En politique, il est toujours fascinant, de constater l’extraordinaire décalage entre les déclarations d’intention et les actes posés par les gouvernants.
Elu sur le thème de la rupture en 2012, le Président Macky Sall avait, entre autres, la noble mission de mettre le Sénégal sous les rails de la gouvernance sobre et vertueuse, selon ses propos.
Le rapport de l’ARMP (autorité de régulation des marchés publics) qui est le résultat d’audits menés par 5 cabinets entre 2013 et 2014, constitue donc un excellent baromètre pour apprécier, de visu, les engagements du pouvoir actuel, en termes de bonne gouvernance.
En vérité, la lecture des 164 pages dudit rapport suscite le choc et l’effroi :
• Entorse aux principes de la commande publique,
• Recours abusif aux marchés de gré à gré (en 2013, les ententes directes représentaient 71,97% des marchés passés par les 54 autorités contractantes auditées),
• Pratiques collusives et persistance des situations de conflits d’intérêts, en violation de l’article 40 du code des marchés publics,
• Recours systématique au fractionnement, permettant de contourner la procédure d’appel d’offre ouvert, en violation de l’article 54 du code des marchés publics sur la computation des seuils; avec comme conséquence, un nombre exponentiel de Demande de Renseignements de Prix (en 2014, les DRP constituaient + de 71% des marchés prévus),
• Incompétence des signataires frappant de nullité et d’irrégularité des centaines de DRP,
• Détournement de l’article 76 du code des marchés publics de son objet, pour se soustraire aux règles de mise en concurrence,
• Violation du principe d’intangibilité des offres et des règles en matière de passation d’avenants aux marchés publics,
• Violation par la personne responsable de marché, des obligations prévues par le code des marchés publics (art 88 du code des marchés publics), etc…
A vrai dire, la liste des infractions (loin d’être exhaustive) défie le bon sens et traduit une violation caractérisée des dispositions du code des marchés publics, faisant de certains acteurs, de véritables prédateurs des deniers publics. Plus globalement, ce condensé met à nu des pratiques illégales, aux antipodes d’une démarche sobre vertueuse.
Pour mieux comprendre les écarts des tenants du pouvoir actuel par rapport aux dispositions du code des marchés publics, il faut remonter en 2014. A l’époque, le Président de l’APR avait sonné la charge contre « le code des marchés publics » de 2011, institué par le décret 2011-1048 du 27 juillet 2011. Un code, qui, selon ses propos, était synonyme de « procédures excessives » et de lenteur dans la mise en œuvre de ses projets.
Il s’en est suivi une intense campagne pour « alléger » le code des marchés publics. Du moins officiellement. Pourtant, tous les spécialistes des marchés publics savaient que l’argument mis en avant, relatif aux « délais de procédure » ne résistait pas à l’examen des faits. Pour 2 raisons :
Primo, il appartient aux autorités contractantes de définir, bien en amont leurs besoins, par une programmation des achats (via le Plan de Passation des Marchés). Il est évident que le code des marchés publics (un outil au service de l’achat public) ne saurait pallier les défaillances ou manquements des autorités contractantes, dans le cadre de la planification de leurs achats.
Secundo, le code des marchés publics de 2011 prévoyait expressément au niveau de l’article 76, la possibilité de déroger à la procédure d’appel d’offre. L’alinéa de l’article 76 visé est libellé comme suit «…Il peut être passé par entente directe, après avis de la Direction centrale des marchés publics….. les marchés, pour lesquels l’urgence impérieuse, résultant de circonstances imprévisibles, irrésistibles et extérieurs à l’autorité, n’est pas compatible avec les
délais et le règles de forme exigés par la procédure d’appel d’offre ouvert ou restreint…».
On voit donc que la question des délais, un étendard brandi pour justifier l’allègement des procédures et l’instauration d’un nouveau code des marchés publics, ne s’est jamais posée, puisque le code de 2011 permettait déjà le recours à une procédure dérogatoire, sous certaines conditions bien précises (par exemple, lors de la survenance de catastrophes naturelles, il est tout à fait possible de raccourcir considérablement les délais).
