Aimée au Burkina, adulée au Cameroun, admirée au Maroc, Rokhaya Niang est pourtant peu connue au Sénégal où elle est née et a grandi. Cette actrice de talent a joué dans plus d’une vingtaine de films de réalisateurs africains, ce qui lui a valu sa renommée. Présente au 25e Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), elle s’est confiée à EnQuête. Entretien !
Comment êtes-vous devenue actrice ?
C’était mon rêve. Quand je regardais les films américains ou africains, je me disais que je veux faire ce que font ces acteurs. Quand je regardais maman Isseu Niang, Awa Sène Sarr, Marième Kaba etc, j’avais beaucoup d’admiration pour elles. J’aimais ce qu’elles faisaient. Je pratiquais les arts martiaux et en regardant les films asiatiques, je me disais que ce serait bien que je fasse cela un jour. Alors, c’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé un jour grâce à Mansour Sora Wade (ndlr réalisateur sénégalais).
Comment avez-vous eu votre premier rôle ?
Je suis élancée et mince et un ami trouvait que je devais être mannequin. Cela ne m’intéressait pas au début, après j’ai dit oui. Il m’a pris dans son agence. Un jour, Mansour y est venu pour chercher une fille de teint noir et élancée. Il en avait choisi sept et je ne faisais pas partie de sa sélection. C’est en quittant l’Agence qu’il m’a regardée et m’a demandé de venir le lendemain à Blaise Senghor où se tenait le casting du film. C’était la première fois que je participais à un casting. J’ai fait la queue et quand mon tour est arrivé, j’y suis allée. On m’a appelée après pour me dire que c’est moi qui ai été choisie. Au cours du casting, quand on m’a dit le texte à interpréter, j’ai commencé et après, j’ai arrêté. J’ai dit à Mansour de me donner le temps de m’imprégner du texte.
Je suis restée dans un coin mais au même moment, la caméra continuait de me prendre. Après cela, j’ai eu le rôle. Hubert est venu par la suite à Dakar pour m’aider à mieux entrer dans le personnage. Il y avait à mes côtés Père Doss (Ndrl : feu Thierno Ndiaye) qui m’a beaucoup soutenue à l’époque en me donnant plein de conseils. Le film a été tourné à Djiffer. Quand je suis arrivée sur les lieux du tournage, j’ai frappé à toutes les portes. J’ai dit aux uns et aux autres que j’étais une jeune actrice qui ne savait pas grand-chose du monde du cinéma. A tous, j’ai demandé de me conseiller et corriger quand il le fallait, que je leur en donnais la latitude. Ils m’ont dit que c’était la première fois qu’ils voyaient ça. Souvent, les comédiennes qui tournaient avec eux ne parlaient presque jamais aux techniciens sénégalais, mais plutôt à ceux étrangers. Je leur ai dit que ce n’était pas mon cas. Moi, je suis une Sénégalaise et sur tous les lieux de tournage, les Sénégalais sont mes parents, ma famille. Je peux toujours compter sur eux quoi qu’il arrive. Jusque-là, cela m’a réussi partout où je vais.
Pour votre premier rôle, vous avez joué aux côté de grands noms du cinéma africain comme feu Nar Sène et feu James Campbell, que retenez-vous d’eux ?
Le fait de jouer aux côtés de ces icônes a été une grande chance pour moi. Je dis souvent aux plus jeunes que moi, ma chance est d’avoir côtoyé les aînés. Des gens auprès de qui j’ai beaucoup appris. Nar Sène et James Campbell étaient des artistes de renommée internationale. J’ai eu la chance également de travailler aux côtés de maman Dieynaba Niang, de Papa Doss qui avaient joué dans beaucoup de films. J’ai appris beaucoup de choses avec ces acteurs. Je continue aujourd’hui de suivre les conseils d’Hubert Koundé (ndlr acteur réalisateur franco-béninois). Après ‘’Le prix du pardon’’ qui a eu un gros succès, je suis allée à Paris. Hubert m’a dit : ‘’Rokhaya, tu as beaucoup de talent, ce serait dommage que tu restes en Europe parce que tu n’y feras pas la carrière qu’il faut. Retourne en Afrique, ta place y est.’’ J’ai suivi son conseil et je ne le regrette pas aujourd’hui.
