Les projets de loi portés par le ministre des Finances et du Budget (en lieu et place du ministre de la Justice), modifient totalement toute la stratégie de lutte contre la corruption au Sénégal. Elles ont été adoptées par l’Assemblée nationale en sa séance du 9 février 2014, soit deux semaines avant la première date fixée pour les élections présidentielles le 25 février 2024.
A y voir plus clair, les modifications apportées par ces lois, au lieu de renforcer la lutte contre la corruption, risquent d’enterrer les dossiers d’enquêtes déjà réalisées par l’OFNAC, mais aussi, ceux des autres corps de contrôle qui s’occupent d’enrichissement illicite.
En effet, depuis les rapports sur les soupçons de corruption du COUD, de l’affaire Petrotim, celle des 94 milliards, des 29 milliards ou des 1000 milliards des fonds COVID, l’ensemble des 34 dossiers d’enquêtes ficelés et déposés par l’OFNAC et les autres corps de contrôle devant le Procureur de la République, risquent d’être éteints.
Si l’on y prend garde, la corruption au Sénégal, avec ces nouvelles lois votées en février 2024, a encore de beaux jours devant elle.
La reddition des comptes est non négociable
Conformément à la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014, relative à la déclaration de patrimoine, le président de l'Assemblée nationale, le Premier Questeur de l'Assemblée nationale ; le Premier Ministre, les Ministres ; le président du Conseil économique, social et environnemental ; tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses, les comptables publics, effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1.000.000.000) de Francs Cfa, doivent effectuer à l'échéance d'un délai de trois (3) mois qui suivent leur nomination ou leur cessation de fonction, une déclaration de patrimoine. Pour ceux qui quittent leur fonction, il s’agit d’une déclaration dite de « sortie ».Cette déclaration de sortie est valable pour ceux qui avaient effectué au préalable, c’est-à -dire au moment de leur prise de fonction, une déclaration de patrimoine d’entrée !
Qui ne se rappelle de ministres et autres DG qui, non seulement, n’ont pas effectué leur déclaration de patrimoine après moult interpellations par voie d’huissier, mais après que leur gestion a été épinglée par les rapports de l’OFNAC, ont jugé utile sur les plateaux de télévision d’affirmer « qu’ils ne répondront pas à aux convocations de l’OFNAC ». La reddition des comptes est, et demeure une demande sociale forte et ne saurait se négocier.
L’institutionnalisation de la redevabilité, l’application des décisions de justice dans la lutte contre la corruption, ainsi que l’établissement d’une veille citoyenne sur la redevabilité dans la lutte contre la corruption, marquerait sans nul doute une évolution dans le sens de la bonne gouvernance tant chantée au Sénégal. Dans ce contexte, le recouvrement des avoirs détournés implique une nouvelle approche, fondée sur la différenciation des enjeux.
D’une part, les défis posés au traitement des rapports d’investigation des corps de contrôle et qui dormaient « sous le coude », devrait faire l’objet d’un traitement diligent, ainsi que la saisine d’un juge pour instruction.
D’autre part, le changement du paradigme de gouvernance au Sénégal, au vu des insuffisances décelées dans la loi qui a été promulguée le 30 janvier 2024 par le président de la République et adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 9 février 2024, sont à corriger dans les meilleurs délais.
A cette étape, disons-le tout net, les Lois n° 2024-06 du 30 janvier 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et celle n° 2024-07 du 09 février 2024 modifiant la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014, sont contreproductives et créent plus de confusion qu’elles ne règlent de problèmes.
Plus clairement, il s’agit d’abroger cette loi et réfléchir sur les textes les plus à même d’assurer la bonne gouvernance au Sénégal, d'évacuer les rapports des corps de contrôle restés « sous le coude » depuis 2012. La nouvelle loi prévoit, dès lors qu’un procureur ou un juge traite d’un dossier de soupçons de corruption ou d’enrichissement illicite, il sera immédiatement dessaisi par l’OFNAC, qui en assure un monopole.
La loi 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), n'était certes pas parfaite. Le décret d'application de cette loi (qui permet sa mise en œuvre opérationnelle), n'a été signée qu'en 2018. Soit 6 ans après... . Cependant l’OFNAC a su traiter les cas de dénonciations et d’auto-saisine issus de faits de corruption. Le principal blocage issu de cette loi, venait du fait que le « maître des poursuites », à savoir le procureur de la République, avait la pleine l'attitude de donner suite (ou pas) aux rapports d'investigation réalisés par les enquêteurs de l'Office. Ce qui a plombé les dossiers de corruption d’agents publics corrompus, car « la saisine du procureur dessaisit l’OFNAC ».
