils m’ont aidé à m’en sortir. J’ai même commencé à les aider pour sensibiliser les Nigérianes de Château rouge et désormais je travaille pour l’association.
Aujourd’hui je suis heureuse, j’ai une bonne vie, mais je suis une exception parmi les femmes nigérianes d’ici. Je sais que les gens souffrent au Nigeria, mais ils doivent croire en eux-mêmes pour réussir là-bas, ils n’auront pas plus de succès en partant. Il faut arrêter de croire qu’en Europe l’argent coule à flots. Mon conseil pour toutes les femmes nigérianes qui ont été désespérées comme moi c’est d’aller à l’école, de s’instruire et de mieux s’informer.
Pour celles qui sont déjà à Paris -et il y a de plus en plus de jeunes filles mineures depuis que la crise en Libye s’est intensifiée- une solution qui pourrait être efficace serait de mener un travail d’identification des victimes. Mais à l’heure actuelle, la police est aux abonnés absents, elle n’est pas active lorsqu’il s’agit des femmes nigérianes, pourtant elle connaît bien le problème.
Loveth Aibangbee est venue pour témoigner de la traite sexuelle des femmes nigérianes. Elle accuse aussi la France : «La France a une part de responsabilité. Sans visas, les trafiquants restent la seule option pour le voyage. Et ici, les Nigérianes se retrouvent forcées à travailler dans la rue pour payer leurs dettes : des dizaines de milliers d’euros à des organisations criminelles, qui sévissent là, en France.» (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
Le deuxième jour, vendredi, c’est Loveth Aibangbee qui parle le plus fort à la barre : «Enough is enough [« trop c’est trop »].» Elle est venue pour témoigner de la traite sexuelle des femmes nigérianes. Chacune de ses phrases est traduite par une bénévole des Amis du bus des femmes, association fondée pour et par les prostituées. A tout juste 30 ans, la jeune femme a la détermination d’une leader. Elle évacue en deux phrases son histoire dans la rue, commencée en arrivant en France il y a sept ans : «J’ai eu des clients qui ont voulu me tuer, j’ai failli mourir. J’ai appelé la police, on m’a répondu « pourquoi vous appelez ? Vous n’avez pas de papiers ».» Loveth Aibangbee veut surtout parler des autres, ces femmes qu’elle rencontre autour d’elle : «A cause de la crise au Niger et en Libye, le nombre de victimes augmente. Il y a beaucoup de mineures, des filles qui ont 12, 15 ans.» Elle accuse : «La France a une part de responsabilité. Sans visas, les trafiquants restent la seule option pour le voyage. Et ici, les Nigérianes se retrouvent forcées à travailler dans la rue pour payer leurs dettes : des dizaines de milliers d’euros à des organisations criminelles, qui sévissent là, en France.» Françoise Carrasse, de la Coalition internationale des sans-papiers et des migrants, résumera de manière lapidaire : «Pour les migrants, la France est un Etat de non-droit.»