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SwissLeaks : « Nous publions les noms des personnalités dont la fraude est manifeste »


Rédigé le Mardi 10 Février 2015 à 01:03 | Lu 184 fois | 0 commentaire(s)



Lors d'un chat avec les internautes du Monde.fr, les journalistes Alexandre Léchenet, Anne Michel et Serge Michel ont répondu aux questions sur leur enquête sur les fichiers de HSBC.


SwissLeaks : « Nous publions les noms des personnalités dont la fraude est manifeste »
Miiii : En fait, il n'y a pas grand-chose de neuf, car on savait qu'il y avait 3 000 noms depuis des années, et la nouveauté, c'est juste d'avoir sorti des noms, non ? 

Anne Michel : L'existence d'une liste de trois mille noms français était effectivement connue depuis 2009, mais l'enquête que nous avons conduite permet de faire la part des choses entre les fraudeurs fiscaux et les autres (exilés fiscaux, résidents suisses…). A ce titre, nous avons eu accès au résultat des investigations conduites par le fisc et notamment lorsqu'il a déposé plainte en justice (pour les cas les plus graves). 

Alexandre Léchenet : Nous apportons également des éléments nouveaux sur la manière dont s'est comportée la banque face à ces clients, notamment grâce aux comptes rendus de rendez-vous entre clients et banquiers, souvent secrets. 

Anne Michel : Et puis, nous avons cherché à appréhender tous les tenants et les aboutissants de cette liste en posant les responsabilités : celle des fraudeurs, celle de la banque et celle des régulateurs qui ont laissé faire. 

Visiteur : Bonjour, y aura-t-il une publication ultérieure de la liste complète des noms ? Quelles sont les dispositions légales quant à la divulgation de ces noms – présumés innocents, je suppose – dans la presse ? 
 
 
 
A. L. : Nous ne publierons pas plus de noms que ceux publiés aujourd'hui, parce que nous avons passé la liste au tamis et avons filtré les noms les plus intéressants. 

Serge Michel : En fait, on a arrêté des principes clairs et concertés pour décider de la publication ou non des noms des clients : s'il s'agissait de personnalités à responsabilité ou visibilité publiques, si la fraude était manifeste et grave (documents HSBC à l'appui et résultat des investigations des enquêteurs). 

A. M. : Effectivement, la présomption d'innocence doit être respectée. C'est pour cette raison que nous ne divulgons pas l'intégralité de la liste mais seulement les noms pour lesquels l'administration fiscale ou les enquêteurs estiment qu'il y a eu fraude. 

Sebasan : [bS'il est intéressant de connaître ce genre d'organisation orchestrée par HSBC, pourquoi publier des noms de personnalités pour lesquelles la situation semble avoir été régularisée ? 
]b 
A. M. : Le fait qu'il y ait eu régularisation n'enlève rien au délit qui a été commis. La fraude fiscale est un délit pénal et on connaît ses conséquences sur les budgets des Etats et des contribuables qui eux acquittent l'impôt. 

Tuncay : Bonjour, la banque HSBC est-elle la seule à proposer à ses clients des combinaisons pour échapper aux impôts et taxes ? 

A. M. : D'autres banques font l'objet de poursuites judiciaires pour les mêmes faits. On rappelle que la filiale suisse de HSBC est mise en examen en France. UBS, par exemple, est elle aussi dans le collimateur de la justice. 

Visiteur : Sur les quelque 6 000 noms français présents dans ces listings, il est dit que seulement 2 956 d'entre eux sont susceptibles d'intéresser Bercy et seulement 2 319 sont « exploitables ». Cela signifie-t-il que la moitié des situations a été régularisée entre temps ? Et que signifie « exploitable » à propos de ces 2 300 noms ? 

A. L. : Lorsque le fisc a récupéré les fichiers, ils ont utilisé des critères assez larges pour essayer d'identifier les Français, arrivant à un chiffre autour de six mille noms. Ils ont ensuite vérifié l'ensemble des noms pour préciser leur sélection, en éliminant les personnes décédées, les étrangers, les Français résidant à l'étranger... 

Victor : Bonjour, comment garantissez-vous l'authenticité des documents ? Notamment que certains noms compromettants qui auraient pu être sur la liste et effacés (ou ajouté) par « votre source ». 

A. M. : L'authenticité des document a été certifiée par les contrôles effectués par l'administration fiscale, et de leur côté les enquêteurs ont confirmé l'exactitude des informations. Par ailleurs, nous étions plus de cent cinquante journalistes à travailler sur la base de données et nous n'avons trouvé aucune erreur dans le document. 