Les chantiers de la réforme
Déjà en 2016, avec l’appui des partenaires de l'OFNAC, l'Union Européenne et le système des Nations Unies, des propositions de réforme des lois 2012-30 et 2014-17 sur la déclaration de patrimoine, ont été appuyées, afin de conformer le Sénégal aux standards internationaux
Des Comités de relecture des textes fondateurs de l’OFNAC (CORTEF) ont été mis en place, impliquant dans un long processus participatif des juristes, des acteurs de la société civile, des parlementaires de la Commission des lois à l’Assemblée nationale l’expertise interne de l’OFNAC, ainsi que les autres membres des corps de contrôle. A l’issue des travaux, des avant-projets de loi et de décrets avaient été soumis en juin 2022, afin de parachever le corpus de la lutte contre la corruption au Sénégal. Parmi les avancées proposées et non des moindres, l'obligation faite au Procureur, de saisir un juge pour l’ouverture de procédure concernant les cas de soupçons de corruption, par suite des enquêtes de l'OFNAC (notons que pour ce qui concerne la CENTIF, les présomptions de blanchiment sont encadrées par les Directives de l’UEMOA, qui obligent à l’ouverture d’une procédure par un juge). Le cas échéant, dans les propositions qui avaient été faites, l'OFNAC se porte partie civile pour le suivi des rapports.
Malheureusement, la mouture qui avait été déposée, n’a pas été prise en compte. La nouvelle loi promulguée et adoptée par l’Assemblée nationale entre le 30 janvier et le 9 février 2024, est aux antipodes d’une lutte efficace contre la corruption. La nouvelle loi réformant le cadre institutionnel de l'OFNAC, la déclaration de patrimoine et plus globalement, de la lutte contre la corruption, a totalement été dévoyée de ses orientations premières. A vouloir trop embrasser, la loi.... dessert la lutte contre la corruption.
Veille citoyenne et protection des lanceurs d’alerte
L’application des décisions de justice dans les affaires de corruption est devenue une exigence sociale. Que de rapports d’enquête de présomption de corruption dorment dans les tiroirs ! Ces rapports réalisés aussi bien par l’OFNAC, la Cour des Comptes, l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou l’Inspection Générale d’Etat (IGE), depuis l’affaire du COUD, ne peuvent être passées en perte et profits au nom de la cohésion nationale. Non !
La lutte contre l’impunité issue des détournements a été bien portée par cette frange de la population qui a mené à la victoire de la coalition Diomaye au premier tour. Cette même population n’hésitera pas à se retourner et lutter contre les actuels tenants du pouvoir, si la reddition des comptes n’est pas effective.
Que l’on s’entende bien cependant. Il ne s’agit nullement d’effectuer une « chasse aux sorcières » qui serait à la limite, contre productive. Il s’agit de recouvrer ces centaines de milliards subtilisés au Trésor public et utilisés dans des conditions non-orthodoxes par des fonctionnaires milliardaires.
Les lanceurs d’alerte, signalant des informations sur des actes répréhensibles dans un contexte professionnel, contribuent à prévenir des dommages et à détecter des menaces ou des préjudices pour l’intérêt public. Ce que l’OFNAC avait proposé depuis juin 2022, est de protéger les dénonciateurs, témoins, plaignants ou l’expert collaborant avec l’OFNAC. Ces derniers ne devraient faire l’objet d’aucune représaille, sanction ou discrimination, dans leur travail du fait du signalement. Aussi, toute mesure, acte hostile, intimidation, outrage, menaces, chantage, divulgation de l’identité du témoin ou dénonciateur, directement ou indirectement, est puni par les peines prévues à l’article 25.
Alors que la Stratégie nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC) réalisée de manière inclusive et participative, propose la protection des lanceurs d’alertes, la nouvelle loi n’en pipe mot. Le blocage dans la lutte contre la corruption est venu d’un manque de volonté de donner suite aux conclusions des rapports d’enquête. Ne nous y trompons pas, ces jeunes (et moins jeunes) qui ont fait la force du changement du régime, suivent de près ces dossiers de corruption à coup de milliards.
Ces milliards à recouvrer pourraient servir à financer ces hordes de jeunes (qui ont joué leur partition dans l’élection de l’actuel Président de la République), en leur fournissant un appui conséquent ainsi que des intrants - ou tout autre outil de production, à même de réaliser une transformation locale des produits, d’assurer l’optimisation des chaînes de valeur, tant dans le secteur agricole, industriel qu’extractif.
Il s’agirait aussi avec ces avoirs recouvrés, d’appuyer la part nationale dans les entreprises.
En effet, l’imposition d’une participation (sénégalaise) supérieure ou égale au seuil de 51% pour toutes ces entreprises qui évoluent ou se font du chiffre d’affaires dans les secteurs de la pêche ou des industries, permettrait de fournir des emplois à ce qui reste des 40 000 jeunes sénégalais restés à jamais dans l’océan Atlantique, le désert du Sahara ou dans la mer Méditerranée, selon les statistiques de l’OIM. Ce n’est que dans ces conditions que l’arrêt de la maltraitance de ces « élites, qui ne misent que sur leurs intérêts », permettra de libérer cette population moins âgée, à qui on fait croire, par une illusion sirupeuse, que les élites sans scrupules qui les ont gouvernés depuis 2012 et qui détournent leurs ressources sans vergogne, travaillent pour eux.
