Remplacer le robinet par le « Ndaal » ou comment rire de la pénurie d’eau? par Rabia Diallo


Rédigé le Vendredi 20 Septembre 2013 à 15:56 | Lu 165 fois | 0 commentaire(s)




Remplacer le robinet par le « Ndaal » ou comment rire de la pénurie d’eau? par Rabia Diallo
Dans un style où l’auto-dérision, la confession et la poésie se mêlent à l’analyse fine des travers de nos concitoyens et de nos dirigeants, notre chroniqueuse, Rabia Diallo, jette un regard désabusé et moqueur sur la récente pénurie d’eau au Sénégal. Au moment où notre Dakar se noie sous la pluie, dans nos maisons, les robinets souffrent de hoquets.  Un bruit creux, venant du tréfonds des cavités, nous rappelle que NON, il n’y a pas d’eau…
Au moment où le tonnerre gronde, faisant frémir nos cœurs, une envie pressante nous prend de nous jeter sous les eaux venant du ciel, car, des robinets, vous savez ce qui sort ?
Rien.

 
Depuis jeudi, bien que vivant sur la planète bleue (en hommage à ce liquide précieux, l’eau, source de vie, qui occupe plus de place que la terre ferme), nous, les terriens, particulièrement, les Africains, plus particulièrement les Sénégalais, et plus précisément les Dakarois,  nous souffrons d’un manque cruel et révoltant d’eau potable…Pourquoi ? On ne sait pas…
En rentrant chez moi Jeudi soir, j’avais un plan de rêve, un tableau que je m’étais dessiné dans ma tète. Je me voyais dans ma baignoire, après une longue heure de sport, dégoulinante de sueur. Je me voyais rentrer, allumer le chauffe-eau et remplir la baignoire d’une eau divinement tiède. Je me voyais, y jetant négligemment du sel (de cuisine, s’il vous plait, en remplacement du sel de bain, anyway c’est du pareil au même), bon, bref….Remplir la baignoire, sel, gel, mousse, placer mon nouveau peignoir à portée de main (que je voulais tester by the way),  et m’y glisser langoureusement, tel un vers de terre…
Vous savez ce que j’ai fait une fois arrivée chez moi ?
Rien.

 
Rien, parce qu’il n’y avait pas d’eau, rien, parce que ce soir là, dégoulinante de sueur, j’ai zappé les vestiaires de la salle de sport pour ma salle de bain, et de mon robinet, il n’est rien sorti.
Depuis jeudi, personne ne peut rien faire, parce que tout simplement, c’est avec l’eau qu’on fait tout. Il y a un dicton anglais qui dit ‘’ You don’t miss your water till the well runs dry’’… Oui, on ne se rend compte de la valeur de ce qu’on a à portée de main qu’une fois l’avoir perdu. Ce dicton, je l’ai pris au sens propre.

 
Personne ne peut se laver, ni boire, ni se brosser les dents, ni se nourrir, ni laver la vaisselle, ni faire le linge, ni s’amuser sous la couette (il faut bien sangou sett), ni faire ses ablutions, ni laver les biberons de bébé, ni faire sa lessive, ni cuisiner, ni passer la serpillère, ni nettoyer les vitres, ni enlever la poussière, les WC n’en parlons surtout pas, à la limite, on se garde de se désintoxiquer le corps…
On en regrette alors les « Ndaal » ces meubles de coins, qui ont disparu, au fil des années, mais, heureusement, il existe les lingettes, les grandes bouteilles d’eau minérale, les charrettes, l’eau de pluie, les puits, les pompes à eau,  les voisins, les frères et sœurs, les amis, les collègues, les réservoirs, les ‘’Barrigos’’, les réveils (qui nous réveillent à 4 heures du matin pour roote), les racleurs (qui nous aident à enlever l’eau) après avoir été inondés, suite à un malencontreux oubli (refermer le robinet après qu’il nous ait tchipatou ). Du coup, la maison se transforme en lac, et, après 3 heures de “fobèèrè” qui nous valent des courbatures mémorables, on se retrouve à sec, sur les carreaux, comme aux robinets.

 
Et, le soir, quand je passe par la corniche, et que je vois toutes ces personnes, qui courent, quand je vois tout cet « embourgeoisement » typiquement Dakarois, quand je vois tous les efforts fournis, par tout le monde, pour paraître nanti et « silwissè », je retourne la médaille, et je ris. On vit dans un pays où le verbe ‘’argent’’ se conjugue en milliards…où les nouvelles Range rivalisent avec les nouvelles Cayenne, où les restaurant rivalisent de « Chiquitude », où les hôtels, les centres commerciaux,  les clubs rivalisent de modernité, où les filles sont adeptes du « faire jusqu’à ca soit bien », où les mecs, eux, sont chics, et « Sangou » (comme dirait une copine), on a du mal à s’imaginer que dans un pays comme ça, il arrive des moments où, malheureusement, il survient des coupures d’eau et d’électricité qui, avec le temps, deviennent banals, et quand au JT de France 24, on parle de coupure d’électricité de quelques heures, dans un pays d’Amérique du sud, qui est un évènement, je me sens touchée dans mon amour propre, parce que, dans mon pays, les coupures d’électricité et d’eau, c’est un non-événement.

 
Normal, on fait parti du top 25 des pays les plus pauvres de la planète, selon « l’Indice 2013 Misery ». Bon courage à nous !
Rabia Diallo
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