Madame Brouette vous a aidé à vous faire découvrir hors des frontières africaines. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Ce fut une très belle expérience. Moussa (ndlr Moussa Sène Absa, réalisateur sénégalais) m’avait choisi pour un rôle dans ‘’Le prix du pardon’’. Il a fait son casting pendant 4 mois, à Dakar, Thiès, etc. Donc, il a cherché son actrice principale pendant tout ce temps et partout en vain. Un jour, il m’a appelée et m’a demandé si j’étais disponible. Je lui ai dit oui. A ce moment, il avait déjà trouvé la petite actrice qui devait être ma fille, celle qui devait être ma copine dans le film, Ndakhté et Nago. Il ne lui manquait que Maty, c’est-à-dire le personnage que je devais interpréter.
La veille de notre rencontre, il m’a envoyé le scénario. Le jour j quand je suis arrivée, il y avait l’essentiel des acteurs. On a fait deux ou trois scènes et Moussa est monté dire à la productrice que le rôle était à moi. C’était à une semaine du tournage. Mais quand j’ai lu le scénario, je suis venue lui dire : ‘’Grand, il y a des choses qui clochent. Je ne pourrai pas faire certaines scènes’’. Il m’a dit : ‘’Je te considère comme ma petite sœur. Je ne vais pas te demander de faire des choses qui te feront baisser la tête en marchant dans la rue. Rassure-toi’’. Il a tenu parole et je n’ai pas regretté d’avoir fait ce film même si le tournage était très, très dur. Le film reposait sur moi et on tournait du lundi au samedi. On n’avait que le dimanche. Comme toujours, les gens étaient derrière moi et m’ont encadrée.
Il y a une série qui passait au Cameroun ‘’Aïssa’’ dans laquelle vous aviez le rôle principal. Du Sénégal au Cameroun, cela s’est passé comment ?
J’y jouais le rôle d’une maman et j’avais comme partenaire le Tchadien Youssouph Diawara. J’avais une fille qui était camerounaise et la fille de mon mari était d’origine togolaise. Le casting était panafricain. C’était une belle expérience.
Comment vivez-vous votre notoriété en Afrique ?
Je me considère comme une Africaine. Je ne connais pas les barrières, les frontières. Je tourne presque partout en Afrique. D’ailleurs à partir de ce 9 mars, je serai au Maroc pour tourner un film. Je serai à Casa, Ouarzazat, Rabat avant de revenir à Dakar où certaines scènes seront prises.
On vous connaît et vous reconnaît mieux à l’étranger qu’à Dakar, cela ne vous frustre pas ?
Je me dis qu’au Sénégal, si les gens ne me connaissent pas si bien que ça, c’est à cause du manque de salles de cinéma. Les gens ne voient presque pas de films africains et suivent les séries télévisuelles. Ils ne connaissent que les gens qu’ils voient à la télé. Ce sont ces acteurs qui sont les stars. Quand je sors et qu’à mes côtés il y a un de ceux-là qu’on montre dans les séries télévisuelles, les gens se bousculent pour le voir. Ce sont eux les stars. Je suis connue partout en Afrique sauf au Sénégal.
Au Burkina, quand je marche, souvent les gens veulent prendre des photos avec moi. En 2003, je suis venue au Fespaco avec deux films ‘’Madame Brouette’’ et ‘’Le prix du pardon’’ qui ont cartonné. Les gens ont du respect pour moi. Je suis bien accueillie ici. Et les gens m’aiment beaucoup. Quand il y a eu une fête pour rendre hommage aux célébrités africaines, ma grande sœur Georgette m’a mise sur la liste. J’ai déjà eu un prix de la meilleure interprétation féminine. Au Sénégal, peut-être qu’il n’y a que les gens qui connaissent le cinéma et qui s’y intéressent qui me connaissent.
Vous tournez plus à l’extérieur parce que vous coûtez cher ou parce que vous ne tapez plus dans l’œil des réalisateurs sénégalais ?