Pour un pacte social
Reformer L’OFNAC et réviser les critères de désignation des membres
Les changements des mentalités des dernières années, n’ont pas été compris à temps par ceux qui nous dirigeaient. C’est ainsi que le vrai vainqueur des élections de février 2024, est la lutte contre l’impunité faisant de la moralisation de la vie publique et du renouveau politique, son cheval de bataille. La nouvelle loi adoptée par l’Assemblée nationale le 9 février 2024, après sa promulgation par l’ancien chef de l’Etat le 30 janvier 2024, plombe toute la politique de lutte contre la corruption. Telle que libellée, ces nouvelles lois qui régissent la lutte contre la corruption portent en elles-mêmes, les germes du laisser-aller et de la corruption à outrance.
Du mode de nomination des membres de l’OFNAC
Il n’existe pas, comme cela se fait dans les autres pays, un appel à candidatures pour sélectionner les membres de l’OFNAC. Leur désignation relève de la « volonté » du Chef de l’Etat. Cette démarche constitue le premier biais, dans la lutte contre la corruption. Ceux qui doivent lutter contre la corruption, ne doivent pas être choisis selon le bon vouloir du prince, selon un critère de « rétribution pour services rendus », mais plutôt pour la valeur ajoutée qu’ils doivent apporter à la lutte contre la corruption.
Mais plus grave encore, la présente loi confère au président de l’OFNAC, une stature de super procureur « au-dessus des 14 autres procureurs de la République », qu’il peut dessaisir à tout moment, en un claquement de doigts. Par ailleurs, au vu des pouvoirs que lui confère cette loi, les critères de sélection des membres et du président de l’OFNAC restent biaisés, car seuls des magistrats devront diriger l’OFNAC, pour avoir le pouvoir d’émettre des mesures de « garde-à -vue ».
Cependant l’OFNAC est une Autorité Administrative Indépendant (AAI), la première présidente de l’OFNAC était Inspecteur Général d’Etat (IGE) suivie d’une Magistrate. Avec l’actuelle configuration de la loi, l’OFNAC ne peut être dirigé que par un « super procureur », au-dessus de tous les procureurs de la République.
La loi 2012-30 prévoit que les membres de l’OFNAC, sont issus de l'administration de la hiérarchie Al ou assimilée au moins, les enseignants de rang magistral, des Universités, les membres de la société civile et du secteur privé, titulaires d'un diplôme de l’enseignement supérieur de niveau master ou équivalent au moins. Ce qui n’est plus possible avec la configuration de la loi du 2024-06 du 30 janvier 2014. L’institution peut être dirigée par un IGE, un magistrat, un diplomate, un économiste, un gendarme, un journaliste, un professeur d’universités ou un ingénieur des ponts et chaussées, comme cela se fait dans les autres pays. Quoi qu’il en soit, l’accession à la position de membre de l’OFNAC devrait faire l’objet d’un appel à candidatures, pour être certain de la valeur ajoutée à apporter dans la lutte contre la corruption.
La station de Vice-président aussi a été totalement dévoyée par la nouvelle loi du 30 janvier 2024. En effet, alors que pour la loi de 2012-30, le vice-président assure la suppléance du président, dans la nouvelle loi, concernant les investigations, le président a le loisir de choisir un autre membre pour sa suppléance qui devrait échoir au vice-président. Ce qui ne donne plus de raison d’être au poste de vice-président.
Vous avez dit « gardes-à -vues ? »
La nouvelle loi votée promulguée et finalisée en février, juste avant les élections présidentielles, donne à l’OFNAC le pouvoir d’émettre des « gardes à vue » !
Au nom du respect des droits de la personne, la garde-à -vue est strictement encadrée par le Code de Procédure Pénale (loi n°2016-30 du 08 Novembre 2016). Aussi, il appartient aux Officiers de police judiciaire qui travaillent sous la direction du Procureur de la République, le placement en garde-à -vue, le renvoi devant le tribunal compétent pour jugement ou le classement d'un dossier sans suite. L’OFNAC étant une Autorité Administrative Indépendant (AAI), ne jouit pas de ces prérogatives-là , qui sont dévolues au seul procureur de la République, pardi !
Une prestation de serment devant les membres de l’OFNAC !
Autre incongruité, les enquêteurs de l'OFNAC devront prêter allégeance à l’Assemblée des Membres. En effet, en lieu et place des prestations de serment devant la Cour d’appel de Dakar, conformément au serment fixé par décret d’application, les enquêteurs devront prêter serment devant l'Assemblée des membres.
Le serment dont la teneur suit : « je jure solennellement de bien et fidèlement remplir mes fonctions, en toute impartialité, de façon digne et loyale et de garder le secret des enquêtes. » Quid des agents de l’OFNAC qui gèrent au quotidien, les déclarations de patrimoines ou le système de sécurité ?
S'il estime que les faits pendants au niveau d'une autorité d'enquête, sont de sa compétence, (enrichissement illicite, soupçons de corruption, ...) le président de l'OFNAC peut, par réquisitions écrites, en dessaisir cette autorité (IGF, IGE, Cour des Comptes, Centif, procureur), qui est tenue de se conformer auxdites réquisitions, dès qu'elle en a connaissance, quel que soit le moyen.