Dans cette période (2014) marquée par une offensive, tous azimuts, contre le code des marchés, un membre de la société civile, Birahime Seck du Forum Civil, en l’occurrence, était l’un des rares à porter la voix. Voulu par le pouvoir, et publié au journal officiel N°6812 du 04 octobre 2014, le décret N°2014-1212 du 22 septembre 2014 (portant nouveau code des marchés publics et abrogation du code de 2011) était censé procéder à une refonte complète de la commande publique, avec un double objectif : alléger les procédures, et accroitre l’efficacité de l’achat public.
Paradoxalement, l’un des effets pervers de la réforme du code des marchés de 2014, réside dans la réduction du périmètre d’intervention de la Direction centrale des marchés publics (allégement du contrôle à priori), entraînant de facto son affaiblissement. Au prétexte d’une responsabilisation des autorités contractantes, dont le rapport de l’ARMP a démontré les limites en matière de gestion des deniers publics. Par une violation systématique de toutes les règles qui régissent l’achat public.
En réalité, l’allégement des procédures a toujours été considéré par certaines autorités contractantes comme une prime au laxisme, et un moyen pour certains hommes politiques véreux, de contourner les règles (grâce à l’absence de contrôle) et de s’enrichir illégalement, sur le dos du contribuable sénégalais. Sans coup férir. Un signal plus qu’inquiétant pour l’usage des deniers publics, d’un pays classé parmi les 25 les plus pauvres au monde, dont une partie de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les manquements listés dans le rapport de l’ARMP sont d’une extrême gravité et relèvent du code de procédure pénale (cf les articles 146, 147, 148 et 149 du chapitre VII du code des marchés de 2014), il appartient à la justice de sévir contre les prédateurs des temps modernes, sans foi, ni loi, coupables de « vol de deniers publics ». Tous les sénégalais se souviennent de la fameuse phrase prononcée par le Président de l’APR « je ne protégerais personne ». Attendons de voir !
Plus surprenant, une analyse comparée des codes des marchés 2011 et 2014, permet de constater un recul sur 2 points (au minimum):
1. Le relèvement considérable des seuils pour la procédure d’appel d’offre ouvert
Seuils 2011 Etat - Collectivité territoriale - Etablissements publics (en millions de F CFA)
Seuils 2014 Etat - Collectivité territoriale - Etablissements publics (en millions de F CFA)
Marchés de travaux : 25 000 000 Marchés de travaux : 70 000 000
Marchés de services et fournitures courantes : 15 000 000 Marchés de services et fournitures courantes : 50 000 000
Marchés de prestations intellectuelles : 25 000 000 Marchés de prestations intellectuelles : 50 000 000
Avec les données figurant dans le tableau comparatif, on perçoit davantage l’analyse contenue dans le rapport de l’ARMP, s’agissant du taux extrêmement élevé de DRP (+ 71% des marchés prévus en 2014).
En vérité, le relèvement « vertigineux » des seuils aura pour conséquence une hausse vertigineuse des procédures DRP (demandes de renseignements de Prix), dont il est à craindre qu’il perpétuera des pratiques collusives, en permettant à certaines autorités contractantes de se soustraire aux règles strictes de mise en concurrence imposées par la procédure d’appel d’offre ouvert, gage de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement et de transparence des procédures (les 3 principes moteurs de l’achat public). On peut le dire sans risque de se tromper : pour les procédures de DRP, le népotisme et l’opacité continueront à régner en maître.
2. L’introduction d’une nouvelle disposition dans le code 2014 relative aux offres spontanées
Là aussi, il s’agit d’une innovation introduite dans le code 2014, dont les motivations sont pour le moins suspectes. En
matière de marchés publics, le principe de base, préalable à tout achat public, concerne la définition du besoin. L’article 5 du code des marchés publics de 2014 précise « qu’avant tout appel à la concurrence, consultation ou négociation, l’autorité contractante est tenue de déterminer aussi exactement que possible la nature et l’étendue des besoins à satisfaire ». La notion d’offre spontanée (article 81) part du principe que l’autorité contractante peut donner suite à une offre d’un fournisseur, sur initiative de ce dernier, lorsqu’elle « présente un intérêt général manifeste ». En fait, la mise en œuvre d’une telle procédure est floue, incertaine, car elle ouvre la voie à toutes sortes de dérives (entente illicite en amont, corruption active ou passive, détournement de procédures, etc…). Au point que la banque mondiale ait jugé utile d’adresser une sévère mise en garde au gouvernement, à l’époque.