Non pas du tout. Les gens préfèrent souvent tourner avec leurs amis. Des fois, je viens pour participer à un casting et le réalisateur me dit : j’ai demandé après toi et on m’a dit que tu n’étais pas au Sénégal. Il y a aussi le fait que quand on tourne avec certains réalisateurs, d’autres se disent que cette actrice doit coûter cher et ne viennent pas te voir. Comme on dit souvent, en Afrique, on n’aime pas les têtes d’affiche. Pourtant, c’est important d’en avoir parce que cela permet de vendre le film.
Cette année au Fespaco, vous êtes venue avec un film ‘’La forêt du Niolo’’. Ceux qui vous connaissent disent que vous vous êtes surpassée dans ce film ?
Merci, cela prouve au moins que je suis en train de progresser. Quand on choisit un métier, il faut se donner à fond et apprendre des choses sur ce que l’on fait au quotidien. Je participe à des stages et des ateliers pour me parfaire. Dans mon métier, on apprend tous les jours de nouvelles choses. J’ai fait 19 ans de carrière mais je considère que je n’ai encore rien fait dans le cinéma. Le scénario de la forêt du Niolo est fort. C’est un beau sujet. On parle des problèmes environnementaux. On se doit tous de protéger l’environnement.
Quand Adama (ndlr Adama Roamba réalisateur burkinabé) a fait appel à moi, j’ai vu qu’il y avait Papa Gérard Essomba et Kassoungué du Mali. C’était une nouvelle expérience. J’aime bien côtoyer aussi mes aînés. Ces acteurs m’ont épaulée. L’équipe technique burkinabé m’a accueillie à bras ouverts et m’a beaucoup aidée. Vous tous êtes satisfaits de mon interprétation. Moi, je ne suis jamais contente de mes films. Je me dis toujours que je pouvais mieux faire. Pour ce film-ci, il y avait beaucoup de problèmes. Le budget n’était pas bouclé. Adama n’a eu que le soutien de son pays. Finir le film a été difficile. Il a hésité à venir au Fespaco parce que le film n’était pas fini. Il est tombé malade à quelques jours du Fespaco et c’est sa femme qui a dû aller à Paris pour les derniers réglages techniques. Pour vous dire que la version montrée au Fespaco ne satisfait pas le réalisateur qui compte reprendre le montage.
Est-il facile d’être actrice ?
Ce n’est pas facile du tout. Mais comme je dis souvent à mes petites sœurs, il faut un fort caractère pour évoluer dans ce milieu. On est dans un monde vicieux. Beaucoup de gens viennent vers les actrices avec des propositions pas correctes. Certains viennent te dire qu’ils ont un scénario et vont te donner le premier rôle. Si tu es pressée, tu t’embarques dans son jeu sans réfléchir. Si tu ne fais pas attention, tu ne feras jamais carrière. Il faut savoir se faire respecter, avoir une bonne hygiène de vie. Il faut aussi de la passion pour faire du cinéma, aimer ce que l’on fait. Il faut également de la patience. On peut rester 2 à 3 ans sans faire un long métrage. Dans ces cas-là, il faut avoir de la passion et de la patience pour s’en sortir.
Ce métier est-il si prenant qu’il vous empêche d’avoir un mari ?
Parfois, on a des propositions mais ce sont des propositions de gens qui te demandent d’arrêter le métier. Moi, je ne pourrais jamais faire cela. Le cinéma est en moi. Je ne peux pas arrêter ce métier. Le mariage est bien beau. Je veux bien me marier, fonder une famille, avoir des enfants, etc. Mais avec mon métier, j’ai besoin d’un homme qui me soutient. Cela nous arrive de travailler des fois sur un scénario et que cela soit très difficile. On pleure même bien des fois en se demandant pourquoi avoir accepté ce rôle. Des moments difficiles, on en traverse beaucoup. Pendant ces périodes, on en veut à tous et on ne veut même de ce qu’on fait.
