Oui c'est vrai, notre pays est en danger ! Et le drame, c’est que les citoyens sénégalais, gouvernés par Benno Bokk Yakaar, une large Coalition unanimiste, sans socle programmatique manifeste, ont de plus en plus de mal à situer les responsabilités.
Le chômage massif des jeunes, le renchérissement des denrées de première nécessité, les délestages de la SENELEC et les ruptures de l’approvisionnement en eau plongent les masses populaires de notre pays dans le désarroi et le désespoir, en cette veille de Ramadan. Il y a également l’insécurité endémique dans le Saloum, à Touba et dans la grande métropole dakaroise, sans oublier divers trafics (drogue, faux billets) et le blanchiment d’argent, séquelles persistantes de la mal-gouvernance du précédent régime libéral, quand l’argent sale coulait à flots.
Mais paradoxalement, ce ne sont pas ces tracas quotidiens subis par les gorgoorlu qui préoccupent le plus les chroniqueurs et analystes sociopolitiques. Ce qui les inquiète davantage est le fait que notre pays semble glisser lentement mais inexorablement vers une crise politique majeure, à la malienne.
Le mouvement syndical pris dans les serres d'une gérontocratie quasi-inamovible est victime d'un morcellement inquiétant et de perpétuelles luttes intestines. C'est ce qui fait que ses actions revendicatives sont marquées par une inefficacité notoire due à une approche bureaucratique et verticale ainsi qu’une insuffisance avérée de cohésion et de solidarité. Nous n'en voulons pour preuve que la confusion dans laquelle s’est terminée la grève du Grand Cadre des syndicats de l’Education, l’indifférence coupable face à la situation injuste faite aux six cents travailleurs de la SENELEC arbitrairement licenciés et plus généralement le manque de soutien des centrales syndicales aux luttes des syndicats de base. Le dilatoire gouvernemental est à l’origine de grèves prolongées, qui se terminent presque toujours par l’essoufflement des états-majors syndicaux obligés de parapher des pseudo-accords, dont le caractère frauduleux n’est révélé que plusieurs mois après, entretenant ainsi la flamme de l'agitation permanente.
L’échec patent de l’Acte 3 de la décentralisation, faute d’un transfert concomitant et conséquent de ressources pour accompagner le transfert de compétences, a fini de piéger les maires de communes devenues beaucoup plus nombreuses mais chroniquement déficitaires. C’est ainsi que les Présidents des Collectivités Locales reconnaissent ne pouvoir prendre en charge ni les salaires des personnels qui leur sont affectés, ni les factures de dépenses courantes que les Villes ont pourtant honorées, des années durant. Certains de ces maires, au lieu d’interpeller le pouvoir central manifestement coupable - sinon de publicité mensongère, tout au moins de tromperie sur la marchandise- font feu de tout bois, cherchant à faire des marchands ambulants des boucs émissaires et engageant des batailles titanesques contre de puissants lobbies, qu’ils ont peu de chances de vaincre, s’ils persistent dans leur démarche solitaire, en occultant la nécessité de réforme globale des Institutions telle que préconisée par les Assises Nationales.
Mais l’aspect le plus dramatique de la crise en cours a trait au discrédit qui frappe la pratique politique dans notre pays. Il est de bon ton de déplorer le nombre prétendument excessif de partis politiques, alors que le problème se trouve ailleurs. Le vrai problème est plutôt le déficit évident d’éthique qui caractérise la classe politique sénégalaise empêtrée dans un unanimisme béat, au moment où le peuple se débat dans des souffrances atroces. C’est ainsi que des phénomènes étranges se passent sous nos yeux, avec le silence complice de personnalités, qui étaient au premier plan dans la lutte contre le régime wadiste pour la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne et qui cautionnent la grande entreprise de mystification autour du Plan Sénégal Émergent.