Les dossiers des prédations effectuées avec la complicité de fonctionnaires milliardaires, sont connus de tous et les rapports existent. Face à cela, le coude sera levé pour l’instruction des dossiers et l’exigence de rembourser les sommes détournées. Ceci explique en partie pourquoi les ordonnateurs de dépenses ont tout fait pour se soustraire à l’exercice de déclaration de patrimoine, se sachant protégés par un coude.
Les nouvelles lois de lutte contre la corruption qui devraient chercher à mieux sauvegarder et préserver les ressources et intérêts financiers de l’Etat, constituent la couche de trop, qui vient torpiller toutes les velléités de lutter efficacement contre ce fléau. Ces lois recèlent en elles-mêmes, les limites qui ne vont pas dans le sens d’une lutte efficace contre la corruption. Elles créent plutôt une confusion dans les rôles et prérogatives de l’OFNAC, à vouloir étendre ses prérogatives à l'enrichissement illicite, qui relevaient d’autres autorités d'enquête.
De la répression des actes de corruption
Ce que la proposition de loi déposée en juin 2022 avait demandé à l’ancien Président Macky Sall, était de permettre à l’Office de mettre en œuvre les mesures de répression. Dans son exposé des motifs, la loi devra permettre à l’OFNAC, dans le cadre de ses missions d’investigations, de procéder à des perquisitions et saisies de tous objets matériels ou immatériels ayant servi à la commission des faits…solliciter le juge d’instruction saisi, de procéder à des mesures de gel de biens, la confiscation des avoirs fonds et autres ressources détenus possédés ou contrôlés par toute personne contre qui existent des indices de commission des faits visés à l’article 2. Enfin, l’OFNAC peut se constituer partie civile pour les faits visés à l’article 2.
Au lieu de cela, la nouvelle loi propose de dessaisir tout procureur qui traiterait de faits de corruption et/ou d’enrichissement illicite !
La saisine de l’autorité judiciaire
En respect de la loi, l’OFNAC avait proposé, à l’issue de ses investigations, si les informations collectées et analysées font présumer l’existence de l’une des infractions visées à l’article 2, "de transmettre à l’autorité de poursuite compétente le rapport. Dès réception du rapport et des pièces, l’autorité saisie ordonne immédiatement les poursuites appropriées, en saisissant un juge d’instruction ou la juridiction de jugement compétente. A l’expiration d’un délai de six (6) mois sans aucune poursuite, l’OFNAC saisira directement le juge d’instruction d’une plainte de constitution de partie civile, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale".
Du traitement des récalcitrants a la déclaration de patrimoine
Le projet de loi relatif à l’encadrement de la déclaration de patrimoine avait prévu des sanctions. Ces sanctions ne verront cependant jamais le jour. En effet, l’inobservation de l’obligation de déclaration d’entrée en fonction ou de mise à jour, après mise en demeure de l’OFNAC, par exploit d’huissier restée sans suite au bout d’un mois, devrait entraîner les sanctions telle la retenue du ¼ de sa rémunération mensuelle, voire être démis de ses fonctions par l’autorité de nomination dans les 30 jours à compter de la notification par l’Office. Les fausses déclarations de patrimoine sont, elles, punies d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans.
Ce qui rejoint l’article 25 des dispositions pénales de la loi 2012-30 qui stipule que : "est puni d’une peine d’emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende, tout acte qui constitue une entrave à la mission de l’OFNAC, par suite d’une sommation, un refus de communiquer toute information ou tout document utile, dûment réclamé".
Un seul article de presse ne saurait retracer le recul extraordinaire constaté que subit le Sénégal, avec le vote en mode fast-track des lois 2024-06 et 2024-07, modifiant de fond en comble la lutte contre la corruption dans notre pays. Des lois promulguées et adoptées par l’Assemblée nationale, à 15 jours de la date prévue des élections présidentielles.
Conclusion
Sur quoi déboucheront ces mutations des exigences de redevabilité ? Il est difficile de le présager. Tout dépendra de la capacité des nouvelles autorités à répondre aux aspirations collectives, sur les plans de la reddition des comptes et d’une bonne gouvernance. Les nouvelles autorités n'auront d'autre choix que d'appliquer la loi. Macky Sall avait averti, en disant que « la CREI est pour l'ancienne équipe mais l’OFNAC est pour nous ». Le contrôle de la Déclaration de patrimoine pour la sortie est non seulement une exigence de la loi, mais aussi une demande sociale expresse des Sénégalais.
Il est temps que les dossiers de corruption et de détournements de deniers publics perpétrés depuis plus d’une décennie, sans impunité, soient réglés. La reddition des comptes n’est pas négociable. C’est une demande sociale. Enfin, la fameuse Stratégie nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) qui a fait l'objet d'un long processus consensuel, est oubliée dans les tiroirs, alors que l’OFNAC l'avait pilotée avec beaucoup d'enthousiasme. Tous les dossiers d'enquête doivent être exhumés et des juges d'instruction commis pour la poursuite de la procédure.