Au vu de tout ce qui précède, on peut sans conteste, affirmer que le Président de l’APR a raté le virage menant à « la gouvernance sobre et vertueuse ». Un des piliers du régime est pris en défaut.
En définitive, on peut retenir que le problème se situe moins au niveau du code des marchés (un bouc émissaire parfait) que des hommes. D’un point de vue formel, l’immense majorité des textes du Sénégal sont conformes aux standards internationaux. Cela dit, un texte en soi, n’a aucune valeur et ne peut être jugé qu’à l’aune de son application. La Constitution sénégalaise est calquée en grande partie, pour ne pas dire entièrement sur la Constitution française. Le code des marchés publics de sénégalais 2014, constitue une exacte réplique, à quelques nuances près, du code des marchés publics français de 2006. Deux textes similaires à tous points de vue, pour la France et le Sénégal ; mais des pratiques diamétralement opposées en Hexagone et au pays de la Téranga. Il y a là quelque chose qui déconcerte profondément et qui échappe à la rationalité humaine. Ultime paradoxe : le Ministère Chargé de la promotion de la bonne gouvernance est épinglé dans le rapport (cf page 44).
Dans un article récent intitulé « Mal gouvernance et impunité : deux plaies béantes qui laissent de marbre nos « Assisards » de la Mouvance présidentielle », Mody Niang, connu pour son opposition farouche au régime de Wade concluait son analyse par cette formule « …les nouveaux tenants du pouvoir se signalent par des actes qui sont aux antipodes de la bonne gouvernance. Le dernier rapport de l’ARMP l’illustre parfaitement. Ils continueront sûrement le massacre, puisque personne ne dit pratiquement plus rien : ni le Président de la République, ni nos « Assisards » de la mouvance présidentielle, ni certains rescapés de la Société civile qui sont de moins en moins audibles ». Si le diagnostic est vrai, il existe des raisons qui expliquent que la démocratie sénégalaise soit actuellement en veille. Momentanément. Car, toute l’histoire de la démocratie sénégalaise prouve qu’elle est capable de gravir de nouvelles marches, y compris, au détriment des gouvernants.
Seybani SOUGOU
E-mail : sougouparis@yahoo.fr
Elu sur le thème de la rupture en 2012, le Président Macky Sall avait, entre autres, la noble mission de mettre le Sénégal sous les rails de la gouvernance sobre et vertueuse, selon ses propos.
Le rapport de l’ARMP (autorité de régulation des marchés publics) qui est le résultat d’audits menés par 5 cabinets entre 2013 et 2014, constitue donc un excellent baromètre pour apprécier, de visu, les engagements du pouvoir actuel, en termes de bonne gouvernance.
En vérité, la lecture des 164 pages dudit rapport suscite le choc et l’effroi :
• Entorse aux principes de la commande publique,
• Recours abusif aux marchés de gré à gré (en 2013, les ententes directes représentaient 71,97% des marchés passés par les 54 autorités contractantes auditées),
• Pratiques collusives et persistance des situations de conflits d’intérêts, en violation de l’article 40 du code des marchés publics,
• Recours systématique au fractionnement, permettant de contourner la procédure d’appel d’offre ouvert, en violation de l’article 54 du code des marchés publics sur la computation des seuils; avec comme conséquence, un nombre exponentiel de Demande de Renseignements de Prix (en 2014, les DRP constituaient + de 71% des marchés prévus),
• Incompétence des signataires frappant de nullité et d’irrégularité des centaines de DRP,
• Détournement de l’article 76 du code des marchés publics de son objet, pour se soustraire aux règles de mise en concurrence,
• Violation du principe d’intangibilité des offres et des règles en matière de passation d’avenants aux marchés publics,
• Violation par la personne responsable de marché, des obligations prévues par le code des marchés publics (art 88 du code des marchés publics), etc…
A vrai dire, la liste des infractions (loin d’être exhaustive) défie le bon sens et traduit une violation caractérisée des dispositions du code des marchés publics, faisant de certains acteurs, de véritables prédateurs des deniers publics. Plus globalement, ce condensé met à nu des pratiques illégales, aux antipodes d’une démarche sobre vertueuse.