On peut citer, à titre d’illustration, la levée de boucliers de certains cercles apéristes contre d’honorables personnalités politiques telles qu’Amadou Mahtar Mbow et tout dernièrement Amath Dansokho, coupables d’engagement pour la mise en œuvre de politiques de ruptures, le limogeage du porte-parole de la LD sanctionné pour délit d’opinion ou refus de se plier aux exigences de la "complicité gouvernementale", l’épisode du désaccord au sein de la gauche sur l’envoi de militaires saoudiens en Arabie Saoudite. Par ailleurs, il faut saluer les légitimes rébellions de responsables politiques de l'AFP, du PDS et de REWMI contre des modes de gestion autocratiques de leurs formations politiques.
Après des décennies de lutte pour le parachèvement de la maturité démocratique, qui s’est traduite par deux alternances politiques, il est temps pour les forces de gauches de transcender le concept de politique de large rassemblement, tombé en désuétude et d’accéder au stade de différenciation idéologique permettant une compétition loyale des diverses forces politiques présentes au niveau de l’arène politique de notre pays.
C’est pour cette raison qu’il faut saluer la mise sur pied de la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme, regroupant les forces de gauche de notre pays, qui considèrent à juste titre, que la première exigence devra consister à exiger l’application, sans délais, des conclusions des Assises Nationales et des recommandations de la CNRI. Il faudra ensuite que les forces de gauche se résolvent à aller aux élections sous leur propre bannière. L’exemple de Syriza en Grèce, de Podemos en Espagne et des partis progressistes d’Amérique latine montrent, de manière évidente, qu’à défaut d’accéder au pouvoir, les forces progressistes peuvent imposer la prise en compte de leurs axes programmatiques par les Coalitions victorieuses.
C’est ainsi seulement qu’il sera possible de rompre avec la politique du yobalema (ou coalition sans véritable concertation), dont les effets sont désastreux sur le développement du niveau de conscience politique des larges masses populaires et qui risquent de faire le jeu de forces obscurantistes déjà à l’œuvre dans la sous-région.
Il est plus que temps, pour les forces progressistes de notre pays, de réinventer la pratique politique mise à mal par les différents gouvernements, qui se sont succédé au pouvoir, depuis notre indépendance formelle, en 1960.
Nioxor Tine
Le chômage massif des jeunes, le renchérissement des denrées de première nécessité, les délestages de la SENELEC et les ruptures de l’approvisionnement en eau plongent les masses populaires de notre pays dans le désarroi et le désespoir, en cette veille de Ramadan. Il y a également l’insécurité endémique dans le Saloum, à Touba et dans la grande métropole dakaroise, sans oublier divers trafics (drogue, faux billets) et le blanchiment d’argent, séquelles persistantes de la mal-gouvernance du précédent régime libéral, quand l’argent sale coulait à flots.
Mais paradoxalement, ce ne sont pas ces tracas quotidiens subis par les gorgoorlu qui préoccupent le plus les chroniqueurs et analystes sociopolitiques. Ce qui les inquiète davantage est le fait que notre pays semble glisser lentement mais inexorablement vers une crise politique majeure, à la malienne.
Le mouvement syndical pris dans les serres d'une gérontocratie quasi-inamovible est victime d'un morcellement inquiétant et de perpétuelles luttes intestines. C'est ce qui fait que ses actions revendicatives sont marquées par une inefficacité notoire due à une approche bureaucratique et verticale ainsi qu’une insuffisance avérée de cohésion et de solidarité. Nous n'en voulons pour preuve que la confusion dans laquelle s’est terminée la grève du Grand Cadre des syndicats de l’Education, l’indifférence coupable face à la situation injuste faite aux six cents travailleurs de la SENELEC arbitrairement licenciés et plus généralement le manque de soutien des centrales syndicales aux luttes des syndicats de base. Le dilatoire gouvernemental est à l’origine de grèves prolongées, qui se terminent presque toujours par l’essoufflement des états-majors syndicaux obligés de parapher des pseudo-accords, dont le caractère frauduleux n’est révélé que plusieurs mois après, entretenant ainsi la flamme de l'agitation permanente.