La veille citoyenne ne faiblira pas !
les fautes de gestion ne se regrettent pas, elles s’assument.
Mounirou Fall
Économiste,
Chef de projet.
A y voir plus clair, les modifications apportées par ces lois, au lieu de renforcer la lutte contre la corruption, risquent d’enterrer les dossiers d’enquêtes déjà réalisées par l’OFNAC, mais aussi, ceux des autres corps de contrôle qui s’occupent d’enrichissement illicite.
En effet, depuis les rapports sur les soupçons de corruption du COUD, de l’affaire Petrotim, celle des 94 milliards, des 29 milliards ou des 1000 milliards des fonds COVID, l’ensemble des 34 dossiers d’enquêtes ficelés et déposés par l’OFNAC et les autres corps de contrôle devant le Procureur de la République, risquent d’être éteints.
Si l’on y prend garde, la corruption au Sénégal, avec ces nouvelles lois votées en février 2024, a encore de beaux jours devant elle.
La reddition des comptes est non négociable
Conformément à la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014, relative à la déclaration de patrimoine, le président de l'Assemblée nationale, le Premier Questeur de l'Assemblée nationale ; le Premier Ministre, les Ministres ; le président du Conseil économique, social et environnemental ; tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses, les comptables publics, effectuant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1.000.000.000) de Francs Cfa, doivent effectuer à l'échéance d'un délai de trois (3) mois qui suivent leur nomination ou leur cessation de fonction, une déclaration de patrimoine. Pour ceux qui quittent leur fonction, il s’agit d’une déclaration dite de « sortie ».Cette déclaration de sortie est valable pour ceux qui avaient effectué au préalable, c’est-à -dire au moment de leur prise de fonction, une déclaration de patrimoine d’entrée !
Qui ne se rappelle de ministres et autres DG qui, non seulement, n’ont pas effectué leur déclaration de patrimoine après moult interpellations par voie d’huissier, mais après que leur gestion a été épinglée par les rapports de l’OFNAC, ont jugé utile sur les plateaux de télévision d’affirmer « qu’ils ne répondront pas à aux convocations de l’OFNAC ». La reddition des comptes est, et demeure une demande sociale forte et ne saurait se négocier.
L’institutionnalisation de la redevabilité, l’application des décisions de justice dans la lutte contre la corruption, ainsi que l’établissement d’une veille citoyenne sur la redevabilité dans la lutte contre la corruption, marquerait sans nul doute une évolution dans le sens de la bonne gouvernance tant chantée au Sénégal. Dans ce contexte, le recouvrement des avoirs détournés implique une nouvelle approche, fondée sur la différenciation des enjeux.
D’une part, les défis posés au traitement des rapports d’investigation des corps de contrôle et qui dormaient « sous le coude », devrait faire l’objet d’un traitement diligent, ainsi que la saisine d’un juge pour instruction.
D’autre part, le changement du paradigme de gouvernance au Sénégal, au vu des insuffisances décelées dans la loi qui a été promulguée le 30 janvier 2024 par le président de la République et adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 9 février 2024, sont à corriger dans les meilleurs délais.
A cette étape, disons-le tout net, les Lois n° 2024-06 du 30 janvier 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et celle n° 2024-07 du 09 février 2024 modifiant la loi n° 2014-17 du 02 avril 2014, sont contreproductives et créent plus de confusion qu’elles ne règlent de problèmes.
Plus clairement, il s’agit d’abroger cette loi et réfléchir sur les textes les plus à même d’assurer la bonne gouvernance au Sénégal, d'évacuer les rapports des corps de contrôle restés « sous le coude » depuis 2012. La nouvelle loi prévoit, dès lors qu’un procureur ou un juge traite d’un dossier de soupçons de corruption ou d’enrichissement illicite, il sera immédiatement dessaisi par l’OFNAC, qui en assure un monopole.
La loi 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), n'était certes pas parfaite. Le décret d'application de cette loi (qui permet sa mise en œuvre opérationnelle), n'a été signée qu'en 2018. Soit 6 ans après... . Cependant l’OFNAC a su traiter les cas de dénonciations et d’auto-saisine issus de faits de corruption. Le principal blocage issu de cette loi, venait du fait que le « maître des poursuites », à savoir le procureur de la République, avait la pleine l'attitude de donner suite (ou pas) aux rapports d'investigation réalisés par les enquêteurs de l'Office. Ce qui a plombé les dossiers de corruption d’agents publics corrompus, car « la saisine du procureur dessaisit l’OFNAC ».
