« Tout commence aujourd’hui! », a lancé le magnat de l’immobilier dès le lever du jour sur Twitter. « LE MOUVEMENT CONTINUE, LE TRAVAIL COMMENCE ! ».
A 70 ans, sans la moindre expérience politique, diplomatique ou militaire, le milliardaire s’apprête à prendre les rênes de la première puissance mondiale sous le regard inquiet des alliés des Etats-Unis, échaudés par ses déclarations tonitruantes, parfois contradictoires.
Pour cette journée historique, Donald Trump suit la même tradition protocolaire que ses prédécesseurs. Après une nuit à Blair House, résidence réservée aux hôtes de marque située en face de la Maison Blanche, le républicain et son épouse Melania se sont rendus à l’église St John, avant d’être accueillis pour un thé à la Maison Blanche par Barack et Michelle Obama, en compagnie également du futur vice-président Mike Pence, 57 ans, et son épouse.
Dès avant l’aube, sous un ciel menaçant, des milliers d’Américains ont commencé à se rassembler sur les longues pelouses du National Mall qui font face au Capitole, où l’ancien et le nouveau présidents se rendront ensemble.
L’espoir était sincère chez ces partisans de la première heure, dont beaucoup estimaient assister au début « d’une nouvelle ère ».
« Je ne suis pas d’accord à 100% avec la façon dont (Donald Trump) s’exprime mais c’est un homme d’affaires qui a réussi et ce n’est pas un politicien », dit Miguel, 54 ans. « Je pense qu’il tiendra ses promesses ».
« Il a su faire simple pour les gens moyens, et il a réussi à rassembler les gens », dit Michael Hippolito, policier new-yorkais à la retraite, habillé de vêtements camouflages.
« Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des Etats-Unis, et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis »: peu avant midi (17H00 GMT), l’homme d’affaires prêtera serment, comme l’ont fait avant lui George Washington, Franklin D. Roosevelt ou encore John F. Kennedy.
Il a choisi pour ce faire deux Bibles: la sienne, qui lui a été offerte par sa mère en 1955, et celle d’Abraham Lincoln, sauveur de l’Union, également utilisée par Barack Obama il y a quatre ans.
– « Mes vrais cheveux » –
Après le temps de la campagne (17 mois) et celui de la transition (deux mois et demi), voici venu celui de l’exercice du pouvoir (quatre ans) pour cet ancien animateur d’une émission de téléréalité qui a promis de « rendre sa grandeur à l’Amérique » mais fait face à un pays fracturé, tant son style et ses propos, volontiers provocateurs, divisent. Il a obtenu 63 millions de voix contre les 65,8 millions d’Hillary Clinton, pourtant perdante dans le système de suffrage indirect.
« Nous allons rassembler notre pays », a-t-il promis jeudi. « Donnez une chance » à mon père, a de son côté lancé sa fille Ivanka Trump.
Des manifestations hostiles se sont déroulées jeudi soir à New York, et vendredi matin à Manille devant l’ambassade américaine. D’autres étaient attendues vendredi à Prague, Bruxelles, Berlin ou Londres.
A Washington, dans le centre-ville, des manifestants antiracistes, féministes ou autres faisaient face à la police et aux supporteurs du milliardaire, aux cris de « Non à Trump, non au KKK, non aux Etats-Unis fascistes ! »
Dans une journée chargée en rituels dont l’Amérique est friande, le 45e président de l’histoire américaine prononcera un discours d’investiture moins en forme de programme que de « vision », assure son entourage.
La pluie, annoncée pour le milieu de journée, n’effrayait pas l’homme d’affaires à la surprenante coiffure, source d’intenses spéculations: « Ce n’est pas un problème: les gens réaliseront que ce sont mes vrais cheveux », a-t-il lancé jeudi soir amusé.
La cérémonie, qui sera suivie en direct à travers le monde, aura un goût de revanche pour l’homme d’affaires dont l’annonce de candidature avait été accueillie par des ricanements, chez les républicains comme chez les démocrates.
– Amérique divisée –
Son équipe annonce pour le début de la semaine prochaine une série de décrets visant à défaire une partie du bilan de son prédécesseur démocrate (climat, immigration…) et à ébaucher le sien. Il pourrait en signer quelques-uns dès vendredi.
La tâche s’annonce ardue pour l’auteur du best-seller « The Art of the Deal », qui a promis, avec un sens de la formule qui enchante ses partisans et consterne ses détracteurs, d’être « le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ».
La constitution de ses équipes a été difficile tant la victoire a pris le camp républicain par surprise. Les premières semaines pourraient être chaotiques.
Et jamais depuis 40 ans un président américain n’avait pris le pouvoir avec un niveau d’impopularité aussi élevé.
Ceux qui espéraient que la fonction change l’homme ont été déçus.
Sur Twitter, le septuagénaire continue de régler quotidiennement ses comptes avec ceux qui le critiquent.
« Il semble vouloir se battre contre tous les moulins à vent de la terre plutôt que de se concentrer sur le fait d’endosser le poste le plus important au monde », a résumé d’une formule assassine le sénateur républicain John McCain.
Résultat, l’opposition démocrate fourbit ses armes, et des dizaines d’élus boycotteront la cérémonie.
– Obama en vacances –
Sur la scène internationale, le bouillant promoteur immobilier a déjà décoché ses flèches à l’encontre de la Chine, de l’Otan ou encore de la chancelière allemande Angela Merkel.
Or c’est sur ce front que son mandat à venir suscite les plus grandes interrogations. Les dirigeants de la planète s’interrogent sur la valeur exacte à accorder à ses déclarations quand les responsables qu’il a nommés à la diplomatie ou au Pentagone prennent des positions apparemment inverses, comme sur la Russie de Vladimir Poutine ou l’accord nucléaire iranien.
Juste après la cérémonie, Barack Obama, 55 ans, s’envolera directement vers la Californie pour ses premières vacances d’ex-président.
Après huit années au pouvoir, le président démocrate qui a surmonté une crise économique et financière menaçant de tout emporter sur son passage a indiqué qu’il entendait rester à l’écart de la « mêlée » pour laisser son successeur gouverner, mais à condition de ne pas franchir certaines lignes rouges.
« Je ne m’arrêterai pas; je resterai là avec vous, en tant que citoyen », a écrit Barack Obama sur Twitter, l’un de ses derniers tweets sous le compte @Potus.