Pour mieux comprendre les écarts des tenants du pouvoir actuel par rapport aux dispositions du code des marchés publics, il faut remonter en 2014. A l’époque, le Président de l’APR avait sonné la charge contre « le code des marchés publics » de 2011, institué par le décret 2011-1048 du 27 juillet 2011. Un code, qui, selon ses propos, était synonyme de « procédures excessives » et de lenteur dans la mise en œuvre de ses projets.
Il s’en est suivi une intense campagne pour « alléger » le code des marchés publics. Du moins officiellement. Pourtant, tous les spécialistes des marchés publics savaient que l’argument mis en avant, relatif aux « délais de procédure » ne résistait pas à l’examen des faits. Pour 2 raisons :
Primo, il appartient aux autorités contractantes de définir, bien en amont leurs besoins, par une programmation des achats (via le Plan de Passation des Marchés). Il est évident que le code des marchés publics (un outil au service de l’achat public) ne saurait pallier les défaillances ou manquements des autorités contractantes, dans le cadre de la planification de leurs achats.
Secundo, le code des marchés publics de 2011 prévoyait expressément au niveau de l’article 76, la possibilité de déroger à la procédure d’appel d’offre. L’alinéa de l’article 76 visé est libellé comme suit «…Il peut être passé par entente directe, après avis de la Direction centrale des marchés publics….. les marchés, pour lesquels l’urgence impérieuse, résultant de circonstances imprévisibles, irrésistibles et extérieurs à l’autorité, n’est pas compatible avec les
délais et le règles de forme exigés par la procédure d’appel d’offre ouvert ou restreint…».
On voit donc que la question des délais, un étendard brandi pour justifier l’allègement des procédures et l’instauration d’un nouveau code des marchés publics, ne s’est jamais posée, puisque le code de 2011 permettait déjà le recours à une procédure dérogatoire, sous certaines conditions bien précises (par exemple, lors de la survenance de catastrophes naturelles, il est tout à fait possible de raccourcir considérablement les délais).
Dans cette période (2014) marquée par une offensive, tous azimuts, contre le code des marchés, un membre de la société civile, Birahime Seck du Forum Civil, en l’occurrence, était l’un des rares à porter la voix. Voulu par le pouvoir, et publié au journal officiel N°6812 du 04 octobre 2014, le décret N°2014-1212 du 22 septembre 2014 (portant nouveau code des marchés publics et abrogation du code de 2011) était censé procéder à une refonte complète de la commande publique, avec un double objectif : alléger les procédures, et accroitre l’efficacité de l’achat public.
Paradoxalement, l’un des effets pervers de la réforme du code des marchés de 2014, réside dans la réduction du périmètre d’intervention de la Direction centrale des marchés publics (allégement du contrôle à priori), entraînant de facto son affaiblissement. Au prétexte d’une responsabilisation des autorités contractantes, dont le rapport de l’ARMP a démontré les limites en matière de gestion des deniers publics. Par une violation systématique de toutes les règles qui régissent l’achat public.
En réalité, l’allégement des procédures a toujours été considéré par certaines autorités contractantes comme une prime au laxisme, et un moyen pour certains hommes politiques véreux, de contourner les règles (grâce à l’absence de contrôle) et de s’enrichir illégalement, sur le dos du contribuable sénégalais. Sans coup férir. Un signal plus qu’inquiétant pour l’usage des deniers publics, d’un pays classé parmi les 25 les plus pauvres au monde, dont une partie de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Les manquements listés dans le rapport de l’ARMP sont d’une extrême gravité et relèvent du code de procédure pénale (cf les articles 146, 147, 148 et 149 du chapitre VII du code des marchés de 2014), il appartient à la justice de sévir contre les prédateurs des temps modernes, sans foi, ni loi, coupables de « vol de deniers publics ». Tous les sénégalais se souviennent de la fameuse phrase prononcée par le Président de l’APR « je ne protégerais personne ». Attendons de voir !