Les chantiers de la réforme
Déjà en 2016, avec l’appui des partenaires de l'OFNAC, l'Union Européenne et le système des Nations Unies, des propositions de réforme des lois 2012-30 et 2014-17 sur la déclaration de patrimoine, ont été appuyées, afin de conformer le Sénégal aux standards internationaux
Des Comités de relecture des textes fondateurs de l’OFNAC (CORTEF) ont été mis en place, impliquant dans un long processus participatif des juristes, des acteurs de la société civile, des parlementaires de la Commission des lois à l’Assemblée nationale l’expertise interne de l’OFNAC, ainsi que les autres membres des corps de contrôle. A l’issue des travaux, des avant-projets de loi et de décrets avaient été soumis en juin 2022, afin de parachever le corpus de la lutte contre la corruption au Sénégal. Parmi les avancées proposées et non des moindres, l'obligation faite au Procureur, de saisir un juge pour l’ouverture de procédure concernant les cas de soupçons de corruption, par suite des enquêtes de l'OFNAC (notons que pour ce qui concerne la CENTIF, les présomptions de blanchiment sont encadrées par les Directives de l’UEMOA, qui obligent à l’ouverture d’une procédure par un juge). Le cas échéant, dans les propositions qui avaient été faites, l'OFNAC se porte partie civile pour le suivi des rapports.
Malheureusement, la mouture qui avait été déposée, n’a pas été prise en compte. La nouvelle loi promulguée et adoptée par l’Assemblée nationale entre le 30 janvier et le 9 février 2024, est aux antipodes d’une lutte efficace contre la corruption. La nouvelle loi réformant le cadre institutionnel de l'OFNAC, la déclaration de patrimoine et plus globalement, de la lutte contre la corruption, a totalement été dévoyée de ses orientations premières. A vouloir trop embrasser, la loi.... dessert la lutte contre la corruption.
Veille citoyenne et protection des lanceurs d’alerte
L’application des décisions de justice dans les affaires de corruption est devenue une exigence sociale. Que de rapports d’enquête de présomption de corruption dorment dans les tiroirs ! Ces rapports réalisés aussi bien par l’OFNAC, la Cour des Comptes, l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou l’Inspection Générale d’Etat (IGE), depuis l’affaire du COUD, ne peuvent être passées en perte et profits au nom de la cohésion nationale. Non !
La lutte contre l’impunité issue des détournements a été bien portée par cette frange de la population qui a mené à la victoire de la coalition Diomaye au premier tour. Cette même population n’hésitera pas à se retourner et lutter contre les actuels tenants du pouvoir, si la reddition des comptes n’est pas effective.
Que l’on s’entende bien cependant. Il ne s’agit nullement d’effectuer une « chasse aux sorcières » qui serait à la limite, contre productive. Il s’agit de recouvrer ces centaines de milliards subtilisés au Trésor public et utilisés dans des conditions non-orthodoxes par des fonctionnaires milliardaires.
Les lanceurs d’alerte, signalant des informations sur des actes répréhensibles dans un contexte professionnel, contribuent à prévenir des dommages et à détecter des menaces ou des préjudices pour l’intérêt public. Ce que l’OFNAC avait proposé depuis juin 2022, est de protéger les dénonciateurs, témoins, plaignants ou l’expert collaborant avec l’OFNAC. Ces derniers ne devraient faire l’objet d’aucune représaille, sanction ou discrimination, dans leur travail du fait du signalement. Aussi, toute mesure, acte hostile, intimidation, outrage, menaces, chantage, divulgation de l’identité du témoin ou dénonciateur, directement ou indirectement, est puni par les peines prévues à l’article 25.
Alors que la Stratégie nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC) réalisée de manière inclusive et participative, propose la protection des lanceurs d’alertes, la nouvelle loi n’en pipe mot. Le blocage dans la lutte contre la corruption est venu d’un manque de volonté de donner suite aux conclusions des rapports d’enquête. Ne nous y trompons pas, ces jeunes (et moins jeunes) qui ont fait la force du changement du régime, suivent de près ces dossiers de corruption à coup de milliards.
Ces milliards à recouvrer pourraient servir à financer ces hordes de jeunes (qui ont joué leur partition dans l’élection de l’actuel Président de la République), en leur fournissant un appui conséquent ainsi que des intrants - ou tout autre outil de production, à même de réaliser une transformation locale des produits, d’assurer l’optimisation des chaînes de valeur, tant dans le secteur agricole, industriel qu’extractif.
Il s’agirait aussi avec ces avoirs recouvrés, d’appuyer la part nationale dans les entreprises.
En effet, l’imposition d’une participation (sénégalaise) supérieure ou égale au seuil de 51% pour toutes ces entreprises qui évoluent ou se font du chiffre d’affaires dans les secteurs de la pêche ou des industries, permettrait de fournir des emplois à ce qui reste des 40 000 jeunes sénégalais restés à jamais dans l’océan Atlantique, le désert du Sahara ou dans la mer Méditerranée, selon les statistiques de l’OIM. Ce n’est que dans ces conditions que l’arrêt de la maltraitance de ces « élites, qui ne misent que sur leurs intérêts », permettra de libérer cette population moins âgée, à qui on fait croire, par une illusion sirupeuse, que les élites sans scrupules qui les ont gouvernés depuis 2012 et qui détournent leurs ressources sans vergogne, travaillent pour eux.