L’échec patent de l’Acte 3 de la décentralisation, faute d’un transfert concomitant et conséquent de ressources pour accompagner le transfert de compétences, a fini de piéger les maires de communes devenues beaucoup plus nombreuses mais chroniquement déficitaires. C’est ainsi que les Présidents des Collectivités Locales reconnaissent ne pouvoir prendre en charge ni les salaires des personnels qui leur sont affectés, ni les factures de dépenses courantes que les Villes ont pourtant honorées, des années durant. Certains de ces maires, au lieu d’interpeller le pouvoir central manifestement coupable - sinon de publicité mensongère, tout au moins de tromperie sur la marchandise- font feu de tout bois, cherchant à faire des marchands ambulants des boucs émissaires et engageant des batailles titanesques contre de puissants lobbies, qu’ils ont peu de chances de vaincre, s’ils persistent dans leur démarche solitaire, en occultant la nécessité de réforme globale des Institutions telle que préconisée par les Assises Nationales.
Mais l’aspect le plus dramatique de la crise en cours a trait au discrédit qui frappe la pratique politique dans notre pays. Il est de bon ton de déplorer le nombre prétendument excessif de partis politiques, alors que le problème se trouve ailleurs. Le vrai problème est plutôt le déficit évident d’éthique qui caractérise la classe politique sénégalaise empêtrée dans un unanimisme béat, au moment où le peuple se débat dans des souffrances atroces. C’est ainsi que des phénomènes étranges se passent sous nos yeux, avec le silence complice de personnalités, qui étaient au premier plan dans la lutte contre le régime wadiste pour la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne et qui cautionnent la grande entreprise de mystification autour du Plan Sénégal Émergent.
On peut citer, à titre d’illustration, la levée de boucliers de certains cercles apéristes contre d’honorables personnalités politiques telles qu’Amadou Mahtar Mbow et tout dernièrement Amath Dansokho, coupables d’engagement pour la mise en œuvre de politiques de ruptures, le limogeage du porte-parole de la LD sanctionné pour délit d’opinion ou refus de se plier aux exigences de la "complicité gouvernementale", l’épisode du désaccord au sein de la gauche sur l’envoi de militaires saoudiens en Arabie Saoudite. Par ailleurs, il faut saluer les légitimes rébellions de responsables politiques de l'AFP, du PDS et de REWMI contre des modes de gestion autocratiques de leurs formations politiques.
Après des décennies de lutte pour le parachèvement de la maturité démocratique, qui s’est traduite par deux alternances politiques, il est temps pour les forces de gauches de transcender le concept de politique de large rassemblement, tombé en désuétude et d’accéder au stade de différenciation idéologique permettant une compétition loyale des diverses forces politiques présentes au niveau de l’arène politique de notre pays.
C’est pour cette raison qu’il faut saluer la mise sur pied de la Confédération pour la Démocratie et le Socialisme, regroupant les forces de gauche de notre pays, qui considèrent à juste titre, que la première exigence devra consister à exiger l’application, sans délais, des conclusions des Assises Nationales et des recommandations de la CNRI. Il faudra ensuite que les forces de gauche se résolvent à aller aux élections sous leur propre bannière. L’exemple de Syriza en Grèce, de Podemos en Espagne et des partis progressistes d’Amérique latine montrent, de manière évidente, qu’à défaut d’accéder au pouvoir, les forces progressistes peuvent imposer la prise en compte de leurs axes programmatiques par les Coalitions victorieuses.
C’est ainsi seulement qu’il sera possible de rompre avec la politique du yobalema (ou coalition sans véritable concertation), dont les effets sont désastreux sur le développement du niveau de conscience politique des larges masses populaires et qui risquent de faire le jeu de forces obscurantistes déjà à l’œuvre dans la sous-région.
Il est plus que temps, pour les forces progressistes de notre pays, de réinventer la pratique politique mise à mal par les différents gouvernements, qui se sont succédé au pouvoir, depuis notre indépendance formelle, en 1960.
Nioxor Tine