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Sorti du Forbes 2019 des milliardaires africains, Christo Wiese raconte comment l’affaire Steinhoff l’a ruiné


Rédigé le Vendredi 19 Juillet 2019 à 20:40 | Lu 128 fois | 0 commentaire(s)



A 77 ans, Christoffel Wiese, ou le «roi» du commerce de détail en Afrique, avait sa place jusqu’à l’année dernière dans le très sélect classement des milliardaires africains en dollars de Forbes. Sa fortune ayant chuté de 80% en l'espace de douze mois suite au scandale Steinhoff survenu en décembre 2017, l’homme d’affaires sud-africain réclame depuis au groupe environ 4,2 milliards de dollars. En dépit des différentes procédures judiciaires en cours, notamment en Allemagne et en Afrique du Sud, rien n’avance, aucune mesure n’est prise à l'encontre des présumés protagonistes. Weise s’est confié à CNBC sur ce qu’il qualifie d’«énorme escroquerie», une affaire considérée dans la nation arc-en-ciel comme le plus grand scandale financier de l'histoire du pays.


Sorti du Forbes 2019 des milliardaires africains, Christo Wiese raconte comment l’affaire Steinhoff l’a ruiné

Il était pendant longtemps l'une des plus grandes fortunes d'Afrique du Sud et du Continent, classé régulièrement par Forbes parmi les milliardaires africains. S'il est le grand absent du palmarès dévoilé en 2019, c'est parce que Christo Wiese a effectivement perdu l'écrasante majorité de sa fortune dans le scandale financier qui a éclaté chez Steinhoff -géant mondial de l'ameublement- en décembre 2017, coïncidant avec la démission du CEO, le Sud-africain Markus Jooste.

Sa fortune dégringole de 80% en 12 mois

«Quand cela m'est arrivé, je me suis regardé dans le miroir et j'ai pris trois décisions. [...] J'ai tout d'abord décidé de ne pas pleurer la perte d'argent. C'est un argent pour lequel j'ai travaillé pendant cinquante ans. Alors ce n'est pas facile ! Deuxièmement, j'ai compté mes bénédictions, car si cette fraude avait été autorisée pendant encore un an ou deux, j'aurais tout perdu, y compris Shoprite. Et troisièmement, j'ai décidé de ne pas devenir une personne amère, parce que cela me détruit la vie», confie l'homme d'affaires sud-africain dans une interview exclusive récemment accordée à CNBC.

Le 5 janvier 2018, après le mouvement boursier qui a suivi le scandale Steinhoff, Forbes Ã©valuait la fortune de Wiese à 1,1 milliard de dollars, contre 5,5 milliards en janvier 2017 -alors qu'il était la sixième fortune africaine- soit une chute de 80% en l'espace de douze mois. En janvier 2019, après des pertes de plus de 9 milliards de dollars sur l'exercice 2018, couplées à l'absence de regain de confiance des marchés pour le titre de Steinhoff -passé 2,28 à 0,8 euro à Francfort et 61,40 rands Ã  un plus de 1 rand à Johannesburg-, Wiese n'était tout simplement plus milliardaire en dollars.

Un avocat devenu serial entrepreneur

L'histoire de Christo Wiese est celle d'un avocat au barreau du Cap qui se reconvertit en serial entrepreneur en prenant -dans les années 1970- la direction de Pepkor, une chaîne de vêtements low cost fondée par ses parents. Sous sa houlette, l'entreprise se métamorphose et se développe ailleurs en Afrique, mais aussi en Europe et en Australie. Il quitte brièvement Pepkor -pour s'intéresser à la filière de l'extraction de diamants et tenter une entrée en politique- avant d'y revenir en tant que président du conseil d'administration en 1980. A côté, l'homme réalise plusieurs autres investissements stratégiques comme le rachat, pour 1 rand symbolique, d'OK Bazaars, l'un des plus anciens magasins de vente au détail du pays en banqueroute, qu'il transforme et remet sur pied.

«La vision était de créer un champion africain»

Alors que Pepkor dispose déjà de près de 5 000 points de vente à travers le monde, le groupe acquiert Shoprite, immédiatement transformé en holding, exploitant près de 2 000 entreprises et près de 400 magasins franchisés dans 15 pays d'Afrique et employant plus de 136 000 personnes. Christo Wiese est déjà considéré à l'époque comme «le roi» du commerce au détail en Afrique. La cerise sur le gâteau est posée en février 2015, lorsqu'il accepte de vendre Pepkor à Steinhoff pour 5,7 milliards de dollars, notamment en actions. Il acquiert ainsi 17% du capital de Steinhoff. Une participation qui évoluera jusqu'à 24%, au fur et à mesure qu'il intégrera d'autres entreprises au groupe Steinhoff, devenant l'actionnaire majoritaire. Dans la démarche, il a en tête un objectif bien précis.