Visiteur : Bonjour, le choix de révéler le nom de Gad Elmaleh pour une somme moindre comparée à d'autres est-il dû à sa popularité ou qu'aucun autre Français n'a caché de somme plus importante, ce dont je doute. 

A. M. : Beaucoup de Français ont caché plus que les 80 000 euros (visibles) de Gad Elmaleh, nous avons donné le nom de quelques-uns. Mais nous avons estimé que son statut de personne publique lui conférait certaines responsabilités et une certaine responsabilité. Dans nos articles, nous posons bien les responsabilités des uns et des autres. 

dejora : Les documents datent de 2006, qu'ont fait l'Etat et le ministère des finances entre 2006 et… 2015 ? 

A. L. : Les autorités ont récupéré les informations en 2009 et ont depuis pu faire leurs enquêtes. 300 millions d'euros ont déjà été récupérés par le fisc au titre des régularisations, et cent trois plaintes ont été déposées par le fisc, qui ont mené à soixante-deux enquêtes judiciaires. 

felgharb : Est-il vrai que Mediapart avait déja révélé ces mêmes informations en 2014 ? Si oui, pourquoi les resortir aujourd'hui ? 

A. L . : Mediapart n'a eu accès qu'à une partie de la procédure judiciaire, ne révélant que quelques noms. Nous l'avions fait aussi à l'époque. Notre enquête va plus loin grâce aux fichiers complets que nous sommes les seuls à avoir obtenus. Elle ne se réduit pas à une liste de noms. Au-delà, on donne à voir les pratiques de la banque, l'ampleur internationale, et la mise en place de système de fraude fiscale offshore. 

A. L. : Nous avons publié bien plus que le nom de vedettes de cinéma ou de sportifs, notamment dans le milieu des affaires, les intermédiaires douteux, les galeries d'art. Ou, plus important, le financement du terrorisme, le blanchiment de l'argent de la drogue. 

Sebasan : En quoi la collaboration internationale entre journalistes a-t-elle facilité ou gêné cette enquête ? 

S. M. : Nous n'avions pas les moyens de traiter seuls cent mille comptes secrets. Pour décortiquer le fonctionnement d'une banque mondialisée, il fallait une enquête mondiale. Et nous n'avons pas été trop de cent cinquante journalistes de quarante-sept pays pour le faire. 

A. L. : La collaboration permet aussi de partager des astuces et trouvailles dans les fichiers et d'être plus efficaces dans l'enquête. C'est une sorte de réassurance dans les moments de doute. 

Laurent : Dans quelle mesure les avoirs d'origine criminelle pourraient rendre HSBC coupable de complicité de ces actes criminels ? 

A. M. : Il y a une règle fondamentale dans la banque, qui est celle de connaître ses clients. S'y ajoutent d'autres obligations, dont celle, essentielle, de surveiller les flux financiers et, s'il y a lieu, de déclarer les flux suspects aux autorités chargées de la lutte contre le blanchiment au niveau national. 

Paul : Pensez-vous qu'une plus grande transparence des transactions bancaires prévues en 2018 permettra d'éviter la mise en place de systèmes de cette ampleur ? 

A. M. : Effectivement, l'échange automatique de données fiscales entre Etats envisagé à l'horizon 2018 apportera de la transparence. Toutefois, il faudra que tous les pays s'y mettent réellement, y compris les paradis fiscaux les plus reculés de la planète. Il faudra aussi que l'information qui sera échangée existe dans les Etats : par exemple, pour les sociétés offshore, il faudra que les pays tiennent des registres dûment renseignés. 

Visiteur : Y a-t-il eu concertation entre les différents médias pour diffuser les mêmes informations ? 

S. M. : Chaque média a creusé les noms qui le concernaient le plus. Mais nous nous sommes entendus sur les grands articles transversaux (terrorisme, diamants, trafic d'armes...). Il y a aussi beaucoup de titulaires de compte qui étaient basé dans plusieurs pays. Enfin, il y a eu une importante concertation pour trouver la date qui convenait le mieux à un plus grand nombre de partenaires. 

Visiteur : Comment savez-vous que les comptes sont ou ne sont pas déclarés à l'administration fiscale française ? 

A. L. : En fait, après analyse de l'administration fiscale, seulement 0,2 % des comptes de Français étaient déclarés. Les échanges que nous avons pu consulter entre la banque et ses clients ne laissent aucune place au doute. 


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