Pour un pacte social
Reformer L’OFNAC et réviser les critères de désignation des membres
Les changements des mentalités des dernières années, n’ont pas été compris à temps par ceux qui nous dirigeaient. C’est ainsi que le vrai vainqueur des élections de février 2024, est la lutte contre l’impunité faisant de la moralisation de la vie publique et du renouveau politique, son cheval de bataille. La nouvelle loi adoptée par l’Assemblée nationale le 9 février 2024, après sa promulgation par l’ancien chef de l’Etat le 30 janvier 2024, plombe toute la politique de lutte contre la corruption. Telle que libellée, ces nouvelles lois qui régissent la lutte contre la corruption portent en elles-mêmes, les germes du laisser-aller et de la corruption à outrance.
Du mode de nomination des membres de l’OFNAC
Il n’existe pas, comme cela se fait dans les autres pays, un appel à candidatures pour sélectionner les membres de l’OFNAC. Leur désignation relève de la « volonté » du Chef de l’Etat. Cette démarche constitue le premier biais, dans la lutte contre la corruption. Ceux qui doivent lutter contre la corruption, ne doivent pas être choisis selon le bon vouloir du prince, selon un critère de « rétribution pour services rendus », mais plutôt pour la valeur ajoutée qu’ils doivent apporter à la lutte contre la corruption.
Mais plus grave encore, la présente loi confère au président de l’OFNAC, une stature de super procureur « au-dessus des 14 autres procureurs de la République », qu’il peut dessaisir à tout moment, en un claquement de doigts. Par ailleurs, au vu des pouvoirs que lui confère cette loi, les critères de sélection des membres et du président de l’OFNAC restent biaisés, car seuls des magistrats devront diriger l’OFNAC, pour avoir le pouvoir d’émettre des mesures de « garde-à -vue ».
Cependant l’OFNAC est une Autorité Administrative Indépendant (AAI), la première présidente de l’OFNAC était Inspecteur Général d’Etat (IGE) suivie d’une Magistrate. Avec l’actuelle configuration de la loi, l’OFNAC ne peut être dirigé que par un « super procureur », au-dessus de tous les procureurs de la République.
La loi 2012-30 prévoit que les membres de l’OFNAC, sont issus de l'administration de la hiérarchie Al ou assimilée au moins, les enseignants de rang magistral, des Universités, les membres de la société civile et du secteur privé, titulaires d'un diplôme de l’enseignement supérieur de niveau master ou équivalent au moins. Ce qui n’est plus possible avec la configuration de la loi du 2024-06 du 30 janvier 2014. L’institution peut être dirigée par un IGE, un magistrat, un diplomate, un économiste, un gendarme, un journaliste, un professeur d’universités ou un ingénieur des ponts et chaussées, comme cela se fait dans les autres pays. Quoi qu’il en soit, l’accession à la position de membre de l’OFNAC devrait faire l’objet d’un appel à candidatures, pour être certain de la valeur ajoutée à apporter dans la lutte contre la corruption.
La station de Vice-président aussi a été totalement dévoyée par la nouvelle loi du 30 janvier 2024. En effet, alors que pour la loi de 2012-30, le vice-président assure la suppléance du président, dans la nouvelle loi, concernant les investigations, le président a le loisir de choisir un autre membre pour sa suppléance qui devrait échoir au vice-président. Ce qui ne donne plus de raison d’être au poste de vice-président.
Vous avez dit « gardes-à -vues ? »
La nouvelle loi votée promulguée et finalisée en février, juste avant les élections présidentielles, donne à l’OFNAC le pouvoir d’émettre des « gardes à vue » !
Au nom du respect des droits de la personne, la garde-à -vue est strictement encadrée par le Code de Procédure Pénale (loi n°2016-30 du 08 Novembre 2016). Aussi, il appartient aux Officiers de police judiciaire qui travaillent sous la direction du Procureur de la République, le placement en garde-à -vue, le renvoi devant le tribunal compétent pour jugement ou le classement d'un dossier sans suite. L’OFNAC étant une Autorité Administrative Indépendant (AAI), ne jouit pas de ces prérogatives-là , qui sont dévolues au seul procureur de la République, pardi !
Une prestation de serment devant les membres de l’OFNAC !
Autre incongruité, les enquêteurs de l'OFNAC devront prêter allégeance à l’Assemblée des Membres. En effet, en lieu et place des prestations de serment devant la Cour d’appel de Dakar, conformément au serment fixé par décret d’application, les enquêteurs devront prêter serment devant l'Assemblée des membres.
Le serment dont la teneur suit : « je jure solennellement de bien et fidèlement remplir mes fonctions, en toute impartialité, de façon digne et loyale et de garder le secret des enquêtes. » Quid des agents de l’OFNAC qui gèrent au quotidien, les déclarations de patrimoines ou le système de sécurité ?
S'il estime que les faits pendants au niveau d'une autorité d'enquête, sont de sa compétence, (enrichissement illicite, soupçons de corruption, ...) le président de l'OFNAC peut, par réquisitions écrites, en dessaisir cette autorité (IGF, IGE, Cour des Comptes, Centif, procureur), qui est tenue de se conformer auxdites réquisitions, dès qu'elle en a connaissance, quel que soit le moyen.