«J'ai regardé à Steinhoff en considérant ses intérêts répartis sur différents marchés internationaux, son bilan apparemment très solide et un certain nombre d'autres facteurs. Je pensais qu'en regroupant ces entreprises, nous pouvions créer ce que nous appelions "un futur champion africain". En d'autres termes, une entreprise africaine de commerce de détail devenue mondiale. Telle était la vision de l'entreprise dans son ensemble», explique-t-il, soulignant que c'est en considérant son âge avancé qu'il est parvenu à cette idée.

«Énorme escroquerie»

Mais alors qu'avant d'accepter le deal Pepkor-Steinhoff  -Wiese a pris plus deux ans en tant que membre du conseil d'administration Â«pour vérifier le bon fonctionnement des systèmes, leurs contrôles internes, leur relation avec les banques,...», comme il le précise- comment un homme d'affaires de sa trempe a-t-il pu se faire Â«berner» aussi facilement ? Excepté une fois où la vérification des comptes de Steinhoff a duré plusieurs heures, il n'y a jamais eu, à sa connaissance, le moindre signal d'alarme.

Ce jour-là pendant Â«environ trois heures, les analystes ont posé toutes les questions et obtenu toutes les réponses qui les ont satisfaits», se souvient Wiese, estimant que si banques, auditeurs et agences de notation n'avaient jamais trouvé anguille sous roche, il aurait été difficile pour lui de se douter de quelque chose. Dénonçant Â«une énorme escroquerie», le tycoon précise : Â«Mes sociétés n'ont pas acheté leurs actions à la bourse, elles ont traité avec la société [Steinhoff, NDLR] et celle-ci les a directement escroquées».

6,5 milliards d'euros de transactions fictives entre 2009 et 2017, selon PwC

Chargé d'enquêter sur les comptes de Steinhoff, PricewaterhouseCooper's (PwC) révélait en mars dernier des transactions fictives ou irrégulières entre 2009 et 2017, d'un montant total de 6,5 milliards d'euros, soit environ 7,4 milliards de dollars, selon un résumé du rapport publié sur le site web de Steinhoff. A en croire cette enquête -complétée par une autre enquête en Allemagne depuis 2015 pour présomption d'irrégularités comptables-, Wiese aurait dès le départ négocié sur la base de comptes frauduleux.

Pwc Fraudes Steinhoff

Dans la nation arc-en-ciel, on reproche à Christo Wiese d'avoir été aveuglé par sa relation de confiance avec Markus Jooste, souvent décrit comme son protégé. En effet, c'est ce denier qui lui présente en 2006 Bruno Steinhoff -fondateur du géant de l'ameublement- avec qui il entreprend au fur et à mesure des négociations, pour arriver finalement à tous les deals qui ont suivi. Mais Wiese estime qu'il vouait à Jooste la même confiance accordée aux gens avec qui il a travaillé pour bâtir son empire.

Un Â«protégé» trop talentueux ?

Aujourd'hui, Markus Jooste apparaît comme le principal cerveau du scandale Steinhoff. Il a passé près de trente ans dans les rangs de la firme. D'abord en tant qu'administrateur non-exécutif, c'est lui qui convainc Bruno Steinhoff de procéder à des acquisitions d'entreprises à partir de 1998 et d'inscrire le groupe à la Johannesburg Stock Exchange (JSE). En 2000, il en devient CEO.

Jooste

 

La première fois qu'il s'est exprimé sur le scandale devant le parlement sud-africain en septembre 2018, il a nié les faits qui lui sont reprochés. «Je n'ai jamais menti sur les activités de la compagnie [...] Lorsque j'ai quitté Steinhoff le 5 décembre 2017, je n'étais pas au courant d'éventuelles irrégularités financières», avait-il déclaré, le trou financier de 6 milliards de dollars ayant été annoncé le 6 décembre, rapportait l'AFP. Après la sortie médiatique de Christo Wiese fin juin, Steinhoff a initié une action en justice contre Jooste, lui réclamant 59 millions de dollars de Â«rémunérations indues».

«Les coupables doivent payer»

«Tous ceux qui ont participé, et rappelez-vous qu'ils n'ont pas encore été reconnus coupables, ils n'ont même pas encore été arrêtés, ce qui m'énerve également. Mais tous ceux qui ont commis cette fraude devraient être tenus de payer», estime Weise.

De toute cette histoire, le tycoon sud-africain retient que les succès -comme ceux qu'il a connus pendant cinquante ans- et les échecs -comme la retentissante affaire Steinhoff- font partie de la vie des entrepreneurs. Â«Je n'ai jamais pensé que j'étais infaillible ou que tout ce que je touche se transforme en or», assume-t-il.

En Afrique du Sud, l'affaire Steinhoff est considérée comme un cas d'école, car elle constitue le grand scandale financier de l'histoire du pays. En avril 2018, Christo Wiese a engagé une action en justice, réclamant à Steinhoff 59 milliards de rands, soit 4,2 milliards de dollars.
 



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