Plus surprenant, une analyse comparée des codes des marchés 2011 et 2014, permet de constater un recul sur 2 points (au minimum):
1. Le relèvement considérable des seuils pour la procédure d’appel d’offre ouvert
Seuils 2011 Etat - Collectivité territoriale - Etablissements publics (en millions de F CFA)
Seuils 2014 Etat - Collectivité territoriale - Etablissements publics (en millions de F CFA)
Marchés de travaux : 25 000 000 Marchés de travaux : 70 000 000
Marchés de services et fournitures courantes : 15 000 000 Marchés de services et fournitures courantes : 50 000 000
Marchés de prestations intellectuelles : 25 000 000 Marchés de prestations intellectuelles : 50 000 000
Avec les données figurant dans le tableau comparatif, on perçoit davantage l’analyse contenue dans le rapport de l’ARMP, s’agissant du taux extrêmement élevé de DRP (+ 71% des marchés prévus en 2014).
En vérité, le relèvement « vertigineux » des seuils aura pour conséquence une hausse vertigineuse des procédures DRP (demandes de renseignements de Prix), dont il est à craindre qu’il perpétuera des pratiques collusives, en permettant à certaines autorités contractantes de se soustraire aux règles strictes de mise en concurrence imposées par la procédure d’appel d’offre ouvert, gage de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement et de transparence des procédures (les 3 principes moteurs de l’achat public). On peut le dire sans risque de se tromper : pour les procédures de DRP, le népotisme et l’opacité continueront à régner en maître.
2. L’introduction d’une nouvelle disposition dans le code 2014 relative aux offres spontanées
Là aussi, il s’agit d’une innovation introduite dans le code 2014, dont les motivations sont pour le moins suspectes. En
matière de marchés publics, le principe de base, préalable à tout achat public, concerne la définition du besoin. L’article 5 du code des marchés publics de 2014 précise « qu’avant tout appel à la concurrence, consultation ou négociation, l’autorité contractante est tenue de déterminer aussi exactement que possible la nature et l’étendue des besoins à satisfaire ». La notion d’offre spontanée (article 81) part du principe que l’autorité contractante peut donner suite à une offre d’un fournisseur, sur initiative de ce dernier, lorsqu’elle « présente un intérêt général manifeste ». En fait, la mise en œuvre d’une telle procédure est floue, incertaine, car elle ouvre la voie à toutes sortes de dérives (entente illicite en amont, corruption active ou passive, détournement de procédures, etc…). Au point que la banque mondiale ait jugé utile d’adresser une sévère mise en garde au gouvernement, à l’époque.
Au vu de tout ce qui précède, on peut sans conteste, affirmer que le Président de l’APR a raté le virage menant à « la gouvernance sobre et vertueuse ». Un des piliers du régime est pris en défaut.
En définitive, on peut retenir que le problème se situe moins au niveau du code des marchés (un bouc émissaire parfait) que des hommes. D’un point de vue formel, l’immense majorité des textes du Sénégal sont conformes aux standards internationaux. Cela dit, un texte en soi, n’a aucune valeur et ne peut être jugé qu’à l’aune de son application. La Constitution sénégalaise est calquée en grande partie, pour ne pas dire entièrement sur la Constitution française. Le code des marchés publics de sénégalais 2014, constitue une exacte réplique, à quelques nuances près, du code des marchés publics français de 2006. Deux textes similaires à tous points de vue, pour la France et le Sénégal ; mais des pratiques diamétralement opposées en Hexagone et au pays de la Téranga. Il y a là quelque chose qui déconcerte profondément et qui échappe à la rationalité humaine. Ultime paradoxe : le Ministère Chargé de la promotion de la bonne gouvernance est épinglé dans le rapport (cf page 44).
Dans un article récent intitulé « Mal gouvernance et impunité : deux plaies béantes qui laissent de marbre nos « Assisards » de la Mouvance présidentielle », Mody Niang, connu pour son opposition farouche au régime de Wade concluait son analyse par cette formule « …les nouveaux tenants du pouvoir se signalent par des actes qui sont aux antipodes de la bonne gouvernance. Le dernier rapport de l’ARMP l’illustre parfaitement. Ils continueront sûrement le massacre, puisque personne ne dit pratiquement plus rien : ni le Président de la République, ni nos « Assisards » de la mouvance présidentielle, ni certains rescapés de la Société civile qui sont de moins en moins audibles ». Si le diagnostic est vrai, il existe des raisons qui expliquent que la démocratie sénégalaise soit actuellement en veille. Momentanément. Car, toute l’histoire de la démocratie sénégalaise prouve qu’elle est capable de gravir de nouvelles marches, y compris, au détriment des gouvernants.
Seybani SOUGOU
E-mail : sougouparis@yahoo.fr