Les dossiers des prédations effectuées avec la complicité de fonctionnaires milliardaires, sont connus de tous et les rapports existent. Face à cela, le coude sera levé pour l’instruction des dossiers et l’exigence de rembourser les sommes détournées. Ceci explique en partie pourquoi les ordonnateurs de dépenses ont tout fait pour se soustraire à l’exercice de déclaration de patrimoine, se sachant protégés par un coude.
Les nouvelles lois de lutte contre la corruption qui devraient chercher à mieux sauvegarder et préserver les ressources et intérêts financiers de l’Etat, constituent la couche de trop, qui vient torpiller toutes les velléités de lutter efficacement contre ce fléau. Ces lois recèlent en elles-mêmes, les limites qui ne vont pas dans le sens d’une lutte efficace contre la corruption. Elles créent plutôt une confusion dans les rôles et prérogatives de l’OFNAC, à vouloir étendre ses prérogatives à l'enrichissement illicite, qui relevaient d’autres autorités d'enquête.
De la répression des actes de corruption
Ce que la proposition de loi déposée en juin 2022 avait demandé à l’ancien Président Macky Sall, était de permettre à l’Office de mettre en œuvre les mesures de répression. Dans son exposé des motifs, la loi devra permettre à l’OFNAC, dans le cadre de ses missions d’investigations, de procéder à des perquisitions et saisies de tous objets matériels ou immatériels ayant servi à la commission des faits…solliciter le juge d’instruction saisi, de procéder à des mesures de gel de biens, la confiscation des avoirs fonds et autres ressources détenus possédés ou contrôlés par toute personne contre qui existent des indices de commission des faits visés à l’article 2. Enfin, l’OFNAC peut se constituer partie civile pour les faits visés à l’article 2.
Au lieu de cela, la nouvelle loi propose de dessaisir tout procureur qui traiterait de faits de corruption et/ou d’enrichissement illicite !
La saisine de l’autorité judiciaire
En respect de la loi, l’OFNAC avait proposé, à l’issue de ses investigations, si les informations collectées et analysées font présumer l’existence de l’une des infractions visées à l’article 2, "de transmettre à l’autorité de poursuite compétente le rapport. Dès réception du rapport et des pièces, l’autorité saisie ordonne immédiatement les poursuites appropriées, en saisissant un juge d’instruction ou la juridiction de jugement compétente. A l’expiration d’un délai de six (6) mois sans aucune poursuite, l’OFNAC saisira directement le juge d’instruction d’une plainte de constitution de partie civile, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale".
Du traitement des récalcitrants a la déclaration de patrimoine
Le projet de loi relatif à l’encadrement de la déclaration de patrimoine avait prévu des sanctions. Ces sanctions ne verront cependant jamais le jour. En effet, l’inobservation de l’obligation de déclaration d’entrée en fonction ou de mise à jour, après mise en demeure de l’OFNAC, par exploit d’huissier restée sans suite au bout d’un mois, devrait entraîner les sanctions telle la retenue du ¼ de sa rémunération mensuelle, voire être démis de ses fonctions par l’autorité de nomination dans les 30 jours à compter de la notification par l’Office. Les fausses déclarations de patrimoine sont, elles, punies d’un emprisonnement de 6 mois à 3 ans.
Ce qui rejoint l’article 25 des dispositions pénales de la loi 2012-30 qui stipule que : "est puni d’une peine d’emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende, tout acte qui constitue une entrave à la mission de l’OFNAC, par suite d’une sommation, un refus de communiquer toute information ou tout document utile, dûment réclamé".
Un seul article de presse ne saurait retracer le recul extraordinaire constaté que subit le Sénégal, avec le vote en mode fast-track des lois 2024-06 et 2024-07, modifiant de fond en comble la lutte contre la corruption dans notre pays. Des lois promulguées et adoptées par l’Assemblée nationale, à 15 jours de la date prévue des élections présidentielles.
Conclusion
Sur quoi déboucheront ces mutations des exigences de redevabilité ? Il est difficile de le présager. Tout dépendra de la capacité des nouvelles autorités à répondre aux aspirations collectives, sur les plans de la reddition des comptes et d’une bonne gouvernance. Les nouvelles autorités n'auront d'autre choix que d'appliquer la loi. Macky Sall avait averti, en disant que « la CREI est pour l'ancienne équipe mais l’OFNAC est pour nous ». Le contrôle de la Déclaration de patrimoine pour la sortie est non seulement une exigence de la loi, mais aussi une demande sociale expresse des Sénégalais.
Il est temps que les dossiers de corruption et de détournements de deniers publics perpétrés depuis plus d’une décennie, sans impunité, soient réglés. La reddition des comptes n’est pas négociable. C’est une demande sociale. Enfin, la fameuse Stratégie nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) qui a fait l'objet d'un long processus consensuel, est oubliée dans les tiroirs, alors que l’OFNAC l'avait pilotée avec beaucoup d'enthousiasme. Tous les dossiers d'enquête doivent être exhumés et des juges d'instruction commis pour la poursuite de la procédure.
La veille citoyenne ne faiblira pas !
les fautes de gestion ne se regrettent pas, elles s’assument.
Mounirou Fall
Économiste,
Chef de projet.