Un jour, Papa Doss m’avait dit ça. Il m’a dit : ‘’Ma fille, un jour tu pleureras en te demandant pourquoi avoir choisi tel rôle ou simplement ce métier.’’ Je l’ai vérifié à mes dépens. Lors d’un tournage au Maroc, je devais marcher sur la neige. Je n’avais pas les chaussures adéquates et à peine a-t-on commencé à tourner qu’il y a eu des problèmes techniques. Notre chef opérateur m’a demandé de ne pas bouger et de rester sur la neige pour éviter qu’il y ait des marques de pas dessus. Je me suis tenue debout pendant 20 minutes avant que l’on ne recommence à filmer. J’avais les pieds gelés. Des qu’on a fini avec la scène, j’avais les larmes aux yeux tellement j’avais mal. Après de telles choses, on a besoin d’une épaule où se reposer et de mots réconfortants. Donc, ce n’est pas que les actrices ne veulent pas se marier. On veut bien mais il nous faut des hommes compréhensifs.
BIGUE BOB (de retour de Ouagadougou)
enqueteplus.com Publié le 9 Mar 2017
Elle pourrait bien être la femme chantée dans les poèmes de Senghor. Peau d’ébène, galbe harmonieuse et, en sus, des centimètres sous la toise à faire pâlir de jalousie Naomi Campbell. Malgré ses atouts et ses atours naturels, Rokhaya Niang ne fréquente pas les podiums de mode. Son podium à elle, c’est celui du cinéma, qu’elle arpente depuis 1998. Elle est l’étoile montante du 7e art sénégalais. Rewmi s’est glissé dans son antre, quelque part dans Dakar. Effluves enivrants d’encens et de parfum haut de gamme : il fleure bon chez Rokhaya. Bien à l’aise dans son sofa, l’invité du jour de «Recto Verso» se dévoile : carrière d’actrice, avis sur le cinéma sénégalais, l’affiche de ses rêves et l’homme qu’elle attend… Entretien.
Racontez-nous vos premiers pas sur le grand écran ?
J’ai fait mes premiers au cinéma avec le film de Mansour Sora Wade Le prix du Pardon. Un jour, alors que j’étais dans un défilé, Mansour est venu, avec deux de ses producteurs. Ils cherchaient une fille élancée de teint noir. Quand on s’est croisé, ils avaient déjà fini de choisir les filles qu’ils voulaient auditionner. C’est après le choix de ces filles qu’ils m’ont vue et m’ont demandé de participer au casting, qui devait se tenir le mercredi suivant, au centre culturel Blaise Senghor. Le jour du casting, grande surprise : il y avait du monde qui voulait se faire auditionner. Finalement, je faisais partie des 10 à qui on avait demandé de revenir le samedi, pour une séance de maquillage et quelques scènes-test. Durant l’une des scènes, qui représentait un des moments forts du film, j’ai demandé qu’on me laisse le temps pour m’imprégner du rôle. Pendant que j’essayais d’entrer dans la peau du personnage, la caméra avait continué de tourner. Apres le casting, je suis rentrée tranquillement, sans me soucier de la suite. Et c’est une semaine après que j’ai appris que j’étais retenue pour le rôle. Une chance qui m’a permis de travailler avec des professionnels du cinéma, qui m’ont beaucoup aidé.
Qui sont ces professionnels du cinéma dont vous parlez et qu’est-ce qu’ils vous ont apporté concrètement ?
Hubert Coundé, Feux Nare Séne, James Campbell, Dieynaba Niang et Thierno Ndiaye Doss. Les premiers jours étaient difficiles pour la novice que j’étais. J’avais du mal devant le monde qu’il y avait autour de moi lors des tournages. Le cinéma, ce n’est pas comme la télévision. Dans un film, il y a toute une équipe de tournage, les décorateurs, les techniciens, etc. Les premières semaines ont été difficiles, mais je m’en suis sortie, grâce aux techniciens qui m’avaient pris sous leurs ailes. Je leurs avais expliqué que je venais de commencer le cinéma et qu’il fallait qu’ils me rectifient, quand ils sentaient que ça n’allait pas.
«Le cinéma peut rapporter gros, malheureusement, les Sénégalais ne le savent pas. Ils préfèrent investir dans des immeubles»
Comment trouvez-vous le cinéma sénégalais actuellement ?
