Oui, les images d’émeute ont fait le tour des téléphones au Sénégal, en Afrique et partout dans le monde, relayées par les médias nationaux et internationaux. L’impact de cette nouvelle montée de tension pourrait devenir dévastateur pour la perception du risque politique au Sénégal. Cette perception joue un rôle dans les décisions des acteurs économiques nationaux et étrangers, de tous ceux qui parient depuis des années sur le Sénégal comme pôle de stabilité et de sécurité dans une région ouest-africaine en proie aux coups d’État, au terrorisme et au recul des libertés.
L’élection présidentielle est prévue dans un peu moins d’un an et tout le monde se pose des questions sur ce que nous réservent les prochains mois. L’erreur grave que beaucoup de pays ont déjà commise en Afrique, c’est de penser que la situation sera toujours maîtrisée avant qu’elle ne dégénère en crises violentes, graves et longues. Les acteurs politiques oublient souvent que le fait de ne pas vouloir individuellement plonger leur pays dans le chaos ne signifie nullement que le résultat combiné de leurs actions, et l’usage de tous les moyens pour défendre leurs intérêts, ne sera pas effectivement le chaos.
Vous rappelez ce que vous estimez être les ingrédients de la stabilité politique du Sénégal depuis son indépendance, malgré les épisodes de tensions et de violences qui ont bel et bien existé sans entraîner de rupture institutionnelle…
Oui. Au moment de la commémoration du 60ᵉ anniversaire de l’indépendance du Sénégal, en avril 2020, je disais sur cette antenne que je considérais que le premier ingrédient de la stabilité au Sénégal, c’était « la réalité de l’existence d’un État, la capacité à projeter l’image d’un État présent, organisé, capable de maintenir l’ordre sans apparaître comme un appareil uniquement au service du pouvoir politique du moment ». J’avançais aussi que « les élites politiques sénégalaises avaient jusque-là toujours donné le sentiment de croire à la nécessité de le préserver l’État de graves dérives qui pourraient résulter d’une politisation à outrance des administrations. » J’insistais aussi sur la qualité de la formation des hommes et des femmes qui animaient les institutions publiques, y compris le secteur de la défense et de la sécurité.
Les prochains mois seront le test le plus important de cette capacité des élites politiques sénégalaises à sauvegarder ce précieux héritage des décennies d’efforts de construction d’un État qui inspire confiance aux populations, et qui a aussi permis de créer un sentiment d’unité nationale. Ceux qui sont au pouvoir ont toujours la plus grande responsabilité parce que d’eux dépendent les décisions cruciales pour la réduction des tensions et le retour au dialogue politique.
Pour vous, au Sénégal aussi, ce qui se joue, c’est le reflet de l’évolution du rapport de forces démographique en faveur de la jeunesse…
Tout à fait. En commentant les résultats de la toute récente élection présidentielle au Nigeria, et en particulier la bonne performance de Peter Obi, candidat séduisant pour les jeunes, je disais que le rapport de forces démographique en faveur des jeunes finirait par produire partout sur le continent des changements politiques spectaculaires et que cela passerait par des changements pacifiques ou par la violence et l’anarchie.
Au Sénégal aussi, même une minorité agissante de la jeunesse frustrée, mécontente, abandonnée à son sort, suffit et suffira à mettre en grande difficulté les forces de police et de gendarmerie, même les mieux formées et équipées en moyens modernes de maintien de l’ordre.
Personne ne peut résister à la poussée de dizaines de milliers de jeunes hommes déterminés, qu’ils aient raison de manifester ou pas. La logique du bras de fer musclé et sans limites entre le camp présidentiel et celui de l’opposant Ousmane Sonko est une voie périlleuse. Le Sénégal peut encore échapper au funeste sort de beaucoup de pays africains qui n’ont pas su arrêter à temps la course folle vers l’abîme.
S RFI
L’élection présidentielle est prévue dans un peu moins d’un an et tout le monde se pose des questions sur ce que nous réservent les prochains mois. L’erreur grave que beaucoup de pays ont déjà commise en Afrique, c’est de penser que la situation sera toujours maîtrisée avant qu’elle ne dégénère en crises violentes, graves et longues. Les acteurs politiques oublient souvent que le fait de ne pas vouloir individuellement plonger leur pays dans le chaos ne signifie nullement que le résultat combiné de leurs actions, et l’usage de tous les moyens pour défendre leurs intérêts, ne sera pas effectivement le chaos.
Vous rappelez ce que vous estimez être les ingrédients de la stabilité politique du Sénégal depuis son indépendance, malgré les épisodes de tensions et de violences qui ont bel et bien existé sans entraîner de rupture institutionnelle…
Oui. Au moment de la commémoration du 60ᵉ anniversaire de l’indépendance du Sénégal, en avril 2020, je disais sur cette antenne que je considérais que le premier ingrédient de la stabilité au Sénégal, c’était « la réalité de l’existence d’un État, la capacité à projeter l’image d’un État présent, organisé, capable de maintenir l’ordre sans apparaître comme un appareil uniquement au service du pouvoir politique du moment ». J’avançais aussi que « les élites politiques sénégalaises avaient jusque-là toujours donné le sentiment de croire à la nécessité de le préserver l’État de graves dérives qui pourraient résulter d’une politisation à outrance des administrations. » J’insistais aussi sur la qualité de la formation des hommes et des femmes qui animaient les institutions publiques, y compris le secteur de la défense et de la sécurité.
Les prochains mois seront le test le plus important de cette capacité des élites politiques sénégalaises à sauvegarder ce précieux héritage des décennies d’efforts de construction d’un État qui inspire confiance aux populations, et qui a aussi permis de créer un sentiment d’unité nationale. Ceux qui sont au pouvoir ont toujours la plus grande responsabilité parce que d’eux dépendent les décisions cruciales pour la réduction des tensions et le retour au dialogue politique.
Pour vous, au Sénégal aussi, ce qui se joue, c’est le reflet de l’évolution du rapport de forces démographique en faveur de la jeunesse…
Tout à fait. En commentant les résultats de la toute récente élection présidentielle au Nigeria, et en particulier la bonne performance de Peter Obi, candidat séduisant pour les jeunes, je disais que le rapport de forces démographique en faveur des jeunes finirait par produire partout sur le continent des changements politiques spectaculaires et que cela passerait par des changements pacifiques ou par la violence et l’anarchie.
Au Sénégal aussi, même une minorité agissante de la jeunesse frustrée, mécontente, abandonnée à son sort, suffit et suffira à mettre en grande difficulté les forces de police et de gendarmerie, même les mieux formées et équipées en moyens modernes de maintien de l’ordre.
Personne ne peut résister à la poussée de dizaines de milliers de jeunes hommes déterminés, qu’ils aient raison de manifester ou pas. La logique du bras de fer musclé et sans limites entre le camp présidentiel et celui de l’opposant Ousmane Sonko est une voie périlleuse. Le Sénégal peut encore échapper au funeste sort de beaucoup de pays africains qui n’ont pas su arrêter à temps la course folle vers l’abîme.
S RFI