Ce n’est pas seulement le cinéma sénégalais, mais celle de l’Afrique noire qui est malade. Une maladie causée par la crise économique. Maintenant, le cinéma n’a plus de financement. Avant, les Européens et les Canadiens finançaient notre cinéma. Maintenant, il n’y a plus cet argent. Il n’existe plus de salles de cinéma. Ce qui fait que les films qui sortent, on ne les voit pas. Normalement, quand un film sort, il doit rester à l’affiche 2 ou 3 semaines. Pour un film africain, avec l’absence des salles, on fait juste l’avant-première et puis c’est fini. Après, c’est soit au centre culturel français qu’on peut voir le film ou 2 ans après, à la télévision. Heureusement que le Grand Théâtre est disponible. Et Macky Sall nous a promis 1 milliard en 2014 ; ça va redonner de l’espoir à notre cinéma. Et puis, avec l’actuel directeur du cinéma, qui abat un travail colossal, les choses sont sur la bonne voie. Si cela continue et que les budgets de production sont là, peut-être qu’en 2015, au Fespaco, nous auront 3 longs métrages qui seront titrés, et des échos. Le cinéma peut rapporter gros, malheureusement, les Sénégalais ne le savent pas. Ils ont peur du grand écran et préfèrent investir dans des immeubles.
Quel est le tournage qui vous a le plus marqué ?
Un tournage au Maroc. C’était dur pour l’Africaine que je suis, qui ne connait pas la neige. On devait traverser une forêt enneigée et les chaussures que j’avais n’étaient pas adéquates pour ce climat ; je pleurais à chaque pause et à chaque reprise. Dans ce film, on m’a aussi demandé d’entrer dans un puits. A un moment donné, je me demandais si j’arriverai à terminer le tournage. Et dans Le prix du pardon aussi, la scène où je tombais dans la mer était vraiment difficile, au point qu’après, je suis tombée malade. Mais, à un moment donné dans tous ces films, je tire ma force sur la parole donnée pour le respect du contrat. Et pourtant, un jour Thierno Ndiaye Doss m’avait dit que le métier d’acteur était très dur, qu’il fallait l’aimer pour s’en sortir. Il avait ajouté : «Un jour, tu vas pleurer, ma fille, en te disant pourquoi j’ai accepté ce scénario». Et cette prédiction, je l’ai vécue.
En 2004, vous disiez qu’une actrice ne doit pas jouer des scènes de nudité ou osées. Près de dix ans après, gardez-vous toujours cette position ?
Oui, 10 ans après, je suis du même avis. J’ai refusé des rôles qui présentaient des scènes de nudité. Les gens me l’ont reproché, arguant qu’une professionnelle ne devait pas dire cela. Je réponds toujours que l’argent est bien, mais demain, je suis appelée à avoir un mari et des enfants, et l’image reste ; elle est éternelle. Je suis catégorique sur cette question : je suis africaine et on a nos réalités.
«Je veux un rôle de chef de gang. Les femmes n’ont pas la chance d’avoir souvent ces rôles-là. Et comme le rêve est gratuit, j’aimerai partager une affiche avec Denzel Washington».
Tey d’Alain Gomis a décroché l’Etalon d’or de Yennenga. Comment avez-vous accueilli cette distinction pour un film sénégalais ?
L’Etalon de Yennenga, c’était un prix qu’on attendait depuis très longtemps. Et c’était des moments très forts pour le cinéma sénégalais. Et cette année, la mobilisation qu’il y a eu pour supporter les films sénégalais était exceptionnelle, contrairement aux autres Fespaco où chaque Sénégalais tentait de nuire au film de l’autre. Cette année, grâce à Dieu, tout le monde était uni derrière les films sénégalais en compétition et nous avons eu l’Etalon avec fierté.
Actuellement, vous êtes en tournage pour la série Garmi. Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans cette série ?
C’est un téléfilm de Cheikh Diallo, un jeune qui m’apprécie beaucoup. Dans la série, je viens pour me venger d’un monsieur qui a tué mon père et l’a dépouillé de tous ses biens.
Quel rôle vous fait rêver ?
Je veux un rôle de femme forte, de chef de gang. Je reproche toujours aux scénaristes d’écrire pour les hommes. Les femmes n’ont pas la chance d’avoir souvent ces rôles-là. Ce sont toujours les hommes qui sont devant. Je continue de rêver et je sais que ça va venir. Si ce n’est pas pour le grand écran, ce sera peut-être pour la télévision.
Avec qui rêvez-vous de partager une affiche ?
Si c’est au Sénégal, je préfère jouer avec Ibrahima Mbaye Baye Fall. J’ai fait avec lui Madame Brouette puis Téranga Blues, ensuite Ramata. Parce que c’est un comédien que je sens bien, qui me donne la réplique et me rends la monnaie sur scène. Sur un plateau de tournage, tous les deux, ça passe. Sur le plan international, mon acteur préféré est Denzel Washington. J’ai la collection de tous ses films. Comme le rêve est gratuit et qu’on ne sait jamais, j’aimerai partager une affiche avec lui.
Jusqu’à quel âge comptez-vous rester actrice ?
Cela dépend du mari que j’aurai. Toutefois, je souhaite avoir un mari compréhensif. Pour l’instant, je ne pense pas arrêter, parce que c’est un métier que j’aime beaucoup. Il y a des hommes qui n’aiment pas être avec une fille qui voyage tout le temps. Et souvent, je suis appelée à être membre de jury ou maitresse de cérémonie dans certains festivals, ce qui fait que je suis, la plupart du temps, hors du pays. Peut-être que je verrai l’homme qui voudra supporter tout cela. Pour le moment, je ne l’ai pas encore trouvé.
Comment le voudriez-vous, votre homme ?
(Elle éclate de rire) Laissez-moi tranquille. Qu’il soit noir, blanc, grand, petit, je prendrai celui que Dieu me réserve. Mais, je souhaite avoir un homme compréhensif, plein de compassion et intelligent, un homme qui pourra m’aider sur beaucoup de plans.
Vous êtes donc un cœur à prendre ?
Je suis avec quelqu’un. Je m’en arrête là, je n’en dirai pas plus.
Est-ce qu’il vous parle de mariage ?
Il ne faut pas parler de ces choses-là, à cause du mauvais œil.
«Mes copines se moquaient de moi, me disant que je suis trop noire. Mais, j’ai tenu à conserver mon teint, parce qu’à l’extérieur, je suis respectée pour cela».
Vous avez gardé votre peau noire. Est-ce un choix librement consenti ou dicté par votre métier ?
C’est juste un choix personnel. Mes copines se moquaient souvent de moi, me disant que je suis trop noire. Mais, j’ai tenu à conserver mon teint, parce que je suis africaine avant tout. Et à l’extérieur, je suis respectée pour cela. Quand je suis entourée de Blancs, je suis fière de n’avoir jamais tenté d’avoir leur couleur de peau. Ceux qui se dépigmentent la peau pensent peut-être que sans cela, elles ne peuvent pas être belles. C’est une erreur.
Quel est votre secret pour échapper aux nombreuses tentations qui ne manquent pas dans le milieu du cinéma ?
Une personne doit savoir qui elle est et ce qu’elle veut dans la vie. Le cinéma est un milieu où il y a beaucoup d’argent et où on peut croiser n’importe qui. Dans tout cela, l’éducation est très importante ; c’est ce qui peut nous éloigner des tentations. J’ai souvent été taxée de lesbienne, parce qu’il y a des gens de ce milieu qui, depuis plus de 10 ans, ont tout fait pour m’avoir. Je n’ai jamais cédé à leurs avances. Je le dis à mes petites sœurs qui font du cinéma : elles verront des gens qui leur diront : «j’ai un scénario et je vais te prendre comme actrice principale». Si tu es une fille qui ne cherche que la célébrité, ils vont t’utiliser et après, tu ne verras aucun film. Donc, il faut beaucoup faire attention dans ce milieu.
Propos recueillis par
Christine MENDY et Aïssata DIA (Stagiaire